Par Ron Unz − Le 6 mai 2024 − Source Unz Review
Je pense que la meilleure manière de comprendre les événements frappants qui ont caractérisé la société étasunienne au cours des mois passés est de revenir sur une observation perspicace, souvent attribuée à tort à Voltaire :
Trouvez qui il est interdit de critiquer, et vous saurez qui règne sur vous
Depuis l’enfance, j’ai compris qu’activisme politique et manifestations constituaient un trait normal de la vie universitaire, le mouvement des années 1960 contre la guerre au Vietnam en a représenté l’un des sommets, dont l’idéalisme héroïque a ensuite fait l’objet de nombreuses éloges dans les manuels historiques. Durant les années 1980, je me souviens avoir vu les abords de l’université de Harvard, ou peut-être de Stanford, envahis de baraquements sommaires pour protester contre l’Apartheid en Afrique du Sud, et il me semble qu’à la même époque, on avait procédé à d’autres occupations à l’Université de Los Angeles pour soutenir sur la durée les Refuzniks en URSS. Les manifestations politiques apparaissaient tout aussi ancrées dans la vie universitaire que les examens de fin d’étude et, en grande partie, les rituels de bizutages et les farces potaches des fraternités traditionnelles, que des étudiants et professeurs censeurs diabolisaient de plus en plus en les désignant comme politiquement incorrects.
Au cours de la dernière décennie, le mouvement Black Lives Matter a soulevé les manifestations étudiantes à de nouveaux sommets, dans tout le pays, aussi bien sur les campus qu’à l’extérieur de ceux-ci, mettant souvent en œuvre de grands défilés, des sit-ins ou du vandalisme, et il est possible que l’influence croissante des smartphones et des réseaux sociaux aient contribué à cette évolution. Dans le même temps, les médias dominants ont, de manière répétée, chanté les louanges et assuré la promotion de ce « mouvement de justice raciale », qui a atteint son sommet après le décès de George Floyd à l’été 2020. Cet incident a déclenché une vague massive de manifestations politiques, d’émeutes et de pillages, ayant mis en scène des personnes jeunes, qui ont submergé quelque 200 villes des États-Unis ; le pire désordre urbain observé depuis la fin des années 1960. Mais, contrairement à cette période, la plus grande partie de nos médias établis et de notre classe politique a dénoncé farouchement toute proposition de déployer la police pour tarir la violence. De fait, en de nombreuses instances, et peut-être même dans la plupart des cas, les forces de maintien de l’ordre seront restées inactives, sur fond d’un nouveau cri lancé par les maîtres politiques : « Retirez les financements à la police! »
Au cours de ces années, de nombreuses universités se sont retrouvées empêtrées dans des controverses de cette nature. Yale a changé le nom de son campus universitaire de Calhoun début 2017, et la liste des changements de nom suite aux manifestations de 2020 autour de la mort de George Floyd est tellement fournie qu’on lui a dédié une page Wikipédia, comprenant certaines de nos bases militaires les plus chargées d’histoire, comme Fort Bragg ou Fort Hood. Les attaques verbales, voire physiques, contre les symboles et statues des présidents et héros les plus célèbres des États-Unis se sont banalisées et ont souvent fait l’objet d’une couverture positive dans les médias. Des personnages comme George Washington, Thomas Jefferson, Abraham Lincoln, Theodore Roosevelt, Woodrow Wilson et Christophe Colomb ont été diabolisés, parfois avec le soutien de nos élites. Un article d’opinion majeur du New York Times a demandé à ce que l’on remplace le Jefferson Memorial par une statue monumentale représentant une femme noire, cependant que les éditorialistes du Times exigeaient de manière répétée que tous les monuments faisant honneur à George Washington subissent le même sort. De nombreux observateurs ont suggéré que les États-Unis étaient entrés dans une sorte de Révolution culturelle à la chinoise à cause des répétitions à grande échelle de l’idée que l’ensemble de notre passé historique était irrémédiablement corrompu, et qu’il fallait par conséquent l’extirper du domaine public.
La plupart de ces manifestations politiques, et surtout celles qui se sont déroulées sur les campus universitaires ont été saluées, par les amplificateurs que sont les médias, comme emblématiques des grandes vertus de la démocratie étasunienne. Les nombreux défenseurs, dans l’élite, de ces bouleversements sociaux et culturels ont avancé que ces événements prouvaient la grande force de notre société, qui permettait librement les attaques les plus hardies contre nos icônes nationales et nos héros les plus sacrés. Les Étasuniens acceptaient un type d’auto-critique brûlante que certainement nulle autre partie du monde n’aurait toléré.
Cette longue histoire de laisser-faire, voire de glorification des manifestations publiques contre des injustices perçues aura naturellement été absorbée et prise à cœur par les jeunes étudiants qui ont commencé leurs études en septembre 2023. Dans les semaines qui ont suivi, un raid surprise remarquablement osé, lancé par des militants du Hamas d’une bande de Gaza sous siège, a pris les Israéliens par surprise et a débordé les défenses high-tech qui avaient coûté quelque chose comme un demi milliard de dollars à édifier. Des centaines de soldats et d’agents de sécurité israéliens ont été tués, ainsi qu’un nombre équivalent de civils, dont la plupart sont sans doute décédés à cause de tirs amis lancés par des soldats israéliens paniqués. Quelque 240 soldats et civils israéliens ont été capturés et emmenés à Gaza au titre de prisonniers, le Hamas espérant les échanger contre la liberté de milliers de civils palestiniens détenus depuis des années dans les prisons israéliennes, souvent dans des conditions brutales.
Comme d’habitude nos médias dominants, très majoritairement pro-israéliens, ont dépeint l’attaque d’une manière extrêmement partisane, totalement sortie de tout contexte historique, comme cela se fait depuis trois générations. Il s’en est suivi qu’Israël a reçu d’énormes manifestations de sympathie de la part de notre société et de ses élites, et que le pays s’est mobilisé pour lancer une attaque de représailles contre Gaza. Dans les jours qui ont suivi, Antony Blinken, notre Secrétaire d’État, a pris l’avion pour Israël en déclarant qu’il venait « en tant que Juif« et en promettant un soutien sans faille des États-Unis en ce moment de crise, des sentiments complètement réitérés par le président Joseph Biden et l’ensemble de son administration. Mais les combattants du Hamas et leurs captifs israéliens étaient enfouis dans un réseau de tunnels fortifiés, et les en faire sortir risquait de produire de fortes pertes, si bien que Benjamin Netanyahu, premier ministre israélien, et ses conseillers ont opté pour une stratégie différente.
