En Irak, les Etats-Unis sabotent la guerre de l’Iran et de l’Irak contre l’État Islamique


Le 27 mars 2015 –  Source Moon of Alabama

Quelques 4 000 soldats de l’armée irakienne et environ 25 000 miliciens chiites assiègent Tikrit en Irak. Il y a encore quelques civils dans la ville, mais environ 1 000 combattants de l’État islamique se sont barricadés au cœur de la ville, et les en extirper serait une entreprise meurtrière et coûteuse. Jusqu’à ces derniers jours les États-Unis ne s’étaient pas impliqués dans la campagne de Tikrit.

Les conseillers iraniens qui accompagnent la milice ont donc décidé de ne pas prendre la ville d’assaut, mais de revenir à des tactiques de siège en coupant l’électricité, l’eau et en interceptant l’approvisionnement, pour affaiblir leurs adversaires. Ils se servent de l’artillerie contre les positions de l’État islamique et envisagent éventuellement de prendre la ville d’assaut, mais ils ne pensent pas que cela soit urgent.

Mais cette situation, semble-t-il, ne convenait pas à Washington, et les États-Unis ont décidé de prendre les choses en main. Ce qui met en danger toute la campagne militaire contre l’État islamique. Certains se disent que c’est probablement le vrai but de l’entreprise.

Des éléments de l’armée irakienne, formés par les États-Unis, ont instamment réclamé des frappes aériennes américaines sur Tikrit. La milice chiite et ses conseillers ont souligné qu’elles n’étaient absolument pas nécessaires. Sous la pression des États-Unis, le premier ministre irakien, Haider al-Abadi, a rejoint le camp des militaires irakiens formés par les étasuniens et aurait ordonné au grand général iranien Suleiman de partir. Maintenant, les États-Unis bombardent la ville et la grande campagne militaire de Tikrit se disloque.

Voyez vous-mêmes ceci :

Le général Lloyd Austin, chef du Commandement central étasunien, qui supervise les opérations en Irak, a déclaré jeudi au Comité sénatorial des services armés que les États-Unis avaient exigé que les milices et leurs conseillers iraniens, y compris le haut commandant iranien, le général Qassem Suleimani, se retirent de la bataille avant d’accepter de lancer des frappes aériennes. Suleimani, autrefois une figure de l'ombre mais qui jouait un rôle de plus en plus clair en Irak, a quitté la région de Tikrit pendant le week-end et est peut-être retourné en Iran.

et ceci :

Les milices irakiennes qui ont mené la lutte contre les militants de l’État islamique à Tikrit se sont opposées jeudi à l'intervention étasunienne en menaçant de dissuader des milliers de combattants sur qui ils ont de l’influence de se joindre à l’assaut sur la ville.
 ...
Washington a fait pression pour que les milices chiites quittent le champ de bataille, alors même qu’il est obligé de lutter contre leurs ennemis, les militants de l’État islamique. Mais les milices chiites, dont beaucoup sont hostiles aux États-Unis, jouent un rôle prédominant dans les forces irakiennes. Autour de Tikrit, leurs combattants sont plus de six fois plus nombreux que les troupes régulières du gouvernement irakien.
 ...
«Toute la mobilisation populaire refusera de se battre tant que les frappes aériennes étasuniennes se poursuivront, a déclaré al-Kadhimi Moeen, chef du Comité de mobilisation populaire du conseil provincial de Bagdad. Qu’ils se battent donc sans nous et on verra ce que ça donne. Les États-Unis essaient tout simplement de nous voler la victoire

Que le États-Unis veuillent leur voler la victoire n’est pas le plus grave. Une grande partie des volontaires de Hashd et de leurs dirigeants croient que les États-Unis ont créé l’État islamique et qu’ils ont intérêt à le maintenir vivant :

«Nous ne faisons pas confiance à la coalition dirigée par les Étasuniens pour lutter contre ISIS, a déclaré Naeem al-Uboudi, le porte-parole d’Asaib Ahl al-Haq, l’un des trois groupes qui a déclaré qu’il se retirerait de la ligne de front qui encercle Tikrit. Dans le passé, ils ont ciblé nos forces de sécurité et ont largué de l’aide à ISIS par erreur», a-t-il dit.

Le bombardement de Tikrit par les États-Unis a commencé hier. En voici déjà deux résultats. Comment pensez-vous que la milice volontaire qui lutte contre l’État islamique va les interpréter ?

