Un diplomate russe de haut rang le confirme : « La Russie se prépare à la guerre » – Quelqu’un écoute ?


2015-09-15_13h17_31-150x112Par le Saker – Le 2 novembre 2018 – Source The Saker

Andrei Belousov, directeur adjoint du département du contrôle de la non-prolifération et des armes au ministère russe des Affaires étrangères, a fait récemment une déclaration importante que je citerai en entier avant d’en donner la traduction.

Texte russe original : « Тут недавно на заседании Соединенные Штаты заявили, что Россия готовится к войне. Да, Россия готовится к войне, я это подтверждаю. Да, мы готовимся защищать нашу родину, нашу территориальную целостность, наши принципы, наших людей. Мы готовимся к такой войне. Но у нас есть серьезные отличия от Соединенных Штатов Америки. И в лингвистическом плане это отличие заключается всего в одном слове, что в русском языке, что в английском языке: Российская Федерация готовится к войне, а Соединенные Штаты Америки готовят войну ».

Traduction : « Récemment, lors d’une réunion, les États-Unis ont déclaré que la Russie se préparait à la guerre. Oui, la Russie se prépare pour la guerre, je peux le confirmer. Oui, nous nous préparons à défendre notre patrie, notre intégrité territoriale, nos principes, nos valeurs, notre peuple. Nous nous préparons pour une telle guerre. Mais il y a une différence majeure entre nous et les États-Unis. Sur le plan linguistique, cette différence réside dans un seul mot, tant en russe qu’en anglais : la Russie se prépare à la guerre alors que les États-Unis préparent une guerre » (c’est moi qui souligne).

Nous sommes tellement habitués à ce que les diplomates et les politiciens disent plus ou moins tout et n’importe quoi (comme dit la plaisanterie : « Quand savez-vous qu’un politicien ment ? Quand ses lèvres bougent ») que beaucoup d’entre nous ont cessé d’accorder la moindre attention à ce qui est dit. Si demain Trump ou un « congressiste » quelconque va à la télévision nationale et déclare : « Lisez sur mes lèvres, le haut est en bas, le sec est mouillé et oui signifie non », la plupart d’entre nous l’ignorera. La vérité est qu’être exposé à ce flot constant de déclarations vides, ampoulées et toujours malhonnêtes immunise la plupart d’entre nous aux avertissements verbaux, même lorsqu’ils viennent de personnalités politiques non occidentales.

Il est donc crucial de réaliser pleinement que les responsables et les diplomates russes mesurent soigneusement chaque mot qu’ils prononcent et que lorsqu’ils répètent encore et encore que la Russie est prête à la guerre, ils le pensent effectivement et vraiment !

Bien entendu, il y a eu ceux en Occident qui ont pleinement compris ce danger et ont lancé des mises en garde à ce sujet depuis des années, et ici je pense en particulier au professeur Stephen Cohen et à Paul Craig Roberts. J’ai mis en garde à ce sujet depuis des années, d’abord avec l’article « Obama just made things much, much worse in the Ukraine – now Russia is ready for war », (« Obama n’a fait qu’aggraver les choses en Ukraine – maintenant la Russie est prête à la guerre ») publié le 1er mars 2014, suivi par de nombreux articles avec le même avertissement (voir « The Russian response to a double declaration of war », (« La réponse russe à une double déclaration de guerre ») le 27 septembre 2015 ; « La Russie a-t-elle furtivement menacé les États-Unis ? » le 12 novembre 2015 ; « Déconstruire les clichés populaires sur la guerre moderne » le 19 mai 2016 ; « Comment la Russie se prépare à la Troisième Guerre mondiale » le 26 mai 2016 ; « Un avertissement russe » le 1er juin 2016 ; « Analyser l’armée russe comme instrument de pouvoir » le 25 août 2016 ; « Rapport sur l’avancement de la guerre entre les États-Unis et la Russie » le 1er décembre 2017 ; « Quel prix l’humanité devra-t-elle payer pour l’effondrement de l’Empire ? » le 13 avril 2018 ; « Chaque ‘clic’ nous rapproche d’un pas du ‘bang’ ! » le 20 avril 2018. Malgré tous nos efforts, nous avons été « des voix criant dans le désert », ce qui est peu surprenant puisque même l’avertissement brutal de Poutine dans son discours du 1er mars à l’Assemblée fédérale russe a rapidement été écarté comme étant une « posture » et rapidement oublié. C’est pourquoi, deux semaines après ce discours historique, j’ai comparé la Russie à un serpent à sonnette pacifique (oui, il y a des créatures pacifiques !) tentant désespérément d’avertir un idiot ivre de reculer, mais en vain : l’idiot ivre déclare avec véhémence « Tiens ma bière et regarde ça ! » et essaie de saisir le serpent. Je concluais en disant :

« Ils s’y sont tous mis maintenant. May, Trump, Macron et Merkel, bien sûr, mais aussi leur presse sycophante prostituée et leur troupeau de disciples zombifiés. Ils croient tous en leur invulnérable supériorité.

