Le Yémen, un enjeu important pour la Chine


M.K. Bhadrakumar

M.K. Bhadrakumar

Par M.K. Bhadrakumar – Le 31 mars 2015  Source blogs.rediff.com/mkbhadrakumar

Le niveau d’intérêt porté par Pékin aux développements dans le Yémen est apparemment très élevé. C’est sans doute tout à fait normal, compte tenu du fait que la Chine dépend des pays du Golfe pour la moitié de ses importations de pétrole brut, en plus d’avoir des relations étroites et approfondies en constante expansion avec les pays de la région. L’initiative Route de la soie ajoute une dimension stratégique dans la mesure où la Route de la soie traverse la mer Rouge.

En effet, la Chine sera sommée de prendre parti dans une fracture régionale. Ce qui fera de la Chine une sorte de partie prenante, surtout que le Yémen sera bientôt au Conseil de sécurité de l’ONU.

Le journal Xinhua a rapporté aujourd’hui la visite en cours de la délégation du ministère de la défense pakistanaise en Arabie saoudite, en citant que le ministre de la Défense Khawaja Asif  «fournira toutes les ressources s’il y a une menace» pour l’Arabie saoudite, mais en même temps, le Pakistan a également cherché «un terme aux conflits dans le monde musulman». Le journal dit que le Premier ministre Nawaz Sharif «serait en contact avec la direction des pays amis» (ce qui, sans doute, inclut l’Iran). Le rapport donne l’impression que le Pakistan suit une ligne prudente entre la dévotion à son bienfaiteur saoudien et sa réticence à prendre parti dans un conflit sectaire.

Fait intéressant, Xinhua a publié jusqu’à quatre commentaires entre hier et aujourd’hui sur le conflit au Yémen. En lisant entre les lignes, on perçoit un soupçon de désapprobation de l’intervention militaire saoudienne et un scepticisme ouvert quant à l’efficacité d’une offensive terrestre de l’alliance dirigée par l’Arabie.

Plus important encore, le rôle de l’Iran est considéré avec beaucoup de compréhension et analysé à une lumière positive, et peut-être même dans un rapport avec sa réputation internationale, en particulier un renforcement de son engagement au côté des États-Unis. Les extraits suivants sont dignes d’intérêt :

  • Selon les analystes, l’action de l’Arabie saoudite à l’appui du gouvernement yéménite est motivée par le désir de maintenir son statut important dans le Moyen-Orient. Qui plus est, comme source majeure de l’aide économique au Yémen, Riyad ne pouvait supporter aucune tolérance pour le penchant de Sana’a envers Téhéran.
  • Une des raisons pour lesquelles l’Arabie saoudite et les pays arabes n’ont ménagé aucun effort pour frapper les Houthis était d’arrêter l’avance rapide des rebelles à la frontière, le risque d’invasion de l’Arabie saoudite et de blocage du détroit stratégique de Bab al-Mandeb dans la mer Rouge, à travers lequel des milliers de navires passent chaque année, selon les analystes.
  • Selon les observateurs, toute incursion terrestre sera difficile et pourrait poser des défis majeurs à la coalition… Géographiquement, le Yémen est un terrain accidenté, avec de hautes montagnes, des grottes et des pièges, qui rendent difficile la pénétration des troupes.
  • L’Iran espère sincèrement la fin de frappes aériennes de l’Arabie dirigées sur les positions houthi et pouvoir parvenir à une solution politique à la crise yéménite malgré qu’il est accusé par certains voisins de s’immiscer dans les affaires d’un pays arabe, disent-les analystes.
  • L’objectif de l’Iran est de voir un gouvernement de coalition se former au Yémen avec une population chiite bien représentée.
  • Les analystes ne voient pas l’Iran à la recherche d’une influence dominante sur le Yémen, un pays qui s’appuie fortement sur l’aide étrangère, celle-ci n’est pas abondante à Téhéran en raison des sanctions. En outre, l’Iran est séparé du Yémen par la mer tandis que l’Arabie saoudite, qui a toujours été influente au Yémen, se trouve juste sur sa frontière nord.
  • En outre, l’Iran ne veut pas voir la crise du Yémen contrecarrer ses efforts pour améliorer les relations avec ses voisins. Le président iranien Hassan Rohani a promis l’amélioration des relations avec les pays voisins comme l’une des priorités de son gouvernement. Zarif  [ministre iranien des Affaires étrangères, NdT] est aussi allé en tournée  dans les pays du Golfe avec lesquels les échanges de haut niveau ont été rares en raison de liens tendus.

La crise yéménite est une question délicate pour l’Iran. Cependant, si elle est bien gérée, elle prouvera au monde entier le rôle essentiel de ce dernier dans la résolution des problèmes régionaux, en particulier aux États-Unis.

Traduit par jj, relu par Diane pour le Saker Francophone.

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