L’intervention fédérale de Trump dans les villes libérales dystopiques étasuniennes arrive bien tard


Par Andrew Korybko − Le 29 juillet 2020 − Source orientalreview.org

andrew-korybkoIl est grand temps que Trump réprime la frénésie de terrorisme urbain qui a secoué de nombreuses grandes villes étasuniennes depuis plus de deux mois, après son échec à assurer la sécurité, a rendu impossible le développement socio-économique du pays et la préservation des droits des citoyens ; mais ce faisant, il joue également par inadvertance le jeu de ses adversaires en optant exactement pour la réaction qu’ils avaient prédite depuis le tout début : une escalade sur l’échelle, graduée d’avance, de la guerre hybride de terreur sur les États-Unis.

Une inévitable escalade de représailles

Trump a fini par franchir le Rubicon en envoyant des forces fédérales en réponse à la frénésie de terrorisme urbain qui a secoué de nombreuses villes libérales dystopiques étasuniennes au cours des deux derniers mois. Ce déploiement de force était inévitable, et le présent auteur l’avait écrit début juin dans son article : « Qu’est ce qui suivra l’opération antiterroriste étasunienne à l’échelle de la nation ? » D’ailleurs, au cours d’une interview accordée au prestigieux journal iranien Kayan en septembre 2017, republiée par Oriental Review à l’époque sous le titre : « La guerre de l’État profond contre Trump amènera-t-elle à une vraie guerre civile? », l’auteur avait prédit exactement la dynamique de guerre hybride qui allait finir par exploser presque trois années plus tard, suite à l’« événement déclencheur » que fut le meurtre de George Floyd.

C’était écrit sur le mur

Lorsque les « antifas » sont acclamés comme des « héros » malgré leurs destructions gratuites et leur intolérance digne de fascistes envers les opinions divergeant des leurs, ceci accorde une « légitimité » à leur tactique et les « normalise », principalement du fait que les élites acceptent les déstabilisations d’extrême-gauche se produisant dans la rue : ces violences sont instrumentalisées pour intimider l’écrasante majorité de la base électorale de Trump, non raciste et non fasciste. En retour, cela ne pourra que provoquer une réaction défensive de la part de ces gens, et les probabilités montent de voir les affrontements extrême-gauche contre extrême-droite devenir aussi courants dans les villes étasuniennes que les règlements de comptes entre gangs.

La raison pour laquelle l’« État profond » ainsi que les groupes de l’alt-left veulent déclencher des désordres et un chaos aussi importants aux États-Unis est d’entretenir une révolution de couleur, qui sombrerait dès lors rapidement en guerre urbaine non conventionnelle et en meurtres politiques, le tout dans l’intention d’amener Trump à se transformer en « dictateur fasciste » – il est déjà décrit comme tel dans le cadre d’une stratégie de peur – afin de disposer d’une base pour mener à bien une procédure de destitution contre lui, dès lors que des membres de minorités raciales se feraient tuer s’il décide d’une loi martiale limitée en réponse aux provocations.

Un coup d’œil à la possible présidence de Joe Biden

Cette situation a tellement dégénéré depuis, car « la guerre hybride de terreur contre les États-Unis se préparait depuis des décennies ». « Le mélange d’influences du gauchisme économique et du fascisme social constitue le nouveau danger mondial », et on assiste à son expérimentation aux États-Unis avant ses derniers ajustements et à son exportation qui suivra sur l’ensemble de la planète. Les racistes de gauche, tels que les « antifas » et « Black Lives Matter », se prennent pour l’« avant-garde » de la soi-disant « révolution », alors qu’en réalité ils ne constituent que les « idiots utiles » de la contre-révolution menée par l’« État profond » contre Trump. Les hordes qui en résultent fonctionnent de facto comme des milices politiques, contrôlées par les Démocrates, servant à intimider les opposants idéologiques du parti, et présageant de la dystopie que pourrait être une possible présidence Biden.

La police secrète d’un dictateur, ou une réponse décisive en matière de sécurité ?

Pour essayer de contrer ce sombre scénario, Trump a dépêché des forces fédérales dans les villes libérales dystopiques étasuniennes pour rétablir la loi et l’ordre, exactement comme il l’avait promis. Cette décision s’est vue critiquée par ses opposants comme équivalente à celle d’un « dictateur désespéré lâchant sa police secrète sur des manifestants pacifiques pro-démocratie », bien que cette perception ne constitue guère plus qu’un récit relevant de la guerre de l’information. Il n’est pas d’État sur la planète ne disposant pas d’instruments à sa disposition pour répondre à des crises de sécurité nationales comme celle-ci. La sécurité se détériore à chaque instant, ce qui porte atteinte au développement socio-économique, ainsi qu’à la préservation des droits des citoyens. Le gouvernement fédéral aurait dans les faits cessé d’exister réellement dans de nombreuses villes s’il n’avait pas décidé d’agir à ce stade.

