La Pravda Américaine : des Mystères d’importance dans les années 1990



Par Ron Unz − Le 12 décembre 2022 − Source Unz Review

Table des matières du présent article

Les scandales de la présidence Clinton

Au cours des années 1990, j’étais très impliqué dans la vie politique, ainsi que dans des campagnes électorales, et je travaillais souvent étroitement avec des personnes très actives dans les cercles conservateurs, et dans le parti républicain, si bien que je me suis lié d’amitié avec nombre d’entre elles. Bill Clinton était président au cours de ces années, et je n’eus jamais d’opinion très tranchée à son sujet, dans un sens ou dans l’autre ; j’étais d’accord avec certaines de ses décisions politiques, et en désaccord avec de nombreuses autres. Mais des conservateurs que je connaissais, tous ou presque le détestaient passionnément, parfois pour des raisons que je soutenais, et parfois non.

Une haine aussi passionnée inspirait naturellement l’éclosion de sombres théories sur les activités maléfiques du président et de son épouse, Hillary Rodham Clinton, et au sein des cercles conservateurs tout cela se mélangeait souvent en un large courant de sentiments opposés au gouvernement. Les principaux magazines conservateurs voyaient leurs ventes dopées lorsqu’ils publiaient des accusations concernant des activités infamantes, et ces accusations retentissaient de manière particulièrement forte parmi les activistes dont l’esprit conservateur était le plus marqué.

À l’époque, je ne portais guère d’attention à ces accusations, hormis ce que je pouvais en lire dans les journaux du matin, et sans les considérer comme invalides, je restais tout à fait sceptique quant à leur véracité. À l’époque, je n’avais pas commencé à lire sérieusement sur le sujet de l’histoire des États-Unis, j’en avais la connaissance qui est celle présentée par les manuels scolaires, et je doutais franchement que l’une ou l’autres des célèbres conspirations évoquées pour expliquer l’assassinat de JFK pût présenter le moindre lien avec la réalité. Si les quelque 200 années d’histoire étasunienne passée étaient transparentes, je ne voyais pas comment un ancien gouverneur du petit État de l’Arkansas aurait pu subitement transformer Washington DC en un nid de serpents grouillant d’intrigues dignes de l’Italie de la Renaissance.

Mais plus récemment, des arguments différents m’ont convaincu et m’ont fait changer d’avis. Au cours de la dernière décennie, mes investigations soigneuses m’ont convaincu que de nombreux éléments centraux expliquant les événements les plus importants des derniers siècles de l’histoire des États-Unis — de la seconde guerre mondiale aux attaques du 11 septembre, en passant par l’assassinat de JFK — sont totalement différents du récit habituel qui en est fait dans les médias dominants ou dans les manuels scolaires. Et si les accusations lancées par des prétendument peu honorables « théoriciens du complot » ont pu s’avérer finalement correctes pour toutes ces anciennes affaires, peut-être qu’un certain nombre des événements nettement moins impactants qui se sont produits sous l’administration Clinton ont eu des sources totalement différentes que celles que j’avais prises pour argent comptant en parcourant les pages du New York Times.

Les attaques du 11 septembre 2001 et le cycle sans fin de guerres à l’étranger qu’elles ont déclenché ont marqué un tournant de l’histoire des États-Unis, si bien que les histoires qui se sont produites à l’ère Clinton des années 1990 apparaissent sans doute bien plus distantes que des événements qui se sont pourtant produits à peine quelques années après.

Il suffit de repenser aux noms bien en vue de cette époque : Randy Weaver et Ruby Ridge, Waco et l’Association générale de la branche davidienne des Adventistes du septième jour, Vince Foster, le Whitewater, Oklahoma City, Monica Lewinsky, Kenneth Star. Pour les Étasuniens qui étaient déjà majeurs à l’époque, ces noms évoquent des souvenirs flous, et les lecteurs plus jeunes assimilent sans doute ces sujets à des questions aussi futiles qu’obscures.

Mais en début d’année 2022, j’ai décidé de repasser en revue cette période avec l’esprit ouvert dans l’idée de statuer sur certains événements que j’avais pour l’essentiel négligés à l’époque.

L’histoire du Vol TWA 800

Il y a cinq ou six ans, j’avais déjà plongé les orteils dans ces eaux, et j’avais enquêté sur l’un des incidents les plus importants des années 1990, aujourd’hui totalement oublié, pour découvrir que le gouvernement et les médias s’étaient montré absolument trompeurs et malhonnêtes.

Lorsque je me souvenais des événements les plus marquant de l’année 1996, ce qui me venait à l’esprit était la campagne de réélection triomphale de Bill Clinton, juste après l’attentat à la bombe d’Oklahoma City et les abus politiques du groupe républicain du Congrès mené par Newt Gingrich. Peut-être s’était-il produit un quelconque accident d’avion sur la côte Est, mais aucun détail n’était accessible à ma mémoire. Mais dans les fait, l’explosion subite en plein air du vol TWA 800 reliant New York à Paris avait été désignée comme principal fait d’actualité de cette année-là, dépassant la campagne présidentielle, et les 230 décès qui s’en étaient suivis avaient constitué le désastre le pire qu’avait connu la ville de New York au cours de tout le XXème siècle ; il s’agissait également de la deuxième pire tragédie aérienne de l’histoire des États-Unis, à l’époque. De fait, certains journalistes avaient suggéré que la couverture médiatique qui avait traité cette catastrophe avait éclipsé toutes les catastrophes en matière de transport depuis le naufrage du Titanic, presque un siècle plus tôt.

Comprendre les faits dans les grandes lignes n’est vraiment pas compliqué. Peu après son décollage de l’aéroport JFK de New York, le 17 juillet 1996, le vol TWA 800 a subitement explosé en vol, juste après avoir dépassé Long Island. Bien entendu, au vu du nombre énorme de décès, il s’en est suivi un méli-mélo d’activités de la part de nombreuses agences fédérales en vue d’enquêter sur les causes de l’incident, et c’est le FBI qui a mené l’enquête la plus importante et la plus complexe de son histoire, sur fond de fortes craintes de terrorisme : pas moins de 500 agents ont été ainsi déployés par l’agence sur la zone. Les enquêteurs ont rapidement amassé une quantité importante d’éléments apparemment cohérents entre eux.

