La géopolitique de Trump : corriger le modèle impérialiste et façonner la future architecture économique


Par Alastair Crooke – Le 11 décembre 2025 – Source Conflicts Forum

Dans son discours à Riyad du mois de mai, le président Trump justifiait son mode transactionnel de formulation des politiques : obtenir la paix par le commerce plutôt que par la guerre.

Le libellé de la Stratégie de sécurité nationale (SSN) étasunienne du 4 décembre va encore plus loin : il est formulé en termes de « régions d’influence« , plutôt que d’hégémonie, et de gestion des intérêts financiers des parties prenantes. Il abandonne la phraséologie d’un ordre fondé sur des règles et évite les appels à la démocratie et aux valeurs occidentales.

Mais que signifie vraiment cette « paix par le commerce » ?

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Une lecture critique de la nouvelle Stratégie de sécurité nationale des États-Unis


Par Alastair Crooke – Le 7 décembre 2025 – Source Conflicts Forum

Une Stratégie de sécurité nationale (SSN) est produite périodiquement par les administrations américaines (Trump en a rédigé une lors de son premier mandat). La plupart du temps, ces documents présentent une version idéalisée de la politique étrangère et de sécurité d’une administration, et n’ont pas une grande importance pratique, à cause de ce qui est laissé de côté – c’est-à-dire les intérêts politiques et économiques enracinés des États-Unis ; le profond consensus de politique étrangère supervisé par la classe conservatrice de l’État de sécurité profonde ; et les politiques adoptées par le collectif des méga donateurs.

Néanmoins, cette SSN récemment publiée se lit assez différemment en donnant un aspect distinctif « l’Amérique d’Abord » à la politique étrangère américaine, évitant l’hégémonie mondiale, la « domination » et les croisades idéologiques en faveur d’un réalisme pragmatique et transactionnel axé sur la protection des intérêts nationaux fondamentaux ; la sécurité intérieure, la prospérité économique et la domination régionale dans l’hémisphère occidental. Les États-Unis « ne soutiendront plus tout l’ordre mondial tel ”Atlas“ et s’attendent à ce que l’Europe assume davantage ses propres charges de défense« .

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Appâter et allumer, deuxième étape. Souffler la brise à Moscou


Par Alastair Crooke – Le 5 décembre 2025 – Conflicts Forum

Le 2 décembre, l’ami du président Trump, Steve Witkoff, ainsi que le gendre de Trump, Jared Kushner, ont rencontré le président Poutine au Kremlin à Moscou.

Youri Ouchakov, assistant présidentiel, et Kirill Dmitriev, ont participé à la réunion du côté russe. Cela marquait la sixième rencontre entre Witkoff et Poutine en 2025 et la première implication en personne de Kushner dans ces pourparlers.

L’ordre du jour principal aurait été une « mise à jour » des « points de discussion » des États-Unis – un programme qui aurait incorporé d’autres contributions (non spécifiées) des Ukrainiens et des Européens.

Malgré la refonte, les points de discussion reflètent un programme américain qui a peu changé en substance par rapport aux points de discussion précédents de Witkoff. Il est, par exemple, à nouveau basé sur un cessez-le-feu (plutôt que d’un accord politique plus large, comme l’exige la Russie) ; sur la reconnaissance de facto des frontières (plutôt que sur la reconnaissance de jure des quatre oblasts désormais constitutionnellement incorporés à la Russie).

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L’opération américaine « appâter et allumer « cible les « causes premières » de Poutine


Par Alastair Crooke – Le 21 novembre 2025 – Source Conflicts Forum

Nous avons donc maintenant les détails du soi-disant « plan de paix » en 28 points qu’un parlementaire ukrainien, Goncharenko, a fourni en affirmant qu’il s’agissait d’une traduction de l’original.

Le texte – écrit comme un traité juridique putatif – frappera tout lecteur expérimenté comme étant le produit d’un amateur, articulée en plusieurs parties sur des « discussions ultérieures » et sur des « attentes« .

C’est-à-dire que beaucoup d’aspects de cet accord restent ambigus et vagues. Un tel plan est, bien sûr, dans l’ensemble inacceptable pour Moscou (bien qu’ils ne puissent pas le désavouer purement et simplement). Malgré cela, le plan a suscité fureur et recul en Europe. The Economist (reflétant le point de vue de l’Establishment) qualifie le document de « terrible proposition américano-russe qui acquiesce à bon nombre des demandes maximalistes [de la Russie] et en ajoute quelques-unes de plus« .

