Une vue sur le fameux marigot de Washington DC, où les marionnettes politiques régnantes, mues par des fils invisibles, puent vraiment.
Par Ron Unz − Le 29 juillet 2019 − Unz Review
Le décès du sénateur John McCain en août dernier a mis en lumière d’importantes vérités sur la nature de nos médias grand public. La famille de McCain avait annoncé, plusieurs mois plus tôt, qu’il souffrait d’un cancer incurable du cerveau et son décès, à l’âge de 84 ans, était attendu depuis longtemps, de sorte que les médias, petits et grands, avaient eu tout le temps nécessaire pour produire et affiner les documents qu’ils ont finalement publiés, et cela était évident à la lecture du nombre de témoignages publiés. Le New York Times, qui est encore le journal de référence, a consacré plus de trois pages complètes de son édition imprimée à la rubrique nécrologique principale, à quoi se sont ajoutés un nombre considérable d’autres articles et encadrés. Je ne me souviens d’aucune personnalité politique, autre qu’un président américain, dont le décès ait bénéficié d’une telle couverture médiatique, et peut-être même que certains anciens résidents du Bureau ovale n’ont pas atteint ce niveau. Bien que je n’aie certainement pas pris la peine de lire les dizaines de milliers de mots du Times ou de mes autres journaux, la couverture de la vie et de la carrière de McCain m’a semblé exceptionnellement élogieuse dans les médias grand public, tant libéraux que conservateurs, avec à peine un mot négatif apparaissant en dehors du champ politique.
À première vue, un tel amour politique indéfectible pour McCain peut sembler un peu étrange à ceux qui ont suivi ses activités au cours des deux dernières décennies. Après tout, le Times et la plupart des autres leaders de notre firmament médiatique se prétendent être des libéraux devenus des critiques véhéments de notre désastreuse guerre en Irak et des autres aventures militaires, sans parler de la possibilité calamiteuse d’une attaque contre l’Iran. Pendant ce temps, McCain était universellement considéré comme la figure de proue du « Parti de la guerre » américain, soutenant avec enthousiasme et fureur toutes les entreprises militaires prospectives et rétrospectives, et faisant même de son chant « Bomb, Bomb, Bomb, Bomb Iran » le détail le plus connu de son infructueuse campagne présidentielle de 2008. Ainsi, soit nos principaux médias n’ont en quelque sorte pas remarqué ces différences frappantes sur une question absolument centrale, soit leurs véritables positions sur certaines questions ne sont pas exactement ce qu’elles semblent être, et constituent simplement des éléments d’une performance genre Kabuki visant à tromper leurs lecteurs les plus naïfs.
Ce qui est encore plus remarquable, c’est que les faits discordants de l’histoire de McCain ont été effacés ou retravaillés.
Lauréat du prix Pulitzer et de deux prix George Polk, le regretté Sydney Schanberg était largement considéré comme l’un des plus grands correspondants de guerre américains du XXe siècle. Ses exploits au cours de notre infortunée guerre en Indochine sont devenus la base du film à Oscar, The Killing Fields, ce qui a probablement fait de lui le journaliste le plus célèbre d’Amérique après Woodward et Bernstein du Watergate, et il a également été l’éditeur en chef du New York Times. Il y a dix ans, il a publié sa plus grande divulgation, fournissant une montagne de preuves que l’Amérique avait délibérément laissé derrière elle des centaines de prisonniers de guerre au Vietnam et a désigné John McCain, alors candidat à la présidence, comme la figure centrale dans la dissimulation officielle ultérieure de cette monstrueuse trahison. Le sénateur de l’Arizona s’était servi de sa réputation nationale d’ancien prisonnier de guerre célèbre pour enterrer l’histoire de ces prisonniers abandonnés, permettant ainsi à l’establishment politique américain d’échapper à de graves embarras. En conséquence, le sénateur McCain a obtenu les récompenses luxuriantes de nos généreuses élites dirigeantes, tout comme son propre père, l’amiral John S. McCain, père, qui avait organisé la dissimulation de l’attaque israélienne délibérée de 1967 sur l’USS Liberty, attaque qui a tué ou blessé plus de 200 soldats américains.
En tant qu’éditeur de la revue The American Conservative, j’avais publié le remarquable article de Schanberg en première page et, au fil des ans, il a sûrement été lu des centaines de milliers de fois sur plusieurs sites Web, y compris une énorme pointe au moment de la mort de McCain. J’ai donc du mal à croire que les nombreux journalistes qui enquêtent sur les antécédents de McCain n’étaient pas au courant de ces informations. Pourtant, aucun de ces faits n’a été mentionné dans les articles parus dans les médias les plus importants, comme en témoigne une recherche internet avec les mots clés « McCain et Schanberg », datant de l’époque de la mort du sénateur.
La stature journalistique de Schanberg n’a pourtant guère été oubliée par ses anciens collègues. Au moment de sa mort, le Times a publié un long et encenseur article nécrologique et, quelques mois plus tard, j’ai assisté à la cérémonie commémorative en hommage à sa vie et à sa carrière qui se déroulait au siège du New York Times, et qui a attiré quelques centaines de journalistes éminents, pour la plupart de la même génération que lui, y compris ceux de haut rang. Arthur Sulzberger, Jr., éditeur du Times, a prononcé un discours dans lequel il a décrit comment, jeune homme, il avait toujours tant admiré Schanberg et avait été mortifié par les circonstances malheureuses de son départ du journal familial. L’ancien rédacteur en chef, Joseph Lelyveld, a raconté les nombreuses années qu’il avait passées à travailler étroitement avec l’homme qu’il considérait depuis longtemps comme son meilleur ami et collègue, quelqu’un qu’il semblait presque considérer comme son frère aîné. Mais pendant ces deux heures de louanges et de souvenirs, il n’y a pas eu un seul mot en public sur la célèbre et gigantesque histoire qui a occupé les deux dernières décennies de la carrière de Schanberg.
