Du côté des idiots xénophobes, avant qu’il ne soit trop tard


Par Francisco Erspamer – Le 12 septembre 2015 – Source Sinistra in rete

Les résultats d’une enquête de Public Policy Polling, diffusés mardi [8 septembre], montrent que les deux tiers des partisans de Donald Trump (d’ailleurs le moins pire des candidats conservateurs à la présidence) croient qu’Obama est musulman et qu’il n’est pas né aux États-Unis. Du reste, un sondage repris par The Nation cette semaine révèle que 29% des républicains de Louisiane attribuent à Obama la responsabilité des retards de la protection civile fédérale après l’ouragan Katrina, bien qu’à l’époque (il y a dix ans), le président fût George W. Bush, et Obama simple sénateur de l’Illinois, État bien éloigné de la Nouvelle Orléans.

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L’impunité, équivalent fonctionnel du génocide : l’effondrement des institutions sociales

Par Norman Pollack – Le 7 septembre 2015 – Source CounterPunch

Cliff Palace, vestiges d’un site anasazi dans le parc national de Mesa Verde. Colorado. USA

Le terrifiant problème des réfugiés que nous voyons aujourd’hui, qui rappelle tellement les mouvements de populations pendant la Seconde Guerre mondiale, proches de l’Holocauste lui-même dans les annales de l’histoire des crimes contre l’humanité, et auquel ils ont été ensuite reliés, reste, à notre époque, sous l’écran radar moral, quelque chose de quasiment inévitable, sans solution, seulement quelque chose qui arrive. Voilà à quel point le monde est devenu blasé. Des épaves humaines, voilà tout ; l’humanité, comme principe organisateur central de la vie, empuantit les narines fragiles de nations préoccupées par d’autres futilités. Voilà ce que je veux dire en parlant d’effondrement des institutions sociales, sans contre-feu ni fil directeur – où est l’ONU par exemple ou toute autre alternative appropriée, si c’est encore possible? – pour empêcher l’humanité de sombrer dans un trou noir, où règne le vide d’un pouvoir qui a renoncé à sa responsabilité globale sur la vie et la dignité des gens.

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Gribouille über alles


Panique à bord de l’UE, le vaisseau amiral Angela Merkel provoque une inondation d’immigrants puis construit des digues de toute urgence


Moon of Alabama

Moon of Alabama

Le 13 septembre 2015 – Source Moon of Alabama

La chancelière allemande Angela Merkel a essayé de se faire bien voir de ses amis néolibéraux, des grandes entreprises et des donateurs en ouvrant brusquement sa frontière aux réfugiés de toutes sortes, même à ceux qui viennent de pays sûrs. Ces migrants devaient contribuer à faire baisser les salaires allemands qui, après des années de croissance zéro, ont lentement commencé à augmenter à nouveau.

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Dites adieu à l’ancienne normalité : avoir toujours Plus de tout, c’est fini

Par James Howard Kunstler – Le 31 août 2015 – Source kunstler.com

Les secousses qui agitent les marchés ne sont pas exactement ce qu’elles paraissent. Un paradigme prévaut que ces mouvements représentent une sorte de péristaltisme financier – le fonctionnement ondulatoire régulier du progrès permanent vers un épique plus de tout, en particulier des bénéfices! Vous pouvez oublier les cycles supposés normaux de l’arrangement techno-industriel, ce qui signifie, en particulier, le cycle standard des affaires enseigné dans les manuels d’économie. Ces cycles agonisent.

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Youth, le film : toute l’Europe n’est qu’un spa pour pays sortis de l’Histoire.


Par Rosa Llorens – Le 9 septembre 2015

«Sorrentino est vulgaire, il est arrogant» : ces critiques (qui sont celles par exemple de J. Mandelbaum, dans Le Monde), Sorrentino s’en moque en les faisant répéter par son héros porte-parole, le chef d’orchestre retraité, mais au faîte de sa gloire, Fred Ballinger. Et quand bien même elles seraient justifiées, qu’est-ce que ça peut faire?

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Le départ d’Abbas changera-t-il quelque chose ?