Plutôt que d’attaquer le Hamas, Netanyahu a surfé sur la vague de sympathie mondiale en lançant une attaque militaire sans précédent contre les plus de deux millions de civils habitant Gaza, apparemment dans l’intention d’en tuer un grand nombre et de pousser les survivants dans le désert égyptien du Sinaï, afin qu’Israël puisse annexer leur territoire et le peupler de Juifs. Peu de temps après, le gouvernement israélien a commencé à distribuer des fusils d’assaut aux colons israéliens de Cisjordanie, en lançant une commande publique de pas moins de 24 000 fusils d’assaut pour ce faire. Mettre entre les mains de fanatiques religieux ces armes automatiques ne pouvait que produire des massacres, de nature à générer une raison pour pousser les millions de Palestiniens jusqu’en territoire de Jordanie. Le résultat final serait la création d’un Grand Israël racialement pur, s’étendant « De la Rivière à la Mer », le rêve entretenu de longue date par le mouvement sioniste. Ainsi, s’il parvenait à ses fins, la place de Netanyahu dans l’histoire juive promettait d’être glorieuse, et ses nombreux pêchés et bévues promettaient d’être oubliés.
Alors que les envois d’aide aérienne assuraient un afflux ininterrompu de munitions, les Israéliens ont commencé une campagne massive de bombardements aériens contre une Gaza densément peuplée et ses résidents impuissants. Cachés dans leurs profonds tunnels, les combattants du Hamas sont restés relativement protégés, mais les civils de Gaza ont subi des pertes dévastatrices, dont une grande partie a été provoquée par des bombes pesant des centaines de kilos, que l’on n’avait quasiment jamais lancé contre des cibles civiles jusqu’alors. De vastes portions de la bande de Gaza se sont rapidement transformées en paysages lunaires, et l’on compte quelque 100 000 bâtiments détruits, parmi lesquels hôpitaux, églises, mosquées, universités, bureaux du gouvernement, boulangeries, et toutes autres infrastructures nécessaires au maintien de la vie civile. Le Financial Times a rapporté qu’en quelques semaines à peine, les destructions subies par une grande partie de Gaza dépassaient déjà celles qu’avaient connu les villes allemandes pendant les années de bombardements alliés de la seconde guerre mondiale.
La destruction catastrophique du nord de Gaza en une période de moins de sept semaines approche le niveau de dégâts provoqué par les bombardements systématiques des villes allemandes durant la seconde guerre mondiale.
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pic.twitter.com/vC3Nx3BP5X
— Financial Times (@FT) — 7 décembre 2023
Bien que Netanyahu soit absolument laïc, il a joué sur sa base religieuse en déclarant publiquement que les Palestiniens appartenaient à la tribu d’Amalek, dont le Dieu hébreu avait ordonné qu’elle fût exterminée jusqu’au dernier nouveau-né. De nombreux autres dirigeants israéliens ont exprimé des sentiments tout aussi génocidaires, et certains soldats et officiers israéliens religieusement zélés ont pris ces déclarations au pied de la lettre.
Ce gigantesque bain de sang a été encore amplifié après que le gouvernement israélien et les propagandistes qui le soutiennent ont commencé à propager des fables sur des atrocités commises par le Hamas, comme des décapitations ou crémations de bébés israéliens, des mutilations sexuelles, ou des viols en groupe. Les médias globalistes notoirement favorables à Israël ont rapporté ces récits avec crédulité pour détourner l’attention du carnage réalisé contre les civils palestiniens. Pour s’assurer que la couverture médiatique restait partisane, les Israéliens ont ciblé les journalistes indépendants présents à Gaza, et en ont tué environ 140 au cours des derniers mois, un nombre aussi important que le nombre total de journalistes tués dans toutes les guerres s’étant déroulé dans le monde entier en plusieurs années.
Les dirigeants israéliens déclarant publiquement leurs projets génocidaires à l’encontre de leurs ennemis palestiniens, et l’armée israélienne réalisant le plus grand massacre télévisé de civils sans défense de toute l’histoire du monde, les organisations internationales ont peu à peu vu la pression monter pour s’impliquer dans le conflit. À la fin décembre 2023, l’Afrique du Sud a soumis à la Cour Internationale de Justice (CIJ) un document de 91 pages accusant Israël de commettre un génocide. Dans les quelques semaines qui ont suivi, les juristes de la CIJ ont produit une suite de jugements quasiment unanimes soutenant ces accusations, et déclarant que les Gazaouis connaissaient un risque grave de génocide potentiel du fait des actions commises par Israël et même un juge désigné par Israël, un ancien Juge dirigeant la Cour Suprême israélienne, a soutenu la plus grande partie de ces verdicts.
Mais loin de reculer, le gouvernement de Netanyahu a redoublé ses assauts contre Gaza, resserrant le blocus sur les denrées alimentaires en interdisant aux organisations de l’ONU responsables de leur distribution. Apparemment, les Israéliens pensaient qu’une combinaison de famine, de bombes et de missiles pouvait constituer le moyen le plus efficace pour tuer ou faire fuir l’ensemble des Palestiniens.
Au cours des quelques mois passés, j’ai discuté de ces développements malheureux dans une longue suite d’articles, et le plus gros de cette production est également résumé dans quelques interviews avec Mike Whitney :
- Gazacauste : Accuser ceux qui méritent de l’être
Interview de Ron Unz par Mike Whitney
Ron Unz — The Unz Review — 5 février 2024 — 4600 mots - Les racines juives du carnage de Gaza
Interview de Ron Unz par Mike Whitney
Ron Unz — The Unz Review — 11 mars 2024 — 5900 mots
Au cours des dernières décennies, ces événements terribles sont passés relativement inaperçus, les gardiens pro-Israël de nos médias dominants s’assurant que le plus gros de ces informations bouleversantes ne parviennent pas aux yeux ou aux oreilles de l’Étasunien ordinaire. Mais les développements technologiques ont modifié ce paysage médiatique avec les vidéos qui sont distribuées sur des médias relativement peu censurés, comme TikTok, ou Twitter, qui permettent désormais de contourner facilement ce blocus. Malgré les décennies de douleur et d’oppression, les Palestiniens de Gaza étaient un peuple tout à fait moderne, bien équipés en smartphones, et les scènes qu’ils ont filmées ont fait le tour du monde et ont rapidement attiré d’énormes quantités de spectateurs parmi les jeunes Étasuniens qui utilisent les réseaux sociaux comme principale source d’informations.