La nuée d’agents fédéraux a interviewé sur le champ de très nombreux témoins locaux, et 278 témoins ont indiqué avoir aperçu un flash lumineux, ressemblant fortement à un missile, s’élancer dans le ciel en direction de l’aéronef juste avant l’énorme explosion. Des employés de l’agence radar locale de la FAA ont rapporté sur le champ auprès du gouvernement avoir vu ce qui ressemblait à un missile s’approcher de l’avion de ligne juste avant son explosion, et d’autres structures ont produit des relevés radar convergents avec ces témoignages. Lorsqu’on a fini par réaliser des tests sur la catastrophe aérienne, on a trouvé des traces de produits chimiques explosifs, correspondant exactement à ceux que l’on trouve dans la tête explosive d’un missile, ainsi que des résidus chimiques rouge-orangés identifiés par la suite par un laboratoire comme probablement issus du système de propulsion d’un missile. On mena des efforts considérables pour localiser chaque objet issu de la catastrophe, et pour nombre d’entre eux, la nature des dégâts constatés indiquait une explosion initiale qui s’était produite à l’extérieur de l’avion. Presque aussitôt après le désastre, les réseaux de télévision se sont lancés dans une course aux enchères pour acquérir des vidéos amateurs montrant un missile qui avait touché et détruit le vol TWA 800, la cassette de l’enregistrement a fini par se vendre pour plus de 50 000 $, et a été brièvement diffusée sur la chaîne d’informations MSNBC avant d’être saisie, semble-t-il, à titre de preuve, par des agents du FBI. En outre, un résident local a produit une photographie prise sur l’instant, montrant ce qui ressemblait un missile en approche de l’aéronef.

Sur la base de l’ensemble de ces premiers éléments de preuve, de nombreux articles de presse ont rapporté que l’avion avait sans doute été détruit par un missile, avec des hypothèses dans tous les sens pour déterminer si la calamité avait été provoquée par une action terroriste, ou plutôt par un « tir ami » accidentel depuis un navire de guerre étasunien opérant aux abords de la catastrophe. Au vu de l’extrême sensibilité du sujet, les dirigeants du gouvernement ont exhorté les médias à garder l’esprit ouvert jusqu’à la fin de l’enquête. Cependant, le débat public a pu prendre des goûts quelque peu rances, certaines personnes affirmant qu’une dissimulation de la part du gouvernement était en cours. En fin de compte, la CIA fut impliquée dans l’enquête, au vu de son énorme expertise sur divers sujets.

À l’issue de plus d’une année de recherches détaillées, l’enquête menée par le gouvernement a fini par conclure qu’aucun missile n’avait pu être impliqué en aucune manière, que tous les témoins s’étaient trompés en raison d’une illusion d’optique provoquée par l’explosion de l’aéronef. L’explosion avait été tout à fait spontanée, et sans doute provoquée par une étincelle qui par manque de chance avait provoqué l’explosion des réservoirs de kérosène. Au vu de la controverse dans cette affaire, la CIA avait apporté sa contribution en produisant une animation réalisée sur ordinateur, montrant la reconstitution officielle des événements ; les médias d’information se sont mis à diffuser cette vidéo en boucle pour expliquer la catastrophe au grand public. La simulation montrait donc l’avion explosant de manière spontanée en plein vol, sans cause extérieure, et pour que les choses soient bien claires, les concepteurs payés par la CIA pour réaliser la vidéo avaient également ajouté un encart explicatif en grandes lettres : « Pas de missile. » Le New York Times, et presque tous nos médias dominants, ont répété cette simple conclusion dans leurs récits et sur leurs gros titres.

L’écrasante majorité de la population moutonnière a absorbé le message médiatique simple « Pas de Missile » et est retournée à ses affaires consistant à regarder le football, les vidéos musicales mettant en scène des célébrités, tout à fait soulagée d’apprendre que les avions à réaction Boeing 747, opérés par les grandes compagnies aériennes nationales, peuvent de temps à autre exploser en plein vol sans aucune cause extérieure.

Pourtant, divers « théoriciens du complot » mécontents ont refusé ces conclusions, et sont revenus à leurs « théories débiles du complot autour d’un missile », s’attirant le ridicule de la part de l’ensemble de l’appareil médiatique dominant, New York Times en tête. Ces soupçons de complot se sont même étendus jusqu’à la Navy étasunienne, qui avait apparemment organisé des exercices militaires à proximité directe de la catastrophe, des exercices dont certains ont affirmé qu’ils comportaient des tests de lancements de missiles anti-aériens. De fait, un résident local a par la suite fourni une vidéo filmée par ses soins montrant clairement le lancement d’un missile sur la même zone exactement, quelques jours auparavant, au cours d’exercices navals.

L’entièreté de l’histoire de cet incident est fort bien exposée dans un excellent ouvrage, paru à l’occasion du vingtième anniversaire du drame TWA 800, début 2022, par le journaliste d’investigation Jack Cashill, qui avait continué de suivre cette affaire depuis la fin des années 1990, avait déjà été co-auteur d’un précédent livre en 2003 et avait également produit en 2001 le documentaire télévisé Silenced, qui est désormais disponible en intégralité sur YouTube.

En outre, le documentaire télévisé de 2013, réalisé par un ancien producteur de la chaîne CBS, dont la critique favorable par le New York Times a marqué ma première introduction à ce sujet, a été discuté en long et en large par Amy Goodman dans l’émission Democracy Now!

Cashill est fortement lié à des publications conservatrices, cependant qu’une personne comme Goodman tend clairement vers la gauche ; mais la question de savoir si un avion de ligne étasunien a été détruit par un missile, et les faits dissimulés à l’époque par le gouvernement, constituent des sujets qui n’ont rien d’idéologique, et leurs points de vue apparaissent comme quasiment identiques.

Aux yeux de quiconque n’accorde pas une foi totalement aveugle aux énoncés officiels de notre gouvernement et de nos médias, la réalité plausible des événements survenus à l’époque n’est vraiment pas difficile à deviner et je pense que regarder les documentaires ou lire les ouvrages aura pour effet de dissoudre rapidement toute naïveté chez qui croit encore aux énoncés officiels. Mais la perte du vol TWA 800 n’est sans doute pas d’une aussi grande importance pour les États-Unis. Il arrive que des accidents se produisent. Un appareil militaire vaste et énergique, empressé de tester ses derniers missiles, a peut-être imprudemment croisé le chemin de centaines de voyageurs malchanceux qui espéraient parvenir à Paris. Ce sont environ 30 000 Étasuniens qui meurent chaque année d’accidents de voiture mortels, et les risques sont inévitables dans notre société industrielle moderne.