Par Nadia Hijab et Alaa Tartir – Le 5 septembre 2015 – Source Ma’an News

AFP

Le Conseil national palestinien (CNP) doit se réunir ce mois-ci pour la première fois depuis 2009 pour accepter la démission de Mahmoud Abbas du poste de président de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), avec plus de la moitié des 18 membres du Comité. Le PNC a bien sûr la possibilité de rejeter tout ou partie de la démission et, en tout cas, Abbas gardera plusieurs autres casquettes : il restera le chef de l’État, le président de l’Autorité palestinienne, le commandant en chef et le chef du parti Fatah. De plus, tous ceux qui ont démissionné sont libres de se représenter.

Les Palestiniens, qu’ils résident dans leur pays ou qu’ils soient en exil, ne savent pas s’ils doivent rire ou pleurer devant ce spectacle qui pourrait annoncer un processus de succession. Abbas, qui a 80 ans, semble avoir choisi Saeb Erekat, qui a lui-même un lourd record de démissions, pour s’occuper de la communauté internationale, et le chef du renseignement Majid Faraj pour contrôler les affaires intérieures.

Les documents palestiniens ont révélé qu’Erekat s’était plié en quatre pour satisfaire Israël, au point de largement abandonner le droit au retour des réfugiés dans leurs foyers et leurs terres. Quant à Faraj, il a stabilisé la Cisjordanie d’une main de fer et il supervise la haïssable collaboration sécuritaire avec Israël qui maintient les Palestiniens sous le joug de l’occupation. Quel que soit le Comité exécutif qui est élu (ou réélu) par la PNC, il est peu probable qu’il aura beaucoup d’influence dans ces domaines.

Où tout cela laisse-t-il le peuple palestinien dans sa quête de justice et de droits humains? Le paysage est sombre, même s’il y a quelques lueurs d’espoir.

Sur le front politique, le fossé entre les deux principales factions palestiniennes, le Fatah et le Hamas, se creuse de jour en jour. Le bruit court que le Hamas, qui n’est pas représenté au PNC, négocie un cessez-le feu à long terme avec Israël en dépit des démentis.

Au sein du Fatah lui-même, il y une lutte acharnée pour les plus hauts postes à l’approche de la septième assemblée générale prévue en novembre. On peut même craindre que les rivalités ne gagnent les rues et que les Palestiniens de Cisjordanie ne se retrouvent à se satisfaire d’un homme fort comme Faraj pour de simples raisons de sécurité.

Ces conflits internes handicapent la direction palestinienne et la rendent encore plus incapable de régler les nombreux problèmes rencontrés par les réfugiés palestiniens dans les pays arabes. Les réfugiés palestiniens de Syrie ne sont pas protégés par le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) et ne peuvent compter que sur ce que l’impécunieux Office de secours et de travaux des Nations unies (UNRWA) peut leur fournir. Les réfugiés palestiniens dans le camp de Ain Al-Hilweh, le plus grand du Liban, fuient les combats acharnés entre le Fatah et un groupe islamiste.

Le désarroi politique des Palestiniens dont Abbas a la charge laisse la voie libre à Israël pour poursuivre sa colonisation incessante de la terre palestinienne. Le vol de terre par les colons juifs et la destruction de secteurs palestiniens sont coutumiers. Israël n’a aucun mal à balayer les protestations de l’Union européenne et des États-Unis.

La nomination de Danny Danon pour représenter Israël à l’Organisation des Nations Unies montre bien que l’extrême-droite gouvernementale israélienne se moque bien de ce que peut dire la communauté internationale. Danon prône l’annexion de «la plus grande partie» de la Cisjordanie «avec le minimum de Palestiniens».

Il est difficile de voir quelle différence le plan de succession d’Abbas fera pour la protection des Palestiniens ou l’exercice de leurs droits. Les Palestiniens ont fait beaucoup de sacrifices pour que l’OLP soit reconnue comme leur seul représentant légitime. La légitimité de l’OLP, cependant, a été sérieusement ébranlée depuis que Yasser Arafat a signé les accords d’Oslo avec Israël. Sous le mandat de M. Abbas, la représentativité de l’OLP s’est réduite à des enclaves disloqués en Cisjordanie, où les forces de sécurité de l’Autorité palestinienne ont servi de sous-traitant à Israël et favorisé son projet de colonisation illégale.

Il y a néanmoins quelques lueurs d’espoir. Les citoyens palestiniens d’Israël en offrent une. La façon dont ils ont surmonté leurs différences pour devenir le troisième plus grand parti aux élections israéliennes de mars dernier sous un leadership intelligent, sage et unifié devrait être un modèle pour le reste du peuple palestinien.

