Combien de temps la Chine peut-elle jouer la « carte des terres rares » ?


Par Arnaud Bertrand – Le 17 octobre 2025 – Source Blog de l’auteur

C’est probablement la question géopolitique la plus importante au monde à l’heure actuelle : pendant combien de temps la Chine peut-elle jouer la “carte des terres rares” ?

Il est maintenant bien établi que cela donne à la Chine un effet de levier considérable. D’une part, l’état de panique du secrétaire américain au Trésor Bessent au cours des deux derniers jours est un grand révélateur : il a publiquement insulté des hauts responsables chinois à propos de cette décision, a fait pression pour des “pouvoirs d’urgence et a déclaré qu’il s’agissait d’une attaque chinoise contre le “monde qui rencontrerait une “réponse de groupe complète de la part des États-Unis et de ses alliés. Si ce n’est pas un signe que Washington est secoué, alors qu’est-ce que c’est.

Ce qui semble faire consensus, parce que je l’ai vu mentionné à maintes reprises, c’est que l’un des principaux goulots d’étranglement pour briser cette mainmise sur les terres rares est la réglementation environnementale. Selon le récit, l’Occident s’est essentiellement auto-réglementé dans le secteur des terres rares en imposant des normes environnementales que la Chine a tout simplement ignorées. Et donc, implicitement, tout ce qu’il faudrait, ce sont des changements réglementaires et des subventions gouvernementales pour résoudre le problème en quelques années ; c’est principalement une question de volonté politique d’accepter des compromis environnementaux.

Il y a un certain degré de vérité là-dedans ; le traitement des terres rares peut être très polluant, mais c’est avant tout de la pensée magique.

La difficulté de briser l’emprise des terres rares est bien PLUS immense que de simples ajustements réglementaires. La domination de la Chine a beaucoup plus à voir avec l’ampleur de leur fabrication et l’intégration verticale de leurs chaînes d’approvisionnement, et en tant que telle, briser la mainmise à ce stade nécessiterait d’améliorer globalement le niveau d’industrialisation de l’Occident. Nous parlons de quelque chose qui nécessite une refonte complète de la structure socio-économique de l’Occident, impliquant des milliers de milliards de capitaux d’investissement – avec une rentabilité, peut-être, dans deux décennies – ainsi qu’un bouleversement profond de son système éducatif. Bref, une entreprise générationnelle d’une ampleur presque sans précédent.

Vous pourriez être tenté de comparer cela aux efforts nécessaires au projet Manhattan ou au programme Apollo – c’est assez puissant, n’est-ce-pas ? – mais ce serait en fait sous-estimer énormément le problème. La quantité d’efforts nécessaires est plus comparable à quelque chose comme la Révolution industrielle elle-même qu’à n’importe quel mégaprojet individuel.

Vous ne me croyez pas, n’est-ce pas ? Je dois sûrement exagérer ! impossible que ça puisse être aussi dramatique ! C’est pourquoi j’ai écrit cet article.

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Hitlérisme, trumpisme, netanyahisme, lepénisme, macronisme


Une approche comparative et expressionniste


Par Emmanuel Todd – Le 13 octobre 2025 – Source Blog de l’auteur

Emil Nolde, Masques Nature morte, 1911

Les références aux années 1930 se multiplient. La dégénérescence de la démocratie américaine semble nous ramener à celle de la république allemande de Weimar. Trump, par sa jouissance dans la violence et le mensonge, par l’exercice du mal, irrésistiblement nous ramène à Hitler. En Europe, la montée de mouvements catégorisés comme d’extrême-droite nous oblige à ce retour sur notre histoire.

Les sociétés occidentales ne ressemblent pourtant plus guère à ce qu’elles furent dans les années 1930. Elles sont vieillies, de consommation, tertiaires, les femmes y sont émancipées, le développement personnel y a remplacé l’adhésion partisane. Quel rapport avec les sociétés des années trente : jeunes, frugales, industrielles, ouvrières, masculines, encartées ? C’est cet éloignement socio-historique qui m’avait conduit à considérer jusqu’à ce jour comme a priori invalide le parallèle entre les « extrême-droites » du présent et celles du passé. Mais les doctrines politiques existent, aujourd’hui comme hier, et l’on ne peut se contenter de postuler l’impossibilité, par exemple, d’un nazisme de vieux, d’un franquisme de consommateurs, d’un fascisme de femmes libérées ou d’un LGBTisme Croix-de-Feu.

