Par IL SIMPLICIMUS – Le 29 mars 2015 – Source sinistrainrete
Dommage que ce ne soit pas un attentat de l’Isis : la déception pour ce motif manqué de peur et d’alarme, qui pleuvrait comme une manne sur les nombreux comptes à rendre annoncés en Europe, se perçoit à l’œil nu, elle entre dans les humeurs et vous frappe à l’estomac. Au point que les médias et en particulier la RAI marginalisent dans une certaine mesure l’évidence d’un incident dans la chute de l’Airbus de German Wings, et basent leurs commentaires sur l’arrière-pensée de l’attentat, mettant fortement l’accent sur le filon de la sécurité.
S’il n’y a pas de motif concret d’alarme, si les événements de Tunis n’ont pas rapporté assez en termes de distraction, si les cellules djihadistes composées d’Albanais peuvent susciter quelque doute et créer une certaine confusion géographique, on peut exploiter tout triste événement en le lisant à la lumière du comme si c’était un attentat potentiel.
Du reste, c’est ce qui se passe en Europe : le fait que Hollande, Merkel et Rajoy (pourquoi pas aussi Renzi, puisque l’impact s’est produit à quelques kilomètres de la frontière italienne ?) se rendent sur le lieu de la tragédie, comme si ce n’était pas un accident, en dit long sur le désir d’évoquer un ennemi extérieur, seul outil exploitable pour simuler un sentiment de solidarité désormais introuvable sur le continent – et comme démonstration d’une sensibilité autrement inexistante, mais simulable au moyen d’un tant soit peu de démagogie voyageuse. C’est une vraie malchance de ne pas pouvoir s’offrir une promenade avec la pancarte Je suis Airbus.
Avec des retournements paradoxaux, car le crash, comme en témoigne parfaitement la protestation des pilotes de German Wings, provient justement des dérégulations à l’américaine adoptées par Bruxelles et de la surexploitation subséquente de machines et pilotes : si l’Airbus est arrivé à la cote des 13 000 mètres, altitude non prévue pour ce type d’appareil dont le plafond est d’à peine 12 000 mètres, et donc potentiellement et sérieusement critique pour un appareil qui a 23 ans sur les épaules, et qui venait d’être réparé quelques heures auparavant, c’est dû selon toute probabilité à des systèmes qui ont subi des dysfonctionnemen
Ce serait se conduire en chacals – et, de plus, banalement rituel – de dire qu’il s’agit d’une tragédie annoncée. Toutefois, il est impossible de ne pas voir que la hâte d’avoir des avions prêts pour le vol parce que le temps c’est de l’argent, le renoncement à investir dans la sécurité parce que contraire au profit – même quand de nombreuses situations critiques dénoncent la nécessité de modifications dans les projets ou les protocoles, l’exploitation du personnel navigant et des pilotes qui sont incités par le chantage à l’emploi à éviter de nuire au business même en présence de doutes, sont des facteurs qui augmentent incontestablemen
De ce point de vue, il y a peu de différence entre les compagnies, disons normales, ou nationales et les compagnies low cost qui se distinguent surtout par une structure financière différente : elles sont en fait subventionnées, plus que par les billets, par des contrats avec des organismes publics et des sociétés locales, liés surtout au tourisme, qui veulent, à tort ou à raison, des aéroports et les liaisons qui vont avec.
Ainsi donc, paradoxalement, le fer de lance du capitalisme volant est en réalité soutenu, de façon substantielle, par l’argent public. On voit à présent se dessiner une crise due au fait que les investissements faits il y a 10, 15, 20 ans arrivent à leurs limites opérationnelles et demandent des dépenses notables, que ce soit pour l’acquisition de nouveaux appareils ou pour l’entretien en profondeur des anciens, tandis que l’exploitation intensive du personnel est déjà au maximum et son recrutement de moins en moins sélectif. La seule solution, c’est d’économiser sur l’entretien épisodique qui échappe aux contrôles.
Bien, mais de cette sécurité, on ne parle pas du tout. On essaie de la noyer dans autre chose, même quand cette autre chose n’a rien à voir avec le problème, pour ne pas devoir mettre le doigt sur le modèle qui s’est imposé et qui est celui de la gouvernance européenne. On meurt parfois du marché.
* en français dans le texte.
Traduit par Rosa Llorens, relu par Diane pour le Saker Francophone
Rosa Llorens est normalienne, agrégée de lettres classiques et professeur de lettres en classe préparatoire.