Comment l’Orient peut sauver l’Occident


2015-09-15_13h17_31-150x112Par le Saker – Le 30 mars 2018 – Source The Saker

Europe : Mon honneur est solidarité !

« Cela vous dit tout ce que vous devez savoir sur la différence entre la Grande-Bretagne moderne et le gouvernement de Vladimir Poutine. Ils font le Novitchok, nous faisons des sabres de lumière. L’un est une arme hideuse spécialement conçue pour assassiner. L’autre est un improbable accessoire de théâtre qui produit un bourdonnement mystérieux. Mais laquelle de ces deux armes est vraiment la plus efficace dans le monde d’aujourd’hui ? »

(Boris Johnson)

Commençons cette discussion par quelques questions de base.

Première question : quelqu’un croit-il sincèrement que « Poutine » (le nom collectif pour désigner le Mordor russe) a vraiment tenté de tuer un homme que « Poutine » lui-même avait libéré dans le passé, qui ne présentait aucun intérêt quelconque pour la Russie et qui, comme Berezovsky, voulait retourner en Russie et que, pour ce faire, « Poutine » a utilisé un agent innervant binaire ?

Question deux : quelqu’un croit-il sincèrement que les Britanniques ont présenté à leurs « alliés » (je serais poli ici, d’où cet euphémisme) une preuve irréfutable ou, au moins très forte, que « Poutine » a effectivement fait une telle chose ?

Question trois : quelqu’un croit-il sincèrement que l’expulsion massive de diplomates russes rendra la Russie plus docile aux exigences occidentales (pour ce qui nous occupe, peu importe de quelles exigences nous parlons) ?

Question quatre : quelqu’un croit-il sincèrement qu’après ce dernier épisode, les tensions vont s’apaiser ou même diminuer et que les choses s’amélioreront ?

Question cinq : quelqu’un croit-il sincèrement que la forte montée actuelle des tensions entre l’Empire anglosioniste (c’est-à-dire « l’Occident ») ne placent pas l’Empire et la Russie sur une trajectoire de collision qui pourrait déboucher sur une guerre, probablement/éventuellement une guerre nucléaire, peut-être pas délibérément, mais comme résultat d’une escalade d’incidents ?

Si, dans le monde zombifié des drones idéologiques, qui restent dans l’état de transe monotone induite par les médias grand public, il y a très certainement ceux qui répondent « oui » à quelques-unes ou même à toutes les questions ci-dessus, je suggère que pas un seul décideur occidental important ne croit sincèrement à ces absurdités. En réalité, tous ceux qui comptent savent que les Russes n’avaient rien à voir avec l’incident Skripal, que les Britanniques n’ont présenté aucune preuve ; que l’expulsion des diplomates russes ne fera que renforcer la détermination russe ; que toute cette hystérie anti-russe ne fera qu’empirer et que tout cela met au moins l’Europe et les États-Unis, sinon la planète entière, en grand danger.

Et pourtant ce qui vient de se passer est absolument incroyable : au lieu d’utiliser les principes fondamentaux du droit occidental (innocent jusqu’à ce que la culpabilité soit prouvée par au moins une preuve prépondérante ou au moins au-delà de tout doute raisonnable) ; les règles de base du comportement civilisé (n’attaquez pas quelqu’un que vous savez innocent) ; les normes éthiques universellement acceptées (la vérité de l’affaire est plus importante que la convenance politique) ou même l’instinct de conservation primordial (je ne veux pas mourir pour votre cause) ; la grande majorité des dirigeants occidentaux a choisi un nouveau paradigme de prise de décision qui peut se résumer en deux mots :

  • « hautement probable » 
  • « solidarité »

C’est vraiment crucial et cela marque un changement fondamental dans la manière dont l’Empire anglosioniste agira désormais. Examinons les hypothèses et les implications de ces deux concepts.

Tout d’abord « hautement probable ». Alors que « hautement probable » ressemble à une version simplifiée de la « prépondérance de la preuve » ce que cela signifie réellement est très différent et circulaire : « Poutine » est mauvais, empoisonner est mal, donc il est « hautement probable » que « Poutine » l’ait fait. Comment savons-nous que la prémisse « Poutine est mauvais » est vraie ? Eh bien – il empoisonne des gens, non ?

Vous croyez que je plaisante ?

