Par Konrad Stachnio – Le 31 mars 2015 – Source NEO
Des collègues journalistes étrangers me demandent souvent pourquoi la Pologne et les Polonais sont si stupides et aident à couler l’Ukraine tout en étant l’idiot utile des États-Unis. Cette question exprime un malentendu profond sur ce qu’est l’Ukraine et sur ce que la Pologne est devenue.
À présent, dans le jeu géopolitique, la division entre l’Ukraine et la Pologne n’est qu’apparente. Il est plus approprié de dire que nous traitons de deux colonies des États-Unis : la colonie A -–l’Ukraine – et la colonie B – la Pologne. Ces deux bases américaines sont conçues pour exécuter des fonctions militaires spécifiques. La Pologne sert de terrain d’entraînement et d’entrepôt tandis que l’Ukraine est un champ de bataille réel. Le champ de bataille est soutenu par le lieu d’approvisionnement, c’est-à-dire la logistique, donc la Pologne.
Durant les six dernières semaines, le gouvernement supposé être polonais vient d’annoncer des formation obligatoires aussi bien aux hommes nouvellement transférés aux forces de réserve qu’aux réservistes qui n’ont pas encore été en service actif. Conformément aux règlements précédents, seuls peuvent être déclarés aptes ceux qui ont été en service actif ou qui ont accompli une période de service militaire.
Autrement dit, la formation militaire a été rendue obligatoire pour tous les hommes en dessous de l’âge de 50 ans. Après le 23 mars de cette année, date à laquelle le règlement du Premier ministre Ewa Kopacz est entré en vigueur, les Polonais peuvent être appelés pour le service militaire en recevant une formation à tout moment, même s’ils ne sont pas disponibles.
De plus, depuis six semaines le gouvernement polonais a présenté plusieurs autres lois en relation avec l’armée qui peuvent être perçues comme des préparatifs de guerre. Je veux dire, par exemple, les règlements concernant les dommages et intérêts causés par des troupes étrangères, ou le règlement sur les coûts des obsèques des soldats non professionnels.
Évidemment, c’est ainsi que la Pologne est censée se défendre contre les agresseurs russes, bien qu’à mon avis il serait plus raisonnable de se protéger contre ceux qui, sur YouTube, décapitent une effigie du président polonais, qui est ensuite jetée sur le seuil du consulat de ce pays.
Cependant, selon ce qu’un des sponsors principaux de la démocratie dans le monde – George Soros – a dit, la démocratie ukrainienne devrait être un modèle à suivre pour d’autres pays. Ce modèle fait partie du contexte plus large dans lequel la Pologne, par exemple, est devenue un pays subordonné à l’Ukraine, dans la mesure où il facilite la conduite des opérations militaires des États-Unis dans ce pays.
Une Pologne indépendante, avec sa propre politique étrangère, serait simplement un obstacle pour ceux qui contrôlent ce plan stratégique. La Pologne en tant que pays souverain doit se soumettre aux exigences du plan militaire mis en place par les États-Unis en Ukraine, en termes financiers, militaires, idéologiques ou sociaux.
La Pologne : base logistique pour l’Ukraine
Contexte financier :
Selon le ministre polonais Tomasz Siemoniak
Nous avons donné une aide de 4 millions d'euros à l'armée ukrainienne et nous préparons la suite. La Pologne à toujours dit que puisqu'il n'y a aucune provision d'embargo sur les armes, nous voulons faire collaborer notre industrie de défense avec l'Ukraine. Il n'y a aucun obstacle à cela.
Installations militaires :
Selon Stephen Mull, ambassadeur américain en Pologne
S'il y a une menace sur la Pologne, nous y installerons des missiles Patriot. J'en ai parlé récemment avec le Général Ben Hodges (le commandant de forces américaines en Europe) et il a assuré la préparation du déploiement de ces missiles si nécessaire. Nous dépenserons un milliard de dollars des États-Unis pour augmenter l'infrastructure militaire en Pologne. Plusieurs millions de dollars seront dépensés, par exemple pour agrandir la base de Lask.
L’ambassadeur a ajouté que l’expansion de bases militaires permettra d’envoyer des troupes américaines plus rapidement.
