Par Andrew Korybko − Le 9 mai 2025 − Source korybko.substack.com
Ces opinions ont été et restent partagées par l’écrasante majorité de l’humanité au cours de l’histoire, avec des contextes différents.
L’agence intérieure de renseignements allemands a désigné l’AfD, dont un récent sondage vient d’indiquer qu’il s’agit du parti politique le plus populaire du pays, comme « extrémiste », pour ensuite retirer cette désignation et attendre un arbitrage. Cette étiquette justifierait une mise sous surveillance du parti politique et pourrait servir de prétexte à son interdiction. Le vice-président étasunien JD Vance a condamné la première désignation, la qualifiant comme équivalente à édifier un nouveau Mur de Berlin, et Marc Rubio, le secrétaire d’État, a appelé l’Allemagne à modifier sa décision et à mettre fin à ses « dangereuses politiques d’immigrations en frontière ouverte. »
Les fondements de cette décision se perdent dans le débat qui l’entoure : « La notion de peuple entretenue par ce parti est fondée sur l’ethnicité et la lignée, ce qui est incompatible avec l’ordre démocratique fondamental. » L’AfD estime que les Allemands ethniques entretiennent un lien spécial avec leur pays en raison de leur culture et de leurs expériences partagées, dont ne disposent pas les Allemands non-ethniques, surtout ceux issus de sociétés civilisationnellement dissemblables du Grand Sud arrivés récemment dans le pays.
Ce point de vue n’a en réalité rien du tout d’extrême, puisqu’il a été partagé par la majorité écrasante de l’humanité dans toute l’histoire, avec des contextes différents. De fait, cette opinion reste populaire dans les sociétés non-occidentales, c’est-à-dire les endroits d’où sont issues la plupart des populations allemandes-non-ethniques. D’Afrique en Asie de l’Ouest, et de l’Indo-Pacifique, la plupart des pays pensent que les habitants originels entretiennent une connexion spéciale avec leur pays, que les nouveaux arrivés peuvent mettre plusieurs générations à partager.
Seule l’idéologie liberal-globaliste radicale, épousée par les élites occidentales, réfute cette connexion spéciale ou feint de croire que cette connexion se retrouve partagée d’emblée par tous les immigrés dès lors qu’il ont posé un pied sur le sol national. Bien entendu, reconnaître cette connexion spéciale n’implique pas que les personnes se faisant nationaliser ne méritent aucun droit ; il s’agit plutôt d’une protection des droits socio-culturels des nationaux de souche. En cette instance, il se trouve que l’exemple russe est instructif.
L’un des amendements constitutionnels entrés en vigueur après le référendum de 2020 stipule que « la langue d’État de la Fédération de Russie dans tout son territoire est la langue russe, langue du peuple ayant constitué l’État, dans le cadre d’une union multinationale des peuples égaux de la Fédération de Russie. » Cet amendement réitère l’égalité de tous les citoyens russes, tout en soulignant le rôle que les Russes ethniques et leur langue ont joué historiquement dans le façonnement de leur État-civilisation cosmopolite.
Par ailleurs, une loi a été adoptée exigeant que les étrangers se soumettent à des tests de langue, d’histoire et de droit basique russes pour obtenir une permission à long terme de résider en Russie, sans parler d’obtenir la nationalité. Cela vise à répondre à la menace socio-culturelle induite par ceux qui refusent de s’assimiler et de s’intégrer, un sujet sur lequel le Patriarche Kirill a attiré les attentions en trois occasions en 2023 et 2024 ici, ici et ici. Lui-même et Poutine se sont néanmoins unis pour condamner les discours de haine ethno-religieux après l’attentat terroriste du Crocus.
L’exemple russe montre ici que la connexion spéciale des nationaux de souche avec leur pays peut être reconnue sans nuire aux autres nationalités. Il en va de même au sujet des politiques assurant que les immigrés s’assimilent et s’intègrent. Rien de ceci n’est « extrémiste » ; il s’agit d’un point de vue respectueux, pragmatique et raisonnable, et c’est pour cela que l’AfD veut en faire autant en Allemagne. Ces opinions sur la nationalité constituent la norme historique de l’humanité, pas l’exception, et ce sont donc les libéraux-globalistes qui sont les véritables extrémistes.
Andrew Korybko est un analyste politique étasunien, établi à Moscou, spécialisé dans les relations entre la stratégie étasunienne en Afrique et en Eurasie, les nouvelles Routes de la soie chinoises, et la Guerre hybride.
Traduit par José Martí, relu par Wayan, pour le Saker Francophone