Le moment est venu de comparer les doctrines de notre présent à celles des années trente. Voici l’esquisse de ce que pourrait être l’étude comparative de cinq phénomènes historiques : l’hitlérisme, le trumpisme, le netanyahi(u)sme, le lepénisme. J’ajouterai en fin de parcours, brièvement, le macronisme. L’extrémisme centriste et européiste qui mène la France au chaos nous oblige à cet examen. Cet extrémisme est-il si centriste que ça ?

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Le coup de fil préventif Poutine-Trump en perspective d’un nouveau sommet


Par Moon of Alabama – Le 17 octobre 2025

Aujourd’hui, l’ancien président ukrainien Vladimir Zelenski sera à Washington pour convaincre le président américain Donald Trump de tourner davantage la vis à la Russie.

Un appel hier entre le président russe Vladimir Poutine et Trump a été lancé par les Russes pour anticiper toute concession de Trump à l’Ukraine.

Un casse-tête majeur pour les Russes était l’introduction potentielle de missiles de croisière américains Tomahawk sur le champ de bataille. Bien que ces armes soient anciennes et puissent facilement être défendues, elles sont, en principe, à capacité nucléaire. Elles sont également complexes et ne peuvent être déclenchés sans l’apport des satellites américains, de l’analyse du renseignement américain et de logiciels spécialisés.

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Tout reprendre à zéro ?


Par Aurelien – Le 1 octobre 2025 – Source Blog de l’auteur

J’ai écrit à plusieurs reprises sur l’inconfortable situation résultant de la future défaite en Ukraine et des conséquences désagréables pour l’Europe qui pourraient en résulter. Je voudrais maintenant faire quelques suggestions provisoires sur la manière dont il pourrait être judicieux pour l’Europe de réagir. (Les États-Unis sont différents, et je ne connais tout simplement pas assez le pays pour commenter adéquatement.) Mon but ici n’est pas de donner des conseils non sollicités aux gouvernements (à moins que vous n’ayez travaillé au gouvernement, vous n’avez aucune idée à quel point cela peut être irritant) mais plutôt de définir en termes simples ce qui pourrait être faisable. Je commencerai par la situation stratégique, je passerai aux contraintes puis j’exposerai quelques pistes possibles.

Premièrement, les pays européens se retrouvent dans une situation sans précédent dans leur histoire. Rappelez-vous que malgré que l’Europe soit paresseusement décrite comme le “Vieux Continent”, sa structure politique existante est très récente. L’Allemagne dans sa forme actuelle ne date que de 1990, la République tchèque et la Slovaquie de 1993. L’éclatement de l’Ex-Yougoslavie en nations indépendantes n’a pas vraiment pris fin avant l’indépendance du Kosovo en 2008. (Sans parler de la Norvège qui n’a obtenu sa propre indépendance qu’en 1905.) Mais plus que cela, l’État-nation n’était pas traditionnel en Europe : en 1914, la plupart des Européens vivaient dans des Empires, comme ils l’avaient toujours fait. De plus, de grandes parties de l’Europe du Sud-Est ne s’étaient alors libérées que récemment de siècles de domination par l’Empire ottoman : le colonialisme a duré plus longtemps en Europe qu’en Afrique subsaharienne, par exemple.

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« Aller vite et tout casser » : une nouvelle doctrine prend racine ; une nouvelle ère de domination par la force


Par Alastair Crooke – Le 2 Octobre 2025 – Source Conflicts Forum

Des changements sous-jacents mais tonitruants sont en cours en Occident. Une nouvelle doctrine politique prend racine : la pensée populiste conservatrice occidentale (et plus jeune) est en train d’être reconstruite comme quelque chose de plus rugueux, de plus méchant et de beaucoup moins sentimental ou tolérant.

Elle aspire à émerger aussi, comme étant « dominante« , délibérément coercitive et radicale. Lancer en l’air les composants de l’ordre établi pour voir s’ils peuvent atterrir de manière bénéfique (c’est-à-dire procurer des profits plus importants) pour les États-Unis.

Le soi-disant Ordre basé sur des règles (s’il a vraiment existé au-delà du simple narratif) a été déchiré. Aujourd’hui, c’est la guerre sans limites ; sans règles ; sans loi ; et au mépris total de la Charte des Nations Unies. Les frontières éthiques, plus particulièrement, sont rejetées dans certaines parties de l’Occident comme un étant du « relativisme moral« , preuve de « faiblesse« . Le but est de laisser les adversaires abasourdis et en état de choc.