Cependant, en élargissant le cadre, je pense que l’aspect vraiment terrifiant de l’incident est la facilité incroyable avec laquelle notre gouvernement et ses chiens de gardes médiatiques ont pu complètement supprimer la réalité des faits — un avion de ligne étasunien abattu par un missile — et l’ont effectivement fait, en dépit du fait que rien de tout ceci ne s’est produit sur un territoire lointain ou obscur, mais à portée de vue de la maison de Steven Spielberg, dans les Hamptons, sur un vol qui venait de quitter la ville de New York, et en dépit d’éléments de preuves tellement écrasants et du témoignage oculaire direct de centaines de personnes. Que cette affaire importante ait ainsi pu être dissimulée constitue un sous-titre central pour l’ensemble des ouvrages et des documentaires portant sur le désastre.

Au vu des témoignages oculaires et d’autres facteurs, il n’est guère surprenant que nombre des premiers récits médiatiques aient soit fait mention directement d’une frappe de missile, soit aient au moins fait mention de cela comme l’une des possibilités principales, et de fait, on dispose de preuves que les hauts dirigeants du gouvernement ont commencé par supposer qu’il s’agissait d’une attaque terroriste. Mais le président Bill Clinton était coincé au milieu de sa campagne de réélection, et si le massacre d’Étasuniens par des terroristes aurait pu être propice à unir la nation, des désastres provoqués par une action imprudente de la part de l’armée aurait sans doute présenté l’impact politique inverse. Il semble donc probable qu’une fois l’hypothèse terroriste écartée, et que l’on ait considéré que l’armée étasunienne était sans doute responsable de la catastrophe, un ordre direct fut sans doute envoyé depuis le plus haut niveau pour faire disparaître aussi bien le missile que tous les éléments soutenant sa thèse, et que toutes nos agences fédérales, surtout le FBI, se sont pliées à cette directive.

Dans le cadre de l’enquête standard, tous les débris avaient été rassemblés et conservés dans un hangar pour examen, mais on a découvert des agents du FBI faire disparaître certaines des pièces les plus voyantes, et on les a même vus au petit matin leur donner des coups de marteau pour que leur forme suggère une explosion intérieure, et non pas extérieure. La vidéo amateur montrant la frappe du missile n’a été diffusée que brièvement par la chaîne d’informations avant d’être saisie par des agents du gouvernement. Lorsqu’un journaliste d’investigation s’est fourni des débris contenant des résidus apparents du missile, et les a transmis à un producteur de CBS New, ces éléments ont également été rapidement confisqués, et on a été jusqu’à arrêter le journaliste et son épouse, les poursuivre, et les condamner pour avoir violé une loi obscure écrite pour empêcher les badauds de soutirer des souvenirs personnels à des scènes de désastres ; la productrice très expérimentée de CBS qui avait accepté ces débris a été qualifiée de « théoricienne du complot » et contrainte à la démission, sa carrière étant brisée. Les rapports écrits du FBI faisant mention de 278 témoins oculaires décrivant l’attaque par missile ont été totalement ignorés, et sur divers points, des déclarations ont été fabriquées par la suite, suggérant fallacieusement que des témoins importants étaient revenus sur leur témoignage précédent.

Ces exemples précis ne font que gratter la surface de l’escroquerie massive coordonnée par le gouvernement, et la tromperie qui a été fabriquée pour faire disparaître de tout récit officiel une frappe de missile observée par des centaines de témoins, et transformer la destruction du vol TWA 800 en une explosion en plein vol spontanée et mystérieuse. En particulier, le New York Times s’est fait le principal porte-voix de la ligne du parti officielle « Pas de Missile », et s’est mis à dénigrer et tourner au ridicule de manière répétée quiconque résistait à cette réécriture complète des faits et de l’histoire.

Lorsque des personnes naïves suggèrent que maintenir une grande conspiration gouvernementale aux États-Unis est tout bonnement impossible parce que « quelqu’un aurait parlé », elles feraient peut-être bien d’examiner les implications de cet incident, qui s’est produit aux abords de la capitale médiatique du monde. Et si elles décident de faire confiance à Wikipédia sur n’importe quel sujet plus ou moins controversé, elles feraient bien de consulter l’article Wikipédia de 10 000 mots sur le vol TWA 800, et de le comparer à la présentation détaillée produite par le présent article, ou à la masse d’informations additionnelles livrées par les nombreux livres et documentaires sur lesquels j’ai fondé mon travail.

 

La Pravda américaine. la destruction du vol TWA 800
Ron Unz • The Unz Review • 26 septembre 2016 • 2800 Mots

 

Le bombardement de l’ambassade de Chine à Belgrade

Après cela, en 2020, j’ai profité de la publication d’un article beaucoup plus long pour enfin présenter le récit que j’avais assemblé, racontant les faits réels du bombardement par les États-Unis de l’ambassade de Chine à Belgrade au cours de la guerre aérienne de 1999 menée contre la Serbie.

Bien que notre campagne limitée de bombardement ait semblé assez fructueuse pour forcer les Serbes à la table de négociation, la courte guerre a connu un incident très embarrassant. L’utilisation d’anciennes cartes a provoqué une erreur de ciblage qui a, accidentellement, frappé l’ambassade de Chine à Belgrade, avec une bombe « intelligente », tuant trois membres de sa délégation et en blessant des dizaines d’autres. Les Chinois ont été scandalisés par cet incident, et leurs organes de propagande ont commencé à affirmer que l’attaque avait été délibérée, une accusation téméraire qui n’avait logiquement aucun sens.

À cette époque, je regardais l’émission PBS Newshour tous les soirs, et j’ai été choqué de voir l’ambassadeur des États-Unis relever ces accusations absurdes avec l’hôte Jim Lehrer, dont l’incrédulité correspondait à la mienne. Mais quand j’ai considéré que le gouvernement chinois niait encore obstinément la réalité du massacre des étudiants protestataires sur la place Tian’anmen, une décennie plus tôt, j’en ai conclu qu’un comportement déraisonnable de la part des responsables de la République Populaire de Chine (RPC) était prévisible. En effet, il y avait même des spéculations que la Chine exploitait cyniquement le malheureux accident pour des raisons domestiques, espérant attiser l’anti-américanisme chauvin dans le peuple chinois pour tenter enfin de panser les blessures sociales de l’outrage de 1989 [Tian’anmen].

