Pourquoi Poutine « autorise-t-il » Israël à bombarder la Syrie ?


2015-09-15_13h17_31-150x112Par le Saker – Le 18 janvier 2018 – Source The Saker

Informationclearinghouse a récemment publié un article de Darius Shahtahmasebi intitulé « Israel Keeps Bombing Syria and Nobody Is Doing Anything About It » [Israël continue de bombarder la Syrie et personne ne fait rien]. Suite à cette publication, j’ai reçu un courriel d’un lecteur, qui me pose la question suivante : « Poutine permet à Israël de bombarder la Syrie. Pourquoi ? Je suis troublé par les actes de Poutine – est-ce qu’il soutient discrètement l’entité sioniste ? J’apprécierais vos commentaires à ce sujet. J’ai aussi entendu – mais je ne suis pas en mesure de le confirmer – que les immigrants juifs en Palestine occupée sont les meilleurs persécuteurs des Palestiniens – il faut en faire beaucoup pour dépasser des gens comme Netanyahou. Merci de commenter. » Alors que dans son article, Darius Shahtahmasebi se demande pourquoi le monde ne fait rien pour arrêter les Israéliens (« Pourquoi l’Iran, la Syrie et / ou le Hezbollah au Liban n’ont-ils pas répliqué directement ? »), mon lecteur est plus précis et se demande pourquoi Poutine (ou la Russie) en particulier non seulement permet à Israël de bombarder la Syrie mais « soutient » même éventuellement l’entité sioniste.

Je vois souvent cette question dans des courriels et dans des commentaires, donc j’ai voulu traiter cette question aujourd’hui.

Premièrement, nous devons examiner quelques hypothèses importantes sous-entendues par cette question. Ces hypothèses sont :

  1. Que la Russie peut faire quelque chose pour arrêter les Israéliens ;
  2. Que la Russie devrait (ou est même moralement obligée de) faire quelque chose.

Permettez-moi d’abord de dire que je ne suis absolument pas d’accord avec ces deux hypothèses, en particulier la seconde. Prenons-les l’une après l’autre.

Hypothèse 1 : la Russie peut stopper les attaques israéliennes sur la Syrie

Comment ? Je pense que la liste des options est assez évidente. Les options russes vont de l’action diplomatique (comme les protestations et condamnations privées et publiques, les tentatives de faire passer une résolution au Conseil de sécurité de l’ONU) à l’action militaire directe (abattre un avion israélien, les « peindre » avec un radar d’engagement pour essayer de les effrayer ou, au moins, essayer d’intercepter des missiles israéliens).

Essayer de raisonner avec les Israéliens ou leur faire écouter l’ONU a été tenté par de nombreux pays depuis des décennies et s’il y a une chose qui ne fait plus aucun doute, c’est que les Israéliens se fichent totalement de ce que tout le monde dit. Donc leur parler n’est qu’un gaspillage d’oxygène. Et les menacer ? Effectivement, je pense que ça pourrait marcher, mais à quel risque et à quel prix ?

Tout d’abord, alors que j’ai toujours dit que les forces terrestres de l’armée israélienne sont assez mauvaises, ce n’est pas le cas de leurs forces aériennes. En fait, leur bilan est assez bon. Maintenant, si vous regardez où sont les défenses aériennes russes, vous verrez qu’elles sont toutes concentrées autour de Khmeimim et Tartous.  Oui, un S-400 a une très longue portée, mais celle-ci dépend de beaucoup de choses, y compris la taille de la cible, sa section radar transversale, ses capacités de guerre électronique, la présence d’avions spécialisés dans la guerre électronique, l’altitude, etc. Les Israéliens sont des pilotes compétents qui ont une grande aversion pour le risque et sont donc très prudents dans ce qu’ils font. Enfin, les Israéliens savent très bien où sont les Russes et où sont leurs missiles. Je pense qu’on pourrait dire avec assez de certitude que les Israéliens veillent à garder une distance de sécurité minimale entre eux et les Russes, ne serait-ce que pour éviter tout malentendu. Mais admettons que les Russes aient eu la chance d’abattre un avion israélien – quelle serait la réaction probable d’Israël à un tel tir ? Dans cet article, Darius Shahtahmasebi écrit : « Est-ce parce qu’Israël aurait plus de 200 bombes nucléaires, toutes ‘pointées sur l’Iran’ et que l’Iran et ses alliés ne peuvent pas grand chose pour faire face à une telle menace ? ». Je ne vois pas les Israéliens faire usage d’armes nucléaires contre les forces russes, cela ne signifie cependant en aucune manière que les Russes, lorsqu’ils traitent avec Israël, ne devraient pas considérer le fait qu’Israël est une puissance nucléaire gouvernée par des mégalomanes racistes. Concrètement, cela signifie ceci : « La Russie (ou tout autre pays) doit-elle risquer un affrontement militaire avec Israël pour la destruction de quelques camions ou d’un dépôt d’armes et de munitions ? » À mon avis, la réponse évidente est « non ».

