Les États-Unis s’engagent dans des guerres économiques contre de nombreux « ennemis »
Par Andrei Akulov – Le 2 août 2017 – Source Strategic Culture
Un parfum de guerre commerciale est dans l’air. Donald Trump a utilisé Twitter pour exprimer sa déception face à la Chine et à ses efforts, jugés insuffisants, pour faire pression sur la Corée du Nord afin qu’elle abandonne son programme nucléaire et ses lancements de missiles.
L’ambassadrice des États-Unis aux Nations Unies Nikki Haley a déclaré que Washington n’agirait pas au Conseil de sécurité de l’ONU suite au dernier test de missile par la Corée du Nord. Selon elle, « le temps des paroles est terminé ». L’ambassadrice croit que c’est à Beijing de « décider s’il est finalement prêt à s’engager dans l’étape vitale » de faire une sommation à Pyongyang.
Selon Politico, les principaux conseillers du président Donald Trump s’affairent dans les coulisses pour élaborer un ensemble de mesures économiques destinées à punir la Chine. Il existe une gamme d’options sur la table, y compris des restrictions commerciales. D’autres possibilités incluent des sanctions économiques. Au cours de sa campagne électorale, le président Trump s’est plaint à plusieurs reprises des « pratiques commerciales injustes » de la Chine.
La discours avait changé en avril après la rencontre avec le président chinois Xi Jinping et sa femme lors d’une visite diplomatique dans le domaine de Trump à Mar a Lago en Floride. Maintenant, la critique est de retour. Les lancements de missiles de la Corée du Nord ont versé plus d’huile sur le feu.
Le président Trump semble n’avoir aucune ligne politique avec la Chine. Il passe des promesses de se rapprocher de Taiwan pour défier Pékin aux pourparlers amicaux de Mar a Lago, puis revient à des plans visant à introduire des mesures punitives.
Les mesures peuvent viser les importations chinoises d’acier avec des taxes, des quotas ou une combinaison des deux. En théorie, les transactions chinoises sur le sol américain pourraient être gelées et des programmes économiques conjoints pourraient être réduits. Au début de 2016, Trump a également menacé d’augmenter la taxe sur les produits chinois importés à 45% ou de fermer le marché américain à ces produits.
La Chine pourrait répliquer en limitant les importations américaines et en éliminant les produits américains sur le marché asiatique. Si une guerre commerciale devait se déclencher, Pékin profiterait du fait que ce sont les États-Unis qui l’ont commencée, en disant à ses partenaires du projet One Belt, One Road [les Routes de la soie] que Washington n’est pas digne de confiance et que sa politique donne la priorité aux menaces et pas aux négociations. Sans aucun doute, la Chine utilisera les outils offerts par son adhésion à l’OMC pour protéger ses intérêts. Pékin détient maintenant plus de $1 000 milliards en obligations du Trésor américain (5,5% du montant total des obligations du Trésor). Elle peut les vendre.
La Chine a ses propres préoccupations. La dernière chose qu’elle veut, c’est l’effondrement du régime nord-coréen suivi des flux de réfugiés et de la présence militaire américaine et sud-coréenne à la frontière chinoise.
En fait, le déploiement du système de défense antimissile THAAD en Corée du Sud est le premier pas. Le mouvement a été fortement condamné par la Chine, mais c’est ce que font les États-Unis sous prétexte de la menace des missiles de la Corée du Nord. Le déploiement est soutenu par le Japon. De plus, la Corée du Sud a annoncé son intention de moderniser les systèmes de défense antimissiles Patriot américains sur son sol.
Avec des volumes commerciaux bilatéraux atteignant $519 milliards en 2016, la Chine et les États-Unis sont maintenant les deuxièmes partenaires commerciaux l’un de l’autre. Et une guerre commerciale entre les géants économiques affecterait le monde entier.
Ce n’est pas seulement la Chine. Le président Donald Trump va bientôt avaliser le projet de loi concernant un nouveau paquet de sanctions contre la Russie, l’Iran et la Corée du Nord, a déclaré le vice-président Mike Pence le 1er août lors de sa visite en Géorgie. Ainsi, la Russie et la Chine semblent être dans le même bateau, ciblées par des mesures punitives américaines. Avec d’autres encore imposées au président vénézuélien Maduro, l’introduction de sanctions semble devenir l’outil le plus fréquemment utilisé par Washington pour la mise en œuvre des objectifs de sa politique étrangère.
En 2017, le Bureau des États-Unis pour le contrôle des actifs étrangers (Ofac) administre 26 programmes de sanctions en cours. La guerre économique contre la Russie a suscité de sérieuses protestations parmi les alliés européens de l’Amérique. De nombreuses entreprises européennes étudient les perspectives d’investissements en Iran, malgré les sanctions américaines. Une guerre contre la Chine ne réjouira pas de nombreux alliés américains, en particulier en Asie-Pacifique.
Il y a quelque temps, de nombreux pays d’Asie-Pacifique ont été frustrés par le rejet, par l’administration US, du Partenariat transpacifique (TPP), sur lequel ils fondaient beaucoup d’espoirs. Les États-Unis n’ont rien à opposer au projet Chinois en cours des Routes de la soie – One Belt, One Road.
Les sanctions provoquent toujours des retours de flamme. Les guerres économiques sapent les ressources de la même manière que les conflits armés. Mais cette fois, la politique des États-Unis a tendance à devenir globale. Par exemple, le président réfléchit à un plan visant à instituer des tarifs allant jusqu’à 20% pour les importateurs d’acier, comme la Chine. Cela pourrait déclencher une guerre économique totale. Le Fonds monétaire international a averti les dirigeants, à la veille du sommet du G20 à Hambourg, en Allemagne, qu’ils mettaient en péril la reprise de la croissance mondiale en poursuivant leurs politiques nationales au détriment des règles du commerce sur le plan international. « Parce que les politiques nationales interagissent inévitablement avec un certain nombre de domaines vitaux, créant de fortes retombées dans tous les pays, l’économie mondiale fonctionne beaucoup mieux pour tous lorsque les décideurs s’engagent dans un dialogue régulier et travaillent avec des mécanismes convenus pour résoudre les désaccords », a déclaré le FMI dans sa mise en garde.
Avec des sanctions systématiquement utilisées comme instrument de politique étrangère, les États-Unis seront largement considérés comme un partenaire commercial peu fiable imposant des sanctions selon son bon vouloir. D’autres pays chercheront d’autres partenaires plus fiables. Les guerres commerciales, comme toutes les autres guerres, provoquent des problèmes et ne profitent à personne. Il y aura des conséquences mondiales dangereuses et aucun gagnant. Dans son désir de faire réussir sa politique América First, l’administration part d’un mauvais pied.
Andrei Akulov est expert international sur les questions de sécurité, colonel en retraite, il vit à Moscou
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