Un même mur de silence médiatique a également entouré les accusations très sérieuses concernant le propre bilan de McCain pendant la guerre du Vietnam. Il y a quelques années, j’avais puisé dans le Times et d’autres sources grand public pour montrer que les récits de McCain sur sa torture en tant que prisonnier de guerre étaient probablement fictifs, inventés pour servir de couverture et d’excuse à sa collaboration très réelle, en temps de guerre, avec ses geôliers communistes. En effet, à l’époque, nos médias américains rapportaient ses activités comme l’un des principaux propagandistes de nos ennemis nord-vietnamiens, mais ces faits furent plus tard jetés aux oubliettes. Le père de McCain était alors considéré comme l’un des meilleurs officiers des États-Unis, et il semble probable que son intervention politique personnelle ait fait en sorte que le récit officiel des états de service de son fils en temps de guerre se transmue de traître en héros de guerre, permettant ainsi au jeune McCain de se lancer plus tard dans sa célèbre carrière politique.
L’histoire des prisonniers de guerre abandonnés au Vietnam et celle de la collaboration de McCain avec les communistes n’épuisent guère le catalogue des principaux squelettes se trouvant dans le placard du sénateur disparu. McCain était régulièrement décrit par les journalistes comme une remarquable tête brûlée avec un tempérament violent, mais la presse nationale a laissé aux médias alternatifs le soin d’enquêter sur les implications réelles de ces remarques qui en disent long.
Dans un article de Counterpunch daté du 1er septembre 2008, Alexander Cockburn rapportait que les interviews de deux médecins de la salle d’urgence de Phoenix avaient révélé qu’au moment où McCain était aspiré dans le maelström politique du scandale Keating Five, sa femme Cindy a été admise dans cette hôpital local à cause d’un œil au beurre noir, de contusions au visage, de griffures compatibles avec de la violence physique, et cette même situation est survenue deux fois au cours des quelques années suivantes. Cockburn a également noté plusieurs autres incidents conjugaux très suspects au cours des années qui ont suivi, y compris la comparution de la femme du sénateur avec un poignet et un bras bandés, peu de temps après qu’elle eut rejoint son mari lors de la campagne de 2008, une blessure signalée par nos journalistes politiques étrangement peu curieux comme étant due à une « poignée de main excessive ». C’est une situation étrange qu’un minuscule journal de gauche puisse facilement révéler des faits qui ont totalement échappé aux vastes ressources de tout notre corps de presse national. S’il y avait eu des rapports crédibles selon lesquels Melania Trump avait été admise à plusieurs reprises dans des salles d’urgence locales souffrant d’yeux au beurre noir et d’ecchymoses faciales, nos médias grand public seraient-ils restés si peu intéressés par une enquête plus approfondie ?
McCain a d’abord remporté son siège au Congrès de l’Arizona en 1982, peu de temps après son arrivée dans l’État, grâce à une campagne électorale financée par la fortune de son beau-père, un distributeur de bière, et cet héritage a finalement fait de la maison McCain l’une des plus riches du Sénat. Mais bien que le sénateur ait passé le quart de siècle suivant dans la vie publique, bousculant même George W. Bush pour sa nomination à la présidence républicaine en 2000, ce n’est que fin 2008 que j’ai appris dans le Times que le monopole de la bière en question, évalué alors à environ $200 millions, avait appartenu à un homme dont le partenaire en affaire, Kemper Marley, a toujours été lié au crime organisé. En effet, des proches collaborateurs de ce dernier avaient été condamnés par un jury pour l’assassinat à la voiture piégée d’un journaliste de Phoenix quelques années seulement avant l’entrée soudaine et triomphale de McCain en politique en Arizona. Une telle culpabilité par association n’est peut-être pas appropriée, mais nos organes de presse nationaux auraient-ils gardé le silence si la fortune personnelle de notre président actuel n’avait été qu’à un pas ou deux des assassins à la voiture piégée d’un journaliste curieux qui est mort en enquêtant sur des truands ?
Au fur et à mesure où j’ai pris conscience de ces gros problèmes bien cachés dans le passé de McCain, ma première réaction a été de ne pas croire qu’une personne dont le dossier était si profondément terni, de tant de façons différentes, ait pu atteindre un tel niveau du pouvoir politique aux États-Unis. Mais au fur et à mesure que les médias ont continué à détourner les yeux de ces faits nouvellement révélés, même de ceux divulgués dans les pages du Times lui-même, j’ai progressivement commencé à voir les choses sous un autre jour. Peut-être que l’élévation de McCain à une telle puissance politique ne s’est pas faite en dépit des faits dévastateurs jonchant son passé personnel, mais grâce à eux.