Durant des générations, les étudiants ont été lourdement endoctrinés au sujet des horreurs de l’Holocauste, ils se sont vus répéter sans cesse qu’ils ne devaient jamais garder le silence lorsque des hommes, femmes et enfants se voyaient brutalement attaqués et massacrés. Les images qu’ils voyaient désormais, montrant des villes dévastées et des enfants mourants ressemblaient exactement à celles que l’on voit dans un film, mais elles provenaient directement du monde physique.
Il y a quelques années, les administrations Trump et Biden avaient proclamé d’une seule voix que le gouvernement chinois se rendait coupable de « génocide » contre sa minorité ouïghour, malgré l’absence de la moindre preuve indiquant qu’un nombre significatif de Ouïghours ait été blessé, ou tué. Selon cette norme, la destruction totale de Gaza et le massacre massif ou la famine délibérément infligée aux millions de Palestiniens constituaient de toute évidence un énorme « génocide » ; dans les semaines qui ont suivi, des étudiants activistes de tous les campus ont rallié le mouvement et se sont mis à organiser des manifestations publiques contre le massacre terrifiant perpétré par Israël.
Trois années plus tôt, un criminel endurci du nom de George Floyd était mort d’overdose durant une garde à vue, et une seule vidéo, très trompeuse, présentant ses derniers moments avait provoqué la plus grande vague de manifestations publiques aux États-Unis depuis la fin des années 1960. Il n’était donc guère surprenant que le distribution à grande échelle de centaines ou de milliers de vidéos présentant des enfants de Gaza morts et mutilés inspirât un puissant mouvement de protestation. Mais cette fois-ci, au lieu de recevoir des louanges pour leur engagement humanitaire, voici que ces étudiants — ainsi que les administrateurs des universités qui avaient autorisé leurs manifestations — se trouvaient férocement attaqués et punis comme je l’ai décrit à l’époque :
Avec des images très parlantes de quartiers de Gaza dévastés et d’enfants palestiniens morts répandues sur Twitter et sur les autres réseaux sociaux, les sondages ont révélé qu’une majorité de jeunes Étasuniens sont désormais favorables au Hamas et aux Palestiniens dans leur lutte actuelle contre Israël. Il s’agit d’un renversement choquant par rapport à la vision entretenue par leurs parents, dont la pensée a été façonnée par des générations de messages très majoritairement pro-israéliens dans les émissions de télévision, les films et les publications papier, et cette tendance au renversement promet de s’amplifier, à présent qu’Israël se voit poursuivi par l’Afrique du Sud et par 22 autres nations devant la Cour Internationale de Justice, accusé de commettre un génocide à Gaza.
En conséquence de ces forts sentiments au sein de la jeunesse, des manifestations opposées à Israël ont éclaté dans nombre de nos universités, provoquant l’indignation de nombreux milliardaires donateurs favorables à Israël. Presque sur-le-champ, certains d’entre eux ont lancé une rude campagne de représailles, de nombreux dirigeants d’entreprises déclarant qu’ils allaient s’interdire de recruter le moindre étudiant soutenant publiquement la cause palestinienne, et soulignant ces menaces par une vaste campagne de divulgation d’identités à Harvard et au sein d’autres universités réputées.
Il y a quelques semaines, nos dirigeants élus, uniformément favorables à Israël, ont appelé les présidents de plusieurs de nos universités d’élite — Harvard, Penn et le MIT — à témoigner au sujet d’un supposé « antisémitisme » sur leurs campus. Les membres du Congrès leur ont jeté l’opprobre pour avoir autorisé des activités opposées à Israël, allant même jusqu’à les accuser aveuglément d’avoir permis des appels publics à un « génocide juif » sur les campus.
La réponse de ces dirigeants d’universités a souligné leur soutien à la liberté d’expression politique, mais a été jugée insatisfaisante par les donateurs pro-israéliens et leurs alliés médiatiques, si bien que des pressions énormes ont été exercées pour qu’ils soient destitués. Dans les jours qui ont suivi, le président de Penn et le président du Conseil de l’établissement, qui le soutenait, ont été contraints à la démission, et peu après, la première présidente noire de Harvard a subi le même sort, des groupes pro-israéliens divulguant des preuves de plagias pour la contraindre à quitter son poste.
Je n’ai pas connaissance du moindre précédent ayant vu le président d’une université d’élite étasunienne aussi rapidement déboulonné de son poste pour des raisons idéologiques, et deux instances successives de cet événement en l’espace de quelques semaines à peine m’apparaît comme un développement absolument inédit, qui présente des implications colossales au sujet de la liberté académique.
J’ai pour idée que la plupart des étudiants concernés ont été absolument abasourdis par cette réaction. Durant des décennies, leurs prédécesseurs et eux avaient librement manifesté sur toute une gamme de causes politiques sans jamais avoir à encourir le début de la moindre trace de représailles, sans parler d’une campagne organisée contraignant à la démission deux des présidents de l’Ivy League qui avaient permis leurs manifestations. Certaines de ces organisations étudiantes ont été interdites sur-le-champ, et ceux qui protestaient ont été rudement menacés, mais les images terrifiantes en provenance de Gaza continuaient de s’afficher sur leur téléphone. Comme Jonathan Greenblatt, président de l’Anti-Defamation League, l’avait exprimé auparavant dans un coup de fil qui a fuité : « Nous avons un gros problème avec Tiktok« .