Regardez cette merveilleuse carte présentée au public par le « gouvernement de Sa Majesté » intitulée « Un schéma récurrent d’activités russes malignes » :

Sur les douze événements recensés comme preuves d’un « schéma d’activité maligne russe » un est manifestement faux (invasion de la Géorgie en 2008) ; un confond deux accusations différentes (l’occupation de la Crimée et la déstabilisation de l’Ukraine) ; un est circulaire (l’assassinat de Skripal) et tous les autres sont des accusations totalement non prouvées. Tout ce qui manque ici, c’est le viol collectif de bébés pingouins par des marins russes ivres au pôle Sud ou l’utilisation d’une « arme météorologique » secrète pour envoyer des ouragans vers les États-Unis. Vous n’avez pas besoin d’une licence en droit pour le voir, seulement d’un QI au-dessus de la température de la pièce et d’une compréhension simple de la logique. Malgré tout mon mépris pour les dirigeants occidentaux, même moi je ne prétendrai pas qu’ils en manquent tous. C’est donc ici que la « solidarité » entre en scène :

« Solidarité » dans ce contexte est simplement un « espace conceptuel » pour le célèbre « mon pays, qu’il ait tort ou raison » de Stephen Decatur, appliqué à tout l’Empire. Le précédent de Meine Ehre heißt Treue (Mon honneur s’appelle fidélité) légèrement reformulé en Meine Ehre heißt Solidarität (Mon honneur s’appelle solidarité) vient aussi à l’esprit.

Solidarité signifie simplement que les élites compradores au pouvoir en Occident diront et feront tout ce que les Anglosionistes leur diront de faire. Si demain, les dirigeants britanniques ou américains proclament que Poutine mange des bébés à son petit-déjeuner ou que l’Occident doit envoyer à « Poutine » un message fort indiquant qu’une invasion russe du Vanuatu ne sera pas tolérée, ainsi soit-il : toute la nomenklatura anglosioniste chantera la chanson en chœur et au diable les faits, la logique ou même la décence !

Proclamer solennellement des mensonges n’est pas nouveau en politique et il n’y a rien de nouveau ici. Ce qui l’est, ce sont deux développements beaucoup plus récents : premièrement, aujourd’hui tout le monde sait que ce sont des mensonges et deuxièmement, personne ne les conteste ou ne les démonte. Bienvenue dans le Nouvel ordre mondial anglosioniste, en effet !

L’Empire : par la tromperie, la guerre tu feras

« Vous avez pour père le diable, et vous voulez accomplir les désirs de votre père. Il a été meurtrier dès le commencement et il ne se tient pas dans la vérité, parce qu’il n’y a pas de vérité en lui. Lorsqu’il profère le mensonge, il parle de son propre fond ; car il est menteur et le père du mensonge. »

(Jean 8:44)

Ces dernières semaines, j’ai observé quelque chose que je trouve très intéressant : tant sur les chaînes de télévision que dans les médias russes en anglais, il existe un genre spécifique d’individu anti-Poutine qui est très fier du fait que l’Empire se soit embarqué dans une campagne sans précédent de mensonges contre la Russie. Ces gens considèrent les mensonges comme un autre outil dans une sorte de « boîte à outils politiques » qui peut être utilisé comme n’importe quelle autre technique politique. Comme je l’ai mentionné dans le passé, l’indifférence occidentale à l’égard de la vérité est quelque chose de très ancien, puisque cela vient du Moyen Âge : à peu près quand les successeurs spirituels des Francs à Rome ont décidé que leur propre marque de « christianisme » n’avait pas besoin de 1000 ans de Consensus Patrum. La scolastique et une soif insatiable de pouvoir laïque, séculier, ont produit à la fois le relativisme moral et le colonialisme (avec l’imprimatur du pape sous la forme du Traité de Tordesillas). La Réforme (avec son influence judaïque très prononcée) a fourni les bases du capitalisme moderne qui, comme Lénine l’a correctement diagnostiqué, est impérialiste à son stade suprême. Maintenant que l’Occident est en train de perdre son emprise sur la planète (imaginez ça, quelques pays fils de pute osent résister !) toutes les justifications idéologiques ont été jetées à la poubelle et nous nous retrouvons avec les vraies impulsions, honnêtes et sans scrupules des dirigeants de l’Empire : arrogance messianique (essentiellement auto-célébration) violence et, par dessus tout, dépendance massive à la tromperie et au mensonge à tous les niveaux de la société, depuis les publicités commerciales visant les enfants jusqu’à Colin Powell agitant quelque poudre à lessive au Conseil de sécurité de l’ONU pour justifier une autre guerre d’agression.