Comme je l’écrivais il y a quelques années :
Aujourd’hui, lorsque nous considérons les principaux pays du monde, nous constatons que, dans de nombreux cas, les dirigeants officiels sont bien ceux qui dirigent vraiment : Vladimir Poutine dirige les opérations en Russie, Xi Jinping et ses principaux collègues du Politburo font de même en Chine, etc. Cependant, en Amérique et dans d’autres pays occidentaux, cela semble être de moins en moins le cas, les personnalités nationales de premier plan n’étant que des hommes de pailles au physique attirant, choisis pour leur attrait populaire et leur malléabilité politique, une évolution qui peut finalement avoir des conséquences désastreuses pour les nations qu’ils dirigent. À titre d’exemple extrême, un Boris Eltsine alcoolique a librement permis le pillage de toute la richesse nationale de la Russie par la poignée d’oligarques qui manipulait ses ficelles, ce qui a entraîné l’appauvrissement total du peuple russe et un effondrement démographique presque sans précédent, en temps de paix, dans l’histoire moderne.
Un problème évident avec l’installation de marionnettes au pouvoir est le risque qu’elles tentent de couper leurs fils, un peu comme Poutine a rapidement dépassé et provoqué l’exil de l’oligarque qui l’avait aidé, Boris Berezovsky. Un moyen de minimiser ce risque est de choisir des marionnettes qui sont si profondément compromises qu’elles ne pourront jamais se libérer, sachant que des accusations pouvant entraîner leur destruction politique, enfouies au plus profond de leur passé, pourraient facilement être publiées si elles cherchaient l’indépendance. J’ai parfois plaisanté avec mes amis en leur disant que le meilleur choix de carrière pour un jeune homme politique ambitieux serait peut-être de commettre secrètement un crime monstrueux et de s’assurer que les preuves tangibles de sa culpabilité finissent dans les mains de certaines personnes puissantes, assurant ainsi sa rapide ascension politique.
En physique, lorsqu’un objet s’écarte de sa trajectoire prévue pour des raisons inexplicables, nous supposons qu’une force inconnue a été à l’œuvre, et le suivi de ces écarts peut aider à déterminer les propriétés caractéristiques de cette dernière. Au fil des ans, j’ai pris de plus en plus conscience de ces étranges déviations idéologiques dans la politique publique, et bien que certaines soient facilement expliquées, d’autres suggèrent l’existence de forces cachées bien en dessous de la surface de notre monde politique régulier. Cette même situation s’est produite tout au long de notre histoire et, parfois, des décisions politiques qui ont déconcerté leurs contemporains seront finalement expliquées, des décennies plus tard.
Dans The Dark Side of Camelot, le célèbre journaliste d’investigation Seymour Hersh affirmait que les preuves secrètes de chantage sur les affaires extraconjugales de JFK ont probablement joué un rôle crucial dans le fait que son administration n’ait pas tenu compte de l’avis unanime des meilleurs conseillers du Pentagone et ait attribué à General Dynamics, plutôt qu’à Boeing, le plus important contrat d’achat militaire jamais conclu aux États-Unis, évitant ainsi à cette société de tomber probablement en faillite et aux actionnaires venant du crime organisé de subir des pertes financières catastrophiques. Hersh suggère également qu’un facteur similaire explique probablement le revirement de dernière minute de JFK dans le choix de son vice-président, une décision qui a placé Lyndon Johnson sur la liste et lui a donné la Maison Blanche après l’assassinat de Kennedy en 1963.
Comme je l’ai mentionné récemment, dans les années 50 le sénateur Estes Kefauver a réorienté ses audiences sur le crime organisé après que le Chicago Syndicate l’eut confronté aux photographies de sa rencontre sexuelle avec deux prostituées fournies par la mafia. Dix ans plus tard, le procureur général de Californie Stanley Mosk subissait le même sort, les faits étant pourtant restés cachés pendant plus de vingt ans.
Des rumeurs similaires tournent autour d’événements beaucoup plus anciens, avec parfois d’énormes conséquences. Des sources contemporaines bien placées ont affirmé que Samuel Untermyer, un riche avocat juif, a acheté la correspondance secrète entre Woodrow Wilson et sa maîtresse de longue date, et que l’existence de ce puissant levier pourrait avoir été un facteur important dans l’ascension étonnamment rapide de Wilson du poste de président de Princeton en 1910 au poste de gouverneur du New Jersey en 1911, puis à la présidence des États-Unis en 1912. Une fois au pouvoir, Wilson a signé la loi controversée établissant la Réserve fédérale et a également nommé Louis Brandeis comme premier membre juif de la Cour suprême des États-Unis malgré l’opposition publique de presque tout notre establishment juridique. L’évolution rapide du point de vue de Wilson sur la participation américaine à la Première Guerre mondiale peut aussi avoir été influencée par ces pressions personnelles plutôt que déterminée uniquement par sa perception de l’intérêt national.
Sans citer de noms, il est difficile, depuis 2001, de ne pas remarquer que l’un des partisans les plus zélés et les plus engagés de la ligne néoconservatrice sur toutes les questions de politique étrangère au Moyen-Orient a été un sénateur républicain de premier plan d’un des États du Sud les plus conservateurs sur le plan social, un homme dont les rumeurs concernant ses inclinaisons personnelles circulaient depuis longtemps sur Internet. Le revirement soudain et frappant de cette personne sur une question de politique importante vient certainement étayer ces soupçons. Il y a également eu plusieurs autres exemples de ce genre impliquant d’éminents républicains.