 

Encore plus remarquables ont été les découvertes que j’ai faites concernant notre bombardement soi-disant accidentel de l’ambassade de Chine en Serbie, en 1999. Peu de temps après le lancement de ce site web, j’ai intégré l’ancien contributeur d’Asia Times Peter Lee en tant que chroniqueur, incorporant les archives de son blog China Matters qui s’étalaient sur une décennie. Il a rapidement publié un article de 7000 mots sur le bombardement de l’ambassade de Belgrade, représentant une compilation de documents déjà contenus dans une demi-douzaine d’articles qu’il avait écrits à ce sujet à partir de 2007. À ma grande surprise, il a fourni de nombreuses preuves convaincantes que l’attaque américaine contre l’ambassade de Chine avait bien été délibérée, comme la Chine l’avait toujours prétendu.

Selon Lee, Pékin avait autorisé l’utilisation de son ambassade comme site de sécurisation des installations de transmission radio de l’armée serbe, dont le réseau de communication était la principale cible des frappes aériennes de l’OTAN. Pendant ce temps, les défenses aériennes serbes avaient abattu un chasseur américain avancé F-117A, dont la technologie était un secret militaire américain crucial. Des portions de cette épave extrêmement précieuse ont été soigneusement rassemblées par les Serbes reconnaissants, qui les ont livrées aux Chinois pour un stockage temporaire à leur ambassade avant de les transférer chez eux. Cette acquisition technologique vitale a ensuite permis à la Chine de déployer son propre chasseur furtif J20 au début de 2011, beaucoup plus tôt que les analystes militaires américains ne l’avaient cru possible.

Sur la base de cette analyse, Lee a fait valoir que l’ambassade de Chine avait été attaquée afin de détruire les installations militaires serbes de retransmission qui s’y trouvaient, tout en punissant les Chinois pour avoir autorisé une telle utilisation. Il y avait également des rumeurs répandues en Chine selon lesquelles un autre motif avait été la tentative infructueuse de détruire les débris de l’avion furtif stockés à l’intérieur. Des témoignages ultérieurs du Congrès ont révélé que parmi les centaines de frappes aériennes de l’OTAN, l’attaque contre l’ambassade de Chine était la seule directement demandée par la CIA, un détail hautement suspect.

 

Bien que les médias américains dominent le monde anglophone, de nombreuses publications britanniques ont également une solide réputation internationale et, comme elles sont souvent beaucoup moins liées à notre propre État de sécurité nationale, elles ont parfois couvert des histoires importantes qui ont été ignorées ici. Ainsi, le Sunday Observer a publié un remarquable exposé en octobre 1999, citant plusieurs sources militaires et de renseignement de l’OTAN qui ont pleinement confirmé la nature délibérée du bombardement américain de l’ambassade de Chine, un colonel américain se vantant même que sa bombe intelligente avait frappé exactement l’endroit prévu dans les locaux de l’ambassade.

Cette histoire importante a été immédiatement résumée dans The Guardian, une publication sœur, et également couverte par le rival Times of London et de nombreuses autres publications parmi les plus prestigieuses du monde, mais ont rencontré un mur de silence absolu dans notre propre pays. Une telle divergence bizarre sur une histoire d’importance stratégique mondiale – une attaque délibérée et meurtrière, menée par les États-Unis, contre le territoire diplomatique chinois – a attiré l’attention de FAIR, un important groupe de surveillance des médias américains, qui a publié une critique initiale et a ensuite suivi l’affaire. Ces deux articles résumaient efficacement à la fois les preuves accablantes des faits et également la forte couverture internationale, tout en rapportant les faibles excuses avancées par les meilleurs éditeurs américains pour expliquer leur silence continu. Sur la base de ces articles, j’estime que l’affaire est réglée.

 

L’étrange décès de Vincent Foster

Les deux exemples discutés ci-avant constituaient des aberrations considérables parmi les événements importants des années 1990 : leur réalité avait été dissimulée ou gravement déformée par nos médias. Le tir de missile accidentel sur le vol TWA 800 par une missile étasunien perdu, et notre bombardement délibéré de l’ambassade de Chine à Belgrade étaient des sujets en lien avec les affaires militaires et la sécurité nationale. Aussi restaient-ils totalement déconnectés des controverses intérieures constituant l’écrasante majorité des incidents, cependant que les faits impliqués apparaissaient comme nettement mieux établis. Mais ils apportent des enseignements importants à appliquer à nos autres analyses.

Après l’explosion du vol TWA 800, les dépositions directes de centaines de témoins oculaires ont été complètement ignorées, en dépit du fait qu’elles avaient été soutenues par un grand nombre de preuves photographiques et physiques, et le récit officiel largement promu par les médias semblait ne pas porter de sens, ce qui n’a pas empêché qu’il soit largement accepté. Dans le même temps, pour ce qui concerne l’exemple fourni par l’ambassade de Chine, plusieurs journaux britanniques de premier plan avait explicitement rapporté ce qui s’était véritablement produit, en citant directement des dirigeants de l’OTAN, et ces récits avaient provoqué l’éclosion dans le monde entier de gros titres de presse, hormis aux États-Unis, qui avaient mis en œuvre un sévère blocus sur l’information. Ceci a démontré que le contrôle sur les médias peut souvent s’arrêter à nos frontières, et que des éditeurs et journalistes étrangers, même parmi nos alliés occidentaux les plus proches, peuvent parfois rester libres vis-à-vis de ces contraintes. De fait, dans l’affaire du vol TWA 800, Pierre Salinger, un ancien haut-conseiller de Kennedy, et chef du bureau de Paris d’ABC News, avait publié un long exposé dans l’un des principaux magazines français, faisant état des faits, mais les Étasuniens ordinaires n’en ont jamais entendu parler, et les journalistes d’expérience qui ont essayé de transmettre l’information ont subi une purge professionnelle.

C’est peut-être pour cela que nous ne devrions pas nous surprendre que certains des rapports les plus importants sur l’« histoire secrète » des années 1990 et sur les scandales de l’administration Clinton aient été produits par un journaliste disposant du pedigree le plus établi et le plus impeccable, mais de nationalité britannique. Ambrose Evans-Pritchard a fait ses études à Oxford, et son père a longtemps enseigné dans cette même institution. Après avoir passé quelques années à travailler pour le London Spectator et The Economist, il a occupé le poste de chef du bureau de Washington pour le Sunday Telegraph au cours de la plus grande partie des années 1990 ; il est de nos jours International Business Editor pour le Daily Telegraph.

