Par Matthew Ehret − Le 1er juin 2020 − Source Strategic Culture
Dans un récent article intitulé « L’Arctique de demain : théâtre de guerre ou coopération ? », j’ai présenté aux lecteurs le grand dessein américano-russe qui a façonné non seulement la vente de l’Alaska en octobre 1867 aux États-Unis pour 7,2 millions de dollars, mais aussi la participation de la Russie à la guerre civile américaine, le tsar Alexandre II ayant organisé le déploiement de flottes militaires russes à San Francisco et à New York.
Même si le Président Lincoln et le tsar Alexandre II étaient tous deux connus comme de grands réformateurs et émancipateurs pour leur engagement commun en faveur de la libération des esclaves et des serfs, les deux dirigeants ont été assassinés avant que leurs grandes visions ne puissent se concrétiser.
Dans cet article, je voudrais présenter un autre chapitre de cette histoire oubliée : la création du Canada moderne en tant que confédération conçue explicitement pour empêcher l’inévitable construction d’une liaison ferroviaire russo-américaine par le détroit de Béring au lendemain de la guerre de Sécession.
L’atout stratégique du tunnel du détroit de Béring dans l’histoire
Pour ceux qui ne le savent pas, le projet de tunnel ferroviaire du détroit de Béring est une idée vieille de 150 ans qui a été formulée par les alliés qu’étaient Lincoln et Alexandre II après la guerre civile américaine. Le grand projet initial était motivé par un plan visant à relier les lignes télégraphiques entre les continents, suivi peu après par une connexion du Transsibérien et des chemins de fer transcontinentaux américains à travers la Colombie-Britannique, l’Alaska et l’Eurasie, comme l’a exposé de façon remarquable l’ancien gouverneur du Colorado, William Gilpin, dans son livre de 1890 intitulé « The Cosmopolitan Railway ».
Faisant écho à l’initiative actuelle « Belt and Road » qui se développe rapidement pour devenir un pont terrestre mondial, M. Gilpin a décrit à quoi ce nouveau paradigme de la civilisation humaine était destiné :
« Les armes de la destruction mutuelle sont remisées, les passions sanguinaires sont contrôlées, une majorité de la famille humaine accepte les enseignements essentiels du christianisme DANS LA PRATIQUE… On découvre une place pour la vertu et la puissance industrielle. Les masses civilisées du monde se rencontrent, s’éclairent mutuellement et fraternisent pour reconstituer des relations humaines en harmonie avec la nature et avec Dieu. Le monde cesse d’être un camp militaire, élevé uniquement par les principes militaires de force arbitraire et de soumission abjecte. Une nouvelle organisation mondiale des relations humaines s’instaure à partir de ces immenses découvertes et événements simultanés » [The Cosmopolitan Railway p. 213].
L’idée du tunnel du détroit de Béring a été soutenue par le tsar Nicolas II qui, en 1906, a engagé une équipe d’ingénieurs américains pour mener des études de faisabilité sur cette initiative dont le coût était alors estimé à 350 millions de dollars.
Malheureusement, quelques guerres mondiales et une révolution désastreuse ont empêché ce projet de se réaliser comme prévu.
Cette idée a été relancée par le grand vice-Président de Franklin Delano Roosevelt, Henry Wallace, qui a longuement discuté du projet avec le Ministre russe des Affaires Étrangères, Molotov, en 1942. Lors de cette rencontre, Wallace déclara que « cela signifierait beaucoup pour la paix future s’il pouvait y avoir un lien tangible de ce genre entre l’esprit pionnier de notre propre Ouest et l’esprit frontalier de l’Est russe ».
Une fois de plus, la guerre froide a fait dérailler ce projet et ce n’est qu’en 2007 que le gouvernement russe l’a relancé, Poutine ayant même offert de payer les 2/3 du coût estimé à 65 milliards de dollars pour la construction du tunnel de 100 km à travers le détroit de Béring. Ce projet a été proposé à l’Ouest de manière plus médiatique en 2011 et en mai 2014, la Chine a officieusement donné son soutien à l’initiative. Malheureusement, les technocrates unipolaires et les néocons qui contrôlent la politique étrangère de l’OTAN n’ont pas eu la vision des avantages que de tels projets offraient à ceux qui se sont joints à sa construction, et ont plutôt poursuivi leur plan de jeu à somme nulle pour dominer toute la planète.