Base idéologique :
Selon Donald Tusk, président polonais du Conseil de l’Europe
Nous devons non seulement parler d'une seule voix, mais agir aussi de concert, car ce que nous serons demain dépend de ce que nous faisons aujourd'hui. Nous sommes aujourd'hui au meilleur moment pour une nouvelle affirmation de notre foi dans la Communauté transatlantique.
Base sociale :
Comme le ministre de la Défense nationale Thomas Siemioniak l’a mentionné, quarante et un soldats ukrainiens blessés, ayant participé à l’opération antiterroriste dans le Donbass, ont été soignés dans des hôpitaux polonais. Ils ont été envoyés à Wroclaw, Cracovie et Lublin. Le coût de ces traitements est de 700 000 zlotys.
deux colonies des états-unis: la Pologne et l’Ukraine
La Pologne, comme nous l’apprend le New York Times, a été choisie comme base logistique et militaire de l’Ukraine dans son combat contre la Russie. En conséquence, elle ne peut pas avoir sa propre politique, par exemple la neutralité. La Pologne doit être ce qui a été décidé pour elle – la base pour la guerre avec la Russie. Attendons-nous donc à voir apparaître en Pologne, de façon imminente, des processus démocratiques aux normes ukrainiennes [à la sauce Maidan, NdT] qui, comme Soros le demande, devraient être pris en exemple. Les symptômes typiques de ces processus démocratiques sont : la déstabilisation, la faillite et la dépopulation du pays, que nous pouvons observer en Pologne maintenant.
Si la Pologne avait sa propre politique étrangère, les États-Unis perdraient leurs importants investissements militaires, sociaux et économiques.
Ainsi, malgré les protestations d’une grande partie de la société polonaise, le gouvernement prétendument polonais ne se soucie pas trop de ses propres citoyens. Prenant acte de cet état de fait, il faudrait présenter la question différemment : pourquoi une colonie des États-Unis n’enverrait-elle pas de l’assistance à une autre colonie des États-Unis dans le combat contre un ennemi des États-Unis ?
La question ainsi posée, la protestation d’une partie de la société polonaise contre la participation polonaise au conflit en Ukraine n’a aucune importance. Les deux gouvernements, en Ukraine et en Pologne, ne représentent pas la volonté de leurs citoyens, ils suivent les instructions de leurs maîtres de l’autre côté de l’océan.
Voici ce à quoi on peut s’attendre en Pologne et dans d’autres pays Baltes: un processus de déstabilisation qui ira en s’approfondissent et, finalement, une guerre ouverte à laquelle la Pologne s’est déjà préparée par la série de nouvelles lois promulguées en six semaines seulement.
C’est une conséquence de la guerre de l’information qui a mené à une situation dans laquelle le sens des mots comme démocratie, liberté, valeurs européennes, etc., a été galvaudé par ceux qui contrôlent la narration par le biais de leurs médias industriels. Aujourd’hui, personne ne s’étonne de voir des néonazis, des racistes et des extrémistes islamiques se battre aux côtés des forces ukrainiennes, personne ne demande même pourquoi, tandis que d’autres persistent à ne pas le croire. En faisant ainsi, ils se battent pour la démocratie et les valeurs européennes, comme ISIS l’a fait par le passé, après tout. La signification avait déjà été fournie par ceux qui écrivent le scénario.
Le conflit entre une grande partie de la société polonaise, le gouvernement de la Pologne qui prétend être polonais et le gouvernement ukrainien augmentera. Le gouvernement polonais soutient ouvertement le régime néonazi en Ukraine. En attendant, une grande partie de la société polonaise ne veut pas mourir pour des gens qui adorent officiellement ceux qui, dans un passé pas si lointain, ont assassiné leurs familles – par exemple, les massacres de Volhynia dans lesquels des Ukrainiens ont tué environ 200 000 civils polonais d’une façon si brutale et si atroce qu’il est même difficile de l’imaginer. Les auteurs de ces massacres sont maintenant officiellement célébrés comme des héros.
