Par Pepe Escobar – Le 30 avril 2015 – Source Asia Times
Pourquoi la guerre contre la terreur menée par les États-Unis est-elle une fraude ?
L’association Physicians for Social Responsibility, qui a reçu le prix Nobel de la paix en 1985, a publié un nouveau rapport cinglant qui révèle que plus de 1,3 millions de personnes ont été tuées pendant les dix premières années de la guerre mondiale contre le terrorisme (GWOT) en Irak, en Afghanistan et au Pakistan seulement. Ce qui était autrefois connu sous l’acronyme GWOT – ou, selon Dubya [Georges-W Bush, NdT], dans la guerre sur la terre – a été orwellianisé 1 par l’administration Obama sous le nom opérations de contingence outre-mer (OCO).
Il est crucial de noter que le rapport ne couvre même pas la piste de l’OCO [GWOT] en Libye, Syrie, Somalie et Yémen (une guerre gagnée par l’Otan / AFRICOM; une guerre civile en cours; et deux cibles de la funeste kill list d’Obama 2 ) En outre, les chiffres sur l’AfPak et l’Irak sont loin d’être à jour. Et l’estimation totale du nombre de victimes tuées est considérée comme conservatrice.
Le dossier montre que cette machine à tuer, l’OCO [GWOT] s’est déchaînée pendant près de quinze ans contre des zones entières de la planète – sans parler du gaspillage de milliards de dollars des contribuables américains – et n’a eu absolument aucun effet pour contenir le terrorisme. C’est plutôt le contraire ; Les lecteurs d’Asia Times connaissent ma définition de la GWOT : un cadeau éternel.
Et tout a commencé bien avant le 9/11 – et la consécration officielle de Dubya GWOT.
Où est mon visa jihadiste?
Il suffit de lire le livre de Michael Springmann Visas pour al-Qaïda : les documents de la CIA qui ont secoué le monde. Springmann, un ancien fonctionnaire du Département d’État, pratique actuellement le droit dans le Beltway [centre nerveux du pouvoir à Washington, NdT]. Il tenait le poste crucial de chef de la section des visas du consulat américain à Djeddah, en Arabie saoudite, entre 1987 et 1989. Jusqu’à ce que, dans le cadre d’une histoire très compliquée, il perde son emploi et s’engage sur la route longue et sinueuse qui a fait de lui un lanceur d’alerte.
La révélation de Springmann que le consulat de Djeddah était une base de la CIA n’est pas une – que la libre circulation des visas était essentielle pour les soi-disant Afghans arabes qui ont été engagés dans les années 1980 dans le djihad contre l’ex-URSS.
Et la saga continuait. Lors des recherches pour son livre, Springmann a également constaté que 15 des 19 pirates de l’air du 9/11 avaient obtenu leurs visas en Arabie Saoudite; 11 à Djeddah et 4 à Riyad. Springmann a découvert que ces visas ont été approuvés par une certaine Shayna Steinger, «embauchée directement de l’Université de Columbia avec une maîtrise, à un poste qualifié de FSO4 3, ce qui est un rang très élevé pour quelqu’un qui sort de l’école sans formation et sans expérience. Elle est supposée avoir donné des réponses très discutables à la Commission 9/11 qui enquêtait sur ce qui se passait à Jeddah».
Après le 9/11, Springmann a également essayé d’entrer en contact avec le FBI pour raconter son histoire. Il est toujours en attente de leur appel (l’interview de Lars Schall avec Springmann est ici).
Springmann n’a aucun doute sur la genèse de la guerre contre la terreur avant le 9/11, c’était un racket impliquant la CIA et le Département d’État. Comme il l’écrit, «les terroristes internationaux que les États-Unis ont recrutés pour les guerres en Afghanistan et en Bosnie, durant cette trentaine d’années bizarres, sont toujours impliqués aujourd’hui dans des combats ailleurs. La Bosnie n’a pas été le seul endroit où ces clochards vagabonds flingueurs ont été employés. Les visas du Département d’État qui leur avaient été délivrés sont maintenant utilisés dans les guerres continuelles de l’administration actuelle en Afghanistan, Irak, Libye et Syrie. Les fanatiques que je voyais obtenir des documents de voyage au cours de mon séjour à Jeddah sont directement impliqués ou ont formé ceux qui sont directement impliqués dans la lutte contre les forces américaines d’aujourd’hui.»
Parlez-en à la RAND CORPORATION
Il n’y a rien de nouveau sous le soleil de la guerre contre la terreur. GWOT / OCO est un simple changement de nom de ce que le Pentagone, dans les premiers jours de l’ axe du mal du régime Cheney, appelait la Longue guerre. Et son avenir a été dûment conceptualisé plus tard en 2008 par le rapport de la RAND Corporation intitulé L’avenir de la longue guerre.
RAND décrit clairement ce qui est devenu la nouvelle norme. Washington soutient le racket du pétrodollar des pays du Golfe, maison des Saoud en tête de liste, quoi qu’il arrive, toujours dans le but de contenir le pouvoir et l’influence de l’Iran; détourne des ressources salafiste-djihadistes contre les intérêts iraniens à travers le Moyen-Orient, en particulier en Irak et au Liban, évitant ainsi le retour de flamme… des opérations anti-occidentales; continue à promouvoir al-Qaïda – et ISIS / ISIL / Daesh – sponsorisés par les pays du Golfe et chargent vicieusement les islamistes anti-chiites du monde entier de la responsabilité de maintenir la domination occidentale.
Techniquement, la longue guerre est une aubaine fabuleuse pour le complexe militaro-industriel. Sur le plan géopolitique, elle fait d’une pierre deux coups; elle fait des ravages dans le monde musulman selon l’adage diviser pour régner, et mène aussi une guerre par procuration contre l’Iran.
Peu se souviennent que le concept de Longue Guerre a été formulé pour la première fois dans l’ère de l’axe du mal par le Forum Highlands, un think-tank néocon relativement obscur infesté par le Pentagone. Ce n’est pas par hasard que la RAND Corporation en est un partenaire majeur.
Et maintenant, avec des praticiens de la Longue Guerre tels que le capo suprême de la mafia du Pentagone Ash Carter, son adjoint Robert Work, et le chef du renseignement du Pentagone Mike Vickers, responsable de la stratégie militaire auto-proclamée de l’administration Obama ne pas faire de conneries, la continuité est la nouvelle norme.
Et la diversification, bien sûr. Le nouveau livre de Nick Turse, Tomorrow’s Battlefield : US. Proxy Wars and Secret Ops in Africa, se lit comme un voyage hallucinatoire sur l’intervention du Pentagone dans pratiquement l’ensemble du continent africain, avec la panoplie complète de l’OCO pour combattre la terreur via AFRICOM.
OCO est là pour toujours. Bonne route, et bons massacres.
Pepe Escobar est l’auteur de Globalistan: How the Globalized World is Dissolving into Liquid War (Nimble Books, 2007), Red Zone Blues: a snapshot of Baghdad during the surge (Nimble Books, 2007), Obama does Globalistan (Nimble Books, 2009) et le petit dernier, Empire of Chaos (Nimble Books).
Traduit par jj, relu par Diane pour le Saker Francophone.
- Manipulation des mots et concepts pour leur faire signifier le contraire de ce qu’ils sont. Voir Orwell ↩
- Liste de personnes à assassiner sans jugement présentée chaque mardi matin à l’approbation d’Obama dans son bureau de la Maison Blanche ↩
- Poste stratégique de management de crise qui protège les citoyens US et leurs intérêts à l’étranger ↩