Alors que c’est le genre de calculs que les États-Unis ignorent tout simplement (du moins officiellement – d’où les bruits de sabre contre la RPDC), la Russie est gouvernée par un homme sain d’esprit et responsable qui n’a pas l’habitude de se lancer tête baissée dans un conflit, d’où la décision russe de ne pas riposter en nature quand les turcs ont abattu un SU-24 russe. Si les Russes n’ont pas exercé de représailles contre les turcs, ils ne vont assurément pas attaquer les Israéliens lorsque ceux-ci attaquent une cible non russe !

Il y a aussi des questions purement factuelles à considérer : même si certains systèmes de défense aérienne russes sont très avancés et pourraient abattre un nombre X d’avions israéliens, ils sont loin d’être suffisamment nombreux pour empêcher toute l’armée israélienne de les saturer. En fait, tant Israël que le CENTCOM ont tout simplement un tel avantage sur l’assez petit contingent russe qu’ils pourraient tous deux écraser les défenses russes, même s’ils pourraient subir des pertes au cours du processus.

Donc oui, les Russes pourraient probablement stopper une ou quelques attaques israéliennes, mais si les Israéliens décidaient de s’engager dans une campagne aérienne soutenue contre des cibles en Syrie, il n’y a rien que les Russes pourraient faire à moins d’entrer en guerre contre Israël. Donc là aussi un principe stratégique s’applique totalement : vous ne voulez jamais lancer un processus d’escalade que vous ne pouvez ni contrôler ni gagner. Dit simplement, cela signifie : si les Russes contre-attaquent, ils perdent et les Israéliens gagnent. C’est vraiment aussi simple que cela (les stratèges en chambre ne le savent apparemment pas).

Et cela demande un examen critique de la seconde hypothèse.

Hypothèse 2 : la Russie a le devoir moral de stopper les attaques israéliennes contre la Syrie

C’est celle qui me laisse le plus perplexe. Pourquoi quelqu’un penserait-il que la Russie doive une quelconque protection à quiconque partout sur la planète ? Pour commencer, quand quelqu’un est-il venu la dernière fois à l’aide de la Russie ? Je ne me rappelle pas que quelqu’un, au Moyen-Orient, ait proposé son soutien à la Russie sur la Tchétchénie, la Géorgie ou, d’ailleurs, en Ukraine ! Combien de pays du Moyen-Orient ont-ils reconnu l’Ossétie du Sud ou l’Abkhazie (et comparez cela avec le cas du Kosovo !) ? Où était l’« aide » ou l’« amitié » des musulmans pour la Russie lorsque des sanctions lui ont été imposées ou que le prix du pétrole a chuté ? Rappelez-moi exactement comment les « amis » de la Russie lui ont exprimé leur soutien pour, disons, le Donbass ou la Crimée ?

Quelqu’un peut-il m’expliquer pourquoi la Russie a une obligation morale avec la Syrie ou l’Iran ou le Hezbollah lorsque pas un seul pays musulman ou arabe n’a fait quoique ce soit pour aider le gouvernement syrien à lutter contre les takfiris ? Où est la Ligue arabe ? Où est l’Organisation de coopération islamique ?

N’est-ce pas un fait que la Russie a fait plus en Syrie que tous les pays de la Ligue arabe et de l’OCI réunis ?

D’où vient ce sentiment des Arabes et des musulmans du Moyen-Orient qui leur dit qu’un pays lointain, aux prises avec une masse de problèmes politiques, économiques et militaires qui lui sont propres doit faire plus que ce que font les voisins immédiats de la Syrie ?

Poutine est le président de la Russie et il est tout d’abord responsable envers le peuple russe à qui il doit expliquer toutes les pertes et chaque risque qu’il prend. Il me semble qu’il a absolument raison lorsqu’il agit d’abord pour défendre le peuple qui l’a élu et non quelqu’un d’autre.

