N’oublions jamais le fait qu’aucune race ne dispose du monopole exclusif en matière de racisme


Par Andrew Korybko − Le 9 juin 2020 − Source oneworld.press

andrew-korybkoIl est toujours noble de voir les gens manifester pacifiquement contre le racisme en respectant la loi de leur pays, mais les activistes et leurs alliés médiatiques ont tort de laisser penser que seuls les caucasien-américains se rendent coupables d’actes de racisme contre les afro-américains : l’histoire démontre que cette plaie n’est le domaine d’aucune race, religion, idéologie, nationalité, ou région spécifique.

Le racisme n’a pas de race

Le déclenchement de la phase cinétique de guerre hybride de terreur, planifiée de longue date contre les États-Unis, a remis au premier plan de l’attention mondiale le problème du racisme, mais ce problème fait l’objet de fausses descriptions par les participants « terrain » ainsi que leurs soutiens médiatiques, qui font croire que seuls les caucasien-américains commettent des actes de racisme contre les afro-américains. Mais l’histoire prouve que ce fléau n’est lié à aucune race, religion, idéologie, nationalité ou région spécifique ; et prétendre le contraire s’apparente à une manipulation de la vérité historique, réfute l’existence de victimes innombrables de ces crimes, et cela ne constitue donc guère plus que de la narration utilisée comme arme à des fins politiques. Il est toujours noble de voir les gens manifester pacifiquement contre le racisme, dans le respect des lois de leur pays, où que ce soit, mais le moment est venu de rétablir la vérité, afin d’exposer comment des gens dotés de bonnes intentions se voient utilisés comme « idiots utiles » pour promouvoir une variante de l’agenda de l’« exceptionnalisme étasunien. »

Chaque vie a de la valeur

Le racisme existe, a toujours existé, et existera toujours, car il s’agit d’une manière « pratique » pour certaines personnes d’accuser d’autres personnes de leurs problèmes, tout en ressentant un sentiment factice de « supériorité » vis-à-vis du concept de l’« Autre », ce qui flatte leur ego et fait disparaître à leurs yeux leur responsabilité personnelle quant à leurs griefs socio-économiques ou politiques, quels qu’ils soient. Mais le racisme n’est pas pratiqué exclusivement par les caucasien-américains contre les afro-américains, même si l’attention du monde, en cette instance particulière mais hautement promue (et hautement politisée!) laisse une impression très douteuse quant à ce problème. Toutes les vies comptent — pas seulement les « noires », « « blanches », « jaunes », « marron », « rouges », ou de toute autre « couleur ». Une vie afro-américaine présente la même importance qu’une vie africaine, et celles-ci ont la même valeur qu’une vie musulmane ou chinoise, par exemple. Cela étant dit, limiter son attention uniquement aux cas de racisme commis par des caucasien-américains contre des afro-américains donne la fausse impression que ces derniers sont les seules vies qui comptent.

Le conseil d’Alinksy

Il y a plusieurs raisons pour lesquelles les victimes afro-américaines se voient présentées comme beaucoup plus importantes que qui que ce soit d’autre, la plus évidente d’entre elles est politique. Certains Étasuniens, mais surtout de nombreux non-étasuniens, ainsi que les gouvernements, un peu partout dans le monde, ont intérêt à attiser les tensions raciales intérieures aux États-Unis afin de parvenir à leur objectif partagé, consistant à déstabiliser le gouvernement étasunien, en revanche de griefs particuliers de diverses natures (tels que la colère contre le racisme, le mécontentement quant à des disparités socio-économiques, le dégoût quant à leur politique étrangère, etc). « La fin justifie les moyens », surtout lorsqu’on considère les choses au travers de l’infâme prisme établi par Saul Alinksy « Rules for Radicals« , si bien qu’il est « pragmatique », au sens machiavélique, d’appliquer le maximum de pressions sur la société étasunienne, en usant de ce problème, pour créer des problèmes au même gouvernement que pratiquement tous les peuples obsédés par ce récit particulier du racisme caucasien-américain contre les afro-américains détestent. Ceci constitue une simple observation objective de la dynamique stratégique en jeu, pas un jugement de valeur en soi.

Esclavage noir pratiqué par des Noirs

Mais de manière regrettable, l’application intéressée de la treizième et dernière règle d’Alinksy, consistant à « choisir la cible, la geler, la personnaliser, et la polariser » ignore l’histoire du racisme dans le monde, et ne s’intéresse qu’à l’exemple américain, aux dépens de tous les autres. En outre, elle ne répond qu’au racisme caucasien-américain contre les afro-américains, et suppose fortement, par défaut, que les premiers disposent du monopole de cette manière dégoûtante de penser et d’agir, chose qui est absolument fausse. Beaucoup de gens l’ignorent, mais Anthony Johnson — un esclave africain libéré — fut le premier propriétaire d’esclave « légalement » reconnu de l’histoire étasunienne. En outre, « Tippo Tip«  un afro-arabe, enleva des dizaines de milliers de personnes sur les terres d’Afrique de l’Est, avant de les vendre en esclavage, ce qui fait qu’il est considéré comme le plus célèbre des marchands d’esclaves de toute l’histoire. Ces deux hommes ne sont que deux exemples historiques indéniables et vérifiables, qui démystifient le faux récit voulant que le racisme soit un crime exclusivement caucasien-américain contre les afro-américains.