Dans mes vagues souvenirs, les fauteurs de trouble de droite avaient bombardé Clinton de nombreuses accusations bizarres allant du trafic de drogue au meurtre, des accusations sans aucun fondement solide, et évaporées comme la brume. En contraste, sa ribambelle apparemment sans fin de petites amies, dont j’ai oublié la plupart des noms, semblait des plus réelles, et c’est bien cela qui a fini par provoquer sa destitution après qu’il a menti sous serment au sujet de son attitude sexuellement déplacée avec une stagiaire du nom de Monica Lewinsky à la Maison-Blanche, du fait d’attaques menées par des Républicains indignés.

Evans-Pritchard écrivit l’un des bestsellers anti-Clinton les plus vendus de cette époque, La Vie Secrète de Bill Clinton ; j’avais toujours pensé que cet ouvrage avait couvert ces scandales personnels éclatants. Le livre a pris la poussière dans les rayonnages de ma bibliothèque durant quelques années, et malgré ma réticence à revenir sur l’histoire de la robe bleue souillée, j’ai décidé qu’il fallait malgré tout que j’y repasse. Le livre avait été publié par Regnery Press, une maison plutôt conservatrice, et la quatrième de couverture présentait des textes d’éloges rédigés par les principaux éditeurs et commentateurs conservateurs, avec Michael Reagan faisant les éloges de l’auteur comme le « Woodward et Bernstein de notre ère », un éloge qui apparaissait parfaitement ridicule pour un récit de badinages sexuels.

Finalement, le contenu de l’ouvrage s’est avéré totalement différent de ce à quoi je m’attendais. Il avait été publié en 1997, bien avant que quiconque ait entendu parler de Lewinsky, et bien qu’il s’étale sur plus de 450 pages, dont presque 100 pages de notes, appendices et index, ni le nom de Gennifer Flowers, ni quasiment aucun des autres scandales sexuels n’y apparaissent, la seule exception à cela étant les quelques pages faisant mention de Paula Jones vers la fin de l’ouvrage. Le sujet couvert par ce livre est bien plus sombre et bien plus grave.

Le texte se divise en trois grandes sections, dont la plus longue se concentre sur les circonstances extrêmement étranges de la mort du conseiller de la Maison-Blanche Vince Foster, l’un des amis et conseillers les plus proches des Clinton, qui fut retrouvé mort d’une balle, dont il a été dit qu’il se l’était tirée lui-même aux abords de Fort Marcy Park, six mois après le début de la nouvelle administration. L’auteur commence cette discussion en soulignant que Foster était le membre le plus élevé de la branche exécutive à mourir dans des circonstances suspectes depuis l’assassinat du président Kennedy trois décennies plus tôt, un fait qui ne m’était jamais sauté aux yeux.

Peut-être que l’on se souvient que Kenneth Starr fut le procureur spécial nommé pour mener l’enquête Whitewater, une enquête particulièrement longue autour d’une transaction immobilière échouée, en Arkansas, et impliquant les Clinton. L’enquête a traîné pendant des années, a pris des ramifications sur toutes sortes d’autres sujets, et des partisans démocrates ont régulièrement dénoncé Starr dans les médias, le présentant comme un inspecteur Javert, ou peut-être un capitaine Achab, poursuivant sans relâche sa baleine présidentielle. Mais, chose intéressante, l’appréciation de l’auteur se fait tout aussi négative. Il indique que Starr était un avocat appartenant à l’establishment, extrêmement bien payé, qui a continué de consacrer davantage de temps et d’efforts à ses clients privés qu’à cette patate chaude politique ; l’auteur décrit cet homme de loi comme un« serviteur du pouvoir » qui ne défia jamais sérieusement le FBI ou les autres institutions de l’establishment permanent de Washington DC. Evans-Pritchard argue avec raison que corruption ou non, une transaction immobilière échouée en 1979 n’avait pas véritablement d’importance sur le plan national, alors que la mort de cause non-naturelle d’un haut dirigeant de la Maison-Blanche en avait une, et pas des moindres.

Même si la mort de Foster a été officiellement considérée comme un suicide — il serait devenu déprimé en raison des critiques parues dans les médias, et se serait tiré une balle de désespoir — les faits présentés par l’auteur lèvent d’énormes doutes face à cette théorie. De fait, le jeune procureur a-politisé qui fut dépêché depuis la Californie pour entamer l’enquête sur cette affaire a trouvé rapidement de nombreux trous béants dans ce récit, ainsi que des traces de dissimulation de la part du FBI, mais ses efforts ont été sabotés et il a rapidement été contraint à la démission. Selon l’auteur, les journalistes travaillant pour les médias dominants étaient très sceptiques vis-à-vis du récit officiel, mais quasiment aucun d’entre eux ne fut prêt à lever la voix :

L’affaire Foster est un tabou pour les journalistes étasuniens. En privé, de nombreuses personnes reconnaissent que le récit officiel n’est pas crédible, mais nul ne couchera cette idée par écrit. J’ai été impliqué sur des affaires litigieuses au cours de ma carrière de journaliste, mais je n’avais jamais rien vu qui s’approche de la peur irrationnelle qui se lève lorsque l’on fait mention du sujet de Vincent Foster. Cela n’a rien à voir avec une affiliation à un parti. Il se trouve que les journalistes d’obédience républicaine sont encore plus sensibles à ce sort… Je ne comprends pas vraiment pourquoi il en va ainsi.

En soutien à ses affirmations, il y a presque dix ans, un ancien journaliste qui travailla pour les grands médias, très réputé, qui avait couvert ce sujet à l’époque, m’a affirmé de lui-même que le récit officiel de la mort de Vince Foster était d’évidence faux, mais comme je n’avais jamais prêté attention au sujet, j’avais classé cette affirmation dans mes archives mentales, et je n’avais jamais mené de recherches sur le sujet. Mais comme dans l’affaire JFK, je pense qu’il est probable que pour un journaliste ou un personnage public prêt à affirmer son opinion très risquée, on en trouvait sans doute de nombreux autres pour penser qu’il était nettement préférable de garder le silence sur le sujet.

Les faits apportés par l’auteur sont des plus étranges. Selon la déposition sous serment du témoin qui a découvert le premier le corps de Foster et en a fait part à deux employés du Park Service, il n’y avait ni sang, ni arme, et le témoin avait été choqué d’apprendre par la suite que le rapport officiel publié dans les médias faisait état de sang et d’une arme. Ensuite, des photos de la scène de crime, ainsi que la déposition sous serment de l’un des agents de police intervenus en premier localisait l’arme dans diverses positions. Des enquêteurs expérimentés en matière d’homicide ont affirmé que la scène de crime officielle était totalement incompatible avec un fait de suicide.