Elie J. Magnier@EjmAlrai:

#Dernières nouvelles: 6 tués et 13 blessés chez Kataëb Hezbollah #Irak et police fédérale du fait de la #coalition menée par USA, au sud de #Tikrit (dommages) 

12h02 - 26 mars 2015
Elie J. Magnier@

# Hashd al-Sha'bi Irakien # Brigade de Tikrit apparemment touchés par frappe aérienne aujourd’hui. Nombreuses victimes. Confiance entre #USA et Hashd au plus bas.

03h05 - 27 mars 2015

Les forces aériennes étasuniennes, aux impressionnants moyens de reconnaissance et aux armes de haute précision hors de prix, ont réussi à larguer des bombes en plein sur les forces amies qui assiègent Tikrit. Et deux fois en moins de 24 heures?

Qui va croire que ces frappes sont la conséquence d’une erreur et ne sont que des dommages collatéraux ?

Pourquoi les États-Unis insistent-ils pour jouer un rôle dans les affaires de Tikrit alors que, faute de soldats sur le terrain, l’entreprise ne peut que se solder par un échec retentissant ?

Traduit par Dominique Muselet, relu par jj pour le Saker Francophone

 

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Riposte US face aux succès de l’Iran et de l’Irak contre l’État Islamique: une alliance avec Al-Qaïda, ça fait désordre, non?

Le 11 mars 2015 – Source : Moon of Alabama

Nouvelle campagne en faveur d’une alliance avec le front al-Nosra

En octobre 2013, une campagne médiatique a tenté de vendre l’idée que le front al-Nosra, la branche armée d’al-Qaïda en Syrie, était formé de bons terroristes qui méritaient l’appui de l’Occident dans sa lutte contre les mauvais terroristes de l’État islamique. D’autres groupes djihadistes, comme Ahrar al-Sham, étaient également considérés par certains comme des alliés favorables à la cause.

Le Qatar, qui est le principal commanditaire du front al-Nosra, tente de nouveau de vendre l’idée que les terroristes d’al-Qaïda demeurent la meilleure solution qui soit contre l’État islamique, au moment même ou de plus en plus de rebelles modérés soutenus par les USA font défection au profit du front.

La nouvelle campagne s’est amorcée dans un article de l’agence Reuters, qui reposait exclusivement sur les propos d’un rebelle syrien peu fiable et de sources anonymes qataries selon lesquelles le front al-Nosra pourrait desserrer ses liens avec al-Qaïda en échange d’argent du Qatar et de l’aide occidentale, ce qu’un journal officiel du front a plus ou moins démenti. On a ensuite publié deux articles d’experts occidentaux qui tentent de vendre al-Qaïda en Syrie comme étant du bon côté et digne de notre soutien. Il ne s’agit pas, comme par le passé, de suggestions de propagande à peine voilée, mais carrément d’arguments favorables à une alliance avec al-Qaïda.

Sur le site de la BBC, un certain M. Roberts plaide en faveur de meilleures relations avec le front al-Nosra. À propos des contacts intensifs entre le Qatar et le front al-Nosra rapportés par l’agence Reuters (que le front réfute plus ou moins), il écrit :

En effet, il est peu probable que le Qatar agisse seul. Les gouvernements des USA et du Royaume-Uni entrent sûrement dans les plans du Qatar ou sont à tout le moins informés.

Puis en désespoir de cause devant l’EI et la résilience de Bachar al-Assad, une force combattante réformée efficace serait bien vue par l’Occident.
(…)

Dans un environnement opérationnel aussi variable que fragmenté, le Qatar ne parviendra pas à faire une coupure nette entre le front al-Nosra et al-Qaïda.

Mais dans un contexte où le mieux que l’on puisse faire, c’est d’arriver à la moins mauvaise solution, le plan du Qatar est aussi viable que d’autres.

Ainsi, la collaboration avec al-Qaïda en Syrie, dont M. Roberts lui-même dit qu’on ne peut vraiment le réformer, est aussi viable que, par exemple, faire la paix avec le gouvernement syrien?

M. Roberts est l’ex-directeur du bureau qatari du Royal United Services Institute (Rusi). Son livre, Qatar: Securing the Global Ambitions of a City State, sera publié en 2015. Il s’agit de toute évidence d’un lobbyiste payé par le Qatar pour promouvoir, d’une manière ou d’une autre, les politiques de la dictature wahhabite.

L’article d’un certain Barak Mendlesohn dans Foreign Affairs est encore pire et a même pour titre Accepter al-Qaïda, l’ennemi de « l’ennemi » des USA :

Depuis le 11 septembre 2001, Washington voit en al-Qaïda la plus grande menace contre les États-Unis, qui doit être éliminée à tout prix et en tout temps. Après avoir tué Oussama ben Laden en 2011, Washington a fait d’Ayman al-Zaouahiri, le nouveau chef d’Al-Qaïda, sa nouvelle cible numéro un. Mais l’instabilité au Moyen-Orient à la suite des révolutions arabes et la montée fulgurante de l’État islamique en Irak et au Levant (EIIL) obligent Washington à revoir sa politique à l’égard d’Al-Qaïda, en particulier son ciblage de Zaouahiri. Déstabiliser al-Qaïda à ce moment-ci pourrait en fait nuire aux efforts des USA pour assurer la défaite de l’EIIL.

Il faudrait donc cesser de s’en prendre à al-Qaïda? Qu’en pensent les victimes du 11 septembre ?

Ce fou furieux est un ancien officier de l’armée israélienne devenu depuis analyste des affaires internationales et stratégiques. L’armée israélienne soutient directement le front al-Nosra dans le sud de la Syrie, notamment sur les hauteurs du Golan.

Les USA ont contribué à créer al-Qaïda et l’État islamique. Au Moyen-Orient, c’est la Turquie, une alliée membre de l’Otan, qui assure le soutien logistique des deux groupes. Les alliés des USA au golfe Persique aident au financement de ces terroristes. Voilà maintenant qu’ils nous appellent à accepter le front al-Nosra comme un allié officiel contre le gouvernement syrien.

Les gouvernements de l’Irak et de l’Iran ont bien raison de ne pas croire que les USA cherchent à détruire ou même à défaire les forces djihadistes. Leur succès actuel contre l’État islamique autour de Tikrit démontre que l’EI et le front al-Nosra peuvent être battus par des forces terrestres, notamment sans le soutien des USA. Ils ont un doute raisonnable que les USA ne seraient que trop heureux de maintenir en vie le front al-Nosra, de façon à pouvoir continuer de s’impliquer dans les affaires de leurs pays. Ils ont donc décidé de laisser de côté les USA dans leur lutte contre l’État islamique, de faire fi de leurs conseils et de ne pas leur faire part de leurs plans.

À la lumière de la campagne en faveur d’une alliance avec le front al-Nosra, il faut avouer que c’est une sage décision.

Traduit par Daniel, relu par jj pour le Saker francophone

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Sauver le patrimoine mondial – le nouveau prétexte R2P

Finian Cunningham

Finian Cunningham

Par Finian CUNNINGHAM – Le 11 mars 2015 – Source strategic-culture

La défense de sites irakiens appartenant au patrimoine mondial est-elle une nouvelle facette de la responsabilité de protéger servant à justifier une intervention occidentale dans cette région géostratégique importante? Le calendrier coïncide avec de nouveaux appels des États-Unis et de l’Arabie saoudite à une coalition de forces terrestres pour vaincre le réseau État islamique en Irak et en Syrie – et cela juste au moment où les forces irakiennes et syriennes semblent repousser de manière décisive les extrémistes dans les deux pays.

Cette semaine, le Secrétaire général des Nations unies Ban Ki-Moon a joint sa voix aux appels en faveur d’une coalition internationale afin de prévenir la destruction permanente d’anciens sites et objets culturels par le groupe terroriste État islamique. L’initiative vient après que l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) a qualifié de crime de guerre la campagne de pillage et de destruction de sites archéologiques par l’EI.

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Les intérêts de l’Iran et des USA s’entrecroisent en « Syrak »

Pepe Escobar

Pepe Escobar

Par Pepe Escobar – Le 11 mars 2015 – Russia Today

Un débat qui ne manquera pas de suspense nous attend ce mercredi (11 mars) devant le Comité des affaires étrangères du Sénat des États-Unis, quand témoigneront dans la même pièce le secrétaire d’État, John Kerry, le nouveau chef du Pentagone, Ashton Carter, et le chef d’État-Major des armées des Etats-Unis, Martin Dempsey.

Alep, Syrie (Reuters / Jalal Al-Mamo)

Le vif du sujet: le Château de cartes, pardon, le Congrès des USA, qui rumine son doute à propos des véritables enjeux derrière la proposition de l’administration Obama de recourir à la force armée en Syrie, tout en se demandant s’il faut ou non imposer une zone d’exclusion aérienne pour protéger les rebelles syriens.

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Irak:
Un leader fantôme d’al-Qaida

Par Michael R. Gordon – Le 18 juillet 2007 – Source New York Times
Tous nos remerciements au site www.sott.net pour avoir retrouvé cet article.