Mais considérez la situation bien différente du représentant Barney Frank du Massachusetts, qui, en 1987, est devenu le premier membre du Congrès à admettre, volontairement, qu’il était gay. Peu de temps après, un scandale notoire a éclaté lorsqu’il a été révélé que sa propre maison à Washington avait été utilisée par un ancien petit ami comme quartier général pour un réseau de prostitution masculine. Frank prétendait ne pas avoir eu connaissance de cette situation sordide, et ses électeurs libéraux du Massachusetts l’ont cru, puisqu’il a été réélu de façon retentissante et a siégé encore 24 ans au Congrès. Mais si Frank avait été un républicain d’un district socialement conservateur, quiconque possédant de telles preuves aurait certainement contrôlé totalement sa survie politique, et avec Frank ayant passé plusieurs années comme président du très puissant House Financial Services Committee, la valeur d’un tel pouvoir aurait été énorme.
Cela démontre la réalité indéniable que ce qui constitue un moyen de chantage efficace peut varier énormément d’une époque et d’une région à l’autre. Aujourd’hui, il est largement admis que J. Edgar Hoover, longtemps directeur du FBI, a vécu sa vie comme un homosexuel bien caché et il semble y avoir de sérieuses allégations qu’il avait aussi des ancêtres noirs, les preuves secrètes de ces faits aidant probablement à expliquer pourquoi pendant des décennies il a refusé obstinément de reconnaître l’existence du crime organisé américain et n’a pas poussé ses hommes de terrain à lutter contre. Mais dans l’Amérique d’aujourd’hui, il aurait sûrement déclaré fièrement son homosexualité et ses origines raciales en première page du New York Times Magazine, pensant, à juste titre, que cela aurait renforcé son invulnérabilité politique sur la scène nationale. Il y a des rumeurs effrayantes selon lesquelles le Syndicat possédait des photos secrètes de Hoover portant une robe et des talons hauts, alors qu’il y a quelques années, le représentant Mike Honda de San Jose a désespérément placé sa petite-fille transsexuelle de huit ans au-devant de la scène dans sa tentative avortée de se faire réélire.
Les temps ont certes affaibli l’efficacité de nombreuses formes de chantage, mais la pédophilie reste un tabou extrêmement puissant. Il semble y avoir beaucoup de preuves montrant que des organisations et des individus puissants ont réussi à réprimer des accusations crédibles de cette pratique pendant de très longues périodes, si longtemps qu’aucun groupe ayant une influence médiatique importante n’a choisi de cibler les délinquants pour les démasquer.
L’exemple le plus évident est celui de l’Église catholique, et les échecs de sa hiérarchie américaine et internationale à cet égard ont régulièrement fait la une de nos principaux journaux. Mais jusqu’au début des années 2000 et jusqu’au reportage révolutionnaire du Boston Globe, tel que relaté dans le film Spotlight, qui a remporté un Oscar, l’Église a toujours caché de tels scandales.
Prenons aussi le cas remarquable de Sir Jimmy Savile, personnalité de la télévision britannique, l’une des célébrités les plus admirées de son pays, qui a été fait chevalier pour son service public. Ce n’est que peu après sa mort, à l’âge de 84 ans, que la presse a commencé à révéler qu’il avait probablement agressé des centaines d’enfants au cours de sa longue carrière. Les accusations de ses jeunes victimes remontent à plus de quarante ans, mais ses activités criminelles semblent avoir été protégées par sa richesse et sa célébrité, ainsi que par ses nombreux soutiens dans les médias.
Il y a aussi l’exemple fascinant de Dennis Hastert. Il est le Président républicain de la Chambre des représentants ayant officié le plus longtemps, Hastert a occupé ce poste de 1999 à 2007, poste se classant au troisième rang après la présidence, et Haster se place même au premier rang des élus républicains de notre pays pendant une partie de cette période. D’après mes lectures de journaux, il m’avait toujours semblé être une personne plutôt fade et ordinaire, les journalistes faisant parfois même allusion à sa médiocrité, si bien que je me demandais parfois comment quelqu’un d’aussi peu reluisant avait pu faire une telle carrière politique.
Puis, il y a quelques années, il a soudainement fait la une des journaux, a été arrêté par le FBI et accusé de crimes financiers liés à de jeunes garçons dont il aurait abusé dans le passé, dont un au moins s’est suicidé, et un juge fédéral l’a envoyé en prison pour « pédophilie en série ». J’ai peut-être mené une vie trop abritée, mais j’ai l’impression que seul un petit nombre d’Américains ont un passé de pédophiles, et toutes choses étant égales par ailleurs, il semble plutôt peu probable qu’une personne avec un tel passé et ne possédant aucun autre grand talent ou compétence, puisse atteindre le sommet absolu de notre système politique. Toutes les choses n’étaient peut-être pas égales par ailleurs. Si certains éléments puissants possèdent des preuves tangibles qui placent un représentant élu sous leur contrôle total, travailler très fort pour l’élever au poste de Président de la Chambre serait un investissement très judicieux.
Parfois, le refus de nos médias nationaux de voir de grands reportages qui sont pourtant sous leur nez atteint des extrêmes ridicules. Au cours de l’été 2007, Internet était en feu avec des révélations disant que le sénateur John Edwards, finaliste aux primaires présidentielles démocrates de 2004, venait d’avoir un enfant avec sa maîtresse, et ces rapports étaient appuyés par des preuves visuelles apparemment crédibles, notamment des photos montrant le sénateur marié tenant son nouveau-né. Pourtant, au fil des jours et même des semaines, pas une bouffée de ce scandale salace n’a jamais atteint les pages d’un de mes journaux matinaux ou du reste des médias grand public, alors que c’était un sujet de conversation dominant partout ailleurs. Finalement, le National Enquirer, un tabloïd de commérages bien connu, a établi un record journalistique en étant le premier à obtenir une nomination au Prix Pulitzer pour avoir publié un article qu’aucun autre journal ne semblait disposé à couvrir. Nos médias auraient-ils aussi détourné les yeux d’un nouveau-né Trump, naissant du mauvais côté du lit ?