L’écart entre le peuple et le gouvernement qui se dit polonais ne pourra que croître. Cela pourrait même conduire au renversement de ce gouvernement, ou à l’arrivée sur le devant de la scène politique d’un mouvement complètement nouveau qui changerait la politique étrangère polonaise. Les symptômes de cette évolution sont déjà visibles. L’insatisfaction des Polonais à cause de la politique étrangère du gouvernement se manifeste par la naissance de nouveaux partis politiques et la formation de mouvements sociaux massifs. Les deux demandent le renversement du gouvernement actuel à Varsovie. L’action de ce gouvernement pour pousser les Polonais à la guerre ouverte contre la Russie, ainsi qu’une situation économique qui se détériore dans la zone euro, ne peuvent que renforcer ces mouvements et partis.
Cette divergence entre la société polonaise et son gouvernement est le prix à payer pour l’installation de la logistique américaine. Ceci dit, comme je l’ai mentionné plus tôt, cela n’a pas d’importance pour l’instant, dans la mesure où ni le gouvernement polonais ni le gouvernement ukrainien ne représentent les intérêts nationaux de leurs pays; ils sont seulement des pions des États-Unis dans la guerre avec la Russie, et le peuple n’a pas droit à la parole.
La légitimité du néonazisme et du néo-banderisme en Ukraine, et maintenant en Lettonie (il n’est pas indifférent que ce soit justement dans ces pays que se trouvent maintenant les bases militaires américaines), n’est pas accidentelle. Sans la légitimité des extrémistes qui, après tout, combattent pour la démocratie et les valeurs européennes, la guerre en Ukraine serait finie en deux jours. Sans l’argent des oligarques, la propagande, les troupes des États-Unis, sans l’assistance de la Pologne réarmant l’Ukraine, et sans l’assistance aux néonazis, tout aurait été fini en une semaine. Aucun Ukrainien normal n’irait à la guerre, ce que nous pouvons constater avec l’échec de la mobilisation générale. Si la flamme nationaliste n’était pas attisée, l’Ukraine cesserait très rapidement de brûler et pourrait revenir à la normalité. Ce scénario, cependant, ne convient pas à ceux qui apportent maintenant les processus démocratiques comme auparavant en Libye et en Syrie etc.
L’idéologie néonazie et banderiste est nécessaire pour pouvoir continuer la guerre et doit donc être légitimée, bien qu’à long terme ce soit inutile et nuisible pour les États-Unis. La Pologne, dans ce contexte, doit rester une base pour la réalisation des processus démocratiques par les États-Unis en Ukraine, comme au Moyen-Orient. Que la Russie soit une menace en Pologne ou non est totalement secondaire. La Pologne représente les intérêts des États-Unis et si nous considérons un autre pays que la Russie, où les États-Unis ont des intérêts, la Pologne – comme cela a été le cas de l’Afghanistan – enverrait ses troupes sans aucune problème.
La Pologne va à la guerre
En Pologne, nous voyons se former, comme en Ukraine, la même peste des bataillons de volontaires en Ukraine. Par exemple l’unité paramilitaire de la Garde nationale de Szczecin.
« Notre initiative sociale est l’expression de notre intérêt pour notre pays. Une situation internationale préoccupante, y compris l’intervention armée actuellement en cours par des troupes russes sur le territoire de l’Ukraine et la menace du fondamentalisme islamique, nous contraignent à protéger le destin de nos personnes aimées et de notre pays», expliquent les fondateurs de la Garde nationale.
La propagande de guerre est très bien mise en œuvre en Pologne après l’avoir été en Ukraine. Constatant le nombre des troupes américaines envoyées aux pays Baltes ainsi que l’appel de Porochenko à rouvrir le conflit, la seule chose qui manque est un détonateur approprié.
Konrad Rekas, analyste au Centre européen d’analyse géopolitique, expose très bien cette question :
«Vous pouvez imaginer que nous devrons gérer une provocation. Par exemple, des criminels inconnus, agissant comme au Maïdan, ou l’avion malais, l’explosion d’un engin près d’une base de L’OTAN, avec des soldats tués, des citoyens américains, britanniques ou polonais, et cela donnera aux faucons de guerre une excuse pour engager une intervention militaire totale, l’entrée de troupes en Ukraine, etc.».