De fait, les Israéliens ont continué de générer une avalanche de contenus saisissants pour ces vidéos. Des foules d’activistes israéliens bloquaient de manière répétée le passage des camions apportant des denrées alimentaires et, en quelques semaines, des dirigeants de l’ONU déclaraient que plus d’un million de Gazaouis étaient au bord de la mort faute d’alimentation. Lorsque des Gazaouis désespérés et affamés se sont rués sur l’un des rares convois ayant pu se frayer un chemin, l’armée israélienne a ouvert le feu et a tué plus de 100 personnes dans le « Massacre de la farine », et cette scène s’est ensuite répétée. Toutes ces scènes terrifiantes de mort et de famine délibérée ont été diffusées à l’échelle mondiale sur les réseaux sociaux, certains des pires exemples provenant des comptes de soldats israéliens enchantés de les diffuser, comme la vidéo prise par eux du corps d’un enfant palestinien dévoré par un chien affamé. Une autre image montrait les restes d’un prisonnier palestinien entravé qui avait été écrasé vivant par les chenilles d’un char israélien. Selon une organisation européenne des droits de l’homme, les Israéliens ont de manière répétée utilisé des bulldozers pour enterrer vivants des Palestiniens en grand nombre. Les dirigeants de l’ONU ont rapporté la découverte de fosses communes aux abords de plusieurs hôpitaux, et les victimes apparaissaient comme dévêtues et encore entravées, ce qui fait penser à des exécutions par arme à feu. Comme l’a indiqué Andrew Anglin, un provocateur sur Internet, le comportement des Juifs israéliens n’apparaît pas simplement comme « méchant » mais comme digne de « méchants de bande dessinée », avec des crimes patents qui semblent suivre le scénario de films de propagande absolus, mais dans la vraie vie.
Bien que le bilan officiel des morts comptés à Gaza dans nos médias soit apparu comme à peu près constant au cours des dernières semaines, il s’agit presque certainement d’une illusion. Au cours des deux premiers mois de l’attaque menée par Israël, le ministère de la santé publique de Gaza avait maintenu des listes de décès très détaillées, faisant figurer les nom, âge et codes d’identité des victimes, et avait publié des mises à jour régulières des totaux, si bien que ces nombres paraissaient vraiment bien établis. Mais l’attaque israélienne a bientôt ciblé l’ensemble des bureaux du gouvernement et hôpitaux de Gaza, et début décembre, les dirigeants gazaouis responsables du récapitulatif des morts étaient eux-mêmes morts ou disparus, si bien que le décompte a naturellement eu tendance à stagner, alors même que les conditions empiraient pour ceux qui avaient survécu jusque-là dans la bande de Gaza.
Après moins de trois mois de massacre israélien, quelque 22 000 Gazaouis avaient officiellement été signalés comme morts, mais après plus de sept mois de famine et d’attaques sans relâche, ayant mis en œuvre la destruction de l’ensemble des hôpitaux et d’infrastructures de soins de Gaza, les décompte officiel des morts rapportés dans nos médias n’était monté qu’aux environs de 34 000, un nombre qui apparaît comme fort peu plausible. Début mars 2024, Ralph Nader, une icône progressiste, avait attiré l’attention du public sur ce point, en indiquant que les décès à Gaza étaient certainement fortement sous-estimés, et il avait émis l’hypothèse que le véritable nombre de décès avaient peut-être déjà atteint le nombre des 200 000. Bien que ce total me soit apparu à l’époque comme élevé, le nombre énoncé par Nader a eu le mérite de souligner le caractère ridiculement faible des nombres régulièrement cités par les médias.
Un récent article paru en première page du New York Times rapportait le cas tragique d’un pharmacien palestino-étasunien vivant dans le New Jersey, qui a personnellement perdu 200 membres de sa famille, tués à Gaza, dont ses parents et frères et sœurs. Ce seul échantillon indique la magnitude possible de la sous-estimation du décompte prodigué par les médias après sept mois d’horreur, et le professeur Jeffrey Sachs, de l’université de Columbia, a suggéré quelque chose d’approchant au cours d’une interview récente. Bien qu’il soit impossible de produire des estimations solides, il me semble qu’un bilan de 100 000 morts civils, ou même nettement supérieur, est à ce jour parfaitement plausible.
Ces terribles développements ont naturellement provoqué une vague continue de manifestations étudiantes, qui condamnent Israël pour ces crimes monstrueux, ainsi que notre propre administration Biden pour les livraisons d’argent et de munitions que nous prodiguons à cet État. Le professeur John Mearsheimer, de l’université de Chicago, est l’un de nos universitaires les plus en vue, membre des plus sobres de l’École Réaliste, et au cours d’une interview parue la semaine dernière, il n’a guère exprimé de surprise sur ces sujets. Après tout, a-t-il indiqué, Israël est de toute évidence un État d’Apartheid à l’œuvre dans des actions de génocide sous les yeux du monde entier, si bien qu’il fallait s’attendre à voir des manifestations politiques sur les campus universitaires.
Au cours des derniers mois, des partisans favorables à Israël ont régulièrement dénoncé l’anti-sionisme de leurs opposants, le qualifiant d’antisémitisme et insistant pour qu’il soit interdit. Au mois de février 2024, j’avais noté les implications ironiques de leur positionnement :
Il s’agit d’une situation des plus étranges, qui demande une analyse et des explications soignées. Le mot « antisémitisme » signifie la critique ou le mépris envers les Juifs, et au cours des dernières années, des partisans d’Israël ont demandé, et ont à peu près réussi à obtenir que le terme soit étendu pour comprendre également l’anti-sionisme, à savoir l’hostilité envers l’État juif.
Mais supposons que nous cédions sur ce dernier point, et acceptions avec ces activistes pro-israéliens que l’« anti-sionisme » serait bien une forme d’« antisémitisme ». Au cours des derniers mois, le gouvernement israélien a brutalement massacré des dizaines de milliers de civils sans défense à Gaza, s’adonnant au plus grand massacre télévisé de l’histoire du monde, et les hauts dirigeants israéliens ont explicitement fait usage de termes génocidaires pour décrire leurs projets vis-à-vis des Palestiniens. De fait, le gouvernement sud-africain a produit un document légal de 91 pages, déposé à la Cour Internationale de Justice, cataloguant ces déclarations israéliennes, et les juristes de cette institution ont été quasiment unanimes à juger que des millions de Palestiniens étaient confrontés à la perspective d’un génocide mené par les Israéliens.
Actuellement, la plupart des Occidentaux affirment considérer le génocide d’une manière absolument négative. Alors, par pur syllogisme, est-ce qu’il ne s’ensuit pas qu’ils devraient adopter et approuver l’« antisémitisme » ? Un visiteur provenant de la planète Mars serait certainement très troublé de constater cet étrange dilemme ainsi que les contorsions philosophiques et psychologiques qu’il semble induire.
Il est plutôt surprenant de voir les élites au pouvoir extrêmement policées et « politiquement correctes » des États-Unis et du reste du monde occidental s’employer à faire les éloges soutenus de l’État d’Israël racialement exclusiviste au moment même où celui-ci tue en grand nombre femmes et enfants, et s’emploie avec moult efforts à affamer jusqu’à la mort quelque deux millions de civils dans le cadre du massacre sans précédent qu’il met en œuvre. Après tout, le régime d’Apartheid que connu l’Afrique du Sud était nettement plus modéré et circonspect, et il fut universellement condamné, boycotté et sanctionné alors même qu’il ne commettait qu’une petite fraction de ces écarts.
- La Pravda américaine : Gaza, le pouvoir juif et l’Holocauste
Ron Unz — The Unz Review — 19 février 2024 — 10400 mots
Il se peut qu’un virage important ait été amorcé le 17 avril 2024, lorsque Minouche Shafik, présidente de l’université de Colombia d’origine égyptienne, s’est fait laver le cerveau par un comité du Congrès pour avoir autorisé des manifestations opposées à Israël sur son campus. Ceux qui l’interrogeaient ont affirmé que ces manifestations étaient des actions « antisémites » et avaient amené certains étudiants juifs de Columbia à « se sentir en danger », une situation funeste qui éclipsait aussi bien la liberté d’expression que la liberté académique.
On ne sait pas si Shafik a adhéré à ces arguments ou non, mais il ne fait aucun doute qu’elle avait bien à l’esprit qu’à peine quelques mois plus tôt, ses homologues de Harvard et de Penn s’étaient sommairement vus purgés pour avoir donné la mauvaise réponse, et elle ne tenait pas du tout à partager le même sort. Elle a donc promis de mettre fin à tout antisémitisme public de ce genre au sein de son université, et peu de temps après, on voyait 100 policiers casqués de la brigade anti-émeutes invités sur le campus pour écraser les manifestations et arrêter les manifestants, ces derniers se voyant accusés d’« intrusion », une accusation des plus étranges puisqu’il s’agissait d’étudiants inscrits et manifestant sur leur propre campus.
Cette sorte de descente de police brutale et immédiate semble quasiment sans précédent dans toute l’histoire moderne des manifestations politiques universitaires. Dans les années 1960, on avait assisté à quelques rares épisodes où la police avait été appelée pour arrêter des militants manifestant qui s’étaient emparés des bureaux administratifs de Harvard et les occupaient — à Harvard, paradant avec des armes à feu — à Cornell, ou ils avaient mis le feu à un bâtiment du campus — à Stanford. Mais je n’avais jamais entendu parler de manifestants politiques pacifiques arrêtés sur la zone de leur propre campus simplement en raison du contenu de leur discours politique.
Bien que les mesures de répressions à Columbia, exigées par les membres du Congrès, aient de toute évidence visé à tarir les manifestations sur les campus étasuniens, elles ont eu, comme il fallait s’y attendre, l’effet opposé. Les scènes de policiers anti-émeute casqués arrêtant des étudiants pacifiques sur leur propre campus se sont répandues viralement sur les réseaux sociaux, et ont provoqué une vague de manifestations similaires dans de nombreuses autres universités du pays, rapidement suivies le plus souvent par des arrestations par la police. Selon le dernier décompte, quelque 2 300 étudiants ont désormais été arrêtés dans des dizaines d’universités.
Les actions menées par la police d’État de Géorgie au sein de l’université d’Emory sont apparus comme particulièrement indignes, et un Tweet contenant une vidéo de l’un de ces incidents a déjà été vu 1,5 millions de fois. Une professeure titulaire d’économie, âgée de 57 ans, du nom de Carolyn Frohlin, s’est indignée de voir l’un de ses étudiants maintenu au sol et s’est dirigée vers lui, pour se voir brutalement projetée au sol, entravée, et arrêtée par deux agents musclés dirigés par un sergent. Jim Acosta, une figure de CNN, s’est montré absolument choqué en rapportant cet incident.
Des scènes pires encore se sont déroulées sur le campus de l’université de Los Angeles, où des manifestants pacifiques ont été violemment attaqués et battus par une foule de voyous pro-israéliens sans le moindre lien avec l’université, mais armés de barres, de clubs de golf et de feux d’artifices, provoquant de graves blessures. Une professeure d’histoire a décrit son indignation de voir la police juste à côté rester impassible et ne rien faire alors que les étudiants du campus se faisaient attaquer par des éléments extérieurs, pour ensuite arrêter 200 de ces étudiants. Selon les journalistes locaux, la foule violente avait été organisée et payée par Bill Ackman, un milliardaire pro-israélien.
Je n’avais jusqu’alors jamais entendu parler de foule organisée de voyous extérieurs à qui l’on permettait de s’en prendre violemment à des étudiants étasuniens manifestant pacifiquement sur leur propre campus ; il s’agit d’une scène qui parait bien plus digne d’une dictature latino-américaine. L’exemple le plus proche qui me vient à l’esprit est celui du tristement célèbre « Hard Hat Riot » qui s’était produit en 1970 à New York, au cours duquel des centaines d’ouvriers en bâtiment favorables à Nixon avaient combattu un nombre semblable de manifestants pacifistes dans les rues de Manhattan, un incident tellement indigne qu’il dispose de sa propre page Wikipédia.
Il existe peut-être une analogie un peu différente, mais bien plus proche et récente. Après que Donald Trump a lancé sa campagne présidentielle qui a réussi par surprise, des orateurs favorables à Trump et de droite invités sur des campus universitaires se sont régulièrement fait harceler et attaquer ainsi que leur auditoire par des foules d’antifas violents, ces derniers ayant apparemment été enrôlés et payés pour le faire.
Cette sorte de « déboulonnage » très physique avait pour objectif de s’assurer que leurs idées menaçantes ne parviennent jamais à des étudiants impressionnables ni n’amènent les conservateurs à commencer à organiser leurs propres groupes comme les Proud Boys pour apporter une protection physique. Des bagarres violentes se sont produites à Berkeley et sur d’autres campus, et des émeutes antifas ont perturbé à Washington l’investiture de Trump. Dans mon souvenir, la plupart des organisateurs et des soutiens financiers de ces groupes antifas violents semblaient être juifs, si bien qu’il n’est peut-être pas surprenant que d’autres dirigeants juifs aient désormais commencé à faire usage de tactiques semblables pour supprimer divers mouvements politiques qu’ils considèrent comme indésirables.
Il y a quelques années, un ancien dirigeant de l’American Israel Public Affairs Committee [un lobby créé en 1963 aux États-Unis pour soutenir Israël, NdT] s’était vanté auprès d’un journaliste qui lui était favorable que s’il écrivait n’importe quoi sur une simple serviette en papier, il pouvait dans les 24 heures obtenir les signatures de 70 Sénateurs pour le soutenir, et le pouvoir politique de l’Anti-Defamation League est tout aussi formidable. Il n’est donc guère surprenant qu’au cours de la semaine passée, une majorité écrasante et bipartisane de 320 contre 91 ait adopté à la Chambre une loi élargissant le sens de l’anti-sionisme et de l’antisémitisme dans les politiques anti-discriminatoires du Département de l’Éducation, en codifiant les définitions utilisées dans nos lois relatives aux Droits Civils, pour classifier ces idées comme discriminatoires.
Je n’ai pas essayé de lire le texte, mais son objectif est de toute évidence de contraindre les universités à bannir de leur campus les activités délétères comme les manifestations opposées à Israël, sous peine de se voir privées de leurs financements fédéraux. Il s’agit d’une attaque frontale contre la liberté académique ainsi que contre la liberté d’expression et de pensée pourtant traditionnelle aux États-Unis, et cela peut également pousser d’autres organisations privées à adopter des politiques similaires. Rebondissement particulièrement ironique, la définition de l’antisémitisme usitée dans la loi couvre clairement des portions de la Bible chrétienne, ce qui revient à dire que les législateurs Républicains ignares viennent, la main sur le cœur, d’interdire la Bible dans un pays dont les racines sont chrétiennes à 95%.
Je doute que la moindre arrestation sur ce terrain soit réellement suivie d’effets judiciaires, mais une fois que des idées controversées se voient de plus en plus interdites dans les lieux respectables, la plupart des gens, y compris un certain nombre d’agents de maintien de l’ordre déconcertés, peuvent vaguement commencer à penser que ces idées ont été déclarées interdites.
Bien que la couverture de cette loi dans les médias ait été très faible, ses implications sont des plus graves. Pour le dire simplement, l’« antisémitisme » représente le mépris ou la critique des Juifs, et l’« anti-sionisme » est la même chose vis-à-vis de l’État d’Israël. Il s’ensuit qu’interdire toute critique des Juifs ou d’Israël constituerait certainement un développement juridique des plus remarquables dans notre société.
Cette suppression massive de toute opposition politique au sionisme, mise en œuvre au travers d’un mélange de moyens légaux, quasi-légaux et illégaux a fait l’objet de peu de critiques outragées et diverses. Max Blumenthal et Aaron Mate, de jeunes progressistes juifs très critiques envers Israël et les attaques qu’il mène contre Gaza, ont émis l’idée dans une récente vidéo postée en ligne juste avant le vote du Congrès que les Sionistes constituaient la plus grande menace envers la liberté aux États-Unis, et que les États-Unis subissait une « occupation politique » par « le Lobby israélien ».
On ne saurait dire s’ils ont conscience que leur dénonciation agacée est très proche de l’une des phrases les plus célèbres produites par l’extrême-droite lors du dernier demi-siècle, qui avait condamné le système politique en place aux États-Unis, qualifié de ZOG, « Zionist Occupation Government ». Au fil du temps, la réalité factuelle commence à apparaître, indépendamment des prédispositions idéologiques de tout un chacun.
Il est difficile d’exprimer des certitudes à cet égard, mais mon opinion est que l’adoption de cette loi controversée par la Chambre s’apparente sans doute à une gaffe stratégique majeure de la part des forces favorables à Israël, de l’Anti-Defamation League et des autres groupes juifs qui sont derrière cette décision. Les Juifs ne constituent que 2% de la population des États-Unis, et au fil des dernières générations, nombre de leurs organisations semblent avoir mené une campagne très fructueuse pour s’emparer du contrôle des points clés de notre société, mais ce processus a toujours nécessité que leur force et leur influence restent invisibles. Cependant, le soutien uniforme et tout à fait synchrone de la ligne politique étasunienne envers le massacre qu’Israël commet sur les Palestiniens a éveillé l’attention de certains éléments de notre population, et cette tentative législative visant fondamentalement à interdire la critique des Juifs et d’Israël peut produire un impact semblable. Des opinions qui n’étaient jusqu’ici entretenues que dans les franges extrémistes peuvent désormais commencer à connaître une popularité nettement plus élevée.
Par exemple, le caricaturiste Scott Adams est devenu l’un des commentateurs les plus populaires dans les cercles conservateurs et opposés au wokisme, et il vient de publier une dénonciation cinglante de la proposition de loi, qui ressemble à ce qui est habituellement exprimé par des personnalités bien plus extrémistes.
🤯🤯@ScottAdamsSays vient d’énoncer tout ce que @NickJFuentes affirme depuis des années, et s’aligne désormais avec tous les complotistes d’extrême droite sur ce sujet. pic.twitter.com/m4XAgvrsl4
— 🩺The Pharmacopiean💊 (@FarAwayAndCozy) 4 mai 2024
Au cours des premières décennies du XXème siècle, l’énorme Empire russe n’était peuplé que d’environ 4% de Juifs, mais après que les Bolcheviques, parmi lesquels les Juifs étaient massivement sur-représentés, se sont emparés du pouvoir, cette ethnie a pris massivement le pouvoir dans les plus hauts cercles du pays. Cet énorme décalage entre dirigeants et dirigés a naturellement provoqué beaucoup d’hostilité de la part du grand public, et les Bolcheviques ont répondu à ce problème en interdisant l’antisémitisme, la peine allant parfois jusqu’à l’exécution sommaire.
Comme les groupes juifs des États-Unis ne possèdent pas un pouvoir administratif aussi extrême, ils ont été contraints de s’appuyer sur la dissimulation et la manipulation politique pour parvenir à leurs fins, et il se peut qu’ils en aient trop fait avec cette dernière tentative législative visant à interdire la critique. De plus en plus de gens vont peut-être commencer à porter une attention plus soutenue aux décisions apparemment inexplicables prises par nombre de nos élus, tout en remarquant la composition inhabituelle des hautes sphères de notre gouvernement. Sur ce dernier point, l’un de mes articles de 2023 exprimait une évidence :
Prenons par exemple les personnalités de haut niveau de notre administration Biden en cours, qui jouent un rôle central pour déterminer l’avenir de notre pays et du reste du monde. La liste des départements du Cabinet s’est fortement étendue depuis les jours où Washington était président, mais disons que nous centrons notre attention sur les quelques départements les plus importants, dirigés par les personnalités qui contrôle la sécurité et l’économie du pays, et ajoutons-y les noms du Président, du Vice-Président, du directeur de cabinet, et du Conseiller de la Sécurité nationale. Bien que la « Diversité » soit devenue le mantra sacré du parti Démocrate, les antécédents de la poignées de personnalités qui dirigent notre pays frappe par sa non-diversité, surtout si l’on met de côté les deux personnages les plus haut placés.