La société civile palestinienne en offre une autre : elle s’est relevée encore et encore de ses cendres avec détermination et créativité. Le Boycott Désinvestissement et Sanctions (BDS) palestinien, qui a été institué il y a 10 ans, a contribué à consolider et à développer les actions dispersées de boycott et de désinvestissement aux États-Unis et en Europe. Il a mis les partisans d’Israël aux États-Unis sur la défensive et les a forcés à dépenser des millions pour contrer la lutte non violente des Palestiniens pour leurs droits.

Pourtant, il y a des limites à ce que la société civile peut faire. À l’heure actuelle, elle est assez forte pour contribuer à empêcher que les droits des Palestiniens ne soient laminés dans un accord avec Israël. Plus important encore, elle peut garder la flamme allumée jusqu’à ce qu’il y ait un renouveau significatif du corps politique. Les Palestiniens savent que, plus que toute autre chose, ils doivent recréer des institutions représentatives qui englobent Gaza assiégée et martyrisée et la Cisjordanie, les réfugiés dispersés à travers le monde arabe et les exilés désireux de rentrer à la maison.

Nadia Hijab et Alaa Tartir sont, respectivement, directeur exécutif et directeur de programme d’Al-Shabaka : Le Réseau politique palestinien.

Traduction : Dominique Muselet

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Le dernier cessez-le-feu en Ukraine : ni guerre, ni paix


L’annonce d’un cessez-le-feu n’indique pas la fin du conflit ukrainien mais un gouvernement faible, incapable et peu désireux de faire la paix, et également incapable d’attaquer en raison de la faiblesse de son armée et de l’opposition de ses soutiens occidentaux.


Alexander Mercouris

Alexander Mercouris

Par Alexander Mercouris – Le 7 septembre 2015 – Source Russia Insider

Depuis l’annonce d’un cessez-le-feu à partir du 1er septembre 2015, l’Ukraine a joui de sa première période de paix (relative) depuis le lancement de ce que le gouvernement ukrainien a appelé une opération anti-terroriste en avril 2014.

Pour la première fois, des reportages parlent d’un réel arrêt des bombardements sur Donetsk.

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Une police européenne plus effrayante que les terroristes d’EI

Finian Cunningham

Finian Cunningham

Par Finian Cunningham – Le 31 août 2015 – Source Strategic Culture

Dans ce qui est décrit comme la pire crise des réfugiés en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale, des dizaines de milliers de migrants désespérés déferlent aux frontières de l’UE. Ils ont risqué leurs vies pour y arriver et cela seulement pour être attaqués par la police des frontières de l’UE, ou être la cible de manifestations de rue racistes. Bienvenue en Europe!

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Que faire s’il n’y a plus de guerre ? Ou le second référendum à Donetsk

Par Rostislav Ichtchenko – Le 3 septembre 2015 – Source thesaker.is

Un politicien sensé respecte toujours son adversaire et suppose que si quelque chose lui semble évident (à lui, le politicien sensé), son adversaire a tenu compte de cette possibilité et, si cette option n’est pas souhaitable pour lui (l’adversaire), il recherche (ou a éventuellement déjà trouvé) une solution alternative non évidente. Les Américains ont perdu plusieurs rounds géopolitiques contre la Russie pour la simple raison qu’ils ont cru avoir considéré toutes les options possibles et qu’ils forçaient Moscou à choisir entre le mauvais et le très mauvais, tandis que Poutine a réussi à trouver un troisième coup que Washington n’avait pas anticipé.

Les dirigeants russes, comprenant que le sort du pays est en jeu, essaient de prendre en compte tous les développements possibles et agissent prudemment, en ayant préparé un contre mouvement à chaque mouvement de leurs adversaires. De plus, Moscou prépare le jeu à l’avance ce qui met Washington en zeitnot [à court de temps, NdT] et le force à improviser aveuglément lorsqu’il réagit à la stratégie bien préparée de ses adversaires.