Le culte de soi et la dépendance totale à la force brute et aux mensonges, telles sont aujourd’hui les vraies « valeurs occidentales » : pas la loi ; pas la méthode scientifique ; pas la pensée critique ; pas le pluralisme et surtout pas la liberté. Nous voilà ramenés, après un cycle complet, au genre de truanderie illettrée qu’incarnaient si bien les Francs et qui les a rendus si tristement célèbres dans le monde (alors) civilisé (le sud et l’est de la Méditerranée). Le projet, soit dit en passant, est le même que celui des Francs il y a 1000 ans : soumettez-vous et acceptez notre domination ou vous mourrez est la manière d’accepter notre domination et de nous laisser piller toutes vos richesses. De nouveau, pas grande différence ici entre le sac de la Première Rome en 410, le sac de la Deuxième Rome en 1204 et le sac de la Troisième Rome en 1991. Comme le savent bien les psychologues, le meilleur prédicteur d’un comportement futur est le comportement passé.

Fait intéressant, les Chinois ont vu juste dans cette psyop stratégique et ils font sonner l’alarme dans leur très officiel Global Times (c’est moi qui souligne) :

Les accusations que les pays occidentaux ont lancées contre la Russie sont basées sur des arrière-pensées, tout comme les Chinois utilisent l’expression cela pourrait bien être vrai’ pour saisir une bonne occasion. D’un point de vue neutre, les principes et la logique diplomatique qui sous-tendent ces efforts draconiens sont bancals, sans parler du fait que cette expulsion quasi simultanée de diplomates russes est une forme grossière de comportement. De telles actions ont peu d’impact, si ce n’est augmenter l’hostilité et la haine entre la Russie et ses homologues occidentaux. (…) Le fait que les grandes puissances occidentales puissent se regrouper et condamner’ un pays étranger sans suivre les procédures que les autres pays − respectueux des principes fondamentaux du droit international −  suivent, est effrayant. Pendant la guerre froide, aucune nation occidentale n’aurait osé orchestrer une telle provocation et pourtant, aujourd’hui, elles sont menées à un rythme débridé. De telles actions ne sont rien de plus qu’une forme d’intimidation occidentale menaçant la paix et la justice dans le monde. (…) Il est scandaleux de voir comment les États-Unis et l’Europe ont traité la Russie. Leurs actions montrent une frivolité et une insouciance en pleine expansion  qui deviennent une caractéristique de l’hégémonie occidentale qui ne sait qu’envenimer les relations internationales.

C’est le moment idéal pour les nations non occidentales de renforcer l’unité et les efforts de collaboration entre elles. Ces nations doivent établir un niveau d’indépendance et se tenir hors de la portée de l’influence occidentale tout en brisant les chaînes des déclarations unilatérales, des jugements prédéterminés et en venir à valoriser leurs propres capacités de jugement. (…) L’Occident n’est qu’une petite fraction du monde et loin d’être le représentant mondial qu’il prétend être. Les minorités réduites au silence au sein de la communauté internationale doivent s’en rendre compte et prouver, par l’action, à quel point leur compréhension d’une telle réalité est profonde.

Comme disent les Français « À bon entendeur, salut ! » : la position chinoise est claire comme de l’eau de roche, comme l’est l’avertissement. Je résumerais ainsi : si l’Occident est un paillasson anglosioniste, l’Orient n’en est certainement pas un.

Aparté

Je sais que certains pays d’Europe ont fait, jusqu’à présent, preuve de courage et ont résisté au diktat anglosioniste. Tant mieux pour eux. J’attendrai de voir combien de temps ils pourront résister à la pression avant de me lever pour une ovation.

