Tocqueville et la destruction des âmes et des nations


Nicolas Bonnal

Par Nicolas Bonnal – Le 6 mars 2017 – Source nicolasbonnal.wordpress.com

Récemment Ugo Bardi regrettait la violence des policiers en Espagne, réducteurs de bonnes dames catalanes.

Nous sommes de plus en plus écrasés par les États et les gouvernements : invasions (je le dis non comme je le pense, mais comme on le voit), guerres, menaces, taxations, massacres de masse ici ou là se terminant par toujours plus de contrôles et de confiscations, plus rien ne nous est épargné. Je vois que comme en Grèce où tout un peuple a été affamé tout le monde s’incline devant la toute-puissance étatique. C’est que nous sommes des hommes sans honneur, pas très susceptibles…

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Épistémologie de Terremer: l’univers est-il une machine ?


Par Ugo Bardi – Le 14 janvier 2018 – Source CassandraLegacy

Deux personnages du monde de Terremer : Ged et Vetch (Ged est celui qui a les cicatrices sur le visage). Derrière Ged, l’Ombre. Une image merveilleuse de Paul Duffield.

Je propose ici une version modifiée d’un post que j’ai publié l’année dernière sur mon blog Chimeras. Je soutiens ici que tous nos problèmes sont de nature épistémologique : nous ne savons pas comment trouver la vérité. Dans la série Terremer, Ursula Le Guin nous a donné quelques indices, mais aucune solution, sur ce dilemme.

« Toute technologie suffisamment avancée est indiscernable de la magie. » (Arthur C. Clarke)

Imaginez que vous n’avez jamais été exposé aux milliers d’années d’accumulation de ce que nous appelons la « culture ». Imaginez que vous regardez le monde avec de nouveaux yeux ; comme si vous le voyiez pour la première fois. Vous y verrez toutes sortes de choses : des gens, des animaux, des rivières, des rochers, des bâtiments, des montagnes, et bien plus encore. Et vous allez essayer de donner un sens à tout cela. Alors, vous remarquez que certaines choses bougent, grandissent, rétrécissent et changent de forme. Il semble y avoir une certaine hiérarchie dans ce genre d’entités ; certaines bougent vite et d’autres lentement, d’autres ne bougent pas du tout, mais cela ne veut pas dire qu’elles ne le font jamais (pensez à un volcan). Vous pourriez penser que toutes ces choses ont une âme   ; que, d’une certaine manière, elles sont comme vous, il y a une certaine parenté dans toutes choses.

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Daniele Ganser – Les guerres illégales de l’OTAN


Une chronique de Cuba jusqu’à la Syrie


Par Hervé – Source le Saker Francophone

Si vous nous suivez depuis quelques année, vous vous souvenez sûrement d’une série d’interview de Daniele Ganser sur Les Armées Secrètes de l’OTAN qui a fait l’objet d’un premier livre. Depuis, le sujet a fait son chemin et le travail de cet historien, avec d’autres, a sacrément terni l’image de l’OTAN, braquant les feux des projecteurs sur cette alliance qui aurait du disparaître avec la fin de la guerre froide.

L’auteur se définit comme historien et irénologue, celui qui étudie la science de la paix. Pour avoir écouté un certain nombre de ses interviews, la paix n’est pas le qualificatif que l’on pourrait accoler à ses propos car il parle surtout de guerre et notamment celles de l’OTAN. C’est son sujet d’étude principal, dégrossi à partir de 1998 pour sa thèse de doctorat.

C’est une première surprise qui va rester présente lors de cette lecture. L’auteur ne serait-il pas un « dangereux pacifiste » ?

Daniele Ganser commence par définir un certain nombre de principes autour desquels il va articuler son livre, l’ONU, l’OTAN et le droit international en matière de guerre avec ses extensions, les Cours de justice. Comme historien, il tente l’exercice difficile de ne pas sombrer dans la caricature anti-occidentale, accusant le plus fort par principe, en mettant chaque protagoniste, même le faible, face à ses propres responsabilités. Il tente de le démontrer par des références, nombreuses et éclectiques, picorant allégrement dans les sources officielles, notamment celles de l’ONU,  mais aussi chez des auteurs anti-système bien connus sur notre blog puisque  nous les traduisons, comme Eric Zuesse ou William Blum. Ce livre a un autre intérêt, celui de donner la parole à des auteurs germanophones, peu connus dans la francophonie. Ces auteurs sont comme Daniele Ganser profondément marqués par la période nazie et cela explique cette farouche posture anti-guerre.