En passant, Poutine a été très clair sur la raison pour laquelle il ordonnait une intervention militaire russe (très limitée) en Syrie : pour protéger les intérêts russes en tuant, par exemple des takfiris fous en Syrie pour ne pas devoir les combattre ensuite dans le Caucase et dans le reste de la Russie. À aucun moment et en aucune manière, un responsable russe ne s’est référé à une quelconque obligation de la Russie à l’égard de la Syrie ou de tout autre pays dans la région. C’est vrai, la Russie a soutenu le président Assad, mais ce n’était pas en raison d’une obligation envers lui ou son pays mais parce que les Russes ont toujours insisté sur le fait qu’il était le président légitime de la Syrie et que seul le peuple syrien avait le droit de le remplacer (ou de le garder). Et c’est bien sûr, dans l’intérêt national russe de montrer que contrairement aux États-Unis, la Russie soutient ses alliés. Mais rien de tout cela ne signifie que la Russie est maintenant responsable de protéger la souveraineté de l’espace aérien ou du territoire syrien.

En ce qui me concerne, le seul pays qui a fait davantage pour la Syrie que la Russie est l’Iran et, au lieu de montrer leur gratitude, les pays arabes « remercient » les Iraniens en conspirant contre eux avec les États-Unis et Israël. Hassan Nasrallah a parfaitement raison lorsqu’il traite tous ces pays de traîtres et de collaborateurs de l’Empire anglosioniste.

Il y a quelque chose de profondément immoral et hypocrite dans ces constantes pleurnicheries que la Russie devrait faire plus alors qu’en réalité la Russie et l’Iran sont les deux seuls pays à faire quelque chose de significatif (et le Hezbollah, bien sûr !).

Maintenant, permettez-moi d’aborder quelques questions fréquemment posées.

Question 1 : mais la Syrie, l’Iran et le Hezbollah ne sont-ils pas des alliés de la Russie ?

Oui et non. Objectivement oui. Formellement non. Ce que cela signifie est que tandis que ces trois entités ont des objectifs communs, elles sont également indépendantes et certains de leurs objectifs ne sont pas partagés par les autres. En outre, elles n’ont pas de traité de défense mutuelle et c’est pourquoi ni la Syrie, ni l’Iran ni le Hezbollah n’ont riposté à la Turquie lorsque les Turcs ont abattu le SU-24 russe. Même si certains pourraient être en désaccord, je dirais que cette absence de traité de défense mutuel formel est une très bonne chose ne serait-ce que parce qu’il empêche les forces russes ou iraniennes en Syrie de devenir des forces qui, si elles sont attaquées, exigeraient une réponse immédiate de l’allié. Dans une situation aussi dangereuse et explosive que celle du Moyen-Orient, le genre de souplesse conférée par l’absence de toute alliance formelle est un grand avantage pour toutes les parties impliquées.

Question 2 : cela signifie-t-il que la Russie ne fait rien ou même qu’elle soutient Israël ?

Bien sûr que non ! En fait, Netanyahou s’est même rendu à Moscou pour émettre toutes sortes de menaces et il est retourné à la maison sans rien (des sources russes rapportent même que les Israéliens ont fini par crier contre leurs homologues russes). Rappelons ici quelque chose qui devrait être évident pour tout le monde : l’intervention russe en Syrie a été une catastrophe absolue, totale et complète pour Israël (je l’explique en détail dans cet article). Si les Russes se souciaient le moins du monde des intérêts israéliens, ils ne seraient jamais intervenus en Syrie, pour commencer ! Cependant, cette politique russe au Moyen-Orient (ou ailleurs) ne signifie pas du tout que la Russie peut tout simplement ignorer la puissance très réelle des Israéliens, non seulement à cause de leurs armes nucléaires mais également à cause de leur contrôle de facto du gouvernement étasunien.

Question 3 : donc que se passe-t-il vraiment entre la Russie et Israël ?

Comme je l’ai expliqué ailleurs, la relation entre la Russie et Israël est très complexe et se situe à des niveaux multiples et rien entre ces deux pays n’est vraiment noir ou blanc. D’une part, il existe un lobby pro-Israël puissant en Russie, que Poutine a affaibli au fil des années, mais seulement par petites étapes. La clé pour Poutine est de faire ce qui doit être fait pour faire avancer les intérêts russes mais sans provoquer une crise politique interne ou externe. C’est pourquoi les Russes font certaines choses, mais plutôt tranquillement.

Tout d’abord, ils réhabilitent les défenses aériennes syriennes vieillissantes, non seulement avec des mises à jour informatiques, mais aussi avec du nouveau matériel. Ils forment aussi, évidemment, les équipages syriens. Cela ne signifie pas que les Syriens pourraient fermer leur ciel à l’aviation israélienne, mais que peu à peu, les risques d’attaquer la Syrie augmentent chaque mois. Nous ne le remarquons pas, mais j’ai confiance qu’une analyse soigneuse montrera que la valeur des types de cibles que les Israéliens attaqueront diminuera et diminuera encore, signifiant que les Syriens deviendront toujours plus capables de défendre leurs ressources les plus importantes.

Ensuite, il est assez évident que la Russie, l’Iran et le Hezbollah travaillent en synergie. Par exemple, les Russes et les Syriens ont intégré leurs défenses aériennes, ce qui signifie qu’aujourd’hui les Syriens peuvent « voir » beaucoup plus loin que leurs propres radars le leur permettraient. En plus, il faut considérer le nombre de missiles de croisière américains qui n’ont jamais atteint la base aérienne syrienne que Trump voulait bombarder : il est plus ou moins admis aujourd’hui que c’était le résultat des contre-mesures de guerre électronique russes.

Enfin, il est clair que les Russes « couvrent » politiquement le Hezbollah et l’Iran en refusant de les traiter comme des parias, ce qu’Israël et les États-Unis exigent depuis le début. C’est la raison pour laquelle l’Iran est traité comme un acteur clé du processus de paix soutenu par les Russes, tandis que les États-Unis et Israël ne sont même pas invités.

La vérité est simple : les Russes ne s’opposeront pas directement aux Israéliens, mais ce qu’ils feront est de renforcer tranquillement l’Iran et le Hezbollah, ce qui est non seulement plus sûr mais aussi plus efficace.

Conclusion

Nous vivons dans une société amochée et dysfonctionnelle qui, après des décennies de domination étasunienne, confond la guerre et l’agression avec la force, qui accepte implicitement l’idée qu’un « grand pays » est celui qui, régulièrement déchaîne sa violence et qui recourt toujours à la force armée pour riposter à une attaque. Je soutiens que les dirigeants russes et iraniens sont beaucoup plus raffinés que ça. Cela vaut aussi pour le Hezbollah, d’ailleurs. Vous souvenez-vous quand les Israéliens (avec la complicité évidente de certains membres du régime syrien, d’ailleurs) ont assassiné Imad Mughniyeh?  Le Hezbollah a promis de se venger, mais jusqu’à présent, presque dix ans plus tard, il ne l’a pas fait (ou du moins pas officiellement). Certains diront que les menaces du Hezbollah étaient des paroles en l’air – je ne suis pas du tout d’accord. Lorsque Hassan Nasrallah promet quelque chose, vous pouvez le tenir pour acquis. Mais les chefs du Hezbollah sont suffisamment sophistiqués pour riposter au moment opportun et à leurs propres conditions. Et pensez aux Iraniens qui, depuis la Révolution islamique de 1979, ont été dans la ligne de mire des États-Unis et d’Israël et qui n’ont jamais donné à aucun d’eux de prétexte pour les attaquer.

Lorsque vous êtes beaucoup plus puissant que votre adversaire, vous pouvez être stupide et répondre par la force brute, imbécile. Au moins à court ou moyen terme. Finalement, comme nous le voyons avec les États-Unis aujourd’hui, ce genre de stupidité agressive a l’effet inverse et finit par être contre-productif. Mais lorsque vous êtes plus petit, plus faible ou encore en train de recouvrer votre force potentielle, vous devez agir avec beaucoup plus de prudence et de finesse.  C’est pourquoi tous les adversaires de l’Empire anglosioniste (y compris le Hezbollah, la Syrie, l’Iran, la Russie, la Chine, Cuba, le Venezuela) font tout leur possible pour éviter d’utiliser la force contre les Anglosionistes, même quand elle serait tout à fait méritée. La seule exception à cette règle est Kim Jong-un, qui a choisi une politique de menaces hyperboliques qui, bien qu’elle soit peut-être efficace (il semble s’être montré plus malin que Trump, du moins jusqu’à maintenant), est aussi très dangereuse et aucun des pays de l’Axe de la résistance ne veut y participer.