Les alarmistes de l’intérieur, dans leur ambition et leur inadéquation, expliquent souvent très simplement leurs griefs à l’égard des autorités : je ne comprends pas ce qu’ils font, ce qui signifie qu’ils ont tort. Cependant, même les défaitistes posent parfois des questions sensées. En voici une: «Supposons que Moscou et Donetsk croient qu’ils ont piégé Kiev dans les accords de Minsk et qu’ils attendent que la junte attaque, qu’elle se discrédite ainsi aux yeux de l’Europe et sape la capacité des États-Unis à mobiliser l’Union européenne pour soutenir leur politique ukrainienne. Kiev et Washington doivent cependant avoir anticipé ce scénario. Qu’arrive-t-il s’ils n’attaquent pas, mais restent sur leurs positions et continuent à bombarder les villes du Donbass comme ils l’ont fait depuis presque un an?»

Les alarmistes trouvent peu convaincant l’argument selon lequel ni Kiev ni Washington n’ont le temps et les ressources (en particulier avec l’arrivée de la nouvelle vague de crise systémique mondiale, ce qui peut éliminer l’ancien ordre mondial en même temps que l’hégémon affaibli) pour prolonger indéfiniment une situation qui ne débouche sur aucun résultat positif. Le point de vue des alarmistes est sensé : empiriquement, ce modèle ne peut être vérifié que si la situation évolue, tandis qu’il n’y a pas de limite aux modèles théoriques qui peuvent être construits. Sans oublier que l’histoire démontre souvent que le décalage d’une année est habituel (certains événements, comme le coup d’État en Ukraine, étaient supposés se produire plus tard, tandis que d’autres événements étaient supposés arriver plus tôt).

Par conséquent, si Washington décide de remettre à plus tard et révoque son ordre de marche à Kiev, il est nécessaire d’avoir un plan de rechange qui permettrait à la Russie de gagner le jeu politique dans la guerre de position.

Je crois que nous pouvons deviner les éléments clés de ce plan. Au moins, la séquence des événements ces six derniers mois suggère que ce n’était pas une série de réponses mais une stratégie planifiée. Ou, même si les premières réponses étaient contraintes par la situation, un certain système a émergé à la fin de l’été 2014. D’une manière ou d’une autre, nous n’observons aujourd’hui pas uniquement des réactions des autorités russes aux événements, mais plutôt une création de mécanismes pour diriger ces événements.

Qu’est-ce que je veux dire par là?

Premièrement, en résultat du blocus ukrainien sur le Donbass, les liens économiques des Républiques populaire de Lougansk et du Donbass se sont réorientés vers la Russie (même s’ils passaient, techniquement, par l’Ossétie du Sud).

Deuxièmement, en raison du blocus financier de l’Ukraine, les Républiques ont introduit un système à devises multiples (hryvna/rouble/dollar US), amenant les territoires non contrôlés par Kiev dans la zone du rouble russe, ce qui représente plus de 80% des transactions en argent liquide.

Troisièmement, à cause du blocus administratif par l’Ukraine, les Républiques ont essayé d’introduire leurs propres documents d’identification. Mais comme les RPL/RPD ne sont pas reconnues internationalement, ces documents d’identité n’ont pas de statut légal, même en Russie. Après cela, le projet a émergé de donner des passeports russes aux habitants du Donbass.

Quatrièmement, dans les derniers jours d’août, les médias russes ont commencé à discuter de la possibilité d’un référendum au Donbass dès cet automne à propos de son unification avec la Russie.

Alors que les deux premiers points auraient pu être une réaction forcée par la situation, offrir des passeports russes est une décision politique. En reconnaissant les résidents des Républiques de Lougansk et Donetsk comme des citoyens russes, les autorités prennent une grave responsabilité. La Russie a l’obligation de protéger ses citoyens indépendamment de leur lieu de résidence, peu importe comment et quand ils ont obtenu la citoyenneté, par naissance il y a 20 ans, ou hier seulement en renonçant à leur citoyenneté ukrainienne. Il est clair que des millions de résidents du Donbass ne le quitteront pas pour la Russie. La moitié est déjà partie et certains reviennent déjà. Par conséquent, la Russie devra protéger ses citoyens là où ils vivent, dans les Républiques populaires de Lougansk et Donetsk.

