Par James Howard Kunstler – Le 31 août 2015 – Source kunstler.com
Les secousses qui agitent les marchés ne sont pas exactement ce qu’elles paraissent. Un paradigme prévaut que ces mouvements représentent une sorte de péristaltisme financier – le fonctionnement ondulatoire régulier du progrès permanent vers un épique plus de tout, en particulier des bénéfices! Vous pouvez oublier les cycles supposés normaux de l’arrangement techno-industriel, ce qui signifie, en particulier, le cycle standard des affaires enseigné dans les manuels d’économie. Ces cycles agonisent.
Ils meurent parce qu’il y a vraiment des limites à la croissance et nous sommes maintenant solidement pris dans ces limites. Seulement, nous ne pouvons pas reconnaître la manière dont cela se manifeste, notamment en termes politiques. Ce qui est en cours n’est pas une récession mais une contraction permanente de ce qui a été normal pendant un peu plus de deux cents ans. Il ne va pas y avoir plus de tout, et en particulier de profits. L’orgie de rachat d’actions qui a animé les séances des conseils de direction des sociétés multinationales sera reconnu dans peu de temps pour ce qu’elle est : une opération de dépouillement d’actifs.
Ce qui se passe maintenant, est une contraction permanente. Bon, évidemment, rien ne dure éternellement, et la contraction est une phase dans une plus grande transition. Les cornucopiens [les adeptes de la corne d’abondance, ceux qui croient à la croissance illimitée et aux innovations permanentes qui permettront de résoudre tous les problèmes rencontrés par l’humanité, NdT] et les techno-narcissiques aimeraient penser que nous sommes en transition vers une ère encore plus somptueuse de techno-miracles – la vie dans un fauteuil rembourré en pianotant sur une tablette pour tout! Je ne pense pas. Au contraire, nous retournons au Moyen Âge, et nous le faisons à la dure parce qu’il n’y a juste pas assez pour tout le monde, et les populations en augmentation dans le monde se battront pour ce qui reste.
En fait, nous serons heureux si nous pouvons retourner au Moyen Âge, parce qu’il n’y a aucune garantie que la contraction va s’arrêter là, surtout si nous nous comportons vraiment mal sur ce plan – et si on se réfère à la manière dont nous agissons aujourd’hui, il est difficile d’être optimiste quant à l’amélioration de notre comportement. Retourner au Moyen Âge impliquerait de vivre avec la ressource de l’énergie solaire de la planète, et par là je ne veux pas parler de panneaux photo-voltaïques, mais plutôt de ce que la planète peut fournir comme revenu végétal et animal pour une population humaine considérablement plus petite. Cela plus une opération de préservation des ressources à long terme.
Tous les grands mouvements des indices boursiers et des banques centrales ne sont qu’une sorte de mise en scène au sein du spectacle plus grand de cette contraction. Les gouverneurs de la réserve fédérale jouent le rôle de vizirs dans ce mélodrame comique. Autrement dit, ce sont des personnages exaltés vêtus de robes de coton magique de chez Brooks Brothers qui prétendent avoir des pouvoirs surnaturels pour contrôler les événements. Vous pouvez dire à partir de leur récente assemblée dans l’Ouest – des enfoirés de chez enfoiré – qu’ils doutent vraiment beaucoup que leurs pouvoirs continuent à être pris au sérieux. Cette insistance incessante sur un misérable déplacement d’un quart de point du taux d’intérêt est comme une querelle entre des alchimistes sur la question de savoir si une élévation d’un quart de degré de la température pourrait transformer une motte d’argile en pépite d’or.
Ce qu’ils font est sans importance. Ce qui importe, c’est que beaucoup de la richesse théorique qu’ils ont évoquée ces dernières décennies ou à peu près est sur le point de disparaître – pffft! Peut-être que ça ressemblera à un tour de magie noire. Cette richesse semblait si réelle! Les portefeuilles gonflés avec leurs bonus exquis! Les options intelligentes! Les shorts rusés. Et surtout les paris habiles sur les dérivés dans les marchés opaques [marchés privés de gré à gré sans aucun contrôle, NdT]! Tout parti en fumée. La triste vérité, pour commencer, étant qu’elle n’a jamais existé. C’était seulement une hallucination induite par la manipulation des marchés et la présentation faussée et criminelle des statistiques, et en particulier des chiffres du chômage.
Il y a des rumeurs que la Grande Viziresse de tout cela, Mme Yellen [matronne de la Fed, NdT], flirte avec une possible accusation d’avoir fait fuiter des informations précieuses hors de son cercle interne vers des profiteurs potentiels. Oups!! Il se peut que cela ne mène nulle part, mais pour moi c’est un indice de sa perte de crédibilité plus générale. Toute l’année, elle débite des absurdités surnaturelles fallacieuses sur la façon dont les informations guident les décisions de la Fed. Seulement ses données sont contraires à ce qui se passe effectivement dans la pathétique machine de Rube Goldberg qu’est devenue ce qu’on appelle l’économie des Etats-Unis (Walmart + subventions). Ses directives se résument à des roulements de tambour futiles venant d’un des donjons du château de la Fed, dans l’espoir de faire pleuvoir la prospérité. Jusqu’à récemment, ses oracles énigmatiques ont maintenu les marchés financiers sur une voie étroite.
Je dirais qu’elle a perdu son charme magique, et que les vizirs de moindre rang au conseil de la Fed ressemblent de plus en plus aux gogols larvaires et rachitiques qu’ils sont vraiment. Alors où va le pays? Pourquoi, se tourne-t-il vers ce grand fanfaron de Trump, avec ses vantardises grandiloquentes à propos de «rendre sa grandeur à l’Amérique, on peut le faire»? Qu’est-ce que cela signifie exactement? Faire redevenir l’Amérique comme elle était en 1958? Génial : imaginez le retour des grandes aciéries le long des rives du Monongahela (et ainsi de suite)! Laissez tomber, ça risque pas d’arriver.
Je le répète : préparez-vous à devenir plus petit et plus local. Les choses à un haut niveau ne fonctionnent pas. Gagnez votre merde ensemble localement, et faites-le à un endroit qui offre certaines chances de durer : une petite ville quelque part où de la nourriture peut être cultivée et en particulier des endroits proches des voies navigables intérieures où certains échanges commerciaux pourraient continuer en l’absence des transports routiers. Ça sonne bizarrement? Bon. Continuez à acheter des actions Tesla et à faire la fête, les gars. Saluez les vizirs dans leurs accoutrement étoiles-et-planètes de Merlin l’Enchanteur. Serrez les fesses et priez.
James Howard Kunstler est l’auteur de nombreux livres (non-fiction) : The Geography of Nowhere, The City in Mind: Notes on the Urban Condition, Home from Nowhere, The Long Emergency, et Too Much Magic: Wishful Thinking, Technology and the Fate of the Nation. Ses romans comprennent World Made By Hand, The Witch of Hebron, Maggie Darling — A Modern Romance, The Halloween Ball, an Embarrassment of Riches, et beaucoup d’autres. Il a publiés trois recueils de nouvelles chez Water Street Press: Manhattan Gothic, A Christmas Orphan et The Flight of Mehetabel.
Traduit par Diane, relu par jj pour le Saker Francophone