Au fil des ans, il est devenu de plus en plus évident pour moi que presque tous nos médias nationaux sont souvent tout à fait disposés à s’engager dans une « conspiration du silence » pour minimiser ou ignorer complètement les histoires qui présentent un énorme intérêt potentiel pour leurs lecteurs et qui revêtent une importance majeure pour le public. J’aurais facilement pu doubler ou tripler le nombre d’exemples aussi remarquables que ceux que je viens de donner ci-dessus, sans trop d’efforts. De plus, il est assez intrigant de constater qu’un si grand nombre de ces cas impliquent le genre de comportement criminel ou d’inconduite sexuelle qui serait idéal pour faire chanter des individus puissants qui sont moins susceptibles d’être vulnérables aux autres influences. Il se peut donc que bon nombre des élus situés au sommet de notre système démocratique ne soient que des marionnettes politiques, manipulées par ces ficelles invisibles.
Compte tenu de ma connaissance de ce comportement systématique des médias, j’ai honte d’admettre que je n’avais presque pas prêté attention à l’affaire Jeffrey Epstein jusqu’à ce qu’elle fasse la une des journaux nationaux au début du mois et devienne soudainement l’une des plus grandes infos de notre pays.
Pendant de nombreuses années, des reportages sur Epstein et son réseau sexuel illégal circulaient régulièrement en marge d’Internet, et des commentateurs agités citaient l’affaire comme preuve de forces obscures et malveillantes contrôlant secrètement notre système politique corrompu. Mais j’ai presque entièrement ignoré ces discussions, et je ne suis pas sûr d’avoir jamais cliqué une seule fois sur un seul lien à ce sujet.
L’une des raisons pour lesquelles j’ai accordé si peu d’attention à cette affaire est probablement la nature exceptionnellement effrayante des affirmations qui étaient faites. Epstein était censé être un financier de Wall Street extrêmement riche, d’origine et de provenance assez mystérieuse, propriétaire d’une île privée et d’un immense manoir à New York, tous deux régulièrement remplis de harems de filles mineures destinés à une utilisation sexuelle. Il aurait régulièrement fait la navette avec Bill Clinton, le prince Andrew, Alan Dershowitz de Harvard et de nombreuses autres personnalités de l’élite internationale, ainsi qu’avec une bande de milliardaires plus ordinaires, transportant fréquemment ces personnes dans son avion privé connu sous le nom de « Lolita Express » et joué un rôle d’organisateur d’orgies clandestines avec des jeunes filles. Lorsque des blogueurs de droite sur d’obscurs sites Web prétendaient que l’ancien président Clinton, et la royauté britannique, étaient sexuellement servis par les filles mineures d’un super-vilain de James Bond, j’ai simplement supposé que ces accusations étaient la forme la plus folle d’exagération qu’on pouvait trouver sur Internet.
De plus, ces sites « remplis de discours de haine » laissaient parfois entendre que la cible diabolique de leur colère avait déjà été inculpée dans une salle d’audience de Floride, plaidant finalement coupable à une seule infraction sexuelle et recevant une peine de treize mois de prison, atténuée par de très généreuses dispositions en matière de libération conditionnelle. Cela ne semblait guère être le genre de punition judiciaire pouvant soutenir les accusations fantastiques portées contre lui. Puisque Epstein avait fait l’objet d’une enquête de la part des autorités policières et n’avait pas été condamné plus que s’il avait fait un simple chèque en bois, je trouvais très peu probable qu’il puisse être un Goldfinger ou un Dr No, comme les activistes de l’Internet cherchaient à le montrer.
Puis, ces mêmes affirmations farfelues et invraisemblables que l’on ne trouvait auparavant que sur des fils de commentaires anonymes se sont soudainement répétées en première page du Times et de tous mes autres journaux du matin, et l’ancien procureur fédéral qui avait signé la petite-tape-légale-sur-la-main d’Epstein a dû démissionner du cabinet Trump. Le coffre-fort d’Epstein contenait une énorme quantité de pornographie enfantine et d’autres documents très suspects, et il fut rapidement arrêté de nouveau pour des accusations qui pourraient l’envoyer dans une prison fédérale pour des décennies. Des médias prestigieux ont décrit Epstein comme le cerveau d’un gigantesque réseau de trafic sexuel, et de nombreuses victimes mineures ont commencé à se manifester, racontant comment il les avait agressées, violées et prostituées. L’auteure d’une longue biographie d’Epstein, paru en 2003 dans Vanity Fair, a expliqué qu’elle avait personnellement parlé à certaines de ses victimes et inclus leurs récits très crédibles dans son article, mais que ces récits avaient été censurées et supprimées par ses rédacteurs en chef timorés.