L’ONU est la seconde tentative de créer un organisme mondial supra-national et quoi qu’on puisse dire et penser des intérêts qui sont derrière, elle reste à ce jour le seul espace de discussion possible officiel, car tous les États ou presque en sont adhérents. L’axe de recherche de Daniele Ganser va donc se baser sur la légalité des actions en rapport du droit international.

Dans la Charte des Nations Unies, les textes sont clairs. Les guerres d’agression sont illégales et on peut lire dans ce livre comment ces textes, pourtant bafoués à maintes reprises, vont quand même peser dans le temps sur les principaux acteurs étatiques dans le combat pour ranger les opinions publiques occidentales dans leur camp. Avec une précision d’horloger suisse, Daniele Ganser va méthodiquement passer en revue chacun des conflits dans 13 pays, depuis l’Iran en 1953.

Le 25 juin 1945, lors de la signature de cette charte, l’OTAN n’existe pas mais on la voit apparaître progressivement et se transformer d’une alliance dite de défense en une alliance offensive au service du pays hégémonique, les États-Unis, et de ses dirigeants.

J’ai volontairement passé sous silence jusqu’à présent les conséquences de ces guerres illégales pour les acteurs étatiques et leurs dirigeants. Plusieurs cours de justice ont surgi depuis la création de la fameuse Cour pénale internationale, dont ses avatars, le Tribunal pénal international pour le Rwanda ou pour l’ex-Yougoslavie. S’il existe des cours, c’est pour juger des crimes, crimes qui sont définis précisément comme l’explique l’auteur : le crime d’agression, le crime de guerre, le crime contre l’humanité et le génocide.

Si le droit est relativement clair, son application l’est beaucoup moins car beaucoup se joue au niveau du Conseil de sécurité et des droits de veto exercés par les cinq membres permanents. Ces joutes verbales parfois homériques vont parfois réussir à faire reculer la guerre, parfois pas, selon des processus complexes que Daniele Ganser décrit précisément, au cas par cas.

À noter que récemment,  le Saker US a écrit sur un autre artefact du droit international, « Uniting for Peace » qui a fait l’objet d’une passe d’armes autour de la Crimée et du statut de Jérusalem et qui démontre toute la puissance de ces textes pour peu que la justice puisse être dite et respectée.

Une fois passée cette première partie théorique mais essentielle, l’auteur attaque la partie historique des faits et des guerres. Si vous connaissez mal ces aspects juridiques, ce livre reste vraiment un bonheur car il est de nature à convaincre de la nécessité du combat juridique, seul à même de régler les différends entre pays. La montée en puissance de la Russie et de la Chine, depuis quelques années, et beaucoup moins connotée idéologiquement que pendant la Guerre froide, montre déjà comment les textes votés en 1945 pèsent de plus en plus sur tout ceux qui seraient tentés de décider seuls de par leur destinée manifeste.

Cette seconde partie plus historique est découpée par guerre. À chaque fois, Daniele Ganser plante le décor historique en insistant sur le fait que tous ces pays étaient membres de l’ONU. Si vous avez survolé ces périodes historiques, en une trentaines de pages, l’auteur rappelle les faits connus et documentés, les acteurs, les doutes qui existent encore, et il analyse chacune de ces guerres sous l’angle du droit et de possibles actes d’accusation. Je vous laisse découvrir vous-mêmes des guerres oubliées, comme celle du Guatemala. J’y ai appris beaucoup de détails significatifs, de faits avérés avec leurs sources. L’auteur nous aide aussi à nous remettre dans le contexte de l’époque pour expliquer les intérêts croisés, notamment ceux des multinationales et de leur puissance grandissante au cours des décennies.

Finalement, même si dans les termes, c’est l’OTAN qui prend des coups, on perçoit parfaitement qu’il y a une continuité dans la domination américaine, surtout après l’effondrement de l’URSS. On devine parfaitement le moment unipolaire américain et aussi le début de la fin en Syrie et en Ukraine.

