Par Andrew Korybko – Le 11 mai 2019 – Source eurasiafuture.com
La plupart des médias internationaux mentionnent l’attentat de samedi qui a touché l’hôtel Pearl Continental de Gwadar comme ayant été mené par des « hommes armés » ou des « militants », alors qu’il s’agit bel et bien de terroristes ; la BBC signale qu’ils ont choisi leur cible pour tuer des investisseurs chinois et d’autres nationalités.
On assiste ici de nouveau à une pratique du « deux poids, deux mesures » où les attentats terroristes « politiquement corrects » se voient qualifiés en « fusillades » ou en « actes militants », et les actions de résistance « non politiquement correctes » sont dénommées « terrorisme ».
Plusieurs terroristes ont essayé de débarquer dans l’hôtel Pearl Continental, dans le port de Gwadar, terminus du Couloir économique Chine-Pakistan (CPEC) samedi après-midi, mais une tragédie de grande ampleur a heureusement pu être évitée, les services de sécurité ayant réussi à évacuer presque tous les clients. La BBC indique que l’« Armée de Libération du Baloutchistan » (ALB) a revendiqué la responsabilité de l’attentat, et cité l’organisation décrivant sa volonté de « cibler les investisseurs chinois et d’autres pays ». L’incident constitue un acte de terrorisme patent, à l’image des attaques très dévastatrices qui ont été menées le mois dernier contre plusieurs hôtels et églises au Sri Lanka, mais les médias internationaux font usage de leur « deux poids, deux mesures » habituel : la plupart d’entre eux décrivent les assaillants comme des « hommes en arme » ou des « militants », et ne les nomment pas pour ce qu’ils sont de fait : des terroristes.
La raison en est simple : cet attentat terroriste est « politiquement utile » aux USA et à l’Inde, du fait qu’il s’en est pris à des civils chinois et à des infrastructures dans le cadre de la Guerre hybride contre le CPEC ; et les deux pays alliés s’appliquent ensemble à appliquer une pression impressionnante sur l’espace médiatique mondial. L’objectif de l’attentat est évident : enrayer les investissements et les visites de la part d’investisseurs étrangers dans ce port, qui tient une place géostratégique très importante dans l’État pivot mondial qu’est devenu le Pakistan. Il s’agit également de déclencher une sur-réaction de la part des services de sécurité contre les Baloutches locaux ; on pourra plus tard ré-utiliser ces faits dans une campagne de fake news, à l’instar de celle qui est menée contre le Xinjiang, où les mêmes médias n’hésitent pas à propager des histoires de « camps de concentrations » et d’« épuration culturelle » ; et ces campagnes pourraient constituer le terreau préparatoire à la mise en œuvre de sanctions pour « raisons humanitaires ». Bien sûr, tout ceci se verrait réalisé en parallèle de la Guerre hybride à deux niveaux ciblant le Pakistan, prétendant que le pays ne connaît aucune menace terroriste d’aucune sorte, et que toute forme d’opposition à l’État – y compris si elle est armée et s’en prend à des civils – est « légitime », surtout si elle est menée par les minorités Pachtoune ou Baloutche.
Et le revers de la médaille, c’est que les actions de résistance « non politiquement utiles », comme les actions des Cachemires et des Palestiniens contre leurs occupants respectifs Indiens et « Israéliens » (ce n’est pas une coïncidence que ces deux pays soient entrés dans un partenariat militaro-stratégique et constituent tous les deux des alliés des USA) se voient qualifiées de « terrorisme », malgré le fait qu’elles ne ciblent que des soldats et des unités para-militaires. Autre pratique du « deux poids, deux mesures », la tradition des médias internationaux de faire l’éloge des principales économies mondiales qui investissent dans les régions sous-développées du « Grand sud », mais qui affublent de « légitimité » la croisade terroriste de l’ALB contre les investissements des Routes de la soie chinoises au Baloutchistan Pakistanais, du fait que l’attentat sert aux desseins stratégiques étasuniens. Cela étant dit, c’est jusqu’aux consommateurs les moins avertis de ces médias d’informations qui doivent sentir qu’ils se font manipuler, avec la situation actuelle : les attentats terroristes du mois dernier contre les hôtels du Sri Lanka condamnés à l’unisson par le monde, face à l’attentat contre l’hôtel de Gwadar, totalement tenu sous silence.
Andrew Korybko est un analyste politique américain, établi à Moscou, spécialisé dans les relations entre la stratégie étasunienne en Afrique et en Eurasie, les nouvelles Routes de la soie chinoises, et la Guerre hybride.
Traduit par Vincent pour le Saker Francophone