Par Moon of Alabama – Le 18 août 2020
Aujourd’hui, le Tribunal spécial pour le Liban, qui a été créé pour enquêter sur l’assassinat, en 2005, du milliardaire et ancien Premier ministre du Liban, Rafic Hariri, rend son jugement définitif :
Les juges du tribunal soutenu par l'ONU ont déclaré mardi qu'il n'y a aucune preuve que les dirigeants du groupe militant Hezbollah et la Syrie étaient impliqués dans l'assassinat de l'ancien Premier ministre libanais, Rafic Hariri, en 2005. ... Le procès s'est concentré sur le rôle présumé de quatre membres du Hezbollah dans l'attentat suicide au camion piégé qui a tué Hariri, plus 21 autres personnes, et en a blessé 226. Les procureurs ont fondé leur argumentation en grande partie sur les données de téléphones portable prétendument utilisés par les comploteurs pour planifier et exécuter l'attentat. Sans ces données téléphoniques, il n'y aurait pas d'affaire contre les quatre suspects, a déclaré le juge David Re, qui a commencé à expliquer l'enquête complexe centrée sur les réseaux de télécommunications que les procureurs accusent les suspects d’avoir utilisés. Re a déclaré que les preuves en matière de télécommunications dans cette affaire étaient "presque entièrement circonstancielles".
Sur la base de cette preuve « presque entièrement circonstancielle », le tribunal a conclu qu’un seul des accusés, Salim Jamil Ayyash, est coupable des accusations. Cette personne, un membre présumé du Hezbollah, s’est évaporé depuis des années.
La lecture du résumé du jugement, qui fait 150 pages alors que le jugement lui-même en fait 2 600, est toujours en cours. Le journaliste indépendant Bel Trew est en train de tweeter en direct le procès.
Le résultat est un grand nothing burger [un grand pschitt, NdT] qui laissera les nombreux ennemis du Hezbollah insatisfaits. Mais il permet également d’éviter au Liban l’éruption de nouveaux conflits.
Il y a neuf ans, nous avions prédit que tel serait le résultat de l’affaire. Voici l’article original publié le 30 juin 2011 :
L'acte d'accusation d’Hariri 2005 : Un enquêteur affirme que la Syrie est derrière l'assassinat au Liban Le procureur allemand chargé de l'enquête des Nations Unies sur l'assassinat de l'ancien Premier ministre libanais, Rafic Hariri, a déclaré aujourd'hui que de nouvelles preuves renforçaient son jugement antérieur selon lequel les services de renseignement syriens étaient derrière le meurtre et que des responsables syriens faisaient obstruction à son enquête. 2009 : Quatre généraux libanais "seront remis à l'ONU pour le procès sur la mort de Rafic Hariri". Quatre généraux de l'armée, détenus au Liban pour l'assassinat de l'ancien premier ministre Rafic Hariri, pourraient être remis dans les semaines à venir au tribunal spécial de La Haye qui les jugera, a déclaré aujourd'hui le greffier du tribunal. 2011 : Un tribunal de l'ONU inculpe quatre membres du Hezbollah pour l'attentat à la voiture piégée contre Rafic Hariri Le procureur général du Liban a reçu des accusations criminelles contre quatre membres du groupe militant chiite Hezbollah, qui sont accusés d'avoir assassiné l'ancien premier ministre du pays, Rafic Hariri, dans un attentat à la voiture piégée il y a six ans. 2015 : ...
On dirait qu’ils n’arrivent pas à se décider sur l’identité de l’assassin de Hariri – la Syrie, certains généraux libanais, le Hezbollah ou toute autre personne qu’il serait opportun d’inculper au cours de la prochaine décennie. Le but du tribunal kangourou (ou du tribunal patate) de l’ONU n’est pas de trouver le meurtrier d’Hariri ou de rendre justice. C’est un instrument politique entre les mains de l’alliance américano-saoudienne.
Mais prenons du recul et considérons l’inculpation des membres du Hezbollah aujourd’hui comme une occasion de se pencher à nouveau sur la personne de Rafic Hariri. Il n’était pas le « bon gars » que les médias « occidentaux » ont construit mais un baron voleur néolibéral qui a escroqué le peuple libanais.
Extrait de la nécrologie économique de Rafic Hariri publiée par la BBC en 2005 :
L'ancien Premier ministre libanais Rafic Hariri a utilisé son empire commercial pour reconstruire Beyrouth après des années de guerre civile. Pour ce faire, il a employé sa propre fortune, acquise dans l'industrie de la construction, et un énorme réseau d'amis riches et puissants. ... Il était l'homme le plus riche de son pays, sa fortune était estimée à environ 4 milliards de dollars (2,1 milliards de livres sterling). Mais c'est son entreprise maîtresse, Solidere, qui illustre le mieux le rôle central qu'il a joué dans la régénération de l'économie libanaise. Solidere a racheté de grandes parties du centre de Beyrouth et a transformé le quartier des affaires, en ruine, marqué par les balles et jonché de gravats, en un centre bancaire et touristique. M. Hariri en était l'actionnaire le plus influent. ... Pendant qu'il était Premier ministre, les programmes de travaux publics et de reconstruction de M. Hariri ont entraîné des dettes qui menaçaient de submerger les finances publiques. Le déficit budgétaire a atteint 17 % du produit intérieur brut (PIB) en 2002, et les remboursements de la dette ont coûté au gouvernement 80 % de ses recettes. ... Pour de nombreux Libanais, le réaménagement du centre de Beyrouth s'est traduit par la dépossession de maisons ou de biens sans compensation adéquate, et par l'enrichissement de M. Hariri. ... La vision de M. Hariri pour la création de richesses au Liban était certainement de l'ordre du "ruissellement vers le bas". Au pouvoir, il a réduit les services sociaux, les salaires du secteur public et les impôts sur les sociétés.
Pendant qu’il était au pouvoir, Hariri a fait appliquer une loi qui a quasiment dépossédé tous les propriétaires du centre de Beyrouth. Leurs terres ont été réquisitionnées par Solidere, une société par actions sous le contrôle de Hariri. Ensuite, d’énormes sommes d’argent public ont été dépensées pour construire le nouveau centre de Beyrouth appartenant à Solidere. En plus de cette fraude, toute la reconstruction a été réalisée à des coûts beaucoup trop élevés par des entreprises de construction appartenant à Hariri. Ce fut une énorme spoliation qui a rendu Hariri immensément riche et l’État libanais très pauvre.
Inculper Hariri et restituer l’argent volé au peuple libanais et aux propriétaires escroqués du centre de Beyrouth serait un procès digne d’intérêt.
Lorsque Hariri a été tué, des millions de Libanais avaient de bonnes raisons de souhaiter sa mort. En outre, de nombreuses entités politiques, dont Israël et les États-Unis, avaient des motifs plausibles de tuer Hariri, ne serait-ce que pour imputer le meurtre à quelqu’un d’autre. Le procès en cours contre le Hezbollah est un non-sens. Les vrais meurtriers de Hariri ne seront probablement jamais retrouvés.
Moon of Alabama
Traduit par Wayan, relu par Jj pour le Saker Francophone
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