Par le Saker – Le 9 mars 2018 – Source The Saker
À ceux qui s’intéressent aux implications militaires des récentes révélations de Vladimir Poutine sur les nouveaux systèmes d’armes russes, je recommande l’excellent article d’Andreï Martianov, « The Implications of Russia’s New Weapon Systems ». Il propose une superbe analyse de ce que ces nouvelles armes signifient pour les États-Unis et, en particulier, pour la Marine américaine. Ce que je me propose de faire ici est un peu différent et examine quelques-unes des conséquences les plus politiques des dernières révélations.
Les deux premières des cinq étapes du deuil : le déni et la colère
En ce moment, les Anglosionistes vivent quelque chose de très semblable aux deux premières des cinq étapes du deuil selon le modèle de Kübler-Ross : déni, colère, marchandage, dépression, acceptation. La plupart du temps, cela se manifeste par des critiques sur la qualité des vidéos présentées par Poutine et par de simples incantations sur « ces armes qui n’existent que sur le papier ». C’est absolument normal et ne durera pas très longtemps. Ce genre de déni est un mécanisme d’adaptation courant dont la fonction principale est d’« adoucir le coup » mais pas quelque chose sur lequel baser une politique ou une stratégie. Il vaut cependant la peine d’examiner exactement pourquoi ces révélations ont déclenché une réaction si puissante car les choses sont un peu plus compliquées qu’il ne semble au départ.
D’abord, une révélation étonnante : le déploiement de ces systèmes d’armes ne change pas fondamentalement l’équilibre nucléaire entre la Russie et les États-Unis, du moins pas en termes de stabilité (dissuasion) de première frappe (pour une analyse détaillée voir ici). Oui, il est vrai que l’arsenal nucléaire étasunien devient de plus en plus désuet, surtout si on le compare à l’arsenal russe, et oui, il est vrai que dans toute une famille de technologies, les Russes ont maintenant clairement plusieurs années d’avance sur les États-Unis. Mais non, cela ne signifie pas que la Russie pourrait s’en tirer avec une première frappe contre les États-Unis (tout comme, d’ailleurs, les États-Unis ne pourraient pas s’en tirer avec une première frappe contre la Russie). Les deux pays possèdent des capacités de projection d’ogives nucléaires plus que suffisantes, même si leurs forces étaient réduites de 90% dans une première frappe hypothétique de désarmement (frappe anti-force). Le but de l’avertissement de Poutine n’était pas du tout de menacer l’Occident ou de suggérer que la Russie pourrait réaliser une guerre nucléaire à son avantage, loin de là ! Tout d’abord, son discours était une nécessité de psychothérapie publique. On pourrait dire que son intention était de forcer l’Empire à entrer enfin dans les trois phases suivantes, plus constructives, du deuil : le marchandage, la dépression et l’acceptation.
Apporter un sens de la réalité à un Empire profondément délirant
Les dirigeants de l’Empire, avec leurs drones idéologiques décérébrés, vivent dans un monde complètement détaché de la réalité. C’est pourquoi Martianov écrit que les États-Unis « persistent à résider dans une bulle qui les isole de toutes les voix raisonnables et de la paix extérieure » et que le discours de Poutine visait à « contraindre les élites d’Amérique sinon à la paix, du moins à une certaine forme de bon sens, étant donné qu’elles sont actuellement totalement détachées des réalités géopolitiques, militaires et économiques d’un nouveau monde émergent ».