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Le retour de la gravité géopolitique


Par Arnaud Bertrand – Le 26 septembre 2025 – Source BBlog de l’auteur

Quatre événements extraordinaires se sont produits la semaine dernière en l’espace de seulement 72 heures ; une semaine dont on se souviendra peut-être comme l’une des plus importantes dans la transition de la Pax Americana (une époque qui était certes beaucoup plus “américaine” que “Pax”) à un monde multipolaire.

Ces 4 événements sont chacun significatifs à part entière, mais lorsqu’ils sont pris ensemble et compte tenu du fait qu’ils se sont tous produits dans un laps de temps extrêmement court, du 17 au 19 septembre, ils indiquent un profond recalibrage de la dynamique du pouvoir mondial.

Quelles sont-ils ? Par ordre chronologique :

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Cogitations sur les récentes initiatives prises par Trump


Par Moon of Alabama – Le 2 octobre 2025

Le président américain Donald Trump pousse son pays dans une direction inconfortable. Quelles pourraient être ses raisons de le faire ?

Son récent discours devant un rassemblement de tous les commandants militaires incluait la demande de combattre « l’ennemi » à l’intérieur du pays :

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La guerre en Ukraine à la croisée des chemins alors que Trump se retire


Par M.K. Bhadrakumar – Le 1er octobre 2025 – Source Indian Punchline

Le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov est sorti d’une réunion à New York ce week-end avec le secrétaire d’État américain Marco Rubio en montrant un signe du pouce levé alors qu’il croisait des journalistes. C’était un signal déroutant si peu de temps après que le président américain Donald Trump ait publiquement fait honte à l’armée russe en la qualifiant de “tigre de papier” et a stupéfait les capitales européennes en disant que l’Ukraine pouvait encore « se battre et regagner » toutes ses terres.

Une explication charitable pourrait être que Trump construisait la bretelle de sortie pour confier la responsabilité de la défense de l’Ukraine aux Européens. Il a insisté sur le fait que les Européens peuvent et doivent faire plus. Cela dit, il est également à noter que la sympathie initiale de Trump pour la Russie a progressivement cédé la place à une position plus neutre — un changement qui s’est accéléré le mois dernier.

Le chroniqueur britannique Gerard Baker a écrit dans Times que « Trump signale à la Russie qu’il n’a plus ses arrières. Mais il a également précisé que les Européens ne peuvent pas compter sur le soutien des États-Unis. » Moscou a joué cool au début, mais le réalisme est apparu dans la semaine.

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L’insensé régime de sanctions de l’Europe dont Moscou et Pékin n’ont que faire


Par Thomas Fazi – Le 24 septembre 2025 – Source Unherd

« Il est temps de fermer le robinet« , a annoncé la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen la semaine dernière, dans sa 19e tentative de faire pression sur la Russie. Le dernier train de sanctions proposé comprend une interdiction des importations de gaz naturel liquéfié (GNL) russe à partir de janvier 2027 — un an plus tôt que prévu — et étend les sanctions aux raffineries et aux négociants en pétrole de pays tiers, tels que la Chine et l’Inde, accusés d’aider la Russie à contourner les sanctions.

Sur le papier, cela est présenté comme une étape décisive pour « réduire les revenus de guerre de la Russie » et forcer Moscou à s’asseoir à la table des négociations. En pratique, ce n’est guère plus que la continuation d’une politique qui a échoué à maintes reprises. La Russie n’a pas été mise à genoux et a redirigé les flux d’énergie ailleurs, tandis que l’Europe a été paralysée par la hausse des prix et s’est enfermée dans une position de dépendance permanente vis-à-vis des États-Unis.

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Une autre idée folle pour voler les actifs russes : risquer l’argent des contribuables de l’UE


Par Moon of Alabama – Le 26 septembre 2025

Les va-t-en-guerres essayent depuis longtemps de voler les avoirs russes détenus en Occident et utiliser cet argent pour financer la guerre par procuration contre la Russie. Les sommes en jeu sont sérieuses :

Près de trois ans après le début de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, la Belgique détient 258 milliards d’euros d’avoirs russes gelés ou immobilisés.

L’Administration Générale du Trésor au Ministère des Finances a confirmé les chiffres mercredi à La Libre et De Tijd.

Certains de ces actifs appartiennent à des institutions non sanctionnées par l’Union européenne. Les actifs gelés s’élèvent à 65 milliards d’euros, auxquels s’ajoutent 193 milliards d’euros de transactions immobilisées, principalement auprès de la Banque centrale de Russie.

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