Selon la loi fédérale, c’est le FBI qui aurait dû enquêter sur la mort d’un haut dirigeant du gouvernement si la moindre possibilité d’un homicide avait été évoquée, mais comme le verdict fut immédiatement déclaré en faveur d’un suicide, le sujet est resté entre les mains dans la Park Police, qui n’avait guère d’expérience sur ce type d’affaire. Peut-être que dans des circonstances normales, le FBI aurait pu contester cette décision, mais coïncidence remarquable, le directeur du FBI fut limogé la veille par le président Clinton — c’était la première fois de l’histoire qu’un dirigeant du FBI était destitué au milieu de son mandat — si bien que l’agence était en pleine tourmente.

Personne au sein de la famille de Foster n’a jamais identifié l’arme trouvée dans la main de Foster comme lui ayant jamais appartenu, et on n’a pas trouvé ses empreintes sur l’arme. Selon le récit officiel, Foster se serait tiré une balle dans la bouche, mais on n’y trouve pas de brûlure de poudre, pas plus qu’on ne trouve de trace de poudre sur son visage. On n’a pas trouvé de sang sur l’arme, et on n’a trouvé aucune balle dans le parc, en dépit de semaines de recherches, et aucun voisin ou visiteur du parc n’a entendu le moindre coup de feu. Presque toutes les photographies prises sur la scène ont disparu par la suite, mais l’une des rares qui a été conservée semble montrer une blessure au cou infligée par une arme d’un calibre nettement inférieur à celle que l’on a trouvée, et les ambulanciers présents sur place ont également témoigné en ce sens. Les examens par rayons X réalisés durant l’autopsie ont tous disparu.

Ces éléments troublants apparaissaient dans les trente premières pages de la section dédiée à la mort de Vince Foster, et on trouve de nombreux éléments additionnels dans la centaine de pages qui suit, comme l’étrange comportement de la victime dans la période ayant précédé sa mort, un comportement qui ne suggérait pas du tout une grave dépression, mais plutôt des préoccupations d’un autre ordre.

Cela fera bientôt trente ans que Foster est mort, et je n’ai mené aucune tentative d’enquête sur le sujet en détail. Si j’avais lu ces affirmations factuelles surprenantes dans un coin sombre de l’Internet, je ne les aurais pas prises au sérieux, mais Evans-Pritchard apparaît comme un journaliste établi des plus crédibles, qui travailla à l’époque et travaille encore pour des journaux britanniques bien établis, et je doute qu’il ait purement et simplement inventé les détails importants parus dans son best-seller national.

À la même époque, les journalistes libéraux Joe Conason et Gene Lyons avaient figuré parmi les plus ardents défenseurs de Clinton, et au début de l’année 2000, ils ont publié un best-seller national produit par leurs soins, sous le titre la Chasse au président avec pour sous-titre accusatoire « Dix années de campagne pour détruire Bill et Hillary Clinton ». J’ai donc décidé de le lire également, afin d’obtenir le récit opposé de l’histoire, et bien que nombre de leurs affirmations au sujet des motivations idéologiques sous-jacentes aux attaques contre les Clinton paraissent plausibles, j’ai trouvé leurs arguments sur l’affaire Vince Foster nettement plus légers et nettement moins convaincants. Il est clair que les auteurs connaissaient l’ouvrage publié précédemment par Evans-Pritchard, qu’ils citent de manière répétée, mais il n’ont tenté de réfuter qu’une petite partie des affirmations factuelles très étayées présentées dans son livre. Les éléments physiques contradictoires dans la mort de Foster rappellent ceux de l’assassinat de JFK, et cette tentative de réfutation des « théories du complot » m’ont rappelé celles qui avaient été menées après l’assassinat du président.

Alors, qu’est il réellement arrivé à Foster, et pourquoi ? Je ne vais personnellement pas m’aventurer à formuler la moindre hypothèse, mais on en trouve tout un tas, en conflit les unes avec les autres, et toutes plus ou moins hasardeuses. Peut-être que Foster s’est suicidé, mais à un endroit différent et plus problématique, si bien que son corps aurait été déplacé dans le parc pour éviter des difficultés. Mais il semble plus probable qu’il ait été assassiné, bien qu’il reste impossible d’affirmer par qui, et pourquoi. Sans doute la suggestion la plus révoltante a-t-elle été formulée par un ancien éditeur en chef de Forbes quelques années plus tard, qui a écrit que Foster et de nombreux autres dirigeants importants du gouvernement, affiliés aux deux partis, auraient été impliqués dans un réseau d’espionnage et de corruption ; le journaliste a perdu son travail après avoir fait ces affirmations, mais on peut encore trouver sur internet des interviews et des articles par lui produits.

Mais une explication plus prosaïque apparaît plus probable. Foster est mort six mois à peine après que Bill Clinton a pris ses fonctions à la Maison-Blanche, et dans l’hypothèse où il aurait été assassiné, Evans-Pritchard suggère que la cause de cet assassinat serait reliée d’une manière ou d’une autre aux actions ayant eu lieu en Arkansas, un État notoirement corrompu. Le dernier chapitre de cette section, et la demi-douzaine de chapitres qui suivent livrent un récit très détaillé de la criminalité très organisée qui semble endémique à cette région, avec du trafic de drogue et nombre d’assassinats sur commande. Lorsqu’on a découvert le corps de Foster, un ancien proche associé de Clinton à Little Rock a déclaré à sa famille qu’il craignait pour sa vie, et il s’est mis à porter une arme sur lui en permanence pour se protéger ; deux mois plus tard, il fut abattu par un assassin. Un policier haut-gradé local a même averti le journaliste britannique qui posait trop de questions : il ferait mieux de faire attention s’il ne voulait pas finir au fond d’un puits quelque part.

Chose ironique, l’auteur affirme que certaines de ces activités illégales était directement en lien avec les tentatives de livraison Contra au Nicaragua, organisées par les administrations Reagan et Bush, des actions pour lesquelles le gouverneur Clinton semble avoir été un allié discret. Ce tourbillon d’accusations sur des activités criminelles généralisées associés au gouvernorat Clinton étaient répandues parmi les nombreux détracteurs de Clinton que je connaissais au cours des années 1990, et je les avais toujours repoussées, mais après avoir lu plus d’une centaine de pages issues de l’enquête menée par Evans-Pritchard, je suis revenu sur ma position. Même si seulement une petite partie de ces récits est exacte, le décès de Foster devient nettement moins mystérieux, même si les motivations précises en restent floues.