Daniele Ganser ne fouille pas en profondeur chaque conflit, ce n’est pas son objectif principal. Du coup, il y a parfois quelques raccourcis gênants comme sur l’ex-yougoslavie où il parle du massacre de Srebrenica, semblant accréditer la thèse du TPI clairement pro-OTAN, avant de soulever des objections pour équilibrer son analyse. Il renvoie aussi parfois certains acteurs dos à dos sans soulever tous les enjeux géostratégiques à même d’expliquer certains actes semblant sortir de nulle part.

Vous aurez donc un travail personnel de mise en perspective avec vos propres sources, mais ce livre atteint pleinement ses objectifs de départ : démontrer la nécessité de l’ONU déjà sous sa forme actuelle et montrer que le droit écrit reste toujours valide, qu’il a pesé, qu’il pèse et qu’il pèsera de plus en plus sur les psychologies des acteurs pour guider la politique internationale.

Ce livre m’aura surpris sur son contenu et sur sa forme, montrant un visage différent de Daniele Ganser par rapport à ses conférences. Il aura sans doute changé ma vision de l’actualité, m’ouvrant un peu plus  l’esprit à une autre grille de lecture autour de l’importance du droit international. Même si l’actualité semble parfois démontrer le contraire, la Russie et la Chine qui ont visiblement intégré dans leur diplomatie le respect du droit à la lettre – parfois contre leurs intérêts à court terme – sont sans doute gagnantes sur le long terme et, il faut l’espérer, le monde entier avec elles.


Daniele Ganser n’a malheureusement pas pu répondre à notre sollicitation d’interview. Nous vous proposons de lire celle qu’il a donnée récemment au site arretsurinfo.ch.

Daniele Ganser : La plupart des guerres menées par des membres de l’OTAN commencent par des mensonges

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Fuir la cité concentrationnaire


Par Patrice-Hans Perrier – Le 18 février 2017 – Source Carnets d’un promeneur

Franl Lloyd Wright

Frank Lloyd Wright

Nous poursuivons, ici, la réflexion amorcée dans le cadre de notre série sur le monde des UTOPIES. Dans un contexte où la citoyenneté est menacée jusque dans ses fondations les plus pérennes – la rente immobilière comme outil de contrôle – nous avons cru bon de questionner l’urbanisme au niveau de ses rêves et de ses utopies contemporaines.

Cette deuxième pièce à conviction de notre série traite de la vision utopique et humaniste de Frank Lloyd Wright, probablement le plus grand architecte américain de tous les temps. Penseur d’une architecture proche de la nature, émule des précurseurs d’un retour aux sources – à l’instar d’un Henry David Thoreau – Wright s’insurge contre la cité concentrationnaire du grand capital apatride. Il nous invite à faire l’école buissonnière, histoire de suivre les pas des premiers pèlerins et autres défricheurs d’une société américaine archaïque, celle qui témoignait du désir d’émancipation des pionniers fuyant une Europe despotique. La réflexion du grand architecte est encore plus d’actualité, à une époque où plusieurs de nos concitoyens souhaitent façonner de nouvelles cités, de nouvelles communautés humaines et un bios politikos vierge de toute déchéance.
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Théories conspirationnistes aux USA et mentalité du peuple étasunien


Par Leonid Savin – Le 23 novembre 2018 – Source Katehon

L’histoire révèle un intérêt grandissant pour les théories conspirationnistes au sein de la société étasunienne, quelque soit celui qu’on y présente comme le conspirateur.

Les théories extravagantes prolifèrent aux États-Unis, comme par exemple l’histoire incroyable selon laquelle les gens à la tête du pays seraient des extraterrestres ou des reptiliens. Il existe en fait une continuité historique qui confirme que la conscience étasunienne, que ce soit celle de la classe moyenne, des fermiers ou des cercles politiques influents, est profondément imprégnée de l’idée de complot.

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Néo-totalitarisme : quand Huxley fait le point en 1957


Nicolas Bonnal

Par Nicolas Bonnal – Le 25 janvier 2017 – Source nicolasbonnal.wordpress.com

Voici quelques extraits d’Aldous Huxley. On ne va pas commenter ces lignes immortelles (Brave new world revisited, 1957). Huxley rappelle :

« En 1931, alors que j’écrivais ‘Le Meilleur des Mondes’ j’étais convaincu que le temps ne pressait pas encore. La société intégralement organisée, le système scientifique des castes, l’abolition du libre arbitre par conditionnement méthodique, la servitude rendue tolérable par des doses régulières de bonheur chimiquement provoqué, les dogmes orthodoxes enfoncés dans les cervelles pendant le sommeil au moyen des cours de nuit, tout cela approchait ; se réaliserait bien sûr, mais ni de mon vivant, ni même du vivant de mes petits-enfants. »

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Davos et la montée sinistre des manipulateurs de symboles


Nicolas Bonnal

Par Nicolas Bonnal – Le 25 janvier 2017 – Source nicolasbonnal.wordpress.com

« La force motrice des oligarques est leur conviction de bien faire. » Jack London

Rappelons que Davos est le lieu où se déroule « La Montagne magique » de Thomas Mann, qui nous offrait de belles discussions entre dionysiaques et apolliniens – ces derniers ayant bien sûr perdu la joute. Ce livre ouvrait les thèmes de la mondialisation à l’époque où Edmond Husserl évoquait l’Europe et ses sempiternelles crises de la culture.

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Michel Drac – Voir Macron


Huit scénarios pour un quinquennat


Par Hervé – Source le Saker Francophone

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Je viens aujourd’hui vous présenter le dernier livre de la maison d’édition, le Retour aux Sources. Ce sont les éditeurs de deux auteurs bien connus sur notre blog, Dmitry Orlov et James Howard Kunstler. Ce livre est une vraie surprise car il est arrivé par la poste sans prévenir.

Un livre sur la France et sur Macron, cela semble hors de notre champ d’investigation. mais Michel Drac est à l’origine de cette remarquable maison d’édition dont on peut souligner le très gros travail, comme la traduction du livre « La Guerre des Monnaies » de Hongbing Song ou le Tainter, « L’effondrement des sociétés complexes » que je vous recommande tous les deux si vous voulez aborder les thèmes de la monnaie ou la dynamique des civilisations.

Il est aussi écrivain et publie régulièrement chez le même éditeur, et enfin il est un récent YouTubeur, avec une chaîne ou il aligne les notes de lectures, notamment une longue série sur l’islamisme en général et État islamique en particulier, mais il commente aussi aussi Michéa, Meyssan, Pasolini…

L’activité de traduction de sources par définition non francophones n’empêche pas de regarder ce qui se passe en France et de profiter à notre tour du travail de différentes sources de tous bords et de toutes tendances. Ces circonvolutions pour dire que si Michel Drac est un anti-système assumé, il vote aux extrêmes, et si son cœur a balancé entre Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen au premier tour des dernières présidentielle, il a annoncé en avril dernier son choix… Roulement de tambour… pour Marine Le Pen. Grrr !! Le FN !! Un choix assumé et expliqué, sans un enthousiasme débordant.

Même pas mal. Notre position, au Saker Francophone, c’est celle de Simone Weil, la philosophe. Chacun étant libre de ses choix, je vais me concentrer sur son livre avec à l’esprit le travail de fond qu’il a entrepris et donc on peut le remercier car c’est un exercice rare et précieux. Sa vidéo de vœux est d’ailleurs à regarder pour ceux qui cherchent à améliorer leur productivité autour de la lecture d’auteurs souvent complexes.

VOIR MACRON, 8 scénarios pour un quinquennatMaintenant que j’ai fait les présentations, que penser de ce petit livre de 200 pages ? Si je vous ai parlé de sa chaîne YouTube, c’est que dans son livre, on va retrouver beaucoup des traits et des analyses développés au fil des lectures. Ce livre est quelque part une synthèse de ces lectures et on sent leur influence au fil des pages.

Mes doutes  sur la nature franco-française du livre sont rapidement balayés par les premiers chapitres. Écologie ; Démographie ; Technologie ; Économie ; Géopolitique ; Politique et Culture. En sept grands thèmes, l’auteur balaye la globalisation dans toute sa splendeur. Si vous cherchez comment organiser vos idées et vos sources, toute la première partie vous montre comment on peut organiser une multitudes d’informations parfois parcellaires pour dresser un tableau de situation. On y retrouve les grands thèmes abordés sur notre blog mais avec la touche personnelle de Michel Drac. La France y apparaît peu, traduisant un état de fait : le suivisme atlantiste depuis Sarkozy a réduit notre pays à sa taille géographique, une moyenne puissance régionale en déclin… dans les bons jours.

Certains sujets comme l’économie sont sur-pondérés et correspondent à la grille de lecture principale de l’auteur, l’étude des rapports de force dans tous les domaines entre des blocs, ou des pays, la Guerre hors limite.

Ce qui surprend aussi, c’est le style. Très calibré, une sur-synthétisation qui donne au livre un rythme sec et haletant. C’est une avalanche de chiffres, de faits, de corrélations, d’enchaînements logiques. Il en profite aussi pour poser des jalons dont il va se servir dans la deuxième partie. Resserrement monétaire ? Explosion de l’Euro ?

On peut regretter le manque de sources. Pas de note de bas de pages. Dommage, il aurait été vraiment intéressant pour la clarté de certains passages de suivre les sources que l’auteur utilise pour appuyer sa réflexion. Mais si vous suivez sa chaîne et aussi l’actualité géopolitique au sens large sur notre blog, vous devriez pourvoir décoder le Drac dans le texte.

Avant d’attaque le cœur du sujet et les scénarios pour l’avenir, on a encore droit à deux points d’actualité, l’un mondial, l’autre français avec quelques faits marquants récents qu’il relie avec à propos avec ses thématiques. Exemple de signaux faibles, la démission de Stanley Fischer, N°2 de la FED, partisan du resserrement monétaire. On a donc un auteur très au fait de la complexité du grand jeu et des détails qui en révèlent les soubassements.

Côté Macron, sans vilipender notre bon président, il ne se fait pas beaucoup d’illusion :

« Le cœur du projet politique de Macron est le remplacement des démocraties nationales européenne par un régime oligarchique. C’est une entreprise d’asservissement des peuples. »

Pour poser ses huit scénarios, il reprend trois thèmes structurants :

  • Un resserrement monétaire ;
  • L’explosion de l’Euro ;
  • La Gueeeeeeeerre.

Je ne vais pas vous détailler chaque scénario. Je vous laisse le plaisir de les lire. Ça va du plutôt tranquille, la mort en pente douce, au plus hardcore, la vaporisation totale. En articulant ses trois thèmes et en jouant sur les curseurs, il imagine une chronologie des événements sur cinq ans, à chaque fois différente, où le contexte international bouscule souvent l’agenda européen, où la France passe de victime expiatoire à acteur parfois involontaire. On voit aussi parfois apparaître des zones géographiques comme le Venezuela ou l’Afrique du Nord, parfois comme vectrices de la crise, parfois aussi comme régulatrices.

Les maîtres mots sont cynisme, opportunisme, chaos pas toujours constructeur. Parfois, on tique un peu et c’est là où le manque de sources se fait sentir. Difficile de savoir si l’auteur a un train de retard ou deux trains d’avance tant chaque élément du puzzle peut jouer en faveur ou en défaveur de tel ou tel acteur. À vous de juger et de faire votre critique mais la richesse des idées proposées vaut à elle seule une lecture attentive.

Sans déflorer le livre, on va survoler ensemble le scénario quatre : pas de guerre, mais un resserrement monétaire et l’explosion de l’Euro, d’où son nom, le printemps italien.

Dans un cadre financier incertain, le Mouvement 5 étoiles gagne les élections et… applique son programme, pour de vrai ! L’Italie met les pieds dans le plat et avec un habile référendum sort de l’Euro, de l’OTAN en pleine crise de pouvoir aux USA qui, paralysés laissent faire. La City prend le relais en opposition de la BCE et la combinazione italienne fait le reste. L’Italie n’implose pas et provoque un contre-choc qui se finit par le fameux reset du FMI.

