Ukraine : une solution confédérale à l’horizon


Alexander Mercouris

Alexander Mercouris

Par Alexander Mercouris – Le 14 mai 2015 – Source Russia Insider

Des propositions faites par les Républiques populaires du Donetsk et de Lugansk, ainsi que quelques commentaires de Kerry et Steinmeier suggèrent qu’une structure confédérale, à part une partition pure et simple, est le meilleur que l’Ukraine peut maintenant espérer.

 

Une nation partagée

En l’absence de toute proposition de réforme constitutionnelle de Kiev, l’espace est rempli par les Russes et par les deux régions dans le Donbass qui résistent à l’autorité du gouvernement issu du coup d’état au Maidan, les Républiques populaires du Donetsk et de Lugansk.

Il y a peu de doute que les deux républiques coordonnent les propositions de réforme constitutionnelle qu’elles viennent tout juste d’annoncer avec les Russes et que ces propositions ont été convenues avec les Russes.

C’est également une quasi-certitude que Mme Merkel et John Kerry ont été tenus informés de ces propositions lors de leurs récentes visites à Moscou et Sotchi.

Une dépêche de l’agence Interfax décrit ce qui est proposé. En bref :

1.Les Républiques populaires sont autorisées à fixer les taux pour les taxes locales et les frais pour les services administratifs locaux;

2. Ils établissent leurs propres budgets et ont leur mot à dire sur l’élaboration du budget central ukrainien à Kiev;

3. Ils contrôlent les tribunaux et les services d’enquêtes sur leurs territoires;

4. Ils réglementent leurs propres frontières et ont le droit de signer des accords économiques avec des États étrangers et des régions des États étrangers;

5. Ils sont autorisés à convoquer des élections et des référendums locaux, ce qui aurait pour effet de leur donner le droit de former leurs propres organes de pouvoir locaux, distincts de ceux de Kiev;

6. Ils sont habilités à autoriser l’utilisation des langues russe et d’autres sur leurs territoires.

Au-delà de ces dispositions, les deux Républiques populaires proposent également un statut officiel de neutralité pour l’Ukraine en «faisant un amendement à la Constitution de l’Ukraine, par exemple en complétant l’article 17 ou 18, par les mots suivants : l’Ukraine ne doit pas être membre d’un bloc militaire ou d’une alliance, mais doit maintenir sa neutralité et ne pas participer à des hostilités en dehors de son territoire, et / ou en promulguant une loi ukrainienne décidant le statut de neutralité de l’Ukraine.»

Ces propositions ne sont pas seulement définies dans le cadre du statut spécial temporaire que l’Ukraine était censé accorder à ces régions avant la fin du mois de mars, suite aux accords de Minsk 2, en attendant une solution définitive du conflit.

Elles sont destinées à former la base de la solution permanente du conflit, qui doit être inscrite dans la nouvelle constitution de l’Ukraine, selon le protocole de Minsk 2, signé en février, stipulant qu’elle doit être approuvée d’ici la fin de l’année 2015.

Ces propositions, si elles étaient appliquées, marqueraient la fin du projet Maidan. Elles transformeraient l’Ukraine, d’État unitaire d’aujourd’hui, en un État non pas fédéral, mais confédéral avec des liens très lâches.

Elles permettraient également de mettre un terme une fois pour toutes à la possibilité pour l’Ukraine de rejoindre l’Otan ou l’UE.

En effet, la disposition proposée pour la neutralité de l’Ukraine exclurait à jamais la possibilité de rejoindre l’Otan, tandis que la disposition autorisant les Républiques populaires à contrôler leurs frontières et à établir des liens économiques avec les États ou régions d’États étrangers (bien sûr la Russie) serait incompatible avec l’adhésion de l’Ukraine au marché unique européen et à l’Union européenne.

Ces propositions sont bien sûr totalement inacceptable pour le gouvernement actuel ukrainien et le mouvement Maidan.

Elles sont cependant exactement en ligne avec ce que le journal Der Spiegel nous dit, à savoir ce que Poutine et Merkel ont accepté, à la fois en public et en privé, lors de discussions, en février à Moscou et à Minsk.

Le fait que Kerry a maintenant formellement engagé les États-Unis pour soutenir Minsk 2, et met maintenant en garde les Ukrainiens contre toute reprise de l’action militaire pourrait signifier que les réalistes à Washington ont finalement gagné, et que les États-Unis ont maintenant aussi, à contrecœur, adhéré à ce plan.

Le fait que le ministre allemand des Affaires étrangères Frank-Walter Steinmeier parle maintenant d’une percée pourrait également signifier que les Allemands sont désormais convaincus que le processus de paix accepté par Poutine et Merkel en février, dont les propositions qui viennent d’être annoncées font évidemment partie, est maintenant enfin sur les rails, avec les États-Unis dans la locomotive.

Rien de tout cela ne signifie, bien sûr, que le conflit ukrainien est terminé. Les Ukrainiens vont amèrement résister à ces propositions. Il est loin d’être certain que les puissances occidentales feront pression sur les Ukrainiens pour qu’ils les acceptent, même si elles ont promis en privé de les soutenir. Ils doivent savoir, comme bien entendu les Russes, que le présent gouvernement ukrainien ne survivrait pas si ces propositions étaient mises en œuvre, et que cela suffit pour justifier la résistance des Ukrainiens .

Un optimisme excessif serait donc mal placé, mais les derniers mouvements renforcent l’impression que les puissances occidentales ont accepté à contrecœur que les objectifs qu’ils se sont fixés quand ils ont appuyé le coup d’État du Maidan sont irréalisables, et qu’ils cherchent maintenant des façons de se désengager du conflit.

Si c’est le cas, cela pourrait signifier que si les Ukrainiens non seulement rejettent les propositions, mais optent pour la guerre, ils vont se retrouver tout seuls, et que même le soutien largement rhétorique qu’ils ont obtenu jusqu’à maintenant de l’Ouest baissera d’un ton.

Alexander Mercouris

Traduit par jj, relu par Diane pour le Saker Francophone

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