Le 20 janvier 2016 – Source Moon of Alabama
Lorsque la campagne russe a commencé en Syrie, Obama a assuré qu’elle finirait en bourbier. Divers médias et analystes se sont alignés sur lui. Ils ont eu tort car la campagne russe est, en réalité, une campagne bien pensée et bien exécutée.
Confrontés à la réalité, les médias américains sont en train de changer leur narrative mensongère. Le LA Times écrit:
L’attaque de Lattaquié est le reflet d’autres avancées gouvernementales du même ordre à travers tout le pays, du fait de l’offensive des forces loyales au président Bachar al-Assad, appuyées par la puissance de l’air russe.
[…]
C’est un changement radical pour les forces d’Assad, qui, il y a moins de six mois, avait prévenu ses partisans que le gouvernement devrait «abandonner certaines zones» après une série de revers humiliants.
[…]
Ces avancées ont renforcé la position du gouvernement avant les négociations de paix en Syrie qui devraient commencer la semaine prochaine à Genève.
L’administration Obama et ses alliés anti-syriens avaient espéré voir arriver à Genève un gouvernement syrien défait qui aurait accepté toutes leurs conditions de capitulation. Ils doivent maintenant changer leur narrative. Les pourparlers de paix à Genève, soutiennent-ils désormais, ne peuvent pas avoir lieu parce que le gouvernement syrien est en train de gagner. Comme le dit ce titre du Washington Post – Les frappes aériennes russes sont assez efficaces en Syrie pour mettre les pourparlers de paix en danger :
Trois mois et demi de frappes aériennes incessantes, qui ont principalement ciblé l’opposition à Assad soutenue par l’Occident, ont suffi à montrer sans l’ombre d’un doute qu’Assad ne pourra pas être écarté du pouvoir par la guerre de près de cinq ans contre son régime. Ses avancées sur le terrain posent aussi la question de savoir s’il peut encore y avoir des négociations sérieuses pour mettre fin à un conflit qu’Assad et ses alliés semblent désormais certains de gagner.
«La situation sur le terrain en Syrie n’est certainement pas propice à des négociations en ce moment», a déclaré Lina Khatib de l’Initiative de réforme arabe, un think tank basé à Paris.
L’Initiative de réforme arabe est la fillle bâtarde du US/Middle East Project et de diverses dictatures du Moyen-Orient. Le Middle East Project a été créé par Henry Siegman, un ancien directeur national du Congrès juif américain dont les principaux conseillers sont des politiciens étasuniens extrémistes comme Scowcroft et Brzezinski.
Selon eux, le gouvernement syrien doit être renversé et on ne peut pas le laisser gagner. Les négociations devront être repoussées jusqu’à ce que le gouvernement syrien soit prêt à tomber. C’est pourquoi l’opposition de militants islamistes contrôlée par États-Unis/Arabie/Turquie veut exclure les Kurdes et l’opposition non-militante de toutes les négociations, et fixe des conditions supplémentaires qui rendent les négociations impossibles. Ils exigent pratiquement que la Russie et la Syrie acceptent un cessez le feu unilatéral avant toute négociation.
En attendant, les différents camps se positionnent pour la fin de partie générale. Les Kurdes de Syrie veulent un corridor le long de la frontière syro-turque pour relier leurs territoires de l’est avec l’enclave kurde de l’ouest. Ils se battent au nord-ouest d’Alep avec le soutien des Russes contre les gangs soutenus par les États-Unis et, avec le soutien de la Russie et des États-Unis, contre les gangs de l’État islamique au nord-est d’Alep. Les États-Unis envahissent le sol syrien et construisent un aéroport dans les zones kurdes de l’est de la Syrie. Cela probablement pour mettre en place, par la suite, un État kurde client riche en pétrole :
L’aéroport, connu sous le nom d’Abu Hajar, se trouve au sud de la ville de Remelan, sur le site d’un des plus grands gisements de pétrole de Syrie qui est géré par les Unités de la protection du peuple kurde qui vendent leur production par l‘intermédiaire du Kurdistan irakien.
Les Russes pourraient contrer ce mouvement avec leur propre aéroport dans la région.