Le plan général de l’Ahnenerbe moderne pour l’Orient

« La décision, par conséquent, est ici à l’Est ;
il faut que l’ennemi russe,
ce peuple de deux cent millions de personnes,
soit détruit sur le champ de bataille un par un,
et soit saigné à mort. »

(Reichsführer Heinrich Himmler)

Pourtant, rien de tout cela n’explique pourquoi les dirigeants de l’Empire ont décidé de s’engager dans un jeu désespéré de « poule mouillée nucléaire » pour essayer, une fois encore, de forcer la Russie à se conformer à leurs exigences de « partir et se taire ». C’est contre-intuitif et je reçois de nombreux e-mails chaque semaine me disant qu’il est absolument impossible que les dirigeants de l’Empire anglosioniste veuillent une guerre avec la Russie et surtout pas une guerre nucléaire. La vérité est que tandis que les dirigeants occidentaux sont très certainement des psychopathes, il ne sont ni stupides ni suicidaires, mais Napoléon et Hitler ne l’étaient pas non plus ! Oui, ils ne veulent probablement pas vraiment une guerre à grande échelle avec la Russie. Le problème est que ces dirigeants sont également désespérés, et pour de bonnes raisons.

Examinons la situation d’il y a quelques mois. Les États-Unis étaient vaincus en Syrie ; ridiculisés en RPDC ; Trump était détesté en Europe ; les Russes et les Allemands travaillaient ensemble sur le Nord Stream ; les dirigeants britanniques étaient forcés de faire au moins semblant de préparer le Brexit ; tout le projet « ukrainien » se cassait la figure ; les sanctions contre la Russie avaient échoué ; Poutine était plus populaire que jamais et l’hystérique campagne anti-Trump était encore en plein essor aux États-Unis. L’action suivante des élites anglosionistes a été tout sauf brillante : en organisant un faux drapeau vraiment grossier en Grande-Bretagne, l’Empire a obtenu les résultats suivants :

  • Les Européens ont été renvoyés de force dans les jupes de l’anglosphère (« solidarité » vous vous rappelez ?) ;
  • Les Britanniques du Brexit ressemblent maintenant de nouveau à des dirigeants (im)moraux pour l’Europe ;
  • Les Russes sont aujourd’hui diabolisés à un tel point que n’importe quelle accusation, aussi stupide soit-elle, va marcher ;
  • Au Moyen-Orient, les États-Unis et Israël sont désormais libres de déclencher n’importe quelle guerre parce que la capacité (purement théorique) des Européens de s’opposer à tout ce que veulent les Anglos s’est évaporée, surtout depuis que les Russes sont devenus les « criminels chimiques connus » de la Ghouta à Salisbury ;
  • Au minimum, la Coupe du monde prévue en Russie sera sabotée par une campagne antirusse massive. Si celle-ci réussit vraiment, ils auront alors l’espoir que les Allemands cèdent finalement et s’ils ne l’annulent pas purement et simplement, ils vont au moins retarder fortement le Nord Stream et forcer les Européens à accepter – quoi d’autre – le gaz américain.

C’est un plan ambitieux et, à moins d’un développement inattendu, il pourrait bien fonctionner. Le problème avec cette stratégie est qu’elle ne va pas assez loin pour obtenir de la Russie qu’elle « s’en aille et se taise ». Les néocons aiment particulièrement humilier leurs ennemis (regardez comment ils continuent à tirer sur Trump même si aujourd’hui le pauvre homme est devenu leur serviteur le plus soumis) et il y a beaucoup de prestige en jeu ici. Par conséquent, la Russie doit être humiliée, vraiment humiliée, pas seulement par le sabotage de sa participation aux Jeux olympiques ou par l’expulsion des diplomates russes mais par quelque chose de beaucoup plus concret, par une attaque sur sa toute petite et vulnérable force d’intervention en Syrie. C’est là que réside le plus grand risque.

La force d’intervention russe en Syrie est minuscule, du moins comparée aux énormes capacités des CENTCOM+OTAN. Les Russes ont averti que s’ils sont attaqués, ils abattront non seulement les missiles attaquants, mais également leurs lanceurs. Comme les Américains ne sont pas assez bêtes pour exposer leur aviation aux défenses aériennes russes, ils n’utiliseront leur puissance aérienne qu’en dehors de la portée des défenses russes et ils n’utiliseront que des missiles de croisière pour frapper des cibles à l’intérieur du « cône de protection » des défenses aériennes russes. En fait, je doute que les Russes auront la possibilité d’abattre beaucoup d’avions américains, du moins pas avec leurs S-300/S-400 SAM à longue portée. Leur système d’armes combinant artillerie anti-aérienne et missiles surface-air à courte et moyenne portée, le Pantsir, omniprésent et redoutable, pourrait avoir de meilleures chances simplement parce que sa localisation est impossible à prédire. Mais la vraie question est celle-ci : les Russes riposteront-ils en tirant sur les navires de l’US Navy si ceux-ci lancent des missiles de croisière sur la Syrie ?