La vérité terrifiante est que ces gens n’ont aucune idée de la personne avec qui ils traitent et ne comprennent pas les conséquences de pousser la Russie trop loin. Oh, en théorie ils le font – oui, oui, Napoléon, Hitler, on connait ! Mais dans leurs tripes, ils se sentent en sécurité, supérieurs et ne peuvent tout simplement pas concevoir qu’ils peuvent mourir et que l’ensemble de leurs sociétés disparaîtra, tout simplement. »

Malheureusement, les choses n’ont fait qu’empirer depuis. C’est la raison pour laquelle un Poutine clairement dégoûté et frustré a récemment déclaré :

« Tout agresseur doit savoir que le châtiment sera inévitable et qu’il sera détruit. Et puisque nous serons les victimes de son agression, nous irons au ciel en martyrs. Eux mourront simplement et n’auront même pas le temps de se repentir. »

Inutile de dire que les siomédias occidentaux ont interprété cet avertissement comme un signe de « l’agression russe » et non comme une tentative désespérée de réveiller un Empire délirant et infiniment arrogant.

Soit dit en passant, quelque chose de très similaire s’est produit entre les États-Unis et la Chine, un nombre croissant de responsables chinois déclarant publiquement que les forces armées chinoises doivent se préparer à la guerre (ici le dernier avertissement de ce genre).

Malheureusement, les avertissements chinois sont tout aussi ignorés et rejetés que les avertissements russes. C’est vraiment effrayant.

Au moins pendant la crise des missiles à Cuba, la presse du monde entier rapportait l’affrontement minute par minute et tout le monde savait que le risque de guerre était très réel. En revanche, aujourd’hui, presque personne ne réfléchit à la possibilité d’une guerre. En fait, les dirigeants de l’Empire anglosioniste semblent résolus à multiplier leurs provocations contre la Russie, qu’il s’agisse d’organiser des exercices militaires majeurs à la frontière russe ou de décerner le prix le plus prestigieux de l’UE pour les droits humains à un terroriste condamné (les Polonais, toujours tellement serviables, ont même suggéré que Sentsov devrait recevoir le Nobel !). L’UE n’a pas non plus remarqué les actes de piraterie des Ukronazis dans la mer d’Azov mais a plutôt condamné la Russie pour renforcer strictement son droit légal de riposter aux actions ukronazies.

Un tel degré d’hypocrisie est répugnant, bien sûr. Mais il est aussi très, très dangereux.

Franchement, à voir les efforts fantastiques et vraiment héroïques de Poutine et Xi pour éviter une guerre (nucléaire) majeure avec l’Empire, je leur suggérerais que ce soient eux, et non des terroristes condamnés, qui soient nommés pour le prix Nobel de la paix (mais là, je ne retiens pas mon souffle…) !

Contrairement aux médias occidentaux dominants, les médias russes ont discuté tous les jours de la possibilité d’une guerre avec les États-Unis et l’OTAN et le débat tourne toujours autour de la question : « Sont-ils vraiment assez fous pour nous attaquer vraiment même si cela signifie leur destruction certaine ? » Pour être juste avec les Russes, quand on voit des gens comme Nikki Haley ou John Bolton, la question de savoir « s’ils sont fous » est logique. Mais je pense que c’est peut-être trompeur aussi. Voici pourquoi.

Il est clair que certains néocons sont vraiment fous à lier, mais la plupart ne le sont pas. Stupides, ignorants, arrogants, haineux et mauvais, oui. Mais pas nécessairement fous. Pour cette raison, je ne pense pas que les dirigeants anglosionistes trébucheront dans une guerre contre la Russie à cause de leur folie. En outre, alors que les politiciens américains sont, en effet, étonnamment stupides et ignorants, il y a assez d’hommes dans les forces armées étasuniennes qui se rappellent l’avertissement du feld-maréchal et vicomte d’Alamein Bernard Montgomery, qui a fait cette déclaration célèbre à la Chambre des Lords : « La règle numéro 1,à la page 1 du livre de la guerre, est : ‘Ne marchez pas sur Moscou’. Plusieurs ont essayé, Napoléon et Hitler, et ce n’est pas bon. C’est la première règle. Je ne sais pas si vos seigneuries connaîtront la règle numéro 2 de la guerre qui est : ‘Ne combattez pas avec vos fantassins en Chine’. C’est un pays très vaste, sans objectifs clairement définis. » La plupart des commandants américains de haut rang doivent savoir que la guerre contre la Russie et/ou contre la Chine est une proposition suicidaire.