Les Européens et la Grande-Bretagne veulent la capitulation russe, purement et simplement.

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Courants croisés occidentaux : populisme culturel vs structures profondes


Par Alastair Crooke – Le 7 Novembre 2025 – Conflicts Forum

Le coup d’envoi des élections de mi-mandat de 2026 aux États-Unis a été lancé cette semaine avec trois élections consécutives et un scrutin clé de redécoupage organisé en Californie. Les Démocrates ont largement remporté trois élections majeures (NY, NJ, VA) et ont remporté la proposition de redécoupage en Californie. Le redécoupage californien pourrait donner aux Démocrates cinq sièges supplémentaires à la Chambre.

Car la lentille par laquelle comprendre ces événements est peut-être meilleure que celle des dernières élections générales britanniques : le parti au pouvoir était à la fois discrédité et largement détesté. L’électorat britannique a voulu lui infliger une gifle retentissante ; ce qu’il a dûment fait. Le problème était que les électeurs n’aimaient pas tellement les autres choix de partis non plus. Mais, pour porter leur message, ils devaient voter pour quelque chose. Le Parti travailliste a donc remporté une majorité écrasante, mais aucun mandat réel. Le Premier ministre Starmer et son parti (en fin de compte) sont aussi détestés que son prédécesseur.

La politique au Royaume-Uni est brisée pour le moment. C’est en grande partie la même chose en France.

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La politique étrangère américaine en lice : Trump est-il autorisé à conclure un accord avec la Chine (mais pas avec la Russie ou l’Iran) ?


Par Alastair Crooke – Le 30 octobre 2025 – Source Conflicts Forum

La politique étrangère américaine, trempée dans l’orgueil par le fait que les États-Unis ont gagné la guerre froide militairement (en Afghanistan) ; l’ont gagné économiquement (marchés libéraux) ; et culturellement aussi, (Hollywood) – et mérite donc à juste titre, comme le dit Trump, le “plaisir” de “diriger à la fois le pays et le monde”. Eh bien, cette politique est maintenant en litige pour la première fois.

Est-ce que cela aura de l’importance ?

Ce mois-ci, l’organisation RAND, une institution dont l’ombre plane depuis longtemps sur les sujets de politique étrangère étasuniens, a défié l’orgueil hérité de la Guerre froide à l’égard de la Chine.

Bien que le rapport se concentre sur la préoccupation de l’Amérique face à la menace de l’ascendant chinois, les implications d’une remise en question de la doctrine selon laquelle aucun challenger de l’hégémonie américaine, financière ou militaire, ne peut être toléré touchent au cœur absolu de la pratique de la politique étrangère américaine.

La principale conclusion de la RAND est que « la Chine et les États-Unis devraient s’efforcer de parvenir à un modus vivendi » ensemble en « acceptant chacun la légitimité politique de l’autre, limitant les efforts visant à se saper mutuellement, au moins dans une mesure raisonnable« .

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Le cadre financier et géopolitique mondial à l’aube d’un désordre imminent


Par Alastair Crooke – Le 23 Octobre 2025 – Source Conflicts Forum

La tentative de Trump de construire un « scénario de Budapest » (c’est-à-dire un sommet Poutine-Trump fondé sur « l’agrément » antérieure en Alaska) a été unilatéralement annulée (par les États-Unis) en pleine acrimonie. Poutine avait initié l’appel de lundi, qui a duré 2 heures et demi. Poutine aurait eu des mots forts dénonçant le manque de préparation des États-Unis pour un cadre politique – à la fois en ce qui concerne l’Ukraine, mais aussi de manière cruciale en ce qui concerne les besoins de sécurité plus larges de la Russie.

Cependant, lorsqu’elle a été annoncée par la partie américaine, la proposition de Trump était revenue (encore une fois) à la doctrine de Keith Kellogg (l’envoyé américain pour l’Ukraine) d’un « conflit gelé » sur la ligne de contact existante précédant toute négociation de paix, et non l’inverse.

