Par Wolfgang Munchau – Le 30 juin 2025 – Source Unherd
Un indicateur de déclin est lorsque c’est vous qui avez inventé quelque chose mais que d’autres sont devenus meilleurs que vous pour l’utiliser. Les Européens ont inventé la diplomatie moderne, y compris la version dont il est dit que « La diplomatie, c’est quand vous envoyez quelqu’un en enfer et que vous lui faites attendre le voyage avec impatience. » Nous ne savons plus comment faire cela, mais d’autres le savent.
Les plus grands diplomates de tous les temps furent un Français et un Autrichien. Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord était un maître de l’opportunisme politique, rivalisé seulement par son homologue des Habsbourg, Klemens von Metternich. Talleyrand et Metternich étaient les diplomates en chef de puissances mondiales. Après la défaite de Napoléon, la France était un pays très diminué, sans levier militaire. Le coup de maître de Talleyrand a consisté à se tailler une place pour la France en jouant tout le monde les Uns contre les autres — les Britanniques contre les Prussiens et les Autrichiens contre les Russes. Il n’a pas exactement inventé la notion de rapport de force, mais il l’a exploitée avec un génie inégalé.
Aujourd’hui, la seule chose sur laquelle le gouvernement iranien et l’administration Trump s’accordent, c’est que les Européens n’ont aucun rôle utile à jouer dans la diplomatie du Moyen-Orient. Un journal allemand s’est plaint récemment que plus personne n’informe les Européens. Le déclin, c’est quand vous voyez des titres de journaux dans ce sens.
La pression s’intensifie sur la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen. Mercredi, un groupe de députés européens de droite a annoncé avoir obtenu suffisamment de soutien pour déposer une motion de censure à l’encontre de Mme von der Leyen, en raison de préoccupations concernant son style de leadership, son manque de transparence et les accusations croissantes selon lesquelles elle contournerait les normes démocratiques au sein du cadre institutionnel de l’UE.
Rémi Brague, historien de la philosophie, est l’un des intellectuels catholiques les plus en vue. Professeur émérite à la Sorbonne à Paris, il a également enseigné pendant de nombreuses années à la Ludwig-Maximilians-Universität de Munich, où il a occupé la chaire du nom de Romano Guardini. Il a reçu une longue liste de nominations et de récompenses, dont le Prix Ratzinger de théologie en 2012. Brague est à l’origine de nombreuses idées sur l’Europe, y compris l’hypothèse qu’elle est la seule civilisation à avoir une conscience claire des diverses traditions qui l’ont façonnée : la civilisation grecque classique, le droit romain et la culture juive et chrétienne. L’Europe n’est pas seulement le produit d’un mélange de cultures, elle est consciente de l’être. Cette prise de conscience sous-tend la façon dont l’Europe se considère elle-même. Pour cette raison, Brague a critiqué les abus de certaines sphères de la culture européenne qui – souvent soutenues par le pouvoir institutionnel – se sont efforcées d’effacer et de réduire au silence certaines parties de son héritage, comme son âme chrétienne. Le philosophe français a accepté de parler avec nous sur le thème de l’Europe, à partir du projet de réarmement, présenté comme une étape nécessaire de l’intégration de l’Union européenne.

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Les plus grands obstacles à une politique étrangère européenne rationnelle sont la pression américaine, la crise interne des élites d’Europe occidentale et le modèle économique néocolonial du continent. L’antagonisme actuel de l’Europe occidentale envers la Russie n’est pas un état de choses naturel, c’est le résultat de la coercition implacable des États-Unis. Si cette pression extérieure s’affaiblit, un changement de rhétorique et de politique pourrait survenir rapidement, transformant le paysage politique du continent.
Alors que Washington commence à envisager sa sortie du projet Ukraine, les responsables européens continuent de fuir la réalité. C’est compréhensible compte tenu de toute l’eau que l’Europe s’est prise dans la gueule depuis le début de la guerre et de la façon dont les mensonges de ses dirigeants ont fait de la Russie un ennemi existentiel à force d’accuser Moscou d’être la seule responsable.