Par Laurent Guyénot − Octobre 2023

Byzance est une civilisation engloutie dans les ténèbres de l’histoire, effacée de l’historiographie sous la pression du roman européen. Vous pouvez lire une centaine de livres sur le « Moyen Âge », sans jamais en entendre parler. Si l’on vous parle de l’Empire Byzantin, ce sera généralement pour le présenter comme une version tardive, orientale et décadente du seul et vrai Empire romain, celui d’Occident disparu quelque part entre le IIIe et le Ve siècle, et comme étranger ou marginal à la civilisation médiévale européenne, voire comme un élément perturbateur de cette civilisation. Le niveau d’ignorance et de préjugé sur Byzance continue d’être exemplaire en France. Cela est bien illustré dans le livre de 850 pages du médiéviste Jérôme Baschet, sur La Civilisation féodale (Flammarion, 2006), qui ne consacre qu’une brève section à Byzance, intitulée « Le déclin byzantin », avant la section « La splendeur islamique ». L’auteur se satisfait d’un jugement péremptoire sur « l’orgueil de Constantinople, sa prétention à incarner les valeurs éternelles de Rome et à constituer l’empire élu de Dieu, son mépris aussi pour tous les peuples extérieurs, y compris les chrétiens d’Occident, plus ou moins explicitement assimilés à des barbares1 ».
- Jérôme Baschet La Civilisation féodale. De l’an mil à la colonisation de l’Amérique, Flammarion, 2006, p. 96. ↩


Dans le
Par
Si quelqu’un, loin dans le futur, décide de « chercher la cause immédiate qui a amené une si grande guerre« , il découvrira que « la véritable raison, vraie mais non reconnue […] était la croissance de la puissance d’un côté et la peur de l’autre côté« . Les belligérants dont on parle ici ne sont pas les Américains et les Russes, et l’auteur n’est pas un analyste en géopolitique contemporaine. Il s’agit de Thucydide, qui évoque la guerre du Péloponnèse de 431 à 404 av. En expliquant le déclenchement des hostilités entre Athènes et Sparte, il ne mentionne aucun motif moral, ni aucune notion de défense de valeurs ou de principes. Le conflit est décrit comme non idéologique, né d’un simple déséquilibre de pouvoir.