Ce que vous devez savoir sur AIIB, la nouvelle banque chinoise


Par James Corbett – Le 25 mars, 2015 – Source TheInternationalForecaster

Les agences d’informations économiques ont tellement évoqué l’AIIB ces deux dernières semaines que l’individu moyen peut être excusé de ne pas savoir ce qu’est l’AIIB, ou la raison pour laquelle cette histoire reçoit autant d’attention. N’ayez crainte, le Corbett Report est là pour recomposer le puzzle.

Qu’est ce que c’est?

L’AIIB est la Asian Infrastucture Investment Bank [Banque asiatique d’investissement en infrastructures, NdT], une nouvelle banque de développement proposée par Xi Jinping lors d’un discours au parlement indonésien en octobre 2013. A cette époque, Xi avait expliqué que «pour soutenir le processus d’interconnexion et d’intégration du développement économique de la région, la Chine à proposé de construire la Banque asiatique d’investissement en infrastructures et de fournir un soutien financier au développement d’infrastructures dans les pays en développement de la région».

La banque a été formellement établie le 24 octobre 2014, lors d’une cérémonie à Pékin, où les 21 membres fondateurs ont signé la charte. Les négociations sur les articles de l’accord se poursuivent et devraient être terminées avant la fin de l’année. Il est prévu que la banque soit capitalisée entre $50 et $100 milliards, l’essentiel étant fourni par la Chine.

Qui sont-ils?

Les membres fondateurs de la banque sont la Chine (évidemment), l’Inde, la Thaïlande, la Malaisie, Singapour, les Philippines, le Pakistan, le Bangladesh, le Sultanat de Brunei, le Cambodge, le Kazakhstan, le Koweït, le Laos, Myanmar, la Mongolie, le Népal, Oman, le Qatar, le Sri Lanka, l’Ouzbékistan et le Vietnam. Depuis lors, treize membres supplémentaires ont rejoint la banque; ceux qui sont peut être les plus remarquables sont le Royaume-Uni, la France, l’Allemagne et l’Italie, tout comme la Nouvelle Zélande. L’Australie, la Corée du Sud et Taïwan envisagent actuellement de s’y joindre, en dépit des admonestations publiques bien relayées des États-Unis envers leurs alliés, faisant savoir que rejoindre la banque équivaut à «une complaisance envers la Chine, ce qui n’est pas la meilleure façon d’engager une puissance montante».

[Depuis la date à laquelle cet article a été écrit, la Russie a rejoint le groupe, NdT]

Bien entendu, c’était avant que le barrage ne soit levé et que le FMI, la Banque Mondiale et la Banque de Développement Asiatique ne soutiennent l’AIIB. Le ton à Washington a maintenant significativement changé et le sous-secrétaire au Trésor chargé des Affaires internationales, Nathan Sheets à déclaré : «Les États-Unis accueillent favorablement les nouvelles institutions multilatérales qui renforcent l’architecture financière internationale.»

cela ne s’est-il pas Déjà passé l’été dernier?

Les dirigeants ont lancé la Nouvelle banque de développement durant le sommet des BRICS en 2014

Non, il s’agissait de la création d’une «Nouvelle Banque de développement(NDB)» des BRICS, annoncée durant le sixième sommet des BRICS au Brésil. La NDB est maintenant mise en veilleuse alors que la Chine soutient l’AIIB, qui est plus directement sous son influence, laissant l’Inde et d’autres partenaires des BRICS s’interroger sur l’intérêt que la Chine porte encore à la NDB.

Que va faire la Banque AIIB?

En tant que banque de développement, l’AIIB va financer le développement d’infrastructures et investira dans des projets qui doivent contribuer au développement économique de la région asiatique. En 2009, un rapport annexe de la Banque Asiatique de développement, estimait qu’il faudrait entre $8 et $13 trillions (mille milliards) d’investissement durant la décennie à venir, afin d’assurer son développement économique.

Plusieurs voisins de la Chine, alliés et partenaires en Asie, ont besoin d’investissement massifs en matière d’infrastructures de base, comme des systèmes d’électrification fiables, un accès à l’eau potable, des usines de traitement des eaux usées et des moyens de transport. L’AIIB, avec son capital déclaré de $50 milliards, ne sera, de toute évidence, qu’une goutte d’eau dans l’ensemble des investissements nécessaires, mais on s’attend à ce que cela fasse une différence notable dans la région.