L’attentat d’Oklahama City

Si les circonstances plus que douteuses autour de la mort de Vince Foster ont pu évoquer des échos des événements survenus à Dallas trente années plus tôt, la première section du livre d’Evans-Pritchard s’intéresse à un incident majeur qui semble avoir anticipé les attaques du 11 septembre, 6 années auparavant celles-ci. L’attentat de 1995 contre le bâtiment fédéral à Oklahoma City fut à l’époque, et de loin, l’attaque terroriste la plus importante de l’histoire des États-Unis, qui avait coûté 168 vies humaines, dont 19 enfants dans un service de garde situé au sein du bâtiment. L’impact politique fut immédiat et colossal, et joua un rôle majeur pour remettre sur les rails une administration Clinton percluse de scandales et très ébranlée politiquement ; c’est sans doute cet événement qui permit la réélection du président sortant l’année suivante. L’auteur a de fait donné pour titre à ce chapitre « La Résurrection du président Clinton », et a décrit avec raison l’événement comme le plus traumatique de toute l’histoire des États-Unis depuis l’assassinat de JFK.

L’article Wikipédia sur l’attentat compte plus de 11 000 mots, et selon le récit officiel qu’il décrit, la destruction a été provoquée par une grosse bombe embarquée sur une camionnette, fabriquée à base d’un mélange d’engrais et de produits pétroliers ; et le coupable serait un vétéran étasunien de la Guerre du Golfe du nom de Timothy McVeigh. Interpellé par hasard à l’occasion d’un contrôle de police 90 minutes après l’attentat, McVeigh a été jugé et condamné à mort, et il a été exécuté par injection létale en 2001. Dans le même temps, un complice a reçu une peine d’emprisonnement à perpétuité et un autre, qui joua un rôle très mineur et a accepté de témoigner, a reçu une peine de 12 années de prison. Ces affaires judiciaires non abrégées furent très différentes de celles qui ont suivi pour de nombreux événements semblables ultérieurs de notre histoire, ce qui tend évidemment à étayer le récit officiel de cette affaire, mais d’autres facettes de l’affaire suggèrent fortement une autre interprétation.

Avant l’attaque, McVeigh avait passé des années à circuler en marge de groupes miliciens de droite et anti-gouvernementaux, qui étaient en croissance au cours de cette période, et le motif présumé de son action aurait été d’infliger des représailles à ce qu’il considérait comme des atrocités commises par le passé par le gouvernement. Le début des années 1990 avait constitué une période trouble, et plusieurs confrontations mortelles entre des agents du gouvernement et des Blancs d’extrême droite avaient fait du bruit. À la fin du mois d’août 1992, la résidence d’un séparatiste blanc du nom de Randy Weaver, qui vivait dans un chalet rural à Ruby Ridge, dans l’Idaho, avait subi un siège et un déluge de feu de la part d’un vaste équipe d’agents du FBI qui voulaient l’arrêter, tuant son épouse et son fils adolescent, ainsi qu’un adjoint-marshall. L’année suivante, un raté avec les Branch Davidians, une secte religieuse excentrique et lourdement armée qui vivait dans un complexe fortifié de Waco, au Texas, avait provoqué la mort de quatre agents du gouvernement, et un siège de huit semaines avait suivi, qui s’était terminé par la mort dans les flammes de la plupart des Davidians dont 76 hommes, femmes et enfants.

Longtemps après les événements, faire mention de Ruby Ridge et de Wako provoquait l’indignation parmi les personnes orientées à droite et les activistes anti-gouvernement, ces événements étant cités comme preuves que les agents armés du gouvernement étaient leurs ennemis mortels, et ces sujets sont devenus incontournables dans les conversations radiophoniques des empires en devenir de conservateurs énervés, comme Rush Limbaugh et ses imitateurs. Les sentiments envers le gouvernement sont devenus extrêmement amers dans ces cercles, et G. Gordon Liddy, ancien agent du FBI, et cambrioleur à l’occasion du Watergate, qui s’était réinventé comme speaker radio de droite populaire, avait notoirement exhorté son auditoire armé à toujours viser les hommes qui vous attaquaient à la tête, car cette partie du corps n’était pas protégée par le gilet pare-balle. Le début des années 1990 a vu la croissance de divers petits groupes de milices de droite, souvent lourdement armés, et basés dans des régions rurales du Midwest ou du Sud, jurant de résister à ce qu’ils considéraient comme la tyrannie en expansion du gouvernement, et la couverture médiatique de leurs exercices et de leurs opinions conspirationnistes terrifiait régulièrement les libéraux urbains. Tout cette énergie populaire, issue du terrain, particulièrement attisée par le sujet du contrôle sur les armes à feu, avait joué un rôle important dans le glissement de terrain qu’avait connu le Congrès républicain en 1994.

L’année précédente, en 1993, on avait également assisté au premier incident de terrorisme islamiste majeur aux États-Unis, après qu’un groupe de radicaux musulmans, supposément inspirés par un cheikh aveugle, aurait fait exploser une bombe embarquée dans une camionnette dans les sous-sols du World Trade Center, provoquant la mort de six personnes, mais dans l’espoir de faire s’effondrer l’ensemble du gratte-ciel. On se mit à avoir peur des immigrés musulmans un peu partout, et en dépit du fait que l’afflux de ces arrivants ne constituait qu’une toute petite partie du total, ces craintes de terrorisme eurent des implications vagues sur l’ensemble du sujet de l’immigration. Chose ironique, ce furent exactement les mêmes groupes — et parfois même les mêmes personnes — qui étaient les plus agitées par les dangers du terrorisme immigré qui se montraient dans le même temps très hostiles envers le gouvernement étasunien, considéré comme leur ennemi dangereux, qui partageait la perspective des étrangers qu’ils craignaient et qu’ils méprisaient.

Cette situation ironique devint plus apparente encore juste après l’attentat d’Oklahoma City. Je me souviens avoir regardé la première émission C-span qui discutait de l’horrible événement avant que les faits en fussent connus, et j’avais remarqué qu’à peu près la moitié des personnes agitées qui appelaient pour parler affirmaient que le l’attentat devait avoir été l’œuvre de terroristes musulmans diaboliques, l’autre moitié se déclarant certaine que l’action avait été menée par d’héroïques patriotes étasuniens.