Avec l’inauguration en 2018 de la Route de la Soie polaire qui prolonge les corridors de développement est-ouest vers l’Arctique et qui ont de plus en plus fusionné avec l’Union économique eurasienne de la Russie et la vision nordique de Poutine, la connexion du détroit de Béring a retrouvé un nouveau souffle. Si les nations occidentales trouvent le courage de quitter le Titanic avant que ne s’achève le chaos résultant de l’effondrement financier à venir, alors les projets qui animent le nouveau paradigme multipolaire ressembleront sans doute beaucoup au concept de pont terrestre mondial illustré par l’Institut Schiller ci-dessous.
Le développement de l’Arctique reste l’une des meilleures opportunité stratégiques d’alliance et de coopération nécessaires pour réorganiser l’ordre économique mondial en phase d’effondrement, autour de principes fermes de coopération et de valeur multipolaire et, en tant que tel, il n’est pas trop différent de la dynamique qui façonnait le monde lorsque Lincoln est entré en fonction en 1860.
Le choc des deux systèmes au XIXe siècle
Henry C. Carey, conseiller économique de Lincoln et promoteur principal du système américain d’économie politique à l’international, a décrit ce conflit entre deux systèmes dans son ouvrage de 1851 intitulé « Harmony of Interests« :
« Deux systèmes se présentent au monde ; l’un cherche à augmenter la proportion de personnes et de capitaux engagés dans le commerce et le transport, et donc à diminuer la proportion engagée dans la production de marchandises avec lesquelles faire du commerce, avec nécessairement une diminution du rendement du travail de tous ; tandis que l’autre cherche à augmenter la proportion engagée dans le travail de production, et à diminuer celle engagée dans le commerce et le transport, avec un rendement accru pour tous, en donnant à l’ouvrier de bons salaires, et au propriétaire des profits des biens de capital… L’un cherche à augmenter le paupérisme, l’ignorance, le dépeuplement, et la barbarie ; l’autre à augmenter la richesse, le confort, l’intelligence, la combinaison d’action, et la civilisation. L’un regarde vers la guerre universelle ; l’autre vers la paix universelle. L’un est le système anglais ; l’autre, nous pouvons être fiers de l’appeler le système américain, car c’est le seul qui ait jamais été conçu et dont la tendance était d’élever tout en uniformisant la condition de l’homme dans le monde entier ».
Carey, tout comme Lord Palmerston pour l’Empire britannique, a clairement reconnu que l’Amérique n’avait pas achevé « la mission de 1776 » puisque non pas une mais deux Amériques existaient au sein de Washington : une Amérique positive représentant les principes anti-esclavagistes/anti-colonialistes de la Constitution de 1789 contre une autre puissance esclavagiste hypocrite qui n’a jamais cru que « tous les hommes ont été créés égaux ». Tout comme deux pulsions antithétiques ont existé en Amérique, deux visions opposées de la « Destinée Manifeste » ont coévolué depuis 1776 : une version infernale basée sur le « principe » du développement de l’esclavage et de l’élimination des faibles, tandis que l’autre, plus noble, était représentée par les esprits de Lincoln, Carey et Gilpin, illustrés ci-dessus.
Cette contradiction fatale au sein de la République a été exploitée consciencieusement par les services de renseignement anglo-américains pendant 80 ans avant que l’inévitable guerre civile n’éclate enfin en 1861.
Le président Lincoln a défini les termes de cette contradiction et de cette guerre immanente lors d’un débat en 1858 avec le champion du pouvoir esclavagiste, Stephen Douglas, qui a déclaré :
« C’est la question qui se posera encore dans ce pays lorsque le juge Douglas et moi-même nous tairons. C’est la lutte éternelle entre ces deux principes – le bien et le mal – dans le monde entier. Ce sont les deux principes qui se sont trouvés face à face depuis le début de l’humanité et qui continueront à se battre. L’un est le droit commun de l’humanité et l’autre le droit divin des rois ».
Cette citation est importante car elle traite du fait que Lincoln a correctement reconnu le lien inextricable entre l’institution de l’esclavage – même lorsqu’il se dissimulait sous un vernis républicain – et les principes monarchiques du colonialisme qui voyaient le droit de l’humanité à gouverner défini non pas par la morale ou le mérite mais plutôt par les « principes » du droit héréditaire.
Le décor est planté pour une bataille oubliée
La plupart des gens informés savent maintenant que l’intervention de la Russie dans la guerre civile en 1863 a marqué un tournant qui a empêché les forces impérialistes britanniques et françaises d’entrer en guerre militairement aux côtés des rebelles du Sud. Ce qui n’est pas si bien établi, c’est que la grande stratégie russe et américaine visant à relier les continents par le rail ne s’est pas déroulée comme prévu après la vente de l’Alaska.