Un militaire US: le dirigeant du groupe Al-Qaida en Irak n’a jamais existé

BAGDAD — Durant plus d’une année, on a dit que le dirigeant du groupe d’insurgés le plus célèbre en Irak était un Irakien mystérieux nommé Abdullah Rashid al-Baghdadi.

En tant que chef titulaire de l’État islamique en Irak, une organisation soutenue publiquement par al-Qaida, Baghdadi à rendu public un flot constant de déclarations incendiaires. En dépit des affirmations de fonctionnaires irakiens soutenant qu’il avait été tué en mai, Baghdadi semble avoir survécu indemne.

Ce mercredi, un porte-parole de haut rang de l’armée US à fourni une nouvelle explication à la capacité de Baghdadi d’échapper aux attaques: il n’a jamais existé.

Le Brigadier général Kevin Bergner, porte-parole en chef de l’armée US, à dit que l’insaisissable Baghdadi était en fait un personnage fictif, dont les déclarations sur des bandes audios étaient enregistrées par un vieil acteur nommé Abdullah al-Naima.

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Méchant Assad, méchant Kadhafi et maintenant méchant Poutine: Comment l’Ouest vend ses guerres (et commet ses massacres)

Par Ghada Chehade – Le 21 février 2015 – Source Russia Insider

Politiques de distraction et variables économiques en Ukraine
Parallèle avec la Syrie, la Libye et l’Irak.

L’ennemi N°1

Alors que le conflit en Ukraine persiste et que les pourparlers de paix entre Poutine et les dirigeants d’Europe occidentale (Merkel et Hollande) continuent, il est important de s’intéresser aux acteurs et aux intérêts économiques qui bénéficient du conflit et du changement de régime en Ukraine, et de faire la comparaison avec la situation de pays comme la Syrie, la Libye et l’Irak.

Il y a des aspects de ces conflits, et des intérêts qui les sous-tendent, qui échappent au public parce que les médias subventionnés occidentaux les passent sous silence et que les gens, submergés par les difficultés humaines et politiques, ne pensent pas à les rechercher. Par exemple, les médias subventionnés passent tout leur temps à diaboliser un ennemi après l’autre, que ce soit Poutine du fait de la situation en Ukraine, Assad en Syrie, Kadhafi en Libye ou Saddam Hussein en Irak, etc., au lieu d’enquêter sur la manière dont des acteurs externes exploitent ou renforcent ces conflits et ces situations pour en tirer des profits politico-économiques, comme l’accès au pétrole, l’obtention de prêts du FMI aux conditions d‘octroi destructrices ou l’interruption de politiques nationales qui nuisent aux intérêts économiques et à l’influence de puissances étrangères.

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L’État islamique bat en retraite

Le 8 février 2015 – Source Moon of Alabama

Les Peshmergas kurdes ont repris à l’État islamique plusieurs villes du nord de l’Irak. Ce dernier est attaqué au centre et à l’ouest de l’Irak par les forces de sécurité et les milices irakiennes. En Syrie, les attaques aériennes américaines et les YPG (unités de protection du peuple) kurdes soutenues par les États-Unis ont défendu (et détruit) Kobani, et l’EI a dû renoncer à son projet de conquérir cette route frontalière vers la Turquie. Les forces kurdes ont désormais repoussé l’État islamique loin des quelques 75 villes et villages de la région de Kobani.

Au moment où l’attaque très médiatisée de Kobani avait lieu, l’État islamique tentait de prendre la ville de Deir Ezzor dans l’est de la Syrie et l’importante base de l’armée de l’air syrienne qui la jouxte. On a cru pendant quelques jours que la base aérienne allait tomber, mais le soutien de l’armée de l’air syrienne et de puissantes contre-attaques ont desserré l’étreinte de l’EI, et la base aérienne et la ville sont au moins partiellement sous contrôle de l’armée syrienne.

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Des victimes brûlées vives : une pratique courante

Glenn Greenwaid

Glenn Greenwald

Par Glenn Greenwald – Le 4 février 2015 – Source The Intercept

La dernière atrocité de l’État islamique – diffusée dans une vidéo – qui a assassiné un pilote de chasse jordanien prisonnier en le brûlant vif – a immédiatement suscité un grand débat sur cette forme particulière de sauvagerie. A cet égard, il est intéressant de constater que brûler vifs des gens délibérément jusqu’à ce que mort s’ensuive est praticable – et pratiqué – de plein d’autres façons:

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