Une fois McVeigh capturé, les médias rapportèrent bientôt qu’il avait préparé l’attaque comme représailles contre le gouvernement en raison des morts de Waco, et avait déclenché son attaque pour le second anniversaire de cet incident. Le choix de son arme — une bombe embarquée sur une camionnette — avait été inspirée par une attaque imaginaire semblable réalisée contre le bâtiment du FBI à Washington DC dans The Turner Diaries, un roman extrémiste très populaire des années 1970, au sein duquel de petits groupes de patriotes de droite déterminés réussissaient à renverser un gouvernement étasunien tyrannique dominé par des Juifs.

Alors que l’attaque terroriste la pire de l’époque aux États-Unis occupait les gros titres, de lourdes mesures de répressions furent lancées par le gouvernement contre les groupes de milices de droite et leurs compagnons de voyages, à l’instar du ciblage qui fut mené contre les groupes musulmans au lendemain du 11 septembre.

Mais selon le récit détaillé livré par Evans-Pritchard dans son ouvrage, l’affaire présente des aspects extrêmement troublants et douteux, comme il put le découvrir rapidement lorsqu’il se mit à poser des questions aux témoins et aux proches des victimes, quelques mois plus tard.

Par exemple, la cible supposée de McVeigh avait été l’ATF, qui avait été responsable de Waco et disposait d’un bureau au neuvième étage du bâtiment détruit. Pourtant, étrangement, aucun agent membre de cette agence ne figure sur la liste des pertes, et des récits ont circulé, selon lesquels aucun d’entre eux ne serait venu au travail ce jour-là, et des déclarations publiques affirmant le contraire se sont par la suite avérées fausses. Qui plus est, une équipe de déminage et son gros véhicule avait stationné, chose des plus inhabituelles, aux abords du bâtiment, ce matin-là, et ceux qui déclarèrent ce fait finirent par se rétracter. Chose remarquable, un équipement sismique de l’université de l’Oklahoma a indiqué que deux fortes explosions se seraient produites, et non pas une seule, un élément objectif qui vient contredire directement la thèse officielle, et les récits faits dans les journaux d’informations avaient décrit d’autres bombes qui n’avaient pas explosé et que l’on retirait de l’intérieur du bâtiment gravement endommagé.

Evans-Pritchard a également écrit plusieurs pages pour résumer les déclarations de plus d’une dizaine de témoins oculaires, qui ont vu McVeigh, accompagné d’au moins un autre homme, durant toutes ses activités consistant à louer, conduire, et garer la camionnette, ou ont mentionné d’autres faits totalement contradictoires avec la thèse officielle voulant qu’il ait agi seul. Carol Howe, une ancienne informatrice de l’ATF, avait infiltré les militants séparatistes blancs d’Elohim City, et a déclaré à l’auteur que des mois auparavant, elle avait rapporté leurs projets de mener un attentat sur des bâtiments fédéraux, parmi lesquels celui d’Oklahoma City. D’autres agents fédéraux ou informateurs ont semble-t-il également été impliqués dans le coup.

Bien que ce journaliste britannique n’ait jamais tenté de formuler sa propre théorie pour expliquer ce qui s’est véritablement produit, il livre une quantité importante d’éléments détaillés qui suggèrent que le récit officiel est faux, ou à tout le moins extrêmement incomplet, avec un gouvernement et des médias qui apparaissent comme impliqués dans une dissimulation, pour des raisons inconnues.

Au vu de la complexité de cette affaire et du nombre d’éléments et de personnages potentiellement significatifs totalement exclus du récit orthodoxe qui en est fait, il est parfois difficile de tout conserver d’équerre. Je recommande à cet égard fortement de lire la dizaine de pages qui résume ces éléments « conspirationnistes » que livre Hidden History, un ouvrage de 2014 que j’ai lu en début d’année. L’auteur en est Donald Jeffries, un chercheur « conspirationniste » de longue date, qui a commencé à travailler comme volontaire pour Mark Lane, le pionnier au sujet de l’assassinat de JFK, et les 350 pages de sa mini-encyclopédie livrent des éléments centraux très utiles pour des dizaines de conspirations supposées, allant de la mort de JFK à nos jours, faisant également mention du vol TWA 800 et de la mort de Vince Foster. Que l’on soit ou non d’accord avec l’ensemble de ses analyses, il rend un service des plus utiles en présentant les informations centrales sous forme très condensée, même si ce format est très entaché par l’absence de références aux sources.

De l’autre côté du spectre, on trouve The Medusa File II, de Craig Roberts, qui couvre plus de 500 pages et se consacre totalement aux détails de l’attentat d’Oklahoma City. Roberts a longtemps a été agent de police à Tulsa, en Oklahoma, et expert en bombes, et fut sur le champ embarqué par le bureau local du FBI pour contribuer à l’enquête, en partie du fait de son expertise technique, et en partie en raison de ses contacts personnels étendus avec les groupes de droite, qui étaient sans cela réticents à parler à des représentants du gouvernement. Il a également publié de nombreux autres livres avant celui-là, dont un grand nombre sur des sujets militaires, ou sur l’assassinat de JFK, mais il affirme avoir attendu vingt ans avant de faire paraître son récit exhaustif sur cette affaire particulière.

Quoique je reste très sceptique vis-à-vis des diverses théories conspirationnistes avancées par Roberts désignant les motifs et les auteurs de l’attentat, les éléments factuels et de première main qu’il livre et son expertise technique apparaissent comme très crédibles. Selon les témoins qu’il a interrogés à l’époque, il s’est bel et bien produit une seconde explosion, bien plus forte que la première, confirmée par des enregistrements audio et des traces sismiques. Il a également pris note de toutes les informations d’actualité parues sur l’instant affirmant que d’autres bombes qui n’avaient pas explosé, d’une nature très sophistiquée, avaient été découvertes dans le bâtiment par les premiers secours, et de hauts dirigeants du gouvernement disent la même chose. En outre, le FBI s’est empressé de saisir l’ensemble des bandes de vidéo-surveillance du voisinage, qui auraient pu révéler qui a stationné le véhicule ainsi que le motif des explosions ; ces enregistrements n’ont jamais été diffusés. Et Roberts, en tant qu’expert en explosifs, estime qu’il était purement et simