Par Finian Cunningham – Le 31 août 2015 – Source Strategic Culture
Dans ce qui est décrit comme la pire crise des réfugiés en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale, des dizaines de milliers de migrants désespérés déferlent aux frontières de l’UE. Ils ont risqué leurs vies pour y arriver et cela seulement pour être attaqués par la police des frontières de l’UE, ou être la cible de manifestations de rue racistes. Bienvenue en Europe!
Démunis, leurs quelques affaires dans un sac à dos, des hommes, des femmes et de jeunes enfants sont contraints d’échapper aux rangées de policiers armés de matraques pour essayer de se mettre en sécurité. Cela se passe dans l’Union européenne, dont les traités proclament au reste du monde le caractère sacré des droits et de la dignité des êtres humains. La Hongrie, la Roumanie et la Grèce ont émergé comme les nouveaux foyers de crise, remplaçant l’Italie, autrefois route principale des réfugiés.
Des mères en larmes courent, portant des enfants pétrifiés secoués dans leur dos, à travers des forêts ou des fossés, uniquement pour échapper aux tirs de gaz lacrymogène de la police anti-émeute. Une femme affolée a raconté à une équipe de France 24 comment elle avait été séparée de sa famille dans la mêlée. Elle ne savait pas comment elle pourrait les retrouver parce qu’elle avait été bloquée de l’autre côté du cordon de police. Ses enfants et son mari disparus avaient dû s’enfuir avant d’être attrapés par les flics.
Un jeune garçon venu de Syrie a déclaré à la journaliste de CNN Awra Damon que sa famille et beaucoup d’autres gens avaient été contraints de faire demi-tour par une phalange de policiers casqués lorsqu’ils tentaient de franchir la frontière hongroise. Le petit garçon a expliqué que sa famille fuyait une zone de Syrie contrôlée par le groupe terroriste État islamique – la milice djihadiste culte connue pour décapiter les civils. (La journaliste de CNN n’a pas semblé remarquer d’ironie dans le fait que sa chaîne de télévision avait diffusé auparavant des monceaux d’informations accusant le gouvernement syrien d’être celui qui terrorise son peuple.)
Qu’est-ce que cela dit sur la police hongroise des frontières lorsque des réfugiés assiégés tremblent devant elle? C’est une condamnation très claire du contrôle des frontières de l’UE, qui est plus effrayant que des terroristes assoiffés de sang.
Rien que le mois dernier, plus de 100 000 migrants ont franchi les frontières de l’UE. C’est une crise humanitaire dont l’échelle rappelle les films flous montrant des masses errantes au lendemain de la Seconde Guerre mondiale.
La grande majorité des réfugiés gagnant l’UE viennent de la Syrie déchirée par la guerre, selon l’Organisation internationale pour les migrations des Nations unies. Jusqu’à 12 millions de la population en Syrie – la moitié du total – ont été déplacés par le conflit qui dure depuis plus de quatre ans dans le pays. Une guerre alimentée secrètement par les États-Unis, la Grande-Bretagne et la France, qui cherchent à provoquer un changement de régime contre le président Bachar al-Assad. Et les alliés des Occidentaux que sont l’Arabie saoudite, le Qatar, la Jordanie, la Turquie et Israël alimentent aussi la guerre en Syrie.
Le gouvernement syrien a déclaré à plusieurs reprises qu’il est victime d’une conspiration internationale criminelle impliquant les États occidentaux et leurs alliés mentionnés plus haut, qui agissent en collusion avec le groupe terroriste appelé État islamique et d’autres mercenaires liés à al-Qaïda afin de renverser Assad – un allié de la Russie et de l’Iran. Le petit garçon du reportage de CNN disait clairement que sa famille et ses voisins fuyaient État islamique et non Assad. Mais comme nous l’avons déjà noté, CNN et les autres médias d’information occidentaux ne semblent pas faire d’ironie.
Traumatisés et sans abri, les réfugiés syriens se tournent maintenant vers l’Europe pour y trouver un havre. Leurs espoirs naïfs d’aide humanitaire – une obligation de base en droit international – sont cruellement anéantis. Le fait que ces gens amènent leurs problème en Europe est un dénouement adéquat, quoique terrible – l’Europe, l’endroit même où les membres de l’UE que sont la Grande-Bretagne et la France ont été les plus enthousiastes pour soutenir la guerre dirigée par les États-Unis pour parvenir à un changement de régime en Syrie.