Trump devait savoir, bien avant que les pourparlers de Budapest ne soient évoqués, que cette doctrine Kellogg avait été rejetée, à maintes reprises, par Moscou. Alors pourquoi a-t-il répété la demande à nouveau ? Quoi qu’il en soit, le scénario du sommet de Budapest a dû être annulé après que l’appel préétabli entre le ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov et le Secrétaire d’État Marco Rubio se soit heurté à un mur. Lavrov a de nouveau insisté sur le fait qu’un cessez-le-feu de type Kellogg ne convenait pas.

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Un bref audit géopolitique du Moyen Orient à l’occasion du deuxième anniversaire de l’opération Al-Aqsa flood


Par Alastair Crooke – Le 17 Octobre 2025 – Source Conflicts Forum

D’abord, le contexte :

  • Une doctrine promouvant la « domination » américaine, basée sur le « pouvoir » implacable de l’armée américaine et du marché, a donné naissance dans les cercles de Trump 2.0 à un zeitgeist qui non seulement écarte les craintes d’une guerre, mais impose plutôt aux États-Unis de frapper, rhétoriquement ou littéralement, dans de multiples directions à la fois ; principalement parce que la guerre unidirectionnelle contre la Russie a échoué de manière inattendue. De plus, le temps presse sur la crise du déficit et de la dette des États-Unis.
  • De manière plus visible, cela a entraîné des pressions accrues sur la Russie ; des menaces contre le Venezuela ; le contrôle des exportations chinoises ; et des préparatifs de frappes contre l’Iran.
  • Les guerres ouvertes d’Israël dans la région qui sont parallèles à la belligérance trumpienne ne sont pas terminées : l’envoyé américain Tom Barrak (citant Netanyahu) a déclaré : “Israël pense que ce qu’il a fait contre le Hezbollah, le Hamas et les Houthis ne sera terminé que quand la tête du serpent à Téhéran sera coupée”.

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En attendant les abjectes images de soumission qui n’apparaissent pas


Par Alastair Crooke – Le 9 Octobre 2025 – Source  Conflicts Forum

Trump : « Le problème avec le Vietnam…Nous avons arrêté de nous battre pour gagner. On aurait gagné facilement. Nous aurions gagné l’Afghanistan facilement. Nous pouvions gagner toutes les guerres facilement. Mais nous sommes devenus politiquement corrects. Ah, Disons le simplement ! Nous ne sommes plus politiquement corrects. Juste pour que vous compreniez : Nous gagnons. Maintenant, nous gagnons« . Tout cela aurait pu être facile, même l’Afghanistan.

Quel est le sens de cette référence de Trump au Vietnam ? « Ce qu’il dit, c’est que « nous » aurions gagné le Vietnam facilement, si nous n’avions pas été woke et DEI. Certains vétérans pourraient même dire : « Vous savez, nous avions assez de puissance de feu, nous aurions pu tuer tout le monde« .

« Peu importe où vous allez« , ajoute Trump, « peu importe ce que vous en pensez, il n’y a rien qui équivaut à la force de combat que nous avons, [y compris] Rome. Personne ne devrait jamais vouloir se battre contre les États-Unis« .

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« Aller vite et tout casser » : une nouvelle doctrine prend racine ; une nouvelle ère de domination par la force


Par Alastair Crooke – Le 2 Octobre 2025 – Source Conflicts Forum

Des changements sous-jacents mais tonitruants sont en cours en Occident. Une nouvelle doctrine politique prend racine : la pensée populiste conservatrice occidentale (et plus jeune) est en train d’être reconstruite comme quelque chose de plus rugueux, de plus méchant et de beaucoup moins sentimental ou tolérant.

Elle aspire à émerger aussi, comme étant « dominante« , délibérément coercitive et radicale. Lancer en l’air les composants de l’ordre établi pour voir s’ils peuvent atterrir de manière bénéfique (c’est-à-dire procurer des profits plus importants) pour les États-Unis.

Le soi-disant Ordre basé sur des règles (s’il a vraiment existé au-delà du simple narratif) a été déchiré. Aujourd’hui, c’est la guerre sans limites ; sans règles ; sans loi ; et au mépris total de la Charte des Nations Unies. Les frontières éthiques, plus particulièrement, sont rejetées dans certaines parties de l’Occident comme un étant du « relativisme moral« , preuve de « faiblesse« . Le but est de laisser les adversaires abasourdis et en état de choc.

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