Martianov explique :
« Les élites américaines au pouvoir, dont la majorité n’a jamais servi un seul jour sous l’uniforme, ni fréquenté des institutions universitaires militaires sérieuses, et dont l’expertise sur les questions de technologie militaire et géopolitique se limite à quelques séminaires sur les armes nucléaires et, dans le meilleur des cas, les efforts du Service de recherche du Congrès ne sont simplement pas aptes à saisir la complexité, la nature et l’usage de la force armée. Ils n’ont tout simplement aucun point de référence. Pourtant, en tant que produit de la culture pop-militaire américaine, aussi connue sous le nom de pornographie et de propagande militaire, ces gens – cette collection d’avocats, de ‘politologues’, de sociologues et de journalistes qui dominent la cuisine stratégique américaine, qui concoctent sans cesse des doctrines géopolitiques et militaires délirantes − peuvent comprendre une chose avec certitude, c’est que leurs pauvres chéris ont une cible dessinée dans le dos ou sur le front. »
Le fait que, dans le monde réel, ces élites aient une cible peinte sur le dos depuis des décennies ne change pas le fait qu’elles sont aussi parvenues à se convaincre qu’elles pourraient effacer cette cible en se retirant du Traité ABM et en encerclant la Russie avec des missiles. Le fait que certains politiciens étasuniens se soient rendu compte, du moins dans leur esprit, que les systèmes ABM ne protégeraient jamais vraiment les États-Unis d’une contre-attaque russe n’avait pas vraiment d’importance parce qu’il y avait des facteurs psychologiques américains spécifiques qui rendaient l’idée d’un système ABM irrésistiblement attrayante :
1) Un système ABM promettait l’impunité aux États-Unis : avec la supériorité militaire, l’impunité est un des grands mythes américains (comme analysé ici). De Reagan, avec ces « armes qui tueront les armes » à la crise actuelle en Corée, les Américains ont toujours aspiré à l’impunité pour leurs actions à l’étranger : noyer tous les pays dans un océan de feu, de crimes et de désordre tant que notre « patrie » reste la citadelle intouchable et sacro-sainte. Depuis la Seconde Guerre mondiale, les Américains ont tué des millions de gens à l’étranger, mais lorsque le 11 septembre est arrivé − peu importe que ce soit, à l’évidence, un attentat sous fausse bannière, le pays a subi quelque chose comme un choc clinique à cause de la perte d’environ trois mille civils innocents. Les armes nucléaires soviétiques, et plus tard russes, promettaient de faire des dizaines de millions de morts si l’URSS/la Russie était attaquée et c’est pourquoi le conte de fées du « bouclier » antimissile était si séduisant même s’il n’était, technologiquement parlant, qu’une chimère (la « guerre des étoiles » de Reagan) ou un système extrêmement limité capable d’arrêter tout au plus quelques missiles (le système ABM actuel en Europe). Encore une fois, les faits n’ont aucune importance, du moins pas dans la politique américaine ou dans la psyché collective des États-Unis.
2) Un système ABM promettait un immense bonus financier pour le complexe militaro-industriel étasunien, formidablement corrompu, pour lequel travaillent des millions d’Américains et qui rend beaucoup d’entre eux formidablement riches. Franchement, je soupçonne que beaucoup de gens (la plupart ?) impliqués dans les programmes ABM ont parfaitement réalisé que c’était une perte de temps, mais tant que leurs comptes en banque étaient pleins, ils ne s’en souciaient tout simplement pas : hé, ils me paient – je prends !
3) La culture militaire américaine n’a jamais mis beaucoup d’accent sur le courage personnel ou le sacrifice de soi (pour des raisons évidentes). Les diverses versions du conte de fées ABM permettent aux Américains de croire que la prochaine guerre serait livrée surtout en pressant des boutons et en utilisant des ordinateurs. Et si de vraies bombes commencent à tomber, faisons-les tomber ailleurs, de préférence sur quelque peuple bronzé, et lointain… enfin, qui ne sont pas aussi précieux pour Dieu et l’humanité que nous, la « nation blanche indispensable ».
Ajoutez à cela une croyance quasi-religieuse (un dogme, vraiment) dans le mythe de la supériorité technologique américaine et vous comprendrez que les dirigeants russes ont commencé à intégrer l’idée que leurs homologues étasuniens oubliaient progressivement qu’ils avaient une cible peinte dans le dos. Donc ce que Poutine a fait, c’est simplement d’en remettre quelques couches, mais différentes, uniquement pour s’assurer que les dirigeants étasuniens reviennent à la réalité.
