Par Phil Butler – Le 28 mars 2015 – Source Russia Insider
Alexis Tsipras – PhotoBlömke/Kosinsky/Tschöpe
Le Premier ministre grec semble jouer toutes les cartes susceptibles d’influer sur le meilleur scénario possible pour le pays en vue de son sauvetage financier. Il a soumis de nouveaux documents qui semblent être reçus avec un peu plus de chaleur par Bruxelles. Reste à savoir combien le potentiel russo-grec peut être alléchant.
Dans la course aux rencontres entre le Premier ministre grec Alexis Tsipras et le président russe Vladimir Poutine au début du mois prochain, l’Union européenne et les dirigeants du FMI semblent assouplir leur position à l’égard de la nécessité impérieuse pour la Grèce d’obtenir des fonds. Ce qu’on appelle le groupe de Bruxelles, formé pour examiner les réformes promises par la Grèce, analyse aujourd’hui les documents qui lui ont été soumis. Dans une perspective plus large, il reste à voir ce que sera le jeu géostratégique et économique du Kremlin à l’égard de la Grèce.
La semaine dernière, la Grèce a envoyé aux créanciers du pays une longue liste de réformes, avec la promesse de dégager un excédent budgétaire primaire [avant paiement des intérêts de la dette, NdT] cette année. L’approbation du groupe de Bruxelles sera nécessaire pour que Tsipras obtienne que soient dégelés les fonds indispensables, et pour prévenir un défaut de paiement. Le hic, pour la Grèce, est maintenant de créer l’atmosphère économique propre à satisfaire Bruxelles, tout en maintenant les promesses anti-austérité faites au peuple grec. Pour le moment, on ne sait pas si Tsipras s’est assis sur ses promesses électorales afin d’obtenir le financement permettant à la Grèce de rester solvable.
L’atmosphère entre la Grèce et ses bailleurs de fonds s’est améliorée de façon assez spectaculaire à la nouvelle que Tsipras avait avancé la date d’une rencontre avec Poutine à Moscou, par peur évidente d’une alliance gréco-russe quelle qu’elle soit. La France, notamment, tente maintenant de jouer les médiateurs entre le groupe de Tsipras et la ligne dure des banquiers allemands émanant de Merkel. Sur cette opposition de Merkel, Thomas Oppermann, le chef de file du parti social-démocrate au Bundestag, a déclaré que l’éventuel défaut de la Grèce provoquerait une catastrophe. Il a déclaré à Bloomberg et à d’autres médias :
Une sortie de la Grèce de la zone euro serait un désastre politique, pas seulement pour celle-ci mais pour toute l’idée de l’Europe.
La preuve que l’Allemagne et la Grèce déconnectent a refait surface dans les informations contestées parues dans journal Bild, affirmant que le ministre grec des Finances, Yanis Varoufakis, très contesté, envisageait de démissionner. Quant au ministre, il a fait profil bas depuis les dernières négociations. Ce pourrait être un signe que la Grèce préfère un accord avec l’UE plutôt qu’un déplacement plus extrême dans le sens d’un alignement sur Poutine et la Russie. Le célèbre ou infâme (suivant à qui vous parlez) Tyler Durden, dans Zero Hedge, résume ainsi la position médiane:
Comme Syriza fait face à la proposition peu enviable de renoncer à ses promesses de campagne ou de plonger l’économie et le système bancaire grecs dans la spirale mortelle de la drachme, il semble qu’Athènes joue la seule carte qu’il lui reste, qui est de menacer de se rendre au Kremlin.
D’autres indicateurs plus subtils de l’état des finances grecques se reflètent dans la vente de biens de l’État, y compris de la Banque nationale grecque, qui s’est séparée de 5,849 Souverains-or en janvier. Avec la Russie qui investit davantage dans l’or que tout autre pays, ce n’est pas de la spéculation d’imaginer que cet or peut servir de garantie collatérale à un prêt direct de Moscou. Poutine a développé une stratégie de couverture financière de la Russie sur l’étalon-or, un mouvement dont certains disent qu’il serait plus qu’une petite épine dans le cœur de la Réserve fédérale américaine. La Russie détient actuellement plus de 1200 tonnes du précieux métal en réserve.
Poutine, la semaine dernière, lors d’une rencontre avec des entrepreneurs internet, dont les projets sont soutenus par le Fonds pour le développement d’initiatives internet (Kremlin)
Pendant ce temps, Fitch a abaissé la note de crédit de la Grèce vendredi, de crainte que le pays fasse faillite en raison son endettement, selon EUBusiness. Un article de Gold Seek décrit quelque chose qui ressemble une négociation de la dernière chance, du style «ça passe ou ça casse», ce week-end. Le total des dépôts bancaires en Grèce est tombé à 152.4 milliards d’euros en février, en dessous des 160.3 milliards de janvier, soit le niveau de dépôt le plus bas depuis juin 2005.
Il semble que le calendrier soit crucial pour les parties concernées. Si le sauvetage de la Grèce par l’UE fait fiasco avant la visite de Tsipras à Moscou, alors Poutine aura toutes les cartes en main. Le FMI, l’UE et les parties intéressées à l’Ouest le savent certainement. Je serais vraiment surpris si le Groupe de Bruxelles échouait à donner le feu vert au moins au report de la sortie de la Grèce. La seule carte qui reste à jouer est sous le dôme du Kremlin.
Traduit par Diane, relu par jj pour le Saker Francophone