Comme pour la plupart d’entre eux, leur passeport russe sera l’unique document leur permettant de sortir du minuscule territoire contrôlé par la milice du Donbass, il est facile de deviner que la majorité des résidents du Donbass obtiendrait des passeports russes. Qui plus est, selon le Service d’immigration russe, plus d’un million de gens ont déjà émigré d’Ukraine (la plupart du Donbass) en Russie. Beaucoup d’entre eux utiliseront aussi la possibilité d’obtenir la nationalité russe au Donbass. Pendant une brève période, le Donbass pourrait avoir plus de citoyens russes que l’Abkhazie, l’Ossétie du Sud ou la Transnistrie. A ce stade, un nouveau problème surgira. Lorsque le régime de Kiev assassine ses propres citoyens, ce n’est pas bien, mais cela reste son affaire interne (du moins les États-Unis le considèrent-ils comme ça, contrairement à d’autres cas comme la Libye), mais lorsqu’ils commencent à assassiner des citoyens russes, la Constitution impose aux autorités russes de les protéger. La différence entre la bonne volonté et la loi est immense.

Enfin, l’aspect le plus important. Même avant que les passeports russes soient délivrés en masse, les RPL/RPD ont fait fuiter l’info (sinon, comment les médias auraient-ils pu l’obtenir?), que juste après les élections d’octobre (c’est-à-dire en novembre-décembre, cette année), ils projettent un référendum sur le fait que les RPL/RPD rejoignent la Russie.

Qu’est-ce qui est si important là dedans? L’information sur les plans est sortie et a été diffusée avant leur mise en œuvre. Par conséquent, le Kremlin voulait que nos amis et partenaires le sachent et en tiennent compte dans leurs projets. En fait, on leur a dit: «Si vous n’attaquez pas à la fin de septembre, nous donnerons des passeports russes aux gens, puis nous organiserons un référendum où les citoyens russes voteront pour rejoindre la Russie. Alors nous vous parlerons dans une situation politique très différente.»

Surtout, aussi bien Kiev que Washington savent que les passeports seront remis et qu’un référendum aura lieu. Ensuite, comme en Abkhazie et en Crimée, la Russie citera le précédent du Kosovo et la volonté du peuple. Et personne ne serait en position de tirer, parce qu’ils devraient tirer sur le territoire qu’une puissance nucléaire a proclamé être le sien. Et tirer sur ses citoyens. Et cela aurait des conséquences désastreuses. Certains pourraient dire que les États-Unis et l’Ukraine sont prêts à céder le Donbass et seraient heureux de le faire. En fait, ce n’est pas le cas. Les États-Unis ont besoin de la guerre, pas de la paix, mais seulement d’une guerre où la Russie est l’agresseur. Donc les États-Unis ne laisseraient pas Kiev céder le Donbass par des négociations pacifiques, mais essaieront de faire en sorte que Kiev provoque la Russie. Supposons toutefois que ceux qui croient dans la possibilité que l’Ukraine cède le Donbass ont raison.

Eh bien – elle ne pourra pas le céder.

Premièrement, le référendum ne sera pas contraignant pour la Russie. Moscou peut penser aussi longtemps qu’il veut, utilisant le référendum pour renforcer sa position de négociation, répétant le leitmotiv officiel sur l’intégrité territoriale de l’Ukraine, mais insinuant que depuis mars 2014 la situation a considérablement changé au désavantage de Kiev, si bien que les demandes à Kiev ont augmenté (en fait, Kiev ne pouvait pas remplir ses obligations même avant ça).

Deuxièmement, les autorités des RPL/RPD n’ont pas défini les limites territoriales de leur autorité. Dans certains cas, elles ont parlé de la totalité des régions de Donetsk et Lugansk. En même temps, le Parlement de Novorussie et les dirigeants des Républiques populaires parlent parfois de la libération de toute la Novorussie comme étant leur but. Qu’est-ce que la Novorussie? La plus grande partie inclut huit régions du sud et de l’est de l’Ukraine (Odessa, Nikolaev, Kherson, Zaporijia, Dniepropetrovsk, Kharkov, Donetsk et Lugansk). Certains y ajoutent la région de Kirovograd. Certains donnent le nom de Slobozhanschina aux régions de Kharkov et Sumy, et considèrent le Donbass comme une région séparée. Le résultat est que les limites de la Novorussie sont incertaines et peuvent être étendues ou réduites à volonté.

Troisièmement, Zaharchenko a promis à plusieurs reprises que les combattants de la liberté atteindraient Kiev et Lvov. Par ailleurs, c’est une promesse raisonnable, car la guerre ne peut s’arrêter tant que les fascistes ne sont pas vaincus dans leur pays d’origine.

