Par Pepe Escobar – Le 20 juin 2015 – Source AsiaTimes
Les chiens de la peur et des sanctions occidentales aboient, tandis que la caravane eurasienne passe .
Et aucun caravansérail ne pourrait rivaliser avec la 19e édition du Forum international économique de Saint-Pétersbourg (SPIEF). Des milliers de chefs d’entreprises mondiales – y compris des Européens, mais pas d’Américains ; après tout, le président Poutine est le nouvel Hitler – représentant plus de 1 000 sociétés internationales, y compris les PDG de BP, Royal Dutch Shell et Total, ont investi la ville avec panache.
Des tribunes fascinantes, tout autour – y compris des discussions sur les BRICS; l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS); Les nouvelles Routes de la Soie; l’Union économique eurasienne (EEU) ; et bien sûr le thème de tous les thèmes, La préparation du siècle, la région Asie-Pacifique : rééquilibrage de l’Est, avec l’ancien Premier ministre australien Kevin Rudd.
On pouvait s’y attendre, il y a eu beaucoup d’anticipation en ce qui concerne la nouvelle banque de développement des BRICS , avec de grandes nouvelles à venir le mois prochain lors du sommet des BRICS à Ufa. Le brésilien Paulo Batista Nogueira, le nouveau vice-président de la banque, se réjouit de la première réunion des gouverneurs.
Et sur un autre thème clé – en contournant le dollar américain – c’était le moment pour Anatoliy Aksakov, président du Comité de la Douma sur la politique économique, le développement innovant et l’entrepreneuriat, d’entrer en lice: «Nous devons passer à la réalisation de nos arrangements mutuels en monnaies nationales, et nous croyons que toutes les conditions sont déjà en place pour cela.»
L’action n’était pas seulement rhétorique. Voici juste une fraction des transactions enclenchées au SPIEF. On pouvait s’y attendre, cela a été un festival de démonstration de Pipelinistan dans toute sa splendeur.
– Les tuyaux pour le pipeline Turkish Stream sous la mer Noire vont commencer à être posés ce mois-ci, ou au plus tard en juillet, selon le ministre russe de l’Énergie Alexander Novak.
– Le PDG de Gazprom Alexeï Miller et le ministre grec de l’Énergie Panagiotis Lafazanis ont pratiquement engagé l’extension du Turkish Stream à la Grèce. Ils «préparent un mémorandum intergouvernemental approprié», selon Gazprom.
– Gazprom a également annoncé son intention de construire un nouveau double gazoduc de la Russie à l’Allemagne, à travers la mer Baltique, en partenariat avec l’Allemand E.ON, l’Anglo-néerlandais Shell et l’autrichien OMV.
Sur un autre front eurasien crucial, l’Inde a signé un accord-cadre pour créer une zone de libre-échange avec l’Union économique eurasienne (UEE). Le ministre indien du Commerce Nirmala Sitharaman était euphorique: «Les deux régions sont grandes, tout ce qui peut être fait ensemble doit naturellement conduire à de plus grands résultats.»
Ah oui, et en plus, c’est le moment choisi par Bandar Bush pour menacer de lâcher les chiens djihadistes sur la Russie.
Au lieu de cela, une réunion remarquable a eu lieu, entre Poutine et Mohammad bin Salman, le vice-prince de la Couronne et ministre de la Défense saoudien (le responsable réel de la guerre contre le Yémen). Tel est l’aboutissement logique des contacts de Poutine, depuis plusieurs semaines, avec le nouveau maître de la Maison des Saoud, le roi Salman.
La Maison des Saoud a poliment présenté la rencontre comme une discussion «sur les relations et les aspects de la coopération entre deux pays amis». En fait, sur le terrain, cela incluait la discussion, entre les ministres du Pétrole de la Russie et de l’Arabie saoudite, d’un large accord de coopération; la signature de six accords de technologie sur le nucléaire; et l’Impondérable suprême : Poutine et le sous-prince héritier discutant des prix du pétrole. Serait-ce la fin de la guerre menée par l’Arabie prix du pétrole?