Mais s’il est peu probable que la folie des dirigeants occidentaux provoque une guerre, je crains que leur désespoir ne le fasse.

Pensez-y. À l’heure actuelle, les États-Unis sont engagés dans deux processus parallèles : d’une part ils sont impliqués dans des sanctions et des guerres économiques contre la plus grande partie de la planète tandis qu’ils se retirent d’un traité international majeur après l’autre (y compris les traités sur le contrôle des armes). Posez-vous une simple question : est-ce le comportement d’un pays faible ou fort ? Que signifie cette politique de confrontation « tous azimuts » et d’auto-isolement ? (parce que c’est ce que le retrait de tant d’accords et de traités signifie : isoler les États-Unis). Sont-ce les agissements d’une puissance confiante et forte ou d’une puissance désespérée qui se déchaîne à tous les niveaux ?

Comme nous le rappelle ce court billet de Larchmonter445, le groupe actuel de dirigeants américains est composé avant tout de perdants et même s’ils font toujours un assez joli travail de décoration de vitrine en brandissant des drapeaux, il devient de plus en plus impossible de dissimuler l’ampleur de la chute au ralenti, à plusieurs niveaux, de l’Empire anglosioniste. Je suppose que l’orchestre qui jouait sur le pont du Titanic jouait aussi de plus en plus fort, mais le résultat du spectacle n’a jamais fait aucun doute. Il se passe la même chose ici et c’est la source d’un énorme danger : plus il devient difficile de dissimuler l’ampleur de la catastrophe en court, plus l’Empire se déchaîne, ce qui aggrave encore la situation, rendant d’autant plus difficile de dissimuler l’ampleur de la catastrophe. L’Empire en général, et les États-Unis en particulier, est en train de craquer à tous les niveau et il n’y a absolument aucun moyen raisonnable d’inverser cette tendance, parce que la seule et unique solution pour que les États-Unis survivent est de renoncer à l’Empire et de devenir un pays « normal » – quelque chose que les dirigeants américains ne sont même pas disposés à envisager. Les néocons, en particulier, semblent animés par une croyance quasi religieuse (ou peut-être n’est-ce qu’une réaction incontrôlée du genou) que lorsque l’un de leurs plans censément « intelligents » échoue, la solution correcte est de doubler la mise. Ils semblent avoir totalement internalisé l’aphorisme allemand « « Si ça ne marche pas avec la violence, ça ira avec plus de violence ! », oubliant que cette croyance n’a pas fait de bien à l’Allemagne contre la Russie. Quant au public occidental en général, il a été transformé avec succès en ce que j’appelle des « drones idéologiques » : des automates au cerveau lavé qui agiteront leurs drapeaux (fabriqués en Chine) pour affronter toute dissonance cognitive résiduelle. Lorsque leurs certitudes finiront pas s’effondrer, ils s’en prendront à tout et à tout le monde dans un désespoir extrême et une rage impuissante.

En ce moment, les États-Unis et « l’Occident global » (c’est-à-dire l’Empire anglosioniste) sont sur la voie d’une confrontation avec la Russie (et probablement aussi avec la Chine). En ce moment aussi, je vois très peu de signes que quelqu’un, au sein des élites occidentales, soit capable (ou désireux) d’admettre qu’au bout de cette route, il y a la guerre et la destruction des États-Unis (et peut-être d’une grande partie de l’Europe). En ce moment, les dirigeants de l’Empire paraissent solidement enfermés dans ce que les Français appellent une « fuite en avant » (qui se traduit à peu près par « compulsion induite par la panique à exacerber une crise ou une calamité » ou même par « mécanisme inconscient qui pousse une personne à se jeter dans un danger redoutable »). Je suppose qu’il y a une ironie triste et tragique dans le fait que le résultat de l’évocation constante par les élites américaines d’« interventions » russes totalement imaginaires (aux États-Unis et ailleurs) pourrait finalement déboucher sur une très réelle intervention russe, sous la forme de frappes de missiles dévastatrices, mais ce n’est guère une consolation.

Quelle est la probabilité que cela change dans un avenir prévisible ?

Très faible, j’en ai peur.

Poutine et Xi seront-ils capables d’éviter la guerre imminente avec l’Occident ?

Peut-être. Mais comme chaque jour qui passe n’apporte que de nouvelles escalades et provocations de « l’Occident global », leur tâche devient de plus en plus difficile.

Jusqu’à présent, tous les avertissements russes et chinois sont tombés dans les oreilles de sourds et, franchement, je ne crois pas que davantage d’avertissements fera du bien.

Il serait peut-être temps pour la Russie et la Chine de commencer à résister sérieusement. Tout le reste a échoué, du moins jusqu’à présent.

The Saker

Cette analyse a été écrite pour Unz Review

Traduit par Diane, vérifié par Wayan, relu par Cat pour le Saker francophone

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