L’objectif du discours de Poutine était aussi de prouver que tant Obama (« l’économie russe est en lambeaux ») que McCain (« La Russie est une station-service déguisée en pays ») avaient tort. Le message russe aux élites dirigeantes américaines était simple : non, non seulement nous ne sommes pas à la traîne technologiquement, mais à de nombreux égards nous avons des décennies d’avance sur vous, malgré les sanctions, les tentatives de nous isoler, la chute spectaculaire des prix de l’énergie ou vos efforts pour limiter notre accès aux marchés mondiaux, le développement réussi de ces systèmes d’armes de nouvelle génération est un indicateur clair de la situation réelle de la recherche fondamentale en Russie dans des domaines comme les alliages avancés, les nanotechnologies, les ordinateurs surpuissants, etc.).
Pour les bellicistes du Pentagone, le message était tout aussi clair et ferme : nous dépensons moins de 10% de ce que vous pouvez dépenser pour la défense vos agressions tous azimuts ; nous compenserons votre avantage quantitatif par notre supériorité qualitative. Bref, vous vous battez avec des dollars, nous nous utilisons nos cerveaux dans la bataille. Les propagandistes américains, qui adorent raconter que la Russie utilise toujours un grand nombre de soldats incompétents et d’armes stupides, mais brutales, doivent maintenant composer avec un paradigme qui ne leur est absolument pas familier : un soldat russe est beaucoup mieux formé, beaucoup mieux équipé, beaucoup mieux commandé et son moral et sa volonté sont infiniment plus élevés que ceux d’un soldat américain typique. Pour une culture militaire habituée à répéter comme un mantra qu’elle est « la meilleure au monde » ou même « la meilleure de l’histoire » ce genre de nouvelle réalité sera un choc très douloureux et la plupart y réagiront en sombrant dans un déni profond. Pour ceux qui ont cru au récit – historiquement totalement faux – racontant que les États-Unis et Reagan ont mis l’URSS en faillite au moyen d’une course aux armements efficace, il doit être très étrange d’avoir en quelque sorte « échangé les places » avec la bonne vieille mauvaise URSS et se trouver dans la situation de devoir faire face à une faillite provoquée par les dépenses militaires.
Rien ne changera dans l’Empire des illusions (du moins dans un avenir prévisible)
À propos de faillite. Les récentes révélations ont confirmé ce contre quoi les Russes mettent en garde depuis des années : les énormes sommes d’argent que les États-Unis ont dépensées dans les systèmes de défense ABM ont été entièrement gaspillées. La Russie a trouvé et déployé une réponse asymétrique qui rend tout le programme ABM complètement inutile et obsolète. En outre, comme Martianov le souligne, la structure de force (porte-avions) de la flotte de surface américaine a également été rendue fondamentalement obsolète et inutile, du moins contre la Russie (mais on peut être sûr que la Chine suit de près). Potentiellement, cet état de choses pourrait avoir des répercussions immenses, tectoniques : d’énormes sommes d’argent des contribuables américains ont été complètement gaspillées, les stratégies nucléaires et navales américaines ont été fondamentalement erronées, le renseignement a échoué (tant au niveau de l’acquisition qu’au niveau de l’analyse), les politiciens ont pris des décisions désastreuses et tout ceci est une faillite en bande organisée qui devrait déclencher Dieu sait combien d’enquêtes, de démissions et de nombreuses sanctions, administratives ou même pénales. Mais bien entendu, rien de tout cela ne se produira. Pas une seule tête ne tombera…
Dans L’Empire des Illusions, les faits ne comptent pas. En vérité, je prédis que le programme ABM, évidemment inutile aujourd’hui, continuera comme si rien ne s’était passé. Et d’une certaine manière, c’est vrai. Le grand public américain zombifié ne sera pas informé de ce qui se passe, ceux qui comprendront seront marginalisés et impuissants à faire changer quoi que ce soit, quant aux parasites corrompus qui ont gagné des millions et des milliards avec ce gaspillage total de l’argent des contribuables, ils ont beaucoup trop à perdre pour jeter l’éponge. De fait, puisque les États-Unis sont maintenant gouvernés par les néocons, nous pouvons aisément prédire ce qu’ils feront. Ils feront ce que font toujours les néocons : doubler la mise. Donc une fois qu’il sera devenu public que tout le déploiement ABM américain est inutile et périmé, attendez-vous à une injection de cash supplémentaire de la part de membres du Congrès « patriotes » (<<== ma tentative pour être politiquement correct !) entourés de drapeaux, qui expliqueront au public lobotomisé qu’ils « prennent une position ferme » contre « le dictateur russe » et que les fiers États-Unis d’Amérique ne céderont pas au « chantage nucléaire russe ». Notre drapeau ne fuit pas ! Soyons unis ! Etc., etc., etc.