Tel que présentée par ces médias, l’ascension personnelle d’Epstein semble assez inexplicable à moins qu’il n’ait bénéficié d’un réseau puissant ou d’une organisation similaire. En l’absence de diplôme ou de titres universitaires, il avait obtenu un emploi d’enseignant dans l’une des écoles préparatoires les plus prestigieuses de la ville de New York, puis s’était rapidement mis à travailler dans une banque d’investissement de premier plan, devenant associé avec une rapidité étonnante jusqu’à ce qu’il soit licencié quelques années plus tard pour activité illégale. En dépit d’un passé si douteux, il s’est rapidement mis à gérer l’argent de certains des individus les plus riches des États Unis, et en gardait une telle quantité pour lui-même qu’il était régulièrement décrit comme un milliardaire. Selon les journaux, sa grande spécialité était de « créer des contacts entre les gens ».
Epstein était de toute évidence un arnaqueur financier impitoyablement opportuniste. Mais les individus extrêmement riches doivent certainement être entourés d’un grand essaim d’arnaqueurs financiers impitoyablement opportunistes, alors pourquoi aurait-il eu plus de succès que tous les autres ? Peut-être un indice vient-il de la remarque désinvolte du procureur ayant géré le cas Epstein, aujourd’hui déshonoré, qui disait qu’on lui avait recommandé d’y aller très doucement avec le trafiquant sexuel parce qu’il « appartenait au renseignement ». La formulation vague de cette déclaration soulève la question de savoir si ce service de renseignement était contrôlé par le gouvernement des États-Unis ou pas.
Philip Giraldi, un ancien officier très respecté de la CIA, a dit les choses très clairement lorsqu’il a suggéré qu’Epstein avait probablement travaillé pour le Mossad israélien, organisant des « pièges sexuels » pour obtenir des éléments de chantage contre tous les riches et puissants individus qu’il fréquentait régulièrement, en leur fournissant des filles mineures. En effet, un journaliste canadien de longue date, Eric Margolis, a raconté sa visite au début des années 1990 dans l’immense manoir d’Epstein à New York, où il avait à peine franchi le seuil qu’une des nombreuses jeunes filles lui a offert un « massage intime », probablement dans une chambre bien garnie de caméras cachées [qu’il a décliné, NdT].
Étant donné mon manque d’intérêt personnel pour l’affaire Epstein, tant à l’époque que maintenant, peut-être que certains de ces détails sont brouillés, mais il semble indéniable qu’il était exactement le genre de renégat remarquable auquel l’agent 007 des films fait face, et la réalité des faits sera vraisemblablement révélée à son procès. Ou peut-être pas. La question de savoir s’il vivra jusqu’au procès n’est pas tout à fait claire étant donné le nombre considérable d’individus puissants qui pourraient préférer que des faits cachés restent cachés, et les journaux de vendredi rapportaient déjà qu’Epstein avait été retrouvé blessé et inconscient dans sa cellule de prison.
Lorsqu’un scandale de pédophilie apparemment invraisemblable sort soudainement des recoins obscurs d’Internet pour apparaître aux premières pages de nos principaux journaux, nous devrions naturellement commencer à nous demander si cela pourrait éventuellement être le cas pour d’autres affaires. Et une autre très probable me vient à l’esprit, qui me semble beaucoup mieux documentée que les vagues accusations lancées ces dernières années contre un riche financier condamné à treize mois de prison en Floride une décennie plus tôt.
Je n’utilise pas les médias sociaux, mais vers la fin de la campagne présidentielle de 2016, j’ai progressivement commencé à voir de plus en plus de partisans de Trump se référer à quelque chose appelé « Pizzagate », un scandale sexuel en plein essor qui, selon ces partisans, allait faire tomber Hillary Clinton et plusieurs des principaux dirigeants de son parti, et la rumeur s’est, de fait, accrue après son élection. D’après ce que j’en sais, toute cette théorie bizarre s’était développée dans la frange extrême-droite d’Internet, une intrigue tout à fait fantastique ayant impliquant des courriels secrets volés, une pizzeria de Washington DC et un cercle de pédophiles situés au sommet du Parti Démocrate. Mais étant données toutes les autres choses étranges et improbables que j’avais peu à peu découvertes au sujet de notre histoire nationale, il me semblait que cette histoire ne devait pas nécessairement être repoussée d’un revers de main.
Début décembre, un blogueur de droite a longuement exposé les accusations du Pizzagate, ce qui m’a finalement permis de comprendre de quoi il s’agissait réellement, et j’ai rapidement pris des dispositions pour republier son article. Il a rapidement suscité beaucoup d’intérêt et certains sites Web l’ont qualifié de meilleure introduction au scandale pour le grand public.
Quelques semaines plus tard, j’ai publié un autre article du même auteur, décrivant une longue liste de scandales de pédophilie qui s’étaient déjà produits dans les milieux politiques américains et européens. Bien que bon nombre d’entre eux semblaient être solidement documentés, presque tous n’avaient reçu qu’une couverture minimale de la part de nos principaux médias. Et si de tels réseaux politiques pédophiles avaient existé dans un passé relativement récent, était-il si improbable qu’il y en ait un autre qui couve sous la surface du Washington DC actuel ?
Ceux qui s’intéressent aux détails du Pizzagate sont invités à lire ces articles, en particulier le premier, mais je vais en fournir un bref résumé.