Des hommes avec des enfants sur leurs épaules, des femmes portant des bébés sur leur dos, les réfugiés syriens doivent se frayer un chemin à travers les zones de guerre, les réseaux terroristes d’EI, puis marcher des centaines de kilomètres à travers la Turquie – en proie à des trafiquants d’êtres humains sans scrupules – et ensuite s’entasser dans des embarcations impropres à la navigation pour une traversée dangereuse jusqu’au continent européen. Ils le font parce qu’ils tentent désespérément de survivre. Beaucoup meurent en route de noyade ou d’épuisement. Des femmes enceintes auraient perdu leurs enfants près de naître sur le bord des routes, par pure fatigue.
Et, après tout cela, lorsque ces gens arrivent aux frontières de l’UE, ils sont finalement confrontés à une armée de robocops. Ces dernières semaines, de nouvelles vidéos ont montré des images choquantes de forces de police, en Hongrie et en Macédoine (un membre potentiel de l’UE) tirant des gaz lacrymogènes et des grenades assourdissantes pour faire reculer des milliers de réfugiés. D’autres scènes montrent des foules de familles hagardes forcées dans des wagons de chemin de fer pour être déportées dans quelqu’autre pays européen. Elles disent qu’elles ont même été privées d’eau potable par les autorités, sans parler d’une aide médicale, qui leur a également été refusée.
La Hongrie, membre de l’UE, a même installé maintenant des centaines de kilomètres de barbelés flambant neufs le long de sa frontière avec la Serbie pour repousser les réfugiés. Vingt-cinq ans après la fin du rideau de fer en Europe, un rideau de barbelés d’acier se déploie. Ce n’est pas dans la prétendue despotique Union soviétique – c’est dans l’Union européenne. L’organisation qui proclame que les droits humains constituent ses fondations, raison pour laquelle elle a reçu le prix Nobel de la paix en 2012.
Le ministre allemand des Affaires étrangères Frank-Walter Steinmeier a parlé, tout penaud, du nouveau rideau de fer interdisant l’entrée dans l’UE aux réfugiés chassés par la guerre : «Nous sommes contre l’usage des clôtures», a déclaré Steinmeuer, bafouillant un lâche euphémisme.
Cela pendant que les dirigeants de l’UE se réunissent à Vienne cette semaine pour débattre de la crise.
Par chance, la capitale de l’Autriche est devenue un lieu assez adéquat pour se rencontrer, à la lumière de la macabre découverte, cette semaine, de quelque 70 migrants trouvés morts dans un camion abandonné sur une autoroute autrichienne. On pense qu’ils ont été introduits en fraude, dans un camion d’emballages de viande, par des trafiquants d’êtres humains venant de Hongrie. La police autrichienne a eu des doutes sur le véhicule abandonné sur la bande d’arrêt d’urgence de l’autoroute après avoir remarqué une odeur de pourriture suintant de ses portes arrière. Les victimes étaient mortes depuis plusieurs jours.
La chancelière allemande s’est dite choquée par l’affreuse découverte en Autriche. Elle a dit, avec des mots creux, que l’UE doit agir de manière solidaire pour résoudre la crise des réfugiés. Solidarité? De quoi parle-t-elle? Puis Merkel a ajouté: «Le monde entier nous regarde.» Eh bien, elle a certainement au moins compris ça.
La semaine dernière, en Allemagne, des extrémistes de droite en colère ont attaqué un centre de soins pour requérants d’asile près de Dresde. Les manifestants ont scandé des slogans racistes, hurlant que les migrants devaient retourner dans leurs pays.
Retourner dans leurs pays? Oui, c’est ça. Vous savez, les régions en guerre où les arrogants États européens tels que la Grande-Bretagne et la France ont mis le feu et qu’ils ont enflammés en Syrie, en Libye, en Afghanistan, en Irak et ailleurs en Afrique.
Ce qui vous fait vous demander : où sont les véritables fascistes? Les manifestants anti-immigrés dans les rues, ou les politiciens bien coiffés élégamment vêtus dans les confortables bureaux des gouvernements?
Traduit par Diane, relu par jj pour le Saker francophone