Mon opinion strictement personnelle est qu’ils ne le feront pas, à moins que Khmeimim, Tartous ou un autre objectif russe important (les bâtiments officiels russes à Damas) soit touché. Frapper un navire de la Marine américaine équivaudrait à un acte de guerre et c’est précisément ce que les Russes ne feront pas s’ils peuvent l’éviter. Le problème est que cette retenue sera, de nouveau, interprétée comme un signe de faiblesse et non de civilisation par les « Francs modernes » (imaginez un Néandertalien avec une massue nucléaire au poing). Si les Russes décidaient d’agir à la manière américaine et d’utiliser la violence pour « envoyer un message » l’Empire aura immédiatement l’impression de perdre la face et y verra une raison de pousser l’escalade pour rétablir la hiérarchie « adéquate » entre la « nation indispensable » et la « station-service déguisée en pays ». Donc voici la dynamique à l’œuvre.

La Russie se limite aux paroles de protestation ==>> l’Empire le voit comme un signe de faiblesse et monte les enchères.
La Russie riposte avec des actions réelles ==>> l’Empire se sent humilié et monte les enchères.

Maintenant, regardez cela d’un point de vue russe pendant une seconde et demandez-vous ce que vous feriez dans cette situation.

La réponse, je pense, est évidente : vous essayez de gagner autant de temps que possible et vous vous préparez à la guerre. Les Russes ont fait exactement cela depuis au moins le début de 2015.

Pour la Russie, ce n’est vraiment pas nouveau : elle est passée par là, a fait cela et se rappelle très, très bien, d’ailleurs. Le « projet occidental » pour la Russie a toujours été le même depuis le Moyen Âge, la seule différence aujourd’hui, c’est les conséquences de la guerre. Au fil des siècles, le coût humain des diverses croisades occidentales contre la Russie est allé de pire en pire et aujourd’hui nous ne considérons pas seulement la possibilité d’un autre Borodino ou Koursk  et même pas un autre Hiroshima mais quelque chose que nous ne pouvons même pas vraiment imaginer : des centaines de millions de gens mourant en quelques heures.

Comment arrêter ça ?

L’Occident est-il même capable d’agir différemment ?

J’en doute fort.

Le seul acteur qui peut arrêter la guerre à venir : la Chine

Un acteur pourrait, peut-être, arrêter la glissade actuelle vers l’Armageddon : la Chine. En ce moment, les Chinois ont officiellement déclaré qu’ils ont ce qu’ils appellent un « partenariat stratégique global de coopération » abrégé plus tard en « partenariat stratégique ». C’est une expression très appropriée puisqu’elle ne parle pas d’une « alliance » : deux pays de la taille de la Russie et de la Chine ne peuvent pas conclure une alliance au sens traditionnel– ils sont trop grands et trop différents pour cela. Ils sont pourtant dans une relation symbiotique que les deux côtés comprennent parfaitement (voir ce texte pour les détails). En termes très simples cela veut dire ceci : les Chinois ne peuvent pas laisser la Russie être vaincue par l’Empire parce qu’une fois que la Russie ne sera plus là, ils seront laissés seuls avec un Occident uni, triomphant et infiniment plus arrogant (de même, je dirais que la Russie ne peut pas se permettre que l’Iran soit vaincu par l’Empire pour exactement les mêmes raisons, ni l’Iran ne peut laisser les Israéliens détruire le Hezbollah). Bien sûr, en termes de puissance militaire, la Chine est un nain comparée à la Russie, mais en termes de puissance économique, la Russie est le nain comparée à la Chine dans cette « communauté d’intérêts stratégiques ». Par conséquent, la Chine ne peut pas aider militairement la Russie. Mais rappelez-vous que la Russie n’en a pas besoin ne serait-ce que parce que l’assistance militaire est ce dont on a besoin pour gagner une guerre. La Russie ne veut pas gagner une guerre, la Russie a désespérément besoin d’éviter une guerre ! Et c’est là que la Chine peut faire une immense différence : psychologiquement.