John Podesta a longtemps fait partie des personnalités incontournables des milieux politiques de Washington, devenant chef de cabinet du président Bill Clinton en 1998 et demeurant par la suite l’une des figures les plus puissantes de l’establishment du parti Démocrate. Alors qu’il était président du bureau de campagne d’Hillary Clinton en 2016, son évident manque de soin dans la sécurité du mot de passe de son compte Gmail a permis de facilement le pirater, et des dizaines de milliers de ses courriels personnels ont été publiés sur WikiLeaks. Un essaim de jeunes militants anti-Clinton a commencé à fouiller ce trésor d’informations semi-confidentielles, à la recherche de preuves de corruption et de dépravation mondaine, mais ils ont plutôt rencontré des échanges assez étranges, apparemment écrits en langage codé.
Utiliser un langage codé dans un compte de courrier électronique privé soi-disant sécurisé soulève toutes sortes de soupçons naturels concernant ce que peut être l’objet de telles discussions, les possibilités les plus probables étant les drogues illicites ou le sexe. Mais la plupart des références ne semblaient pas correspondre à la première catégorie, et à notre époque remarquablement libertine, où les candidats politiques se disputent le droit d’être Grand Marshal lors d’un défilé annuel de la Gay Pride, l’une des rares activités sexuelles encore discutées à voix basse semble être la pédophilie, et certaines remarques très étranges pouvaient laisser entendre cela.
Les chercheurs ont aussi rapidement découvert que son frère Tony Podesta, l’un des lobbyistes les plus riches et les plus prospères de Washington, avait des goûts extrêmement étranges en art. Les principaux objets de sa très vaste collection personnelle semblaient représenter des corps torturés ou assassinés, et l’un de ses artistes préférés était surtout connu pour ses peintures représentant de jeunes enfants détenus en captivité, morts, couchés ou souffrant dans une détresse grave. De telles œuvres d’art particulières ne sont évidemment pas illégales, mais elles peuvent naturellement éveiller quelques soupçons. Et curieusement, l’archi-Démocrate Podesta était depuis longtemps un ami personnel proche de l’ancien président du parti républicain à la chambre des représentants, et pédophile condamné, Dennis Hastert, l’accueillant de nouveau dans la société de Washington après sa libération de prison.
En outre, certains des courriels de Podesta, formulés de façon plutôt suspecte, faisaient référence à des événements tenus dans une pizzeria locale de Washington, très appréciée par l’élite du parti Démocrate, dont le propriétaire était l’ancien petit ami gay de David Brock, un activiste Démocrate de premier plan. Le fil public Instagram de cet entrepreneur de pizzas contenait apparemment de nombreuses images de jeunes enfants, parfois attachées ou liées, avec ces images souvent étiquetées par des hashtags utilisant l’argot gay traditionnel désignant les cibles sexuelles mineures. Sur certaines photos, le type portait un tee-shirt portant l’inscription « J’aime les enfants » en français, et par une coïncidence très étrange, son nom d’emprunt était phonétiquement identique à cette même phrase française, proclamant ainsi au monde qu’il était « un amoureux des enfants ». Des comptes Instagram, étroitement liés, incluaient également des photos de jeunes enfants, parfois montrées parmi des piles de billets de banque de grande valeur, avec des questions sur la valeur de ces enfants en particulier. Rien de tout cela ne semble illégal, mais toute personne raisonnable considérerait certainement ces éléments comme extrêmement suspects.
Washington DC est parfois décrite comme « la ville du pouvoir », étant le siège d’individus qui décident des lois du pays et gouvernent notre société, les journalistes politiques locaux étant très au courant du statut relatif de ces individus. Et assez curieusement, GQ Magazine avait classé ce patron homosexuel de pizzeria ayant un étrange penchant pour les jeunes enfants comme étant l’une des 50 personnes les plus puissantes dans notre capitale nationale, le plaçant loin devant de nombreux membres du Cabinet, sénateurs, présidents du Congrès, juges de la Cour suprême, et les meilleurs lobbyistes. Sa pizza était-elle si délicieuse ?
Ces quelques paragraphes ne sont qu’un échantillon du grand nombre d’éléments très suspects qui entourent diverses figures puissantes au sommet du monde politique de Washington. Un vaste nuage de fumée n’est certainement pas la preuve d’un incendie, mais seul un imbécile pourrait l’ignorer complètement sans tenter une enquête plus poussée.
Je considère généralement les vidéos comme un mauvais moyen de communiquer des informations sérieuses, beaucoup moins efficaces et significatives que le simple mot imprimé. Mais l’écrasante majorité des preuves à l’appui de l’hypothèse de Pizzagate se compose d’images et de captures d’écran, et celles-ci conviennent naturellement à une présentation vidéo.
Certains des meilleurs résumés de l’affaire Pizzagate ont été produits par une jeune Britannique du nom de Tara McCarthy, dont le travail a été publié sous le nom de « Reality Calls », et ses vidéos ont été vues des centaines de milliers de fois. Bien que sa chaîne ait finalement été bannie et ses vidéos purgées, des copies ont ensuite été rechargées sur d’autres comptes, tant sur YouTube que sur BitChute. Certaines des preuves qu’elle a présentées me semblent plutôt inoffensives ou spéculatives, et d’autres éléments sont probablement fondés sur sa méconnaissance de la société et de la culture américaines. Mais il reste encore beaucoup d’éléments extrêmement suspects, et je suggère aux gens de regarder ces vidéos et de décider par eux-mêmes.