Quant à l’US Navy, ce ne sera même pas un sujet de débat. Donc un Russe (je veux parler de Martianov) a écrit des trucs pour Unz Review. Qui s’en soucie ? Ce n’est que de la « propagande russe » évidemment. Ce sera écarté avant même d’être réellement analysé et, inévitablement, la conclusion rassurante sera, comme toujours, « Nous sommes le numéro 1 » ; « Britannia l’Amérique règne sur les océans » et tout le battage d’absurdités outrancières dont les amiraux américains gavent le public depuis des décennies. Gardez aussi à l’esprit que les gens intelligents dans l’US Navy, et il y en a beaucoup, savaient ce qui se passait depuis le début, mais soit ils n’avaient pas d’influence, soit ils gardaient le silence pour d’évidentes raisons de carrière.
La réalité est que ce que Martianov appelle « le mythe américain de la supériorité technologique » est si profondément ancré dans la psyché collective étasunienne qu’elle est devenue partie intégrante de l’identité nationale et qu’elle ne pourra jamais être remise en question. Même si Poutine décidait que des vidéos et des discours ne suffisent pas et procédait à une démonstration de tir en direct, les zombies agitant des drapeaux dans les médias, le gouvernement et le public trouveraient une manière de nier tout cela, de prétendre que cela ne s’est pas produit ou se colleraient un sourire mystérieux sur le visage et répliqueraient quelque chose comme « Ouais, pas mal, mais si vous connaissiez les super-armes que nous ne vous montrons pas ! » (comme un drone médiatique l’a effectivement écrit, « Les États-Unis doivent avoir des armes dans leur manche qui seraient utilisées dans l’éventualité d’une attaque. »). Donc, dans un avenir prévisible, attendez-vous à ce que le déni collectif continue.
« Quand vous avez la tête dans le sable, votre cul est à l’air »
Et pourtant, la réalité existe. Peu importe comment les propagandistes américains ont essayé de la détourner, de la dissimuler ou de la rejeter, quelque chose de très fondamental a changé pour les États-Unis. Un des éléments de réalité qui, avec le temps, commencera à s’infiltrer lentement dans les esprits de la population américaine est que leur « patrie » chérie et eux-mêmes sont maintenant personnellement et directement menacés. En effet, pour la première fois dans l’histoire, les États-Unis sont visés par des armes conventionnelles puissantes qui peuvent atteindre n’importe quelle cible à l’intérieur de leur territoire. Non seulement cela, mais contrairement aux bons vieux ICBM d’autrefois, le lancement de systèmes d’armes, qui peuvent maintenant frapper partout aux États-Unis, les missiles de croisière, sont très difficiles à détecter et peuvent donner peu ou pas de temps de réaction à l’alerte. Nous connaissions déjà les missiles de croisière 3M-54 Kalibr et le KH-101/102 avec des portées de 2600 km et 5500 km (ou plus). Vladimir Poutine a maintenant annoncé que la Russie a aussi des missiles de croisière à propulsion nucléaire dont la portée est en principe infinie. Gardez à l’esprit que ces missiles sont très difficiles à détecter puisque leur lancement ne produit pas de signal thermique fort, ils volent sur la plus grande partie de leur trajectoire à des vitesses subsoniques (n’accélérant qu’à la fin), leur signature thermique est par conséquent très basse, leur forme offre une très faible surface aux radars et leurs trajectoires de vol peuvent être très basses (vol près du sol), ce qui les dissimule encore plus. Le meilleur de tout est qu’ils peuvent être lancés depuis un conteneur commercial normal. Jetez un coup d’œil sur cette vidéo de propagande qui montre comment de tels missiles pourraient être dissimulés, déployés et utilisés.