Macron se retrouve pris entre les intérêts euro-atlantistes emmenés par l’Allemagne et les intérêts financiers de la City. Il préfère ne pas choisir et provoque des élections anticipées… Je vous laisse imaginer la suite, mais entre les tensions sécessionnistes en Europe et la mauvaise volonté des Français, ça se termine là ou les oligarques européens ne voulaient pas aller.

Par moments, Michel Drac laisse la porte ouverte à l’optimisme et au principe de réalité qui peut aussi imposer son agenda. Il ne faut donc pas céder à la communication, les oligarques n’ont pas non plus toutes les clés.

 

Ce qui est aussi plaisant c’est de s’obliger à une lecture attentive. Il y a quelques petites perles glissées ici et là pour rester bien réveillé. Michel Drac est assez taquin. Je vous recommande spécialement le Général d’aviation Ripper, SACEUR de l’OTAN en pleine crise à Riga.

Macron n’est finalement que le jouet des événements auxquels il tente de survivre.

À vous ensuite de proposer vos scénarios, de poser vos conjectures. Il est bien difficile de garder une vision cohérente de l’actualité financière, géopolitique, des marchés de l’énergie. Michel Drac propose un bon exercice pour exercer votre culture géopolitique et aiguiser vos réflexes. Si on peut difficilement influer directement sur les événements eux-mêmes, lire le jeux des acteurs et les empêcher de garder facilement trop de coups d’avance permet de peser sur les narrations du système.

Le decodex et la loi sur les Fake News montre que collectivement les acteurs de la nouvelle opinion publique pèsent aussi sur l’avenir, obligeant le système à réagir sous pression et à faire des fautes.


Nous vous proposons maintenant notre traditionnelle interview à laquelle l’auteur a bien voulu se plier.

– Michel Drac, bonjour. Pourquoi avoir choisi Macron pour habiller cette couverture alors que la complexité du monde ne laisse à la France et à son président qu’une place mineure dans le Grand Jeu ? C’est un Fake Book ?

– L’objectif du livre, c’est d’amener le lecteur à situer les enjeux réels de la présidence Macron. Bien sûr, ces enjeux tiennent beaucoup plus à la faculté de l’impétrant à accompagner une évolution historique qu’il subira qu’à son aptitude à impulser des orientations fixées en toute autonomie. Mais c’est bel et bien de Macron qu’il est question, c’est-à-dire de l’homme, certes, mais aussi et surtout du consensus oligarchique français, dont il est le masque.

– Philippe Grasset, pour le site dedefensa, parle de déchaînement de la matière. N’est-ce pas finalement illusoire de vouloir comprendre le monde, alors que sous la surface roule une lame de fond autour de la densité énergétique de nos sociétés qui impose son rythme à l’insu de notre plein gré, si je puis dire ?

– Je crois qu’il n’est jamais illusoire de vouloir comprendre le monde, parce qu’en l’occurrence, l’effort est sa propre récompense. Le simple fait de ne pas perdre la volonté de comprendre est déjà une preuve tangible de liberté, et cette preuve fonde à elle seule la justification du sujet. Après, naturellement, ce n’est pas cela qui permettra d’aller contre la nature des choses. Mais en attendant, chercher à comprendre, c’est imposer sa volonté en un certain point de l’espace : dans sa tête.

– Vous articulez beaucoup de scénarios autour des USA, de la FED. N’est ce pas trop d’honneur pour nos « amis » américains ? Quand on voit la vitesse de la montée en puissance du duo russo-chinois, et les risques d’isolement des USA, n’y a t il pas des raisons de penser que les anciens schémas sont à revoir en profondeur ?

– Vous êtes un peu dur avec moi. J’identifie l’inversion de la dépendance comme une des grandes tendances contemporaines. Mais bon, cette tendance n’a pas fini de produire ses effets. Du point de vue français, les choix américains restent structurants pour encore une ou deux décennies, probablement. Bien sûr, si j’étais Vietnamien, je parlerais plus de la Chine et moins des États-Unis. Mais voilà, mon pays se situe sur la rive orientale de l’Atlantique, pas sur la rive occidentale du Pacifique.

– Ce livre est-il fait simplement pour les citoyens, les auditeurs de votre chaîne YouTube, ou est-ce un message pour nos élites dans les cercles du pouvoir ? Dans certains scénarios, ça se passe mal pour eux.