Plusieurs facteurs convergents sont en jeu durant la période 1865-1867, ce qui a représenté un défi majeur pour les stratèges de l’Empire britannique en voie d’affaiblissement :
La nécessité de confédérer les territoires britanniques en Amérique du Nord comme possession de l’Empire au lieu de les laisser devenir des nations indépendantes ou de les annexer à la république de Lincoln.
Si cette première tâche pouvait être accomplie en évinçant les forces pro-Lincoln du pouvoir politique canadien et en tuant Lincoln, la tâche suivante consistait à transférer les vastes territoires privés appartenant à la Compagnie de la Baie d’Hudson qui séparent les colonies de l’Est du seul avant-poste occidental de la Colombie-Britannique sur le Pacifique. La majeure partie du Canada durant cette période d’avant 1867 était constituée de terres privées de la baie d’Hudson, comme c’était le cas depuis sa charte agréée en 1670 par le Prince Rupert.
Si ce transfert des possessions de la baie d’Hudson aux mains du gouvernement fédéral pouvait être réalisée, il faudrait alors encore persuader d’une manière ou d’une autre les sujets férocement indépendants de la Colombie-Britannique de se joindre à la Confédération. Ce n’était pas une tâche facile car la grande majorité était favorable à l’annexion aux États-Unis en raison du désespoir économique de leur colonie causé par l’effondrement des bulles spéculatives créées par la ruée vers l’or en 1858 et l’isolement total des autres colonies britanniques américaines.
La Confédération anti-Union qui a réussi
Le 1er juillet 1867, l’Acte de l’Amérique du Nord britannique a été promulgué, consolidant ainsi l’« autre » opération anti-Confédération américaine de la Grande-Bretagne. Elle s’est inscrite dans le cadre d’une nouvelle Constitution consacrant le principe de la nouvelle fédération de favoriser « le Bien-Être des Provinces et à promouvoir les intérêts de l’Empire britannique ».
Il faut garder à l’esprit que le projet de confédération a en fait débuté pendant la guerre de Sécession sous la forme d’une orgie d’une semaine, bien arrosée, à l’occasion de la convention de Charlottetown de 1864 qui a martelé les résolutions qui ont ensuite été promulguées en 1867.
Certains se sont demandé pourquoi, quelques jours avant la promulgation du 1er juillet 1867, le futur Président de la Confédération, Jefferson Davis, a prononcé un discours devant des foules enthousiastes à Lennoxville, au Québec, dans lequel il a déclaré « J’espère que vous vous en tiendrez aux [à vos] principes britanniques et que vous vous efforcerez un jour de cultiver des liens étroits et affectueux avec la mère patrie ».
Cet enthousiasme pro-britannique de la part d’un traître confédéré au Québec ne devrait pas être surprenant du tout si l’on tient compte du fait que Montréal et Toronto ont servi de bases d’opérations à la Confédération du Sud, et utilisées avec le plein appui de l’Empire britannique pour mener des opérations terroristes, des raids, de l’espionnage et le financement de la guerre contre les forces de Lincoln depuis le Nord , alors que le Canada maintenait « officiellement » une posture de neutralité. Même l’assassin de Lincoln, John Wilkes Boothe, a été démasqué comme envoyé par Montréal pour tuer Lincoln, les enquêteurs découvrant un chèque de 500 dollars au milieu de ses biens, chèque signé personnellement par nul autre que le président de la Banque de l’Ontario, Henry Starnes, qui deviendra plus tard maire de Montréal.
Comme l’a écrit Barry Sheehy dans « Montréal : City of Secrets », pendant la guerre civile, « la plus grande base des services secrets confédérés en dehors de Richmond était située à Montréal » sous le contrôle direct du Secrétaire d’État confédéré Judah Benjamin – lui-même un agent des services de renseignements britanniques.
Tout comme les oligarques exilés de Russie et de Hong Kong et les traîtres des temps modernes, Jefferson Davis, Judah Benjamin et de nombreux autres rebelles confédérés ont vécu dans le confort, tant au Canada qu’en Grande-Bretagne, Benjamin a officié comme avocat anglais à Londres de 1865 à sa mort en 1884.
La vente de l’Alaska et la ruée vers la Colombie-Britannique
Le 30 mars 1867, l’Empire britannique a été pris au dépourvu par la nouvelle que les possessions russes de l’Alaska avaient été vendues à l’Amérique pour 7,2 millions de dollars dans le cadre d’un arrangement diplomatique secret que le Secrétaire d’État William Seward a décrit comme l’affaire la plus importante de sa vie.