- Président Joe Biden (belle-famille juive)
- Vice présidente Kamala Harris (mariée à un Juif)
- Chef de cabinet de la Maison-Blanche, Jeff Zients (Juif), qui remplace Ron Klain (Juif, Harvard)
- Secrétaire d’État Antony Blinken (Juif, Harvard)
- Secrétaire au Trésor Janet Yellen (Juive, Yale)
- Secrétaire à la Défense Lloyd Austin III (Noir)
- Procureur général Merrick Garland (Juif, Harvard)
- Conseiller à la sécurité nationale Jake Sullivan (Blanc, non-Juif, Yale)
- Directrice des Renseignements nationaux Avril Haines (Juive)
- Secrétaire à la Sécurité Intérieure Alejandro Mayorkas (Juif)
De manière surprenante, bien que l’impasse politique actuelle des États-Unis aurait pu alarmer des personnes bien informées depuis la première moitié du siècle dernier, cela ne les aurait sans doute pas surpris. Il y a cinq ou six ans, j’ai lu un livre fascinant écrit par le professeur Joseph Bendersky, un historien universitaire spécialisé dans les Études sur l’Holocauste et l’histoire de l’Allemagne nazie. Comme je l’avais écrit à l’époque :
Bendersky a passé dix années de recherche pour préparer ce livre, en creusant de manière exhaustive dans les archives des Renseignements militaires des États-Unis et dans les documents et correspondances personnels de plus de 100 hautes personnalités militaires et agents de renseignements. La « Menace Juive« s’étale sur 500 pages, comprend quelque 1350 notes de bas de page, et la liste des sources d’archives s’étend à elle seule sur sept pages. Son sous-titre est « Politiques antisémites de l’armée des États-Unis » et il soutient de manière très convaincante la thèse selon laquelle, durant la première moitié du XXème siècle, et même après cela, les hauts grades de l’armée étasunienne, et surtout les Renseignements Militaires, ont lourdement embrassé des notions qui seraient aujourd’hui universellement condamnées comme relevant de « théories du complot antisémites ».
Pour faire simple, les dirigeants de l’armée étasunienne, à cette période, pensaient pour la plupart que le monde était confronté à une menace directe de la part de la communauté juive organisée, qui avait pris le contrôle de la Russie et essayé également de subvertir et de s’emparer des rênes des États-Unis et du reste de la civilisation occidentale.
Au sein de ces cercles militaires, on pensait de manière écrasante que des éléments Juifs puissants avaient financé la Révolution bolchevique en Russie, et s’employaient à organiser des mouvements communistes semblables dans les autres pays, visant à détruire toutes les élites non-juives et à imposer une suprématie juive sur les États-Unis et le reste du monde occidental. Si certains de ces dirigeants communistes étaient des « idéalistes », nombre des participants juifs étaient des opportunistes cyniques, qui essayaient d’exploiter leurs disciples crédules pour détruire leurs rivaux ethniques et ainsi s’attirer richesses et pouvoir suprême. Bien que les officiers de renseignements en soient venus à douter que les Protocoles des Sages de Sion constituât un document authentique, la plupart d’entre eux estimaient que ce document célèbre constituait une description raisonnablement juste des projets stratégiques des dirigeants juifs, dans le but de subvertir les États-Unis et le reste du monde, et d’établir un joug juif.
Bien que les affirmations produites par Bendersky soient sans aucun doute extraordinaires, il apporte une masse écrasante d’éléments pour les étayer, citant ou résumant des milliers de documents déclassifiés par les Renseignements, et il soutient également sa thèse sur la base de correspondances personnelles de nombres agents impliqués. Il démontre de manière convaincante que durant les mêmes années où Henry Ford publiait sa suite controversée Le Juif International, des idées semblables, mais bien plus affûtées, étaient omniprésentes au sein de notre communauté des Renseignements. De fait, alors que Ford se concentrait principalement sur la malhonnêteté, la malfaisance et la corruption juives, nos professionnels des Renseignements Militaires considéraient la Communauté juive organisée comme une menace mortelle pour la société étasunienne et la civilisation occidentale dans son ensemble. D’où le titre du livre de Bendersky.
….
Faisons un pas un arrière et remettons les découvertes de Bendersky dans leur contexte. Nous devons reconnaître qu’au cours de l’ère couverte par ses recherches, les Renseignements Militaires des États-Unis constituaient presque l’ensemble de l’appareil de sécurité nationale des États-Unis — l’équivalent des actuels CIA, NSA et FBI — et était responsable aussi bien de la sécurité internationale qu’intérieure, même si la sécurité intérieure a été peu à peu transmise à l’organisation en expansion de J. Edgar Hoover à partir de la fin des années 1920.
Les années de recherches diligentes menées par Bendersky ont démontré que durant des décennies, ces professionnels d’expérience — et nombre des hauts généraux qui les dirigeaient — étaient fermement convaincus que des éléments majeurs de la communauté juive organisée complotaient implacablement pour s’emparer du pouvoir aux États-Unis, détruire nos libertés constitutionnelles traditionnelles, et en fin de compte prendre le contrôle du monde entier.
Je n’ai jamais cru que les OVNIs étaient des vaisseaux extra-terrestres, et ai toujours considéré ce type de notion comme absurde. Mais supposons que des documents déclassifiés du gouvernement révèlent que depuis des décennies, presque l’ensemble des hauts gradés de notre Air Force aient été absolument convaincus de la réalité des OVNIs. Pourrais-je maintenir mon refus insouciant de même envisager une telle possibilité ? À tout le moins, ces révélations me contraindraient à pratiquer une nouvelle évaluation de la crédibilité probable des autres personnalités qui ont produit des affirmations semblables durant la même période.
Ces opinions ont également été très bien présentées dans les derniers livres et mémoires d’agents de Renseignements Militaires de premier plan comme le professeur John Beaty ou le professeur Revilo Oliver.
