Accords de Munich – Le dessous des cartes


Une vision historique du tristement célèbre accord de Münich qui nous permet de mieux comprendre pourquoi il fut signé par la France et l’Angleterre.

Goering à gauche qui rigole, Mussolini qui serre la main de Chamberlain à l’automne 1938 à Munich .AP photo/Hoffman


Par Ekaterina Blinova – Le 1er octobre 2015 – Source sputniknews

En signant les accords de Munich avec Adolf Hitler le 30 septembre 1938, les puissances européennes qu’étaient la France et l’Angleterre ont voulu passer ce message à l’Allemagne nazie : Engagez vous à l’est et l’on ne vous fera pas de mal, selon ce qu’a confié à Sputnik le professeur Grover Carr Furr de l’université d’État de Montclair.

L’accord de Munich, signé à l’aube du 30 septembre 1938 par la Grande-Bretagne, la France, l’Italie et l’Allemagne nazie (excluant l’URSS et la Tchécoslovaquie) a ouvert les portes à l’agression hitlérienne et entériné le début réel de la Seconde Guerre mondiale.

En vertu de cet accord, l’Allemagne a eu l’autorisation de saisir les parties septentrionales et occidentales de la Tchécoslovaquie, dénommées les Sudètes, qui étaient essentiellement habitées par des germanophones.

Dès le 19-20 mai, les forces militaires allemandes avaient commencé à se concentrer sur les frontières tchécoslovaques, entraînant une mobilisation partielle du pays. Les intentions d’Hitler étaient parfaitement claires pour les puissances européennes. Mais elles n’avaient aucune envie d’aider le gouvernement tchécoslovaque à faire face à l’évidente agression allemande.

L’accord de Munich a livré la Tchécoslovaquie à Hitler

Le 20 juillet, le ministre français des affaires étrangères, Georges Bonnet, a informé son homologue tchèque, Stefan Osuky, que la France ne fera pas la guerre pour les sudètes… Le gouvernement tchécoslovaque doit comprendre que la France, comme l’Angleterre, ne partiront pas en guerre. Il est important que les choses soient bien claires à ce sujet. (Voir Michael J. Carley : Seule l’URSS a les mains propres : la perspective soviet sur l’échec de la sécurité collective et l’effondrement de la Tchécoslovaquie, 1934-1938)

Le gouvernement tchèque a été littéralement forcé, par la France et l’Angleterre, à se soumettre.

Le 15 septembre, le premier ministre britannique, Neville Chamberlain, a rencontré Adolf Hitler à Berchtesgaden pour négocier la cession des territoires tchèques. Trois jours plus tard, une rencontre s’est tenue entre Hitler et le Premier ministre français Edouard Daladier sur le même sujet. Inutile de préciser qu’aucun représentant tchèque n’a été invité à la table des négociations.

Explication de l’expert américain en histoire soviétique, le professeur Grover Carr Furr à Sputnik :

«En vérité, l’accord de Munich provoqua ce que les menteurs prétendent être le fait du pacte Molotov-Ribbentrop, lequel, pour sa part, ne provoqua rien. L’accord de Munich livra un pays à Hitler. En plus, les alliés le firent sans demander son avis au gouvernement ou au président tchèque. La Pologne fut complice. Elle s’empara de la région de Teschen, très industrialisée et peuplée d’une minorité polonaise. Winston Churchill a comparé la Pologne à un chacal s’emparant des restes alors que les lions, les grandes puissances, se réservaient les meilleurs morceaux. En 1939, quand Hitler envahit le reste de la Tchécoslovaquie, la Banque d’Angleterre livra à Hitler les réserves d’or tchèque.»

La Tchécoslovaquie fut vraiment une bonne prise pour Hitler : le pays hébergeait une industrie militaire très développée et représentait 40% du marché mondial des armements. Les dix premières usines militaires pouvaient produire, chaque mois,  1 600 mitraillettes lourdes, 3 000 mitraillettes légères, 130 000 fusils, 7 000 lance-grenades, et des centaines d’autres armements dont des tanks et des avions.

Après s’être emparé du reste de la Tchécoslovaquie, Hitler profita de son énorme arsenal militaire. Ainsi, en laissant Hitler annexer les Sudètes et en ne faisant pas un geste lorsqu’il s’empara de tout le territoire tchèque, les puissances occidentales ont fourni au Führer une base industrielle militaire unique.

Furr continue son explication :

«Mais pourquoi donc? Je pense que c’est assez clair. Le Royaume-Uni et la France voulaient laisser entendre à Hitler qu’il pouvait s’étendre vers l’est sans qu’ils ne réagissent. Rappelez-vous que lorsque la Pologne a été attaquée, le 1er septembre 1939, ni les Britanniques ni les Français n’ont dit quoi que ce soit, malgré leurs accords d’entraide avec la Pologne. Ils n'ont rien fait jusqu’en mai 1940, lorsque Hitler les a attaqués.»

Chamberlain au centre, Ribbentrop à droite, le 16 septembre après la rencontre avec Hitler à Bertchesgaden. A gauche Alexander von Dörnberg © Wikipédia. Bundesarchiv

Les accords de Munich ont été un encouragement à Hitler pour qu’il attaque l’URSS.

Furr poursuit son analyse :

«Les accords de Munich furent une tentative pour encourager Hitler à attaquer l’URSS. Ils ne peuvent être interprétés différemment car l’URSS fut exclue des négociations. Les Britanniques et les Français se doutaient bien que les Soviétiques le comprendraient ainsi et ils n’y tenaient pas. L’idée était probablement que l’Allemagne, la Pologne et le Japon allaient tous attaquer l’URSS, ce qui aurait été une très bonne chose pour les gouvernements britannique et français.» 