– Je ne pense pas que nos gouvernants se soucient de mon pronostic. Le livre est fait pour les gens qui le liront, c’est-à-dire probablement la classe moyenne éduquée. Un des enjeux est de montrer à ces lecteurs, aujourd’hui découragés, qu’il ne faut pas croire que la partie s’est terminée le 7 mai 2017. Oh que non !

– Vous écrivez au début que ce n’est pas le peuple qui est en état de mort cérébrale, c’est le système politique. Vous êtes finalement un optimiste ?

– Je ne suis ni optimiste, ni pessimiste. Je constate simplement que si on regarde les chiffres des élections 2017, il n’y a aucune vague macroniste.

Il y a d’abord, en avril, une France qui éclate en quatre blocs, autour de deux clivages croisés, l’un sociétal sur la question de l’immigration, l’autre socio-économique sur la question de l’euro et, au-delà, de la mondialisation libre-échangiste. Il y a certes, ensuite, en mai, une France qui décide de ne pas risquer l’aventure Le Pen. Mais déjà l’abstention est élevée, il n’y a pas de ralliement profond à Macron. En juin, le pays implose électoralement.

Ce qui est intéressant, c’est le vide autour de Macron. La nature du corps électoral a horreur du vide. Donc il va se passer quelque chose. Quoi ? Quand ? Comment ? L’avenir est ouvert…

– En même temps, tant qu’à être optimiste, il manque le scénario de la globalisation heureuse ? Elon Musc part à la conquête de l’espace, dompte le soleil, pille exploite les astéroïdes, construit une méga-station orbitale pour milliardaires qui sort malencontreusement de son orbite malgré ses multiples IA développées par Google et part dériver doucement le long de la voie lactée. Ça aurait alourdi le livre ?

– La hiérarchisation des champs d’une prospective dépend de son horizon. Si j’avais voulu élaborer des scénarios à l’horizon 2040, j’aurais considéré la technologie comme le facteur le plus structurant. L’arborescence des scénarios en aurait été transformée.

Mais à l’horizon 2022, la géopolitique et l’économie sont certainement plus structurantes. À supposer que des percées technologiques soient réussies d’ici cette date, de toute manière elles n’auraient probablement pas le temps de faire sentir leurs effets.

– Si on redevient sérieux, quelles sont les grilles de lectures dont il faut s’armer pour suivre l’actualité ? Vous en proposez sept au début du livre, mais ne faudrait-il pas aussi parler philosophie, idées politiques, énergie, transcendance ? Comment demander à tout un chacun de maîtriser tous ces sujets qu’il faut parfois une vie de travail intellectuel pour acquérir alors que les gens sont aussi censés travailler, s’occuper de leur famille, vivre leur vie ?

– Dans mon esprit, la philosophie est incluse dans la rubrique « culture » les idées politiques relèvent du chapitre « politique », l’énergie est à cheval entre l’économie et la technologie.

Pour la transcendance, elle ne constitue pas une discipline. Je pense qu’il faut écouter les mystiques, parce qu’ils disent quelque chose du monde dans lequel ils forment leurs visions. Mais l’histoire que je vise à modéliser ne renvoie à aucune surnature. Je suis chrétien, mais pas catholique. Je peux admettre la pertinence du symbole quand on me dit qu’un peu de vin symbolise le sang du Christ. Je peux à la rigueur accepter l’idée que même si personne n’était là pour voir le symbole, il serait là – et donc ne pas exclure l’hypothèse d’un monde idéel, dont le souffle caresse la matière. Mais je n’ai aucune raison de croire que le vin devient du sang pendant la messe. D’où chez moi une vision du monde fondamentalement différente de celle qui irrigue par exemple la pensée d’un catholique comme Pierre Hillard.