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Les Russes, les Iraniens et le Hezbollah sont devenus « adultes » (en termes politiques), et Assad apprend très vite, et tous comprennent qu’ils affrontent un « singe avec une grenade à main » (cela s’applique totalement aux dirigeants israéliens et américains), qui combine une personnalité mauvaise, un tempérament emporté, un cerveau primitif et une grenade à main assez grande pour tuer tout le monde dans la pièce. Leur tâche est d’immobiliser le singe sans qu’il tire sur la goupille. Dans le cas des attaques israéliennes contre la Syrie, la responsabilité première de répondre d’une manière ou d’une autre incomberait soit à la cible des attaques (généralement le Hezbollah) soit au pays dont la souveraineté a été violée (la Syrie). Et tous deux pourraient, théoriquement, riposter (avec des missiles tactiques par exemple). Pourtant, ils ont choisi de ne pas le faire, et c’est l’approche sage et correcte. Quant aux Russes, ce n’est tout simplement pas leur affaire.

Addendum 1

Une dernière chose. Ne vous y trompez pas : la propension des Israéliens (et des Américains !) à recourir à la force comme substitut à la diplomatie est un signe de faiblesse et non de force. Plus précisément, leur usage de la force, ou sa menace, est le résultat de leur incompétence diplomatique. Alors que pour l’esprit non averti, l’usage systématique de la force peut apparaître comme l’expression de la puissance, l’histoire montre que la force brutale peut être vaincue lorsqu’elle n’est pas contestée directement, mais combattue par d’autres moyens. C’est, nécessairement, un processus lent, beaucoup plus lent qu’une « victoire rapide » (la plupart du temps tout à fait théorique), et néanmoins inéluctable. En termes purement théoriques, l’usage de la force peut grosso modo avoir n’importe lequel des autres résultats. Parfois l’usage de la force est vraiment la seule solution, mais je soutiens que le dirigeant politique sage ne recourra à elle que lorsque toutes les autres options ont échoué et lorsque des intérêts vitaux sont en jeu. Dans toute autres situation, « une mauvaise paix est préférable à une bonne guerre ».

Addendum 2

Contrairement aux hallucinations des néocons, la Russie n’est absolument pas une « URSS renaissante » et Poutine n’a aucun désir de reconstruire l’Union soviétique. En plus, il n’y a pas d’électorat significatif en Russe pour ce genre de plans « impériaux » (c’est vrai, il y a toujours quelques fous partout, mais en Russie ils sont, Dieu merci, une minorité impuissante). De plus, la nouvelle Russie n’est définitivement pas un pays « anti-USA » au sens où elle essayerait de contrer tout geste impérial ou hégémonique des États-Unis. C’est peut-être évident pour beaucoup, mais je reçois tant de questions sur la raison pour laquelle la Russie ne fait pas plus pour contrer les États-Unis en Afrique, en Amérique latine ou en Asie, que je pense qu’il est, hélas, toujours important de rappeler à tout le monde un principe de base du droit international et du bon sens : les problèmes du pays X doivent être réglés par le pays X. La Russie n’a, pas plus que les États-Unis, à « résoudre » les problèmes du pays X. En outre, les problèmes du pays X sont généralement mieux traités par les voisins immédiats de ce pays, et non par des superpuissances messianiques mégalomanes qui croient qu’elles devraient « projeter leur puissance » parce qu’elles sont « indispensables » ou parce que leur « destinée manifeste » leur a confié la « responsabilité » de « diriger » le monde. Toute cette terminologie n’est que l’expression d’une mentalité impériale pathologique et délirante qui a coûté à la Russie et à l’Union soviétique un prix effroyable en argent, en énergie, en ressources et en sang (par exemple l’intervention soviétique en Afghanistan a été justifiée par l’évocation du « devoir internationaliste » de l’Union soviétique et du peuple d’aider une « nation sœur »). Alors que ce genre d’absurdité est toujours 100% dominante dans les pauvres vieux États-Unis, elle est absolument rejetée dans la Russie moderne. Malgré toute la crédibilité personnelle de Poutine auprès du peuple russe, même lui ne pourrait pas s’en tirer en essayant d’intervenir militairement, encore moins contrôler la planète entière, à moins que les intérêts russes vraiment vitaux ne soient menacés (la Crimée a été un de ces très rares cas). Certains le déploreront, personnellement je m’en réjouis, mais la vérité est que « les Russes n’arrivent PAS ».

The Saker         

Cet article a été rédigé pour Unz Review

Traduit par Diane, vérifié par Wayan, relu par Cat pour le Saker francophone

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