À peu près au moment même où je me familiarisais avec les détails de la controverse sur le Pizzagate, le sujet a également commencé à être publié dans mes journaux du matin, mais d’une manière assez étrange. Les articles politiques commençaient en le qualifiant en une phrase ou deux de « canular du Pizzagate », le décrivant comme une ridicule « théorie du complot » de droite, en excluant tous les détails pertinents. J’avais le sentiment étrange qu’une main invisible avait soudain fait basculer un interrupteur, poussant tous les médias grand public à afficher des pancartes identiques sur lesquelles on pouvait lire « le Pizzagate est un bobard – Circulez, y a rien à voir ! », comme un néon clignotant et lumineux. Je ne me souviens d’aucun exemple de réaction médiatique aussi étrange en réaction à une obscure controverse sur Internet.
Des articles du Washington Post et du Los Angeles Times sont également apparus soudainement pour dénoncer l’ensemble des médias alternatifs – de gauche, de droite et libertaire – comme des sites d’« infox » faisant la promotion de la propagande russe, tout en demandant que leur contenu soit bloqué par tous les géants patriotiques d’Internet tels que Facebook, Twitter et Google. Avant ce moment, je n’avais jamais entendu l’expression « infox » [Fake news, NdT], mais tout à coup, elle est devenue omniprésente dans les médias, comme si une main invisible avait soudainement actionné un interrupteur.
J’ai naturellement commencé à me demander si la synchronicité de ces deux développements étranges n’était vraiment qu’une coïncidence. Peut-être que le Pizzagate était en effet vrai et frappait si profondément au cœur de notre système politique extrêmement corrompu que les efforts des médias pour le supprimer approchaient du niveau de l’hystérie.
Peu de temps après, les belles vidéos de Tara McCarthy sur le Pizzagate ont été censurées par YouTube. Ce fut l’un des tout premiers cas d’interdiction de contenu vidéo en dépit de la conformité totale à toutes les directives existantes de YouTube, une autre évolution profondément suspecte.
J’ai aussi remarqué que la simple mention du Pizzagate était devenue politiquement mortelle. Donald Trump avait choisi le lieutenant-général Michael Flynn, ancien chef de la Defense Intelligence Agency, comme conseiller en matière de sécurité nationale, et le fils de Flynn était le chef de cabinet de ce dernier. Le jeune Flynn à tweeté quelques liens vers les histoires de Pizzagate, soulignant que les accusations n’avaient pas encore fait l’objet d’une enquête et encore moins d’une réfutation et, peu de temps après, il a été expulsé de l’équipe de transition de Trump, préfigurant la chute de son père quelques semaines plus tard. Il m’a semblé étonnant que quelques simples tweets à propos d’une controverse sur Internet puissent avoir un tel impact dans la vie réelle près du sommet de notre gouvernement.
Les médias ont continué le battement de tambour uniforme disant « le Pizzagate a été démystifié », mais on ne nous a jamais expliqué comment et par qui, et je n’étais pas la seule personne à remarquer le caractère creux de telles affirmations. Un journaliste d’investigation primé, Ben Swann, d’une station CBS d’Atlanta, a diffusé un court segment télévisé résumant la controverse sur le Pizzagate et notant que, contrairement aux affirmations largement répandues dans les médias, le Pizzagate n’avait fait l’objet ni d’une enquête ni d’une démystification. M. Swann a été presque immédiatement viré par CBS, mais une copie de sa séquence télévisée reste disponible sur Internet.
Il y a un vieux proverbe de guerre disant que plus la cible est importante plus les tirs ennemis sont furieux, et la vague remarquablement féroce d’attaques et de censure contre quiconque aborde le sujet du Pizzagate semble soulever toutes sortes de sombres suspicions. En effet, les vagues simultanées d’attaques contre tous les médias alternatifs qualifiés de « médias de propagande russes » ont jeté les bases du régime de censure des médias sociaux qui est devenu un aspect central du monde actuel.
Le Pizzagate peut être vrai ou non, mais la répression en cours sur Internet a également englobé des sujets d’une nature similaire, mais avec une documentation beaucoup plus solide. Bien que je n’utilise pas Twitter moi-même, j’ai rencontré les implications évidentes de cette nouvelle politique de censure après la mort de McCain en août dernier. Le sénateur était décédé un samedi après-midi, et le lectorat de la longue biographie de Sydney Schanberg a explosé rapidement, avec de nombreuses personnes faisant suivre l’histoire et une grande partie du trafic entrant provenant de Twitter. Cela s’est poursuivi jusqu’au lendemain matin, date à laquelle l’énorme afflux de Tweets a continué à augmenter, mais tout le trafic Twitter entrant a soudainement et définitivement disparu, sans doute parce qu’une « censure de l’ombre » avait rendu tous ces Tweets invisibles. Mon propre article sur le bilan de guerre très douteux de McCain a subi simultanément le même sort, comme l’ont fait de nombreux autres articles de nature controversée que nous avons publiés après, cette même semaine.
Peut-être que cette décision de censure a été prise par un jeune stagiaire ignorant de Twitter, qui a choisi par hasard d’interdire et de qualifier de « discours de haine » ou « d’infox » un récit massivement documentée de 8 400 mots écrit par un des journalistes américains les plus éminents, un ancien rédacteur en chef du New York Times, lauréat du prix Pulitzer.
Ou peut-être que certains marionnettistes de politiques qui avaient passé des décennies à contrôler ce regretté sénateur de l’Arizona ont cherché à faire en sorte que les fils de cette marionnette restent invisibles, même après sa mort.
Ron Unz
Traduit par Wayan, relu par jj pour le Saker Francophone
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