Mais leur faux récit apparaît tout à fait convaincant, car les États-Unis ont usé de ce même récit des décennies durant contre des dizaines de cibles géopolitiques. Ils ont agi ainsi pour améliorer leur soft power durant la première Guerre froide, en faisant apparaître la « démocratie étasunienne » comme aux antipodes du « communisme soviétique », et par la suite, le « nouvel ordre mondial (libéral) » face à l’« illibéral/multipolaire », ce dernier ayant récemment commencé à émerger en réponse à l’unipolarité étasunienne, jadis incontestée. Chose ironique, les États-Unis eux-mêmes ont commencé à devenir plus « illibéraux » et plus « multipolaires » – en usant, pour ce dernier point grâce à leur récent stratagème « Diriger depuis l’arrière » – sous Trump, du fait de ses tentatives de démanteler l’ancien ordre mondial ; c’est cela qui rend possible l’utilisation de récits traditionnels dans la guerre de l’information contre lui.

Déchiffrer les raisons pour lesquelles Trump a tant attendu

Si l’on reconnaît ce point – et même si le lecteur n’est pas en accord avec l’interprétation qu’en fait l’auteur – la question devient donc de savoir pourquoi Trump a attendu deux mois avant d’opter pour cette réponse décisive en matière de sécurité. Sans certitude possible, deux explications apparaissent comme plausibles. La première est qu’il a consciemment décidé de ne pas y recourir jusqu’à se laisser persuader que tout avait complètement basculé dans le désordre et qu’il ne lui restait plus d’autre choix. La seconde est qu’il a décidé d’agir ainsi pendant un moment, mais s’est heurté à des résistances importantes de la part de l’« État profond ». Si l’on développe cette seconde explication, il s’ensuivrait assez naturellement qu’il a dû passer outre à des obstacles considérables afin de pouvoir enfin employer la solution qu’il avait prévue depuis longtemps.

Descente dans la spirale de la dégradation

Quelle qu’en soit la vraie raison, Trump s’inscrit désormais sans aucun doute dans l’escalade du conflit, c’est-à-dire qu’il emprunte le chemin choisi pour lui par ses opposants. Ils avaient prédit depuis le tout début que l’homme qu’ils avaient passé deux ans à décrire comme un « dictateur raciste et fasciste » allait finir par « tuer son propre peuple », en particulier les « manifestants pacifiques pro-démocratie », et qu’il maintenait donc un projet selon les modalités de ce développement. Ce pourrait être justement la crainte de tomber dans ce qu’il considère comme leur « piège » qui a retenu Trump d’agir aussi longtemps avant d’opter pour cette réponse décisive en matière de sécurité, mais à présent qu’il s’y est engagé, il n’y a pas de retour arrière possible. Les États-Unis connaissent déjà l’agonie d’une contre-« révolution » avec le terrorisme urbain, le déboulonnement de statues, les attaques contre la police, et cela pourrait devenir bien pire d’ici peu.

Les dystopies libérales des grandes villes étasuniennes promettent de devenir le point de départ de la guerre hybride de terreur contre les États-Unis. L’intervention fédérale de Trump est dangereusement dépeinte comme une « invasion » menée par un « dictateur racisto-fasciste », ce qui fait apparaître comme « légitime » l’utilisation de moyens létaux contre les services de sécurité, suivant les lignes habituelles de l’« insurrection ». Les divisions de l’« État profond » étasunien peuvent littéralement déchirer le pays, si des niveaux de gouvernement se mettent en conflit les uns avec les autres – local contre fédéral – les citoyens innocents se retrouvant pris en étau. C’est peut-être bien pour éviter précisément un tel scénario que Trump aura attendu si longtemps, mais on peut également avancer que le point de basculement avait déjà été atteint dés lors qu’il avait décidé de ne pas agir de manière décisive, une semaine après le début de cette crise sans précédent.

Conclusions

Vouloir décrire la situation actuelle des États-Unis comme une « guerre civile » est trompeur, car cela invoque des images d’armées face à face. Le terme de guerre hybride est plus adapté, car il décrit la vraie nature de ce conflit. Il s’agit d’un conflit à multiple facettes, non conventionnel, et tous azimuts. Cela fait un certain temps qu’il a commencé ; les événements les plus récents ne correspondent qu’à la phase cinétique du conflit. Chaque camp se bat pour déterminer la destinée des États-Unis, dans une lutte épique à somme nulle, qui débouchera en fin de compte sur un vainqueur et un vaincu. Si l’on prend en compte tout ce qui est en jeu, et l’enracinement profond de cette guerre hybride, on peut affirmer que ce conflit n’est pas près de se terminer – et ce n’est pas l’élection de novembre qui en déterminera l’issue – ce qui signifie que le pire reste peut-être à venir.

Andrew Korybko est un analyste politique américain, établi à Moscou, spécialisé dans les relations entre la stratégie étasunienne en Afrique et en Eurasie, les nouvelles Routes de la soie chinoises, et la Guerre hybride.

Traduit par José Martí, relu par Hervé pour le Saker Francophone

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