Ce que Poutine vient d’ajouter officiellement à cet arsenal, c’est des missiles de croisière avec une portée infinie qui pourraient, théoriquement, détruire un poste de commandement dans, disons, le Midwest américain, tout en étant tirés du sud de l’océan Indien ou de la mer de Tasmanie. Encore mieux, la plate-forme de lancement ne doit pas nécessairement être un navire de la Marine russe, mais pourrait être n’importe quel bateau commercial (cargo, chalutier, etc.) même un navire de croisière. Les avions de transport lourd russes pourraient aussi livrer de tels « conteneurs » n’importe où en Afrique, ou même en Antarctique et frapper le centre de la ville d’Omaha à partir de là avec une ogive conventionnelle ou nucléaire. C’est aussi un élément qui change fondamentalement la donne.
Inversement, on peut penser que la nouvelle torpille nucléaire est une sorte de « missile de croisière sous-marin » avec des capacités similaires contre les navires de surface ou les installations côtières. À part que ce « missile de croisière sous-marin » pourrait naviguer sous la calotte polaire. Il va sans dire que tous ces missiles de croisière peuvent, si nécessaire, être armés d’ogives nucléaires.
Mais ce n’est pas seulement le continent américain qui est maintenant visé. Toutes les installations militaires dans le monde peuvent être attaquées en ne laissant aux États-Unis que très peu de temps pour réagir, ou pas du tout.
Il n’est pas exagéré de dire que c’est un changement radical, une révolution même, dans la guerre moderne. Je déteste l’admettre mais c’est aussi un développement indésirable du point de vue de la stabilité (dissuasion) de la première frappe car cela place une bonne partie de la triade nucléaire [terre, mer, air] américaine en danger, ainsi que presque tous les sites militaires et conventionnels américains vitaux. Cela dit, il faut placer tout le blâme de cette situation sur les politiques arrogantes et irresponsables des États-Unis depuis leur retrait désastreux du Traité ABM en 2002. En outre, je suis convaincu que les Russes seront heureux de s’asseoir à une table avec les Américains et d’explorer tous les moyens raisonnables d’arriver à un accord mutuel pour restaurer la stabilité de la première frappe entre leurs deux pays. Personne, à part les dirigeants corrompus du complexe militaro-industriel américain bien entendu, n’a besoin d’une course aux armements entre la Russie et les États-Unis ni des énormes coûts associés à une telle entreprise. Mais puisque cette course aux armements se poursuivra probablement – comme je l’ai dit plus haut, les néocons doublent toujours la mise, la Russie a un immense avantage dans cette course, pour deux raisons principales.
1) Contrairement à la Russie, les États-Unis refuseront catégoriquement, pour d’idiotes raisons de prestige, de réduire leurs programmes d’approvisionnement – centrés sur les ABM et les porte-avions – et tous les fonds affectés à la lutte contre les capacités russes seront dépensés en plus et non pas à la place de ces programmes inutiles et désuets. La Russie, en revanche, dépensera son argent pour des programmes qui font une réelle différence.
2) Les États-Unis sont aujourd’hui très en retard dans de nombreux domaines essentiels qui ont tous de longs cycles de développement. Franchement, je ne peux même pas commencer à imaginer comment les États-Unis vont se sortir de ces désastres conceptuels que sont le navire de combat côtier (LCS) ou, le pire de tous, le F-35. Comme la Russie dans les années 1990, les États-Unis sont, en ce moment, dirigés par des lâches corrompus et incompétents qui n’ont simplement pas les moyens de s’engager dans une réforme militaire véritable et sensée. Résultat, les forces armées américaines souffrent de problèmes qui ne feront qu’empirer avant de s’améliorer à nouveau. Pour l’instant, la différence entre la Russie de Poutine et les États-Unis de Trump est aussi simple qu’elle est frappante : la Russie dépense son argent pour la défense, les États-Unis pour enrichir des politiciens et des hommes d’affaires corrompus. Avec cet ensemble de paramètres, les États-Unis n’ont aucune chance dans une course aux armements, quel que soit le talent et le patriotisme des ingénieurs ou des soldats américains.