Oui, l’Empire s’attaque actuellement à la fois à la Russie et à la Chine mais tout le monde, depuis ses dirigeants jusqu’à sa population zombifiée, semble penser que ce sont deux ennemis différents et séparés. (Nous pouvons profiter de cette occasion pour remercier très sincèrement Donald Trump d’avoir si « parfaitement » chronométré sa guerre commerciale avec la Chine). Ils ne le sont pas : non seulement la Russie et la Chine sont des symbiotes qui partagent la même vision d’une Eurasie prospère et pacifique, unie par un avenir commun centré sur OBOR et, surtout, libérée du dollar américain ou, en l’occurrence, de tout genre de rôle majeur des États-Unis, mais la Russie et la Chine défendent également exactement la même idée d’un ordre mondial post-hégémonique : un monde multipolaire de nations vraiment souveraines vivant ensemble selon les règles du droit international. Si les Anglosionistes ont ce qu’ils veulent, cela n’arrivera jamais. Au lieu de quoi, nous aurons le Nouvel Ordre mondial promis par Bush, dominé par les pays de l’anglosphère (à la base, les membres d’ECHELON, c’est-dire les « Cinq yeux ») et, au sommet de cette pyramide, le suzerain sioniste mondial. C’est quelque chose que la Chine ne peut pas et ne veut pas permettre. Elle ne peut pas non plus autoriser une guerre américano-russe, en particulier pas une guerre nucléaire parce que la Chine, comme la Russie, a aussi besoin de paix.

Conclusion

Je ne vois pas ce que la Russie pourrait faire pour convaincre l’Empire de changer son cours actuel : les dirigeants américains se font des illusions et les Européens sont leurs serviteurs silencieux et soumis. Comme je l’ai montré plus haut, quoique fasse la Russie, elle invite toujours l’Empire à une nouvelle escalade. Évidemment, la Russie peut transformer l’Occident en un tas fumant de cendres radioactives. Mais ce n’est pas vraiment une solution puisque, dans l’inévitable échange, la Russie elle-même sera aussi transformée en un même tas de cendres radioactives fumantes par l’Empire. Malgré cela, les Russes ont très clairement indiqué, par leur vote récent, qu’ils n’ont absolument aucune intention de se soumettre à la dernière croisade occidentale contre eux. Quant à l’Empire, il n’acceptera jamais le fait que la Russie refuse de se soumettre. Il me semble donc que la seule chose qui peut stopper l’Armageddon serait que les Chinois continuent à répéter sans cesse aux dirigeants de l’Empire et aux peuples occidentaux ce qui était écrit dans l’article cité plus haut : que « L’Occident n’est qu’une petite fraction du monde et loin d’être le représentant mondial qu’il prétend être » et que « Les minorités réduites au silence au sein de la communauté internationale doivent s’en rendre compte et prouver, par l’action, à quel point leur compréhension d’une telle réalité est profonde ».

L’Histoire nous enseigne que l’Occident ne frappe que les opposants qu’il voit comme sans défense ou, du moins, plus faibles. Le fait que les papes, Napoléon ou Hitler se soient trompés dans leur évaluation de la force de la Russie ne change rien à ce truisme. En fait, les néocons font aujourd’hui exactement la même erreur. Donc leur dire que la Russie est beaucoup plus forte que ce que dit la propagande occidentale et ce qu’apparemment de nombreux dirigeants occidentaux croient (on finit toujours par croire à sa propre propagande) n’aide en rien. Les « rappels à la réalité » russes ne serviront à rien simplement parce que l’Occident est déconnecté de la réalité et n’a pas la capacité de comprendre ses propres limites et ses faiblesses. Mais si la Chine est intervenue et a transmis ce message crucial, « L’Occident n’est qu’une petite fraction du monde » et que le reste du monde le prouvera « par l’action » d’autres pays interviendront ensuite et une guerre peut être évitée parce que même la « solidarité » actuelle fondée sur l’illusion s’effondrera face à une Eurasie unie.

La Russie seule ne peut pas continuer à porter le fardeau d’arrêter les psychopathes messianiques qui dirigent l’Empire.

Le reste du monde, conduit par la Chine, doit maintenant intervenir pour prévenir la guerre.

The Saker

Cet article a été écrit pour Unz Review

Traduit par Diane, vérifié par Wayan, relu par Cat pour le Saker francophone

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