En fait, en dehors de l’Allemagne nazie, le Japon et la Pologne espéraient aussi étendre leur Lebebsraum (espaces vitaux) aux dépens de l’URSS. Jusqu’au début de 1939 Varsovie réfléchissait à s’unir à l’Allemagne nazie dans une guerre contre l’URSS pour s’emparer de plus de territoires, remarque Furr dans son livre Mensonges sanglants : la preuve que toutes les accusations de Timothy Snyder sont fausses, où il cite le ministre des Affaires étrangères nazi, Joachim Van Ribbentrop, disant en janvier 1939 : «J’ai, encore une fois, parlé à M. Beck (le ministre des Affaires étrangères polonais Josef Beck) à propos de la stratégie envisagée par la Pologne et l’Allemagne contre l’Union Soviétique… M. Beck n’a pas caché le fait que la Pologne a des vues sur l’Ukraine afin d’avoir une ouverture sur la mer Noire…»

D’un autre côté, à la suite de l’occupation de la Mancdhourie en 1931, le Japon a montré un intérêt pour les territoires orientaux de l’URSS. Entre mai et août 1939, le Japon, l’URSS et la Mongolie communiste ont été impliqués dans un conflit militaire à Khalkhin-Gol, en Sibérie. Les Japonais vaincus ont abandonné temporairement leurs plans d’attaque contre les Soviétiques.

Le professeur Furr a expliqué à Sputnik :

«L’URSS était engagée dans une bataille intense contre le Japon à Khalkhin-Gol, en Sibérie. Pas de doutes que l’attaque japonaise avait pour but d’obliger l’URSS à se battre sur deux fronts, si cela avait réussi. Mais cela a raté. Pourquoi? Parce que les conspirateurs russes de l’Armée d’Extrême-Orient ont été destitués et arrêtés, dont le Maréchal Vasily Bliukher. Si ces conspirateurs n’avaient pas été arrêtés, ils auraient aidé le Japon, et l’URSS aurait eu à combattre sur deux fronts. Rappelez vous que ce furent les troupes sibériennes qui, libérées par la paix avec le Japon, se sont précipitées à la défense de Moscou et plus tard à la défense de Stalingrad.»

Les Britanniques étaient tout à fait au courant des plans militaires de l’Allemagne, du Japon et de la Pologne. Citant des documents d’archives britanniques, le chercheur canadien Clement Leibovitz a remarqué que le Premier ministre anglais Neville Chamberlain considérait l’Union Soviétique comme un pays qui risque d’être la cible d’une agression allemande, peut être avec l’aide de la Pologne, et d’une agression japonaise. (Dans L’accord Chamberlain – Hitler, 1993)

Les accords de Munich, le résultat d’une collaboration cynique?

Il est naïf de croire que les Accords de Munich ont été le résultat d’un irresponsable esprit d’apaisement des appétits nazis de la part des gouvernements français et britannique, remarque Leibovitz, en montrant des preuves qu’ils sont plutôt le résultat d’une collaboration cynique.

Leibovitz écrit dans son livre The Chamberlain-Hitler Deal :

«J’affirme que Chamberlain faisait face à un choix : soit empêcher, et plus tard résister, à la politique d’expansion agressive de l’Allemagne, soit  permettre à l’Allemagne de s’étendre en Europe orientale. Chamberlain était certain que l’Allemagne finirait par déclarer la guerre à l’Union soviétique. Motivé par son anti-communisme, il a donc fait le deuxième choix et, avec un tel choix, il jouait avec la sécurité britannique… De plus, on peut prouver que l’accord n’était pas une stratégie adoptée dans l’urgence mais le résultat d’efforts continus pour encourager le Japon et l’Allemagne à prendre leur part de l’Union soviétique.»

Il est révélateur de voir que, dans une lettre adressée au roi Georges VI, le 13 septembre 1938, Chamberlain écrit que «Herr Hitler a décidé d’attaquer la Tchécoslovaquie et d’aller plus loin vers l’est». Inexplicablement, dans cette même lettre, Chamberlain assure au roi que l’Allemagne et l’Angleterre… [sont] les deux piliers de la paix européenne et les deux remparts contre le communisme.

Furr souligne que, selon son opinion, l’Union soviétique et Staline ont été chanceux que les Britanniques et les Français rejettent l’accord de sécurité collective :

«Pourquoi ? Parce que les Anglais et les Français auraient probablement violé un tel accord. Ils n’auraient probablement pas attaqué l’Allemagne quand l’Allemagne a envahi la Pologne, même s’ils avaient promis de le faire. Et pourquoi ont-ils agi ainsi? Pourquoi n’ont-ils pas attaqué l’Allemagne quand celle-ci a attaqué la Pologne? La seule réponse est que les gouvernements anglais et français voulaient continuer à signaler à Hitler : Allez vers l’est et l’on ne vous fera pas de mal.

Rappelez vous, l’Angleterre et la France ont essayé d’envoyer des forces combattre l’URSS aux cotés de la Finlande durant la guerre Finlande–Russie en 1939 – 1940. Ils n'ont pas pu le faire, mais ils l’avaient planifié. Ainsi, alors qu’ils étaient officiellement en guerre contre l’Allemagne, l’Angleterre et la France ont aidé la Finlande, et ont même prévu d’y envoyer des hommes combattre à ses côtés, alors que celle-ci était une alliée de l’Allemagne contre l’Union soviétique, qui elle se battait contre l’Allemagne.

De tout cela, on peut déduire que l’URSS a été le seul pays à avoir agi non seulement honorablement mais aussi intelligemment au cours de la Seconde Guerre mondiale. L’Union soviétique a sauvé l’Europe du nazisme.»

Ekaterina Blinova

Traduit par Wayan, relu par jj et Diane pour le Saker Francophone

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