Par Ibrahim Tabet − Avril 2017
« Nous autres civilisations, nous savons
maintenant que nous sommes mortelles »
Paul Valéry
L’Histoire n’est pas un long fleuve tranquille. Elle garde les traces archéologiques des civilisations échouées sur ses rives, et son cours tumultueux est jalonné de périodes plus ou moins longues de reflux. Qu’il s’agisse de décadence culturelle et morale, de régression matérielle et démographique ou de crises socio-économiques et politiques qui se nourrissent souvent mutuellement. Dans le sillage de la déferlante des peuples de la mer (« Volkswanderung ») qui détruisit la civilisation mycénienne au treizième siècle avant notre ère, la connaissance de l’écriture, écrit Arnold Toynbee, disparut de la mer Égée jusqu’en 750 av. J.-C. Après les invasions barbares, il a fallu dix siècles à l’Europe pour rattraper le niveau de développement qui était le sien du temps de l’Empire romain. La croyance que le progrès matériel entraînerait nécessairement un progrès moral et social fut ébranlée au siècle dernier. La crise de 1929 envoya des millions de gens au chômage, les deux guerres mondiales firent des dizaines de millions de victimes et le génocide juif montra qu’une idéologie pernicieuse peut faire retomber une frange d’un des peuples les plus civilisés de la terre dans la barbarie.