Si cela ne suffisait pas, sur le front asiatique, le président exécutif superstar du groupe Alibaba, Jack Ma, est allé dire sans tabou : «Il est grand temps pour les acteurs du marché d’investir en Russie.» Pékin, par la même occasion, estime actuellement la valeur des accords signés et presque signés avec la Russie à un époustouflant $1 000 Mds. Vice-premier ministre russe Igor Chouvalov a préféré retenir une estimation plus humble.
Eh bien, si seulement d’autres nations, sanctionnées et isolées en raison de leurs agressions, pouvaient être capables d’une telle performance commerciale…
Et où étaient les maîtres ?
Avant le forum de Saint-Pétersbourg, Poutine prononçait le même message invariable à chaque fois qu’il rencontrait un dirigeant occidental. Il parlait de commerce bilatéral, et ensuite remarquait que les choses pourraient être beaucoup, beaucoup mieux. Ce forum prouve, au-delà de l’évidence que la politique de sanctions menée par l’UE à l’encontre de la Russie est un désastre – quelle que soit la décision du Conseil européen de la semaine prochaine [les sanctions ont été prolongées de six mois, étonnant, non? NdT].
Ces maîtres de la bureaucratie kafkaïenne de la Commission européenne (CE) continuent de jurer que l’Europe ne souffre pas. Qui allez-vous croire? Les bureaucrates de la CE qui ne se soucient que de leurs fastueuses pensions de retraite ou cette étude autrichienne?
Et puis il y a eu la grande réunion en marge du forum SPIEF, celle de Poutine et du Premier ministre grec, Alexis Tsipras. La question ici n’est pas que la Grèce devienne un membre des BRICS demain, par exemple. Yves Smith, sur son blog Le Capitalisme Nu, a succinctement asséné : «Le risque objectif d’une nouvelle alliance Grèce-Russie … est de savoir si les Européens sont assez inquiets sur ce risque pour changer de cap.»
Il n’y a aucune preuve pour l’instant qu’il y aura un changement de cap. La Chancelière de Fer, Merkel, brandit maintenant ouvertement la carte de l’épouvantail russe – Moscou prend pied dans l’UE – pour tenir les autres pays de l’UE en accord avec l’austérité, obsession allemande.
Pour ce qui est du dernier mot sur le forum, il était difficile de battre Tsipras ; L’Europe «devrait cesser de se considérer comme le centre de l’univers, il faut comprendre que le centre de développement économique mondial se déplace vers d’autres régions».
Alors, y avait-t-il des maîtres réels de l’Univers présents au SPIEF?
Dans le monde réel, il y a un certain nombre d’institutions et de conférences, qui servent de base à des politiques de coordination. Mais les maîtres de l’univers ne sont pas là. Ils tirent les ficelles des marionnettes qui participent aux réunions – et puis tout ce qu’ils ont décidé est coordonné par en-dessous.
Poutine n’a pas manqué quelque chose en étant snobé au G7 dans les Alpes bavaroises (G1 + supplétifs). Il se réunira avec les figures de proue, une par une, de toute façon.
La Banque des règlements internationaux (BRI), est composée des banquiers centraux clés, ils se rencontrent une fois par mois à des fins de coordination. Le groupe Bilderberg, la Commission trilatérale et Davos répondent aussi à des fins de coordination. On peut maintenant assurer que SPIEF est le principal forum de coordination pour l’Eurasie. Les Maîtres de l’Univers – réels ou auto-proclamés – peuvent snober à leurs propres risques et périls.
Pepe Escobar est l’auteur de Globalistan: How the Globalized World is Dissolving into Liquid War (Nimble Books, 2007), Red Zone Blues: a snapshot of Baghdad during the surge (Nimble Books, 2007), Obama does Globalistan (Nimble Books, 2009) et le petit dernier, Empire of Chaos (Nimble Books).
Traduit par jj, relu par Diane pour le Saker Francophone