La Russie et les États-Unis sont DÉJÀ en guerre, et c’est la Russie qui gagne
La Russie et les États-Unis sont en guerre depuis au moins 2014 (j’ai averti de cela cette année-là, puis année après année). Jusqu’ici, cette guerre a été environ 80% informationnelle, 15% économique et 5% militaire. Mais cela pourrait très bien changer, et très subitement. La Russie s’est donc lancée dans un énorme effort pour se préparer à la fois à une attaque conventionnelle et à une attaque nucléaire de l’Empire anglosioniste. Voici quelques-unes des mesures prises dans ce contexte (la liste n’est pas exhaustive !).
En réponse à la menace conventionnelle de l’OTAN venant de l’Ouest :
- Poutine a ordonné la re-création de la 1re armée blindée de la Garde. Cet armée blindée comprendra deux divisions de chars, les meilleures de l’armée russe : la seconde division blindée motorisée Tamanskaya et la quatrième division de chars Kantemirovskaya, et un total de plus de 500 chars T-14 Armata. Cette armée de blindés sera soutenue par la 20e armée interarmes de la Garde (en cours de mise en place). Ce sera ce qu’on appelait une « armée de choc » pendant la Seconde Guerre mondiale ;
- Le déploiement du système de missiles tactiques opérationnels (terminé) ;
- Le doublement de la taille des forces aéroportées russes pour les faire passer de 36 000 à 72 000 (en cours) ;
- La création d’une Garde nationale qui comprendra des troupes du ministère de l’Intérieur (environ 170 000 soldats) ; du personnel du ministère des Situations d’urgence ; des forces de la police anti-émeute OMON (environ 40 000 soldats) ; les forces de réaction rapide SOBR (plus de 5000 soldats) ; le Centre spéciale pour les Forces de réaction opérationnelles et de l’aviation du ministère de l’Intérieur ; y compris les unités des Forces spéciales « Zubr », « Rys » et « Iastreb » (plus de 700 opérateurs) pour un total d’environ 250 000 soldats, qui atteindra probablement 300 000 hommes dans un proche avenir ;
- L’acquisition et le déploiement d’avions de chasse et d’intercepteurs de suprématie aérienne multi-rôle avancés (MiG-31BM, Su-30SM, Su-35S et, bientôt, MiG-35 et Su-57) ;
- Déploiement de systèmes de défense aérienne S-400 et S-500 ainsi que de radars à très longue portée ;
- Adoption d’environ 70% de nouveaux systèmes dans l’ensemble des forces armées.
En réponse à l’« encerclement » de la Russie par des missiles des États-Unis
- Déploiement de l’ICBM RS-28 Sarmat avec des véhicules de rentrée hypersoniques manœuvrables ;
- Déploiement de missiles de croisières à très longue portée chargés d’armes conventionnelles ;
- Déploiement d’un missile de croisière à propulsion nucléaire à portée pratiquement illimitée ;
- Déploiement d’un sous-marin à propulsion nucléaire sans équipage, avec portée intercontinentale, très grande vitesse, propulsion silencieuse et capable de se déplacer à de grandes profondeurs ;
- Déploiement du missile hypersonique Mach 10 Kinzhal avec une portée de 2000 kilomètres ;
- Déploiement d’un nouveau missile stratégique Avangard capacité de vitesse jusqu’à Mach 20.
Cette liste est loin d’être exhaustive, il y manque beaucoup de choses, dont les nouveaux sous-marins (propulsion anaérobie, diesel-électriques conventionnels, attaque nucléaire et SSBN) avions d’assaut, nouveaux véhicules blindés de divers types, nouvel équipement militaire individuel avancé (high tech), nouveaux systèmes d’artillerie, etc., etc. Mais l’élément de loin le plus important dans la capacité russe de faire face et, si nécessaire, de repousser toute agression occidentale est le moral, la discipline, la formation et la détermination des soldats russes (si puissamment illustrés par plusieurs exemples récents en Syrie). Disons simplement qu’en comparaison, les soldats américains et européens (ou leurs commandants, d’ailleurs) ne font pas vraiment impression, arrêtons là.