La vente avait soudainement isolé la colonie de la Colombie-Britannique très prisée en matière d’immobilier. Lors de cet achat de 1867, le chemin de fer Trans Continental de Lincoln, commencé en 1863 au plus fort de la guerre civile, n’était plus qu’à deux ans de son achèvement, reliant le Pacifique à l’Atlantique pour la première fois de l’histoire et détruisant ainsi le monopole britannique sur les routes maritimes.
Avec les scrutateurs du programme de Lincoln, membres de l’intelligentsia russe, dirigée par le comte Sergei Witte et Dimitri Mendeleyev, la construction du chemin de fer transsibérien sur le modèle américain, et en grande partie construit par les Américains, n’était pas très éloignée, et la liaison ferroviaire entre les deux continents était considérée comme une possibilité concrète par les visionnaires républicains du monde entier.
Les chances que la Colombie-Britannique rejoigne la confédération étaient minuscules à cette époque, car cette colonie en faillite n’avait aucun lien commercial avec la Grande-Bretagne, la confédération étant située à 3 500 km de là. En fait, le 2 juillet 1867, la première de plusieurs pétitions fut envoyée à la Reine Victoria, demandant que le fardeau de la dette et les malheurs économiques de la colonie soient allégés par la mère patrie ou que la Reine leur accorde la permission de s’annexer aux États-Unis !
À cette époque, le consul américain auprès de Victoria, Allen Francis, écrivit une lettre au Président dans laquelle il déclarait:
Même les colons qui se disent les plus loyaux envers la Reine, demandent maintenant à l’unanimité l’annexion aux États-Unis comme leur seul salut – comme le seul moyen de sortir les colonies de leur déconfiture et de leur déclin actuels.
Le Colonialist Newspaper de Colombie-Britannique a décrit la situation dans les termes suivants :
« Comme aucun changement ne serait pour le pire, ils (les Britanno-Colombiens) accueilleraient favorablement une annexion aux États-Unis pour continuer à vivre dans la pauvreté et la misère. En écrivant cela, nous savons que nous exprimons l’opinion de 9 hommes sur 10 dans la colonie… ce sentiment est entendu à chaque coin de rue – lors des réunions sociales, dans les milieux d’affaires – partout ».
Le 18 juillet 1868, les territoires de la baie d’Hudson, alias la Terre de Rupert, ont été vendus à Ottawa dans le cadre d’une opération dirigée par Sir Georges Étienne Cartier qui a déclaré « dans ce pays, nous devons avoir une forme de gouvernement distincte dans laquelle l’esprit monarchique se retrouvera ».
L’esprit monarchique de Cartier se reflète dans les principaux pères de la confédération canadienne, comme Sir John A. Macdonald, qui a déclaré : « Je suis né britannique et je mourrai britannique » et qui, en 1867, a regardé les vastes étendues sauvages à l’ouest de Toronto en disant « Je serais tout à fait disposé, personnellement, à laisser le pays entier à l’état sauvage pendant le prochain demi-siècle, mais je crains que si les Anglais n’y vont pas, les Yankees le feront. »
Le 22 mai 1867, le Père de la Confédération, Sir Alexander Galt, a énoncé la politique britannique d’expansion vers l’ouest (pour bloquer la connexion entre la Russie et les États-Unis) en disant « Si les États-Unis souhaitent nous déborder à l’ouest, nous devons accepter la situation et mettre la main sur la Colombie-Britannique et l’océan Pacifique. Ce pays ne peut pas être entouré par les États-Unis – nous partirons si nous le voulons … « De l’Atlantique au Pacifique » doit être le cri de ralliement de l’Amérique britannique plus qu’il ne l’a jamais été aux États-Unis ».
Le dernier effort sérieux des Britanno-Colombiens pour rejoindre l’Amérique a été fait avec la pétition d’annexion de 1869 qui énumère les griefs de désespoir de la Colombie-Britannique envers l’Empire et fait appel au président Grant :
« Le seul remède aux maux qui nous assaillent, nous croyons être en union étroite avec les États et Territoires voisins, nous sommes déjà liés à eux par un ensemble de sujets et d’intérêts ; presque toutes nos relations commerciales sont avec eux ; ils fournissent les principaux marchés auxquels nous vendons les produits de nos mines, de nos terres et de nos lacs et rivières ; ils fournissent à la Colonie la plupart des besoins pour vivre ; ils nous fournissent le seul moyen de communication avec le monde extérieur… Pour ces raisons nous désirons ardemment l’ACQUISITION de cette Colonie par les États-Unis. »
Les revendications de l’Alabama
Le dernier grand espoir d’étendre le chemin de fer de Lincoln à travers la Colombie-Britannique jusqu’en Alaska à cette époque est né dans l’affaire Alabama Claims (1869-1871) qui a vu le premier procès mondial à Genève aborder la question du soutien militaire de la Grande-Bretagne à la Confédération pendant la guerre civile, reflétant l’ironie du récent soutien secret de l’Amérique aux rebelles syriens. La posture de neutralité de la Grande-Bretagne a été trahie par la construction de navires de guerre confédérés qui ont fait des ravages dans la marine de Lincoln. La Cour a statué en faveur de l’Amérique et la Grande-Bretagne a failli perdre ses biens canadiens en tant que dédommagement pour ses crimes, le Sénateur Charles Sumner et le Secrétaire Seward ont tous deux préconisé cette solution, mais in fine le règlement d’un montant bien inférieur de 15 millions de dollars payable en 1872 a été accepté pour solde de tout compte.