- La Pravda américaine : secrets du Renseignement Militaire
Ron Unz — The Unz Review — 10 juin 2019 — 12500 mots
Lorsqu’on se trouve confronté à un gouvernement dirigé par des personnalités qui semblent n’avoir qu’une faible indépendance politique, il est utile d’émettre l’hypothèse sur les moyens avec lesquels ces dirigeants symboliques sont contrôlés. Il y a plusieurs années, j’ai discuté des implications fortes de ces méthodes possibles, expliquant peut-être certaines décisions politiques étranges ou des renversements bizarres qui, faute de cette explication, restent des plus troublants.
Lorsque l’on examine aujourd’hui les principaux pays du monde, on constate qu’en de nombreuses instances, les dirigeants officiels sont également les dirigeants de fait : Vladimir Poutine est aux commandes en Russie, Xi Jinping et ses collègues du Politburo dirigeant bien la Chine, et ainsi de suite. Cependant, aux États-Unis ainsi que dans d’autres pays occidentaux, cela semble de moins en moins le cas, et les hauts-dirigeants ne sont guère que des hommes de paille séduisants choisis pour leurs attraits populaires et leur malléabilité politique, un développement qui peut présenter des conséquences tragiques pour les pays concernés. Comme exemple extrême, c’est un Boris Eltsine saoul qui avait librement permis le pillage de l’ensemble de la richesse nationale de la Russie par une poignée d’oligarques qui tiraient les ficelles, et le résultat en avait été l’appauvrissement absolu du peuple russe, ainsi qu’un effondrement démographique presque sans précédent dans l’histoire moderne, hors périodes de guerre.
Un problème évident d’instituer au pouvoir des marionnettes est le risque qu’ils essayent de couper leurs ficelles, à l’instar de Poutine qui a débordé puis exilé son parrain oligarque, Boris Berezovsky. Une méthode permettant de minimiser ce type de risque est de choisir des marionnettes tellement compromises qu’elles ne pourront jamais se libérer, sachant que des accusations destructrices bien enfouies dans leur passé pourraient facilement être étalées au grand jour si elles essayaient de devenir indépendantes. J’ai parfois blagué avec des amis sur l’idée que possiblement, pour un jeune homme politique, la meilleure manière de parvenir à une belle carrière serait de commettre en secret un crime monstrueux, et de s’assurer que les preuves de sa culpabilité seront détenues par certaines personnes très puissantes, afin de s’assurer une montée politique rapide.
- La Pravda américaine : John McCain, Jeffrey Epstein et le Pizzagate
Ron Unz — The Unz Review — 29 juin 2019 — 6400 mots
De plus en plus d’Étasuniens qui prennent la peine de réfléchir sont en train de prendre conscience que sur tant de sujets aussi importants, nos deux partis politiques majeurs apparaissent avant tout comme les deux ailes d’une entité politique unique, parfois désignée comme « parti unique ». J’ai discuté de ce phénomène perturbant dans les paragraphes de fin de mon article de lancement de la série de la Pravda américaine :
La plupart des américains ayant contribué à l’élection de Barack Obama en 2008 voulaient que leur vote constitue une répudiation totale des politiques et du personnel de l’administration jusqu’alors en place, celle de George W. Bush. Pourtant, une fois investi, le choix central d’Obama — Robert Gates à la Défense, Timothy Geither au Trésor, et Ben Bernanke à la Federal Reserve — ne comportait que des hommes déjà en poste à haute responsabilité sous l’ère Bush, et ils ont poursuivi sans faillir leurs plans de renflouement financiers et leurs guerres à l’étranger lancés par son prédécesseur : le résultat en a été le même qu’aurait donné un troisième mandat Bush.
Considérons cette fascinante perspective en la personne du récemment décédé Boris Berezovsky, qui fut l’un des oligarques russes les plus puissants, et qui tint les ficelles derrière le président Boris Eltsine à la fin des années 1990. Après avoir pillé des milliards sur les deniers publics, et élevé Vladimir Poutine à la présidence, il s’est brûlé les ailes et a été contraint à l’exil. Selon le New York Times, il avait pour projet de transformer la Russie en faux État bipartite — avec un parti démocrate et un parti néoconservateur —, qui aurait vu des batailles acharnées sur des sujets clivants et symboliques, pendant que dans les coulisses chacun de ces deux partis serait en réalité contrôlé par les mêmes élites dominantes. En divisant ainsi artificiellement de manière permanente les citoyens, et en canalisant ainsi le mécontentement perpétuel dans des voies sans issues, les vrais dirigeants de la Russie espéraient pouvoir se garder richesse et puissance à des niveaux sans égal, régnant dans l’ombre et sans prendre de risques. Au vu de l’histoire des États-Unis au cours des quelques dernières décennies en date, peut-être pouvons-nous imaginer quel modèle Berezovsky a pris pour élaborer son ingénieux dessein politique.
Il y a quelques mois, un jeune soldat du nom d’Aaron Bushnell, entretenant de solides convictions chrétiennes, s’est trouvé tellement bouleversé par l’implication active de son pays dans ce qu’il considérait comme le crime suprême du génocide, qu’il s’est immolé et en est mort, une action de protestation sans doute sans précédent dans toute l’histoire des États-Unis et extraordinairement rare partout dans le monde. Bien que le récit ait rapidement été éludé de nos médias, la couverture de cette action sur les réseaux sociaux a été énorme, et il se peut qu’elle engendre des conséquences durables.
Après avoir discuté de cet incident tragique, j’ai suggéré que le terrible destin des Palestiniens de Gaza pourrait en fin de compte être considéré comme ayant un rôle semblable. Il se peut que la mort de tous ces gens révèle subitement qui dirige vraiment les États-Unis dans l’ombre, aussi bien aux yeux des Étasuniens que du reste du monde.
Pour des raisons semblables, je pense que les dizaines de milliers de morts à Gaza n’ont pas perdu la vie pour rien. Au lieu de cela, leur martyr a dominé les médias mondiaux au cours des cinq derniers mois, ce qui révèle de manière décisive face au monde entier la banqueroute morale du système mondial ayant amené à leur perte.
Ce sont sans doute des centaines de millions de personnes, dans le monde entier, qui ont commencé à s’interroger sur des sujets qu’ils n’auraient auparavant pas remis en question. Je soupçonne que les responsables de la destruction de Gaza finissent un jour par se repentir d’avoir ouvert des portes qu’ils auraient en fin de compte préféré garder étroitement fermées.
Ron Unz
Traduit par José Martí, relu par Wayan, pour le Saker Francophone
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