Par Charles Hugh Smith – Le 12 décembre 2016 – Source son blog
Les récentes déclarations faites par la C.I.A. disant que des hackers russes ont interféré dans l’élection présidentielle aux États-Unis ne passent pas le test de désenfumage – et à plusieurs niveaux. Considérons cette histoire dans ses aspects les plus simples.
- Si ce rapport est si « secret », pourquoi domine-t-il le flot des informations ?
- Pourquoi ce « rapport secret » a-t-il été publié maintenant ?
- Quelles sont les preuves techniques de cette intervention ? Les machines à voter ont-elles été altérées ? Ou ce « rapport secret » n’est il qu’une autre dose de « fausses nouvelles » sans faits établis comme l’est la liste des 200 sites web de propagande russe du Washington Post ?
- Le rapport affirme que l’ensemble du renseignement des États-Unis est d’accord sur la « preuve de l’intervention de la Russie au profit de Trump », mais alors que veut dire ceci ?
« La présentation de la C.I.A aux sénateurs au sujet des intentions de la Russie a échoué à une évaluation formelle produite par les 17 agences de renseignement étasuniens. Un haut responsable a déclaré qu’il y avait de légers désaccords entre les services de renseignement au sujet de l’évaluation de l’agence, en partie parce que certaines questions demeuraient sans réponse. »
Étant donné que le N.S.A. (l’Agence de sécurité nationale) est si secrète que son existence même a été niée pendant des décennies, pensez-vous vraiment que la NSA va rendre public son désaccord avec la C.I.A. ?
Compte tenu de la structure de l’État profond et de la communauté du renseignement, des « désaccords mineurs » pourraient signifier un désaveu complet du rapport de la C.I.A.
Que ce soit plutôt la réalité est suggéré par la dénonciation par le F.B.I de la conclusion sans preuve de ce rapport :
- Ces soit disant piratages relèvent clairement de la compétence de la NSA. Alors pourquoi est ce la C.I.A. qui rend public ce qui est clairement un rapport politisé destiné à influencer la population grâce à une couverture massive et soutenue de celui-ci dans les médias traditionnels ?
- Remarquez le double standard : quand les États-Unis tentent d’influencer l’opinion publique dans d’autres pays, c’est OK, mais quand d’autres nations poursuivent le même but, ce n’est plus OK.
- Comment est ce possible que cette campagne sur les « pirates et la propagande russes » passe du niveau de simple bruit de fond à celui de facteur décisif dans les élections américaines ?
- Le piratage et les tentatives russes d’influencer l’opinion publique américaine ne sont pas nouveaux. Les agences de renseignement chargées de protéger le cyberespace américain ont depuis longtemps identifié le piratage par les États russe et chinois comme des menaces importantes. Alors pourquoi, tout à coup, nous dit-on que les Russes ont réussi à influencer les élections américaines ?
Qu’est ce qui a changé ? Quelles nouvelles capacités ont-ils développées ?
- Et surtout, quelles sont les preuves montrant que les efforts russes ont affecté les élections ? Des empreintes électroniques ont-elles été trouvées sur les registres électoraux ? Des paiements aux employés des médias américains ont-ils été découverts ?
Des déclarations proclamées comme étant des « faits » ou la « vérité » ne devraient elles pas être soutenues par plus consistant qu’un simple « croyez nous, nous qui sommes une agence avec une longue histoire de renseignements bidons, de désinformations et d’interventions illégales » ?
- Cela ne devrait il pas faire sonner l’alarme qu’une accusation aussi importante soit totalement dépourvue de preuves ? Si vous rendez la conclusion publique, vous devez rendre aussi publique au moins une partie de la preuve.
Voici le battage médiatique et quelques réponses sceptiques :
CIA : La Russie intervient pour aider Trump à gagner
Les lecteurs de longue date savent que j’ai fait l’hypothèse d’un fossé majeur se creusant dans l’État profond, c’est-à-dire entre les éléments du gouvernement fédéral qui ne changent pas, indépendamment de qui est élu comme président. Cela inclut la communauté du renseignement, le Pentagone, l’infrastructure diplomatique et commerciale, la recherche et le développement, et les organes propres au « cadrage » des médias.
L’État profond se fracture-t-il ? (14 mars 2014)
Plus récemment, je me suis demandé si les éléments les plus progressistes de l’État profond reconnaissaient les dangers posés par les néo-conservateurs et leur candidate, Hillary Clinton, pour la sécurité des États-Unis, et avaient décidé de saper sa candidature :
L’État profond pourrait-il saboter Hillary ? (8 août 2016)
En d’autres termes, ce ne sont pas les Russes qui ont saboté Hillary – c’est l’État profond des États-Unis qui a miné son couronnement. Il ne s’agissait pas de personnalité ; c’était beaucoup plus profond que cela. Il s’agissait des risques posés par les stratégies et les politiques néoconservatrices et, tout aussi important, de la politisation du réseau de renseignement.
Et c’est précisément ce que nous discernons dans le « rapport secret » sans précédent et franchement absurde de la C.I.A. : un rapport clairement politisé qui n’est étayé par aucune preuve et qui n’est pas soutenu par les 16 autres services de renseignement. (Le silence ne signifie pas l’approbation dans ce domaine.)
Nous pouvons maintenant discerner plus clairement les camps belligérants de l’État profond. D’un côté, la C.I.A., les grands médias, et les civils qui se sont régalés de la richesse et du pouvoir que leur ont apportés leur participation au projet global néoconservateur.
De l’autre côté, les services de renseignement propres au Département de la Défense (D.I.A. et autres), la N.S.A., le F.B.I. et quelques civils bien placés qui reconnaissent que le programme néoconservateur est un danger clair et réel pour la sécurité de la nation.
De ce point de vue, le « rapport » vite fait et sans preuves de la C.I.A. est une action politique d’arrière-garde contre la faction gagnante de l’État Profond. Les éléments de l’État profond qui ont profité de l’agenda néoconservateur étaient convaincus que la victoire d’Hillary garantirait huit autres années d’intervention mondialiste. Son échec signifie qu’ils sont maintenant sur la défensive et, comme une bête coincée, enragée, ils se déchaînent avec tout ce qu’ils ont à portée de main.
Cela explique en grande partie la publication par la C.I.A. d’un « rapport » affreusement douteux et politisé.
Charles Hugh Smith
Traduit par Wayan, relu par Cat pour le Saker Francophone
Ping : L'État profond étasunien est-il en guerre contre lui même ? | Le Monde...