Exemples célèbres de racisme non-noir

D’autres exemples, plus récents, n’en sont pas moins puissants. L’Allemagne nazie, la machine génocidaire la plus mortelle de l’histoire humaine, s’employa à exterminer le peuple slave, parmi de nombreux autres, du simple fait de la croyance raciste qu’ils étaient des « sous-hommes ». Le Japon impérial mit en œuvre exactement le même crime contre les Chinois ainsi que d’autres peuples qui vivaient sous occupation de l’Empire, à la même époque, à l’autre bout du monde. De nos jours, il suffit de se souvenir les plusieurs serbocides (les génocides contre le peuple serbe) à travers l’histoire, et de considérer la violence très répandue qui existe de nos jours de la part d’Hindous extrémistes à l’encontre d’Indiens musulmans, pour comprendre que la politique de la haine peut prendre n’importe quelle couleur, religion, idéologie, nationalité, ou région. Il n’y a rien de mal à voir des Étasuniens passionnés, et leurs soutiens de l’étranger, manifester pacifiquement contre le racisme caucasien-américain appliqué aux afro-américains[Même si bon, en France, si on veut protester contre les violences policières, on a de quoi manifester « entre nous » avant de s’en prendre à un pays étranger, NdT], mais la manière dont eux-mêmes, et leurs alliés médiatiques, présentent les choses vise à laisser croire qu’aucune autre instance de racisme ne s’est jamais produite dans l’histoire est extrêmement trompeuse.

Les « exceptionnalistes » de toutes les « couleurs » tombent les masques

Une autre raison pour laquelle on assiste à un centrage exclusif de cette forme de racisme, aux dépens de toutes les autres, outre la motivation idéologique intéressée visant à déstabiliser le gouvernement étasunien pour des raisons idéologiques, résulte du fait que de nombreux participants étasuniens à ces derniers événements en date ne sont même pas conscients de leur propre « exceptionnalisme ». L’auteur n’a aucun intérêt envers les politiques identitaires et les jeux de mots, mais il reste tout de même intéressant de constater que nombre de ces participants agissent de manière hypocrite à l’encontre de leur propre message d’« égalité et de respect pour tous ». Le suffixe « -américain » utilisé dans le mot afro-américain porte en soi des connotations « exceptionnalistes » alignées avec l’idéologie de l’« exceptionnalisme américain », conceptualisé à tort comme exclusivement associé aux caucasien-américains. Mais c’est chose fausse, car l’obsession des participants quant à « geler, personnaliser, et polariser » la victimisation des afro-américains par les racistes caucasien-américains ignore la victimisation des autres peuples dans l’histoire.

« Révisionnisme historique » contre « hiérarchie de la victimisation »

Pour expliquer un peu plus en profondeur, chacun a le droit de manifester pacifiquement quant à tout problème lui apparaissant comme important, tant qu’il respecte la loi, mais présenter le racisme selon des termes « noirs et blancs » (ou plutôt, « blancs sur le dos des noirs ») amène de nombreux esprits impressionnables à penser qu’aucune autre forme de racisme n’a jamais existé. Cela dépasse l’arrogance, et on peut arguer que cela tourne au révisionnisme historique visant à faire progresser l’objectif idéologique de déstabiliser le gouvernement étasunien. Dans le pire des cas, cela ignore l’histoire de la souffrance humaine entre les mains de racistes de toutes races, religions, idéologies, nationalités ou régions ou, à tout le moins, positionne les afro-américains au sommet de la « hiérarchie des victimes » de l’humanité, tout en prêchant « l’égalité et le respect pour tous ». En d’autres termes, il s’agit d’une nouvelle variante, certes bien déguisée, de l’« exceptionnalisme américain » qui se cache derrière la minorité raciale la plus visible du pays, afin de duper les critiques lucides des États-Unis à tomber dans le même récit « exceptionnaliste », alors qu’ils s’y opposeraient en temps normal.

Andrew Korybko est un analyste politique américain, établi à Moscou, spécialisé dans les relations entre la stratégie étasunienne en Afrique et en Eurasie, les nouvelles Routes de la soie chinoises, et la Guerre hybride.

Traduit par José Martí relu par Hervé pour le Saker Francophone

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