Israël, qui achète la plus grande partie du pétrole kurde et qui vient de se rabibocher avec la Turquie, appelle maintenant officiellement à la création d’un État kurde indépendant. Les Turcs ne vont pas du tout aimer ça.
La Turquie veut empêcher la création d’un corridor kurde le long de sa frontière. Elle a incité les insurgés turkmènes de Syrie, qu’elle contrôle, à attaquer État islamique à partir de leur couloir Alep–Avaz–Turquie vers l’est, le long de sa frontière, là où elle peut les soutenir avec son artillerie. Cette campagne s’est enlisée au bout de quelques jours et plusieurs villes qu’ils avaient capturées sont maintenant à nouveau aux mains d’État islamique. De nouveaux équipements et davantage de soldats turcs sont arrivés à la frontière turque, près du poste de frontière de Jarablus qui est actuellement entre les mains d’État islamique. C’est le seul passage qu’a État islamique vers un pays relativement amical. Si les Kurdes approchent de ce point de passage vers la Turquie, cette dernière est susceptible d’envahir la Syrie pour mettre en place une zone tampon plus large contre les Kurdes syriens.
En Irak, les Turcs continuent d’occuper des bases au Kurdistan irakien sous la protection de Barzani, le chef de la mafia kurde irakienne. Et ce malgré les menaces du gouvernement irakien. Mais ce gouvernement est à nouveau contrôlé par les États-Unis. L’influence iranienne avait diminué après des dissensions entre le général iranien Suleiman et Abadi, le premier ministre installé par les États-Unis.
Une source au bureau du premier ministre Haidar al-Abadi a déclaré : «Le retard des États-Unis à soutenir Bagdad n’a pas été une coïncidence ou un manque de réaction involontaire. Ce fut une décision stratégique visant à :
– Apprendre à l’Irak à refuser des bases militaires étasuniennes ;
– Se rendre compte de la capacité militaire iranienne et s’assurer de son incapacité à utiliser la puissance aérienne et la collecte de renseignements pour vaincre ISIS ;
– Soumettre Bagdad à leur volonté et lui dicter leurs conditions.»
Le fait que les États-Unis aient utilisé le phénomène ISIS pour provoquer encore un changement de régime et prendre le contrôle de l’Irak a été confirmé par Obama dans une interview avec Thomas Friedman :
La raison, a ajouté le président, «pour laquelle nous n’avons pas commencé à opérer des frappes aériennes partout en Irak dès qu’ISIL est arrivé, c’était que cela aurait enlevé la pression que nous maintenions sur [le Premier ministre Nouri Kamal] al-Maliki.» […]
Mais tous ces jeux étasuniens ne serviront à rien sur le long terme. Les régions kurdes en Irak et en Syrie sont enclavées et aucun de leurs voisins directs n’a intérêt à la création d’un état kurde. Depuis la fin de son mandat qui n’a pas été renouvelé par le parlement, la présidence de Barzani sur le Kurdistan irakien est illégitime. Le prochain dirigeant des régions kurdes en Irak sera probablement moins amical avec la Turquie et les États-Unis. En Irak, l’influence de l’Iran sur le peuple sera toujours plus grande que l’influence américaine sur des pans de l’élite. En Syrie, c’est la Russie qui va décider de ce que sera l’avenir de l’État.
Au bout du compte, les États-Unis ont peu de chances de garder la position dominante qu’ils ont retrouvée actuellement. Obama répète l’erreur de ses prédécesseurs en s’imaginant que l’ingérence des États-Unis peut réussir et durer éternellement.
État islamique recule. Il a récemment dû couper les salaires de moitié. Il est continuellement bombardé et doit affronter des combats toujours plus durs avec des pertes toujours plus élevées. La population dans les zones qu’il détient n’est pas contente. Il va bientôt devoir redevenir un mouvement de guérilla de cellules terroristes souterraines. Alors d’autres intérêts des différents acteurs redeviendront prioritaires, les États-Unis ne seront plus nécessaires et ils seront à nouveau écartés de la région. Et alors les États-Unis se demanderont, une fois de plus, pourquoi ils n’ont rien retenu de la leçon précédente.
Traduction : Dominique Muselet
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