Concernant le problème du temps dont les gens disposent pour s’informer : je pense tout simplement qu’il y a un travail socialement utile à faire autour d’une véritable ré-information. Il est bien évident que les gens vivent leur vie, et n’ont donc pas le temps de suivre l’actualité en détail. Il faut donc que des professionnels proposent des synthèses honnêtes et sérieuses. Au départ, c’était supposé être le travail des journalistes. On sait aujourd’hui qu’ils désinforment autant qu’ils informent. Nous avons donc besoin d’un nouveau modèle économique de la presse, pour la libérer de sa subordination aux puissances d’argent. Je suis assez optimiste sur ce point. Je pense que nous n’exploitons qu’une infime partie du potentiel de ré-information de la Toile. Il y a d’immenses espaces intellectuels et médiatiques à découvrir et à mettre en valeur. Ce sera certainement une des « frontières » du XXI° siècle.

– Vous êtes toujours acteur de la maison d’édition le Retour aux Sources ? Ou redevenu un simple auteur ? Quels sont vos projets respectifs en cette année 2018 ?

– Mais je n’ai jamais été qu’un auteur ordinaire à Retour aux Sources ! J’ai co-fondé la maison il y a une dizaine d’années, avec un petit groupe d’empêcheurs de penser en rond. J’y ai des parts sociales, mais ça ne m’a jamais conféré une quelconque autorité. Je n’y exerce aucune responsabilité de gestion. Une société commerciale a des statuts, donc des règles de fonctionnement : c’est la gérance qui gère. Un auteur n’a aucune raison d’être au courant des projets de la maison qui l’édite, même s’il en est par ailleurs actionnaire minoritaire.

En ce qui concerne mes projets personnels, je pense continuer à multiplier les notes de lecture, puisque visiblement, c’est ce que je fais le mieux. Et je commence à travailler sur un nouveau livre. En ce moment, je réfléchis à la question de la religion et de son devenir dans le monde étrange que l’hyper-technologie nous fabrique. Mais ceci est une autre histoire…

 

Relu par Cat pour le Saker Francophone

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Le vertige mortifère du marxisme culturel (II)


Walter Benjamin et le nouveau désordre mondial


Par Patrice-Hans Perrier – Le 10 janvier 2017 – Source Carnets d’un promeneur

Walter Benjamin PHOTONous poursuivons notre analyse sur l’étrange mutation d’une théorie marxiste de l’hégémonie culturelle qui s’est infiltrée par tous les pores des médias de masse afin de finir par contaminer jusqu’à l’ensemble de nos perceptions. Partant de l’approche gramscienne pour aboutir en plein cœur de l’École de Francfort, nous avons décidé de faire un arrêt sur la pensée d’un véritable hérétique, penseur d’une hégémonie culturelle conçue comme l’instrument de subversion par excellence. En effet, Walter Benjamin a été qualifié de « théologien du marxisme » par ses proches et pour cause lorsque l’on prend la peine d’étudier l’étrange parcours intellectuel qui marque son œuvre inclassable. Émule de la Kabbale, Walter Benjamin s’est laissé tenter par la critique marxiste des rapports de classe dans un contexte où son Allemagne natale était emportée par les affres de cette déréliction qui caractérise la période de l’entre-deux guerres. Proche de Gershom Scholem, un historien et philosophe spécialiste de l’histoire du judaïsme, Benjamin constitue un cas de figure extraordinairement fécond.

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Small is beautiful


Nicolas Bonnal

Par Nicolas Bonnal – Le 21 décembre 2017 – Source nicolasbonnal.wordpress.com

Le penseur austro-américain Léopold Kohr était cité avec Jacques Ellul et Guy Debord à la fin du documentaire apocalyptique Koyaanisqatsi. C’est comme cela que je l’ai découvert en 1983. En réalité son nom est inconnu alors que son lemme est mythique : small is beautiful. Kohr est l’esprit qui a mis en doute le monde moderne dans tout ce qu’il a de gigantesque, de titanesque et de compliqué. Pour lui tout s’écroulera de ce fait ; ou, si cela ne s’écroule pas, finira mal. À l’heure où l’Europe tangue, où les USA tanguent, où l’Espagne et le royaume désuni tanguent, on ferait mieux de redécouvrir son « breakdown of nations » publié il y a plus d’un demi-siècle. Proche des libertariens ou des traditionnels (je suis des deux écoles, donc je me sens bien concerné), la pensée de Kohr ne pourrait qu’inspirer une solution de rechange à notre civilisation marquée par le gigantisme messianique et l’hypnotisme techno-totalitaire.

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