Avec ces échecs pour saisir le bon rythme, l’effort pour intégrer la Colombie-Britannique à la Confédération du nord de Londres s’est accéléré.
Les négociations d’Ottawa commencèrent le 7 juin 1870 et en quelques semaines, presque toutes les résolutions et clauses furent acceptées. Les deux plus grands obstacles à l’entrée de la Colombie-Britannique dans la Confédération furent réglés par le paiement de toutes les dettes de la colonie par Ottawa et la promesse faite par Sir Macdonald de construire une ligne de chemin de fer reliant la nouvelle province à Montréal et au Québec « dans les dix ans ». Cette ligne ferroviaire promise était nécessaire pour saboter le but de la politique américaine contenue dans la Destinée Manifeste.
L’Empire contre-attaque
Une fois ces dispositions convenues – parallèlement à des dispositions similaires dans l’ancienne colonie de la rivière Rouge, dans l’actuel Manitoba – la Colombie-Britannique a été admise dans la Confédération en tant que sixième province canadienne. Dans les décennies qui suivirent, alors que le Canada s’ouvrait à la mise en place d’un blocus de la Confédération du Nord américaine – blocus sous contrôle britannique, et destiné à contrer la volonté d’établissement d’un État-nation souverain par les États-Unis – , le Saskatchewan et l’Alberta furent constitués en tant que provinces où il n’y avait auparavant que des terres de la baie d’Hudson. L’absence de progrès sur le chemin de fer canadien en 1878 avait provoqué un nouveau désenchantement de la part des habitants de la Colombie-britannique qui réclamaient une fois de plus l’annexion aux États-Unis, ce qui a donné lieu à la « Politique nationale de 1878-1885 » de Sir John A. Macdonald, qui a obligé le Canada à construire son propre chemin de fer transcontinental, les premiers wagons sont arrivés de Montréal à Port Moody, en Colombie-Britannique, le 4 juillet 1885.
Au moment de l’Exposition du Centenaire de 1876 à Philadelphie, le système américain d’économie politique avait entraîné une grande explosion de richesse aux États-Unis et était devenu un modèle pour l’ensemble du monde civilisé cherchant à se libérer de l’hégémonie coloniale britannique.
La conversion au Système américain a été promue par tous les amoureux du progrès du monde entier qui sont venus à la Convention. L’Allemagne du chancelier Otto von Bismarck a appliqué avec vigueur les pratiques du système américain, à savoir des tarifs douaniers élevés et de vastes améliorations internes dans son Zollverein [Union douanière]. Les tsars Alexandre II et III et leur proche entourage de conseillers russes appliquèrent le modèle américain pour la modernisation de la Russie organisée autour du Transsibérien. Même le Japon sous la Restauration Meiji a appliqué le modèle américain pour échapper à la féodalité et entrer dans l’ère moderne.
Malheureusement, une ère de révolutions, d’assassinats et de guerres financés par Londres a mal orienté les années 1880, 1890 et le XXe siècle, empêchant ce système de coopération gagnant-gagnant de se développer comme il devait le faire.
Aujourd’hui, le monde est à nouveau mené par deux systèmes opposés représentés par les alliés internationaux de Lincoln d’une part et les services de renseignement britanniques d’autre part… bien que les champions actuels du monde multipolaire de la coopération portent des noms comme Xi Jinping et Poutine. Ces hommes d’État eurasiens ont inauguré un nouveau système de crédit, de diplomatie, de sécurité, de politique économique et scientifique régi par les meilleurs principes affichés par le système américain du XIXe siècle. Il est vrai qu’ils ont parfois été ravivés, bien que brièvement seulement, sous la direction de dirigeants du XXe siècle tels que Franklin Roosevelt et John F. Kennedy.
Reste à savoir si les nations occidentales ont la vigueur morale pour retrouver leurs traditions perdues et se joindre à ce nouveau paradigme … ou pas.
Traduit par Michel, relu par jj pour le Saker Francophone