Si vis pacem, para bellum
La réalité est, bien sûr, que personne en Russie ne planifie une guerre, n’a besoin d’une guerre ou n’en veut une. En fait, la Russie en tant que pays a beaucoup plus besoin d’années de paix – même relative. Tout d’abord parce que le temps est évidemment du côté de la Russie et que l’équilibre militaire avec les États-Unis évolue rapidement en sa faveur. Mais, non moins important, il y a le fait que, contrairement aux États-Unis qui aspirent aux conflits, aux guerres et au chaos, la Russie a cruellement besoin de paix pour traiter ses très nombreux problèmes internes, qui ont été négligés pendant beaucoup trop longtemps. Le problème est que tout le système politique et économique des États-Unis dépend d’un état de guerre permanent. Cela, joint à une arrogance impériale stimulée par une russophobie de plus en plus véhémente, est un mélange puissant et potentiellement dangereux qui ne laisse pas d’autre choix à la Russie que de « montrer les crocs » et de s’engager elle aussi dans quelques moulinets de sabre. Le discours de Poutine suffira-t-il pour réveiller les élites dirigeantes de l’Empire de leur sommeil délirant ?
Probablement pas. En fait, à court terme, il pourrait avoir l’effet contraire.
Vous souvenez-vous du détournement de l’attaque projetée par Obama contre la Syrie ? La réaction américaine a été de déclencher le Maïdan. Malheureusement, je m’attends à ce que quelque chose de très semblable se produise bientôt, très probablement sous la forme d’une attaque ukronazie à grande échelle contre le Donbass ce printemps ou pendant la Coupe du monde cet été. Bien sûr, quel que soit le résultat effectif d’une telle attaque (déjà analysée ici), cela n’influencera en aucune manière les rapports de forces entre la Russie et l’Empire. Mais ça fera du bien aux néocons qui aiment la vengeance sous toutes ses formes. Nous pouvons aussi nous attendre à d’autres provocations en Syrie (déjà analysé ici). Par conséquent et dans un avenir prévisible, les Russes devront poursuivre leur course actuelle, certes frustrante et même douloureuse, et maintenir une position relativement passive et évasive que l’Empire et ses sycophantes interpréteront comme prévu comme un signe de faiblesse. Laissons-les. Tant que dans le monde réel le pouvoir effectif (soft ou hard) de l’Empire continue à décliner, tant que le complexe militaro-industriel américain continue à brandir des systèmes d’armes extraordinairement chers mais militairement inutiles, tant que les politiciens américains sont occupés à accuser « l’ingérence russe » tout en ne faisant rien pour réformer leur propre économie et leur infrastructure en train de s’effondrer, tant que les États-Unis continuent à utiliser la planche à billet comme substitut à la richesse réelle et tant que les tensions socio-politiques internes aux États-Unis continuent à s’intensifier – le plan de Poutine fonctionnera.
La Russie doit continuer à suivre une voie très étroite : agir d’une manière suffisamment évasive pour éviter de provoquer une confrontation militaire directe avec le États-Unis tout en envoyant simultanément des signes suffisamment clairs pour empêcher les Américains d’interpréter l’attitude évasive des Russes comme un signe de faiblesse et faire, en conséquence, quelque chose de vraiment stupide. L’objectif final russe est simple et évident : parvenir à une désintégration progressive et pacifique de l’Empire anglosioniste conjuguée avec un remplacement progressif et pacifique du monde unipolaire – dirigé par une seule puissance hégémonique – par un monde multipolaire administré conjointement par des nations souveraines respectueuses du droit international. Par conséquent, tout issue catastrophique ou violence est hautement indésirable et doit être évitée autant que possible. La patience et la concentration seront beaucoup plus importantes dans cette guerre pour le futur de notre planète que les solutions faciles et le battage médiatique. Le « patient » doit revenir à la réalité pas à pas. Le discours du 1er mars de Poutine passera dans l’histoire comme un de ces pas, mais beaucoup d’autres seront nécessaires avant que le patient ne se réveille enfin.
The Saker
Cet article a été écrit pour Unz Review
Traduit par Diane, vérifié par jj, relu par Cat pour le Saker francophone
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