Pourquoi la Chine fait-elle cela?

Des ingénieurs chinois coordonnent un travail en Angola.

Bien entendu, comme les récipiendaires de l’aide du FMI et de la Banque Mondiale l’ont appris il y a longtemps, l’idée d’infrastructures de développement n’est pas aussi politiquement neutre qu’il y paraît. La volonté de la Chine de convertir certaines de ses réserves de devises étrangères excédentaires en capital politique international et en soft power est compréhensible, mais elle a dû, depuis longtemps, faire face à un problème: comment le faire d’une façon qui n’invite pas à la comparaison avec les procédés utilisés par l’empire étasunien depuis 70 ans? Ces dernières années, la Chine a de plus en plus été perçue avec scepticisme et inquiétude par nombre de ses partenaires Asiatiques.

L’AIIB pourrait bien être l’outil parfait pour la Chine; elle pourra placer son argent sans le risque d’être soupçonnée d’intrusion dans les affaires des autres nations. Dans la mesure où elle aura un poids déterminant au sein de l’AIIB, la Chine sera capable de diriger l’argent vers des investissements (comme aider le Laos à construire la partie finale de sa voie de chemin de fer Kunming–Singapour) qui bénéficient directement à la Chine, tant économiquement que politiquement, tout cela au titre du développement. Il va aussi probablement contribuer à l’internationalisation de sa monnaie, le RMB (renminbi-yuan), ce qui semble être la priorité numéro un de la Chine dans la course à la révision des quotas du panier de la monnaie de réserve au sein du FMI, cette année.

Quel est donc le problème?

Que la Chine soit une puissance en expansion est un fait indéniable. Les États-Unis sont en déclin. Les organisations comme le FMI, qui sont conduites par les États-Unis, ne reflètent plus le véritable équilibre des force économiques de la planète. Les États-Unis sont inquiets de la montée en puissance de contre-institutions comme les BRICS, l’AIIB, etc.

Mais qu’est-ce que tout cela signifie? II y a trois perspectives possibles dans cette affaire.

La première est le paradigme essentiel des Occidentaux. Celui-ci veut que les États-Unis soient la principale force de paix et de stabilité [humour noir???, NdT], la montée en puissance de la Chine est donc inquiétante. Dans cette vision, la Chine et ses partenaires économiques, avant tout la Russie, sont des menaces existentielles qui nécessitent d’être contenues, par la coopération ou la confrontation.

La seconde est la perspective des médias alternatifs. En gros, il s’agit de l’idée que les États-Unis et leurs alliés constituent la principale force nihiliste de destruction et de mise en esclavage économique de la planète. Par conséquent, la montée en puissance de la Chine, ainsi que la naissance d’une structure multilatérale conduite par les BRICS, doit d’être saluée. Selon cette perspective, toute opposition structurée, d’où qu’elle vienne et sans exclusive, à la politique du bloc de l’Otan ou à sa capacité à agir de façon hégémonique, est une bonne chose.

 

Le criminel de guerre Kissinger participait au Forum sur le développement économique en Chine la semaine dernière.

Il reste ma perspective. Tout d’abord, je m’interroge sur la raison et la façon dont la Chine à été autorisée (ou plus justement, activement encouragée) à atteindre le statut de puissance émergente, par les mêmes faiseurs de rois et oligarques qui ont présidé à l’ère de la Pax Americana. Je considère la montée en puissance et l’influence de régimes oppressifs et tyranniques comme un désastre absolu, que se soit la tyrannie de l’Otan ou celle de l’avortement forcé, la politique de l’enfant unique, la censure totale d’internet, la dictature du parti littéralement unique, du Parti communiste chinois. Je vois aussi la montée d’une structure alternative de gouvernance mondiale (et en fait, une partie du plan pour créer une dialectique dans laquelle, le gouvernement mondial est la seule synthèse possible).

J’en dirai plus dans le podcast du Corbett Report qui devrait être publié ultérieurement cette semaine. Pendant ce temps, gardez votre attention à l’histoire de l’AIIB. Il s’agit là d’une de ces histoires souterraines qui vous permettent de bien mieux discerner la géopolitique qu’une simple histoire de banque de développement.

Traduit par Lionel, relu par jj pour le Saker Francophone

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