Cette version des événements est confirmée aussi par Joaquin Flores, un analyste du Centre pour des études syncrétiques.
«Nous voyons clairement que les États-Unis mettent tout en œuvre pour casser l’accord de Minsk sur la trêve en Ukraine. Les envois d’armes ont un double but. D’abord profiter aux industries d’armement américaines, ensuite encourager la peur des dirigeants lettons et lituaniens face à un risque qui n’existe pas. Ils créent de faux rapports de renseignements qui indiquent l’augmentation imminente d’actions militaires russes totalement fictives.»
Quel sera le détonateur ? Cela pourrait-être n’importe quoi. Peut-être, comme dans le cas du World Trade Center, ou récemment dans la preuve des passeports russes présentée par un Porochenko pathétique, ils trouveront les passeports de terroristes qui ont voulu faire sauter une base de l’Otan. Comme nous le savons, n’importe quel terroriste porte un passeport russe pour le laisser à l’endroit où il commet un acte de terreur. Ce que sera le prétexte ne compte pas tant que ceux qui inventent la preuve contrôlent en même temps la narration médiatique.
Konrad Rekas continue :
Ce sont les mêmes qui, à côté du complexe militaro-industriel, sont plus intéressés par le conflit ouvert. Pourquoi ? Jacek Rostowski, ancien ministre des Finances de Pologne, a simplement déclaré : «Cette guerre, la guerre grandeur nature, permettra de masquer et d’une certaine façon de protéger les milieux financiers des effets de l’écroulement de l’économie occidentale basée sur le dollar, qui est si vulnérable à la spéculation.»
Même l’approche raisonnable d’un Kissinger par rapport à la Russie, ou le changement d’attitude de l’Allemagne envers les psychopathes de Washington qui poussent l’Europe à la guerre, ne change rien. Laissez-moi vous rappeler qu’en Allemagne même, des troupes américaines sont dispersées dans des douzaines de bases différentes, sans compter les entrepôts de matériel, d’armes et de vivres qui ont été constitués en prévision de la guerre; l’Allemagne a sur son territoire 48 100 soldats américains. Les bases américaines en Allemagne sont les suivantes :
Ansbach, Babenhausen, Bamberg, Baumholder, Mal Aibling, Mal Kissingen, Mal Nauheim, Buedingen Darmstadt, Dexheim, Garmisch, Gelnhausen, Giebelstadt, Giessen, Grafenwoehr, Hanau, Heidelberg, Hohennfels, Illesheim, Kelley Baraques, Kitzingen, Mannheim, McCully Barraks, Neubrucke, Panzer Kaserne, Baraques de Patch, Ramstein, Schweinfurt, Vilseck, Vogelweh, Wiesbaden.
Le fait que les Polonais soient informés par le New York Times qu’ils se préparent pour la guerre est pour moi quelque chose de paradoxalement positif. L’avis vient finalement du lieu ou réside vraiment le gouvernement polonais.
L’insatisfaction croissante des populations concernant les actions entreprises par le gouvernement polonais pour mener la Pologne à la guerre peut-elle finalement provoquer le renversement de ce gouvernement ? C’est tout à fait possible. En Pologne, de plus en plus de mouvements politiques évoquent ce scénario. Ils ne veulent tout simplement pas répéter le succès démocratique de l’Ukraine.
A partir des déclarations du responsable de l’opération, le Dr. Zbigniew Brzezinski, on peut comprendre que les États-Unis pousseront d’autres pays baltes à répéter le succès politique et économique de la Pologne . Le sponsor de ce succès politique et économique, George Soros, dit que l’Ukraine devrait être un modèle à suivre pour d’autres pays. Arrivé à ce point, il ne me reste qu’à faire preuve de compassion envers les pays Baltes.
Konrad Stachnio
Konrad Stachnio est un journaliste indépendant basé en Pologne, il a hébergé un certain nombre de programmes radio et TV pour l’édition polonaise de Prison Planet, exclusivement pour le magazine en ligne New Eastern Outlook.
Traduit par Jefke, relu par jj et Diane pour le Saker Francophone.