Ainsi, la question des pouvoirs des gouvernements des RPL/RPD et du Parlement de Novorussie ne sont pas définis et peuvent aussi bien recouvrir certaines parties des régions de Lugansk et Donetsk, comme dit Kiev, que l’ensemble de l’Ukraine. De manière générale, les pouvoirs des participants dans la guerre civile seront définis par les capacités de leurs armées.

Il s’ensuit que Kiev pourrait être incapable de déclarer les lignes de front actuelles comme frontières. La reconnaissance de l’indépendance du Donbass par Kiev ouvre sur la perspective que le Donbass rejoigne la Russie. Donc la lutte qui a duré un an et demi prend tout son sens. Résultat, la résistance à la junte pourrait croître à Kharkov, Odessa et dans d’autres villes de Novorussie. Kiev ne sera pas en mesure de former une nouvelle armée et de la lancer contre ces régions. Les troupes potentielles se rappelleraient qu’elles ont combattu pendant un an et demi contre les RPL/RPD et qu’ensuite Kiev a signé un accord de paix à des conditions pires que celles qui lui étaient offertes en mars 2014 lorsque le Donbass voulait seulement la fédéralisation de l’Ukraine.

Ainsi, Kiev ne peut pas céder volontairement le Donbass sans mettre en péril sa propre survie.

Au fond, Moscou démontre à Washington qu’il est prêt pour la nouvelle escalade au Donbass et a l’intention de faire quelque chose de terrible à Kiev (les menaces étaient si claires que Merkel et Hollande s’en sont alarmés et ont appelé Porochenko à Berlin pour le convaincre de ne pas prendre ce risque). La Russie démontre aussi que même dans la situation de ni guerre ni paix, elle est prête à forcer Kiev à choisir la paix avec des concessions dont l’ampleur n’est pas claire.

Maintenant, Washington doit choisir entre deux maux. Il peut prendre des risques et, malgré les protestations de ses alliés européens, ce qui peut devenir hors contrôle, pousser à l’agression de Kiev sur le Donbass, ce qui enterrerait Minsk et priverait l’Union européenne d’arguments dans son dialogue avec Moscou. Il peut aussi rester assis et attendre pendant que Moscou, utilisant les accords de Minsk comme couverture, sans se presser, avec un plaisir visible et tout le temps qu’il juge adéquat, digère l’Ukraine (en partant du Donbass, mais ne s’arrêtant pas là). Pendant ce temps, Washington devrait payer pour le régime totalement inutile à Kiev jusqu’à ce que Moscou soit prêt à y mettre fin.

En tout cas, même l’info sur le désir des RPL/RPD de tenir un référendum sur le ralliement à la Russie accroît la marge de manœuvre politique et diplomatique russe. Si les référendums avaient lieu, les positions russes dans la crise ukrainienne deviendraient inattaquables. En général, les mesures actuellement prises et prévues au Donbass suggèrent qu’avec quelque retard et beaucoup plus de pertes, le Donbass suivra la Crimée, tout en créant les conditions pour que plusieurs autres régions temporairement ukrainiennes lui emboîtent le pas. Pourtant, comme ce scénario serait trop bon pour la Russie, lui permettant de diviser et de configurer l’Ukraine comme elle le désire, je crois que les États-Unis miseront sur la guerre. Entre autres choses, cela pourrait conduire les États-Unis à prendre une position active et à tenter de retirer l’initiative des mains de la Russie. Il n’est pas encore clair si les États-Unis lanceront une guerre spécifiquement au Donbass. Washington peut choisir une troisième option et déclencher une guerre totale sur le territoire contrôlé par le régime de Kiev.

Évidemment, cette option conduirait à la disparition de la junte, à la fragmentation de l’Ukraine et au rapprochement entre la Russie et l’Union européenne pour résoudre un problème commun de pacification des nazis ukrainiens. Cela permettrait à Washington, toutefois, de dégager des ressources immobilisées en Ukraine et de les utiliser ailleurs, tout en étant confiant que les ressources de Moscou et, partiellement, de Bruxelles seraient bloquées pour financer la reconstruction de l’économie ukrainienne, le contrôle des territoires et les tentatives pour parvenir à une sorte de consensus entre l’UE et la Russie à propos du destin des restes de l’Ukraine.

Rostislav Ichtchenko est analyste politique de l’agence d’information Russia Today.

Article original en russe publié sur cont.ws

Traduit du russe en anglais par Seva, traduit de l’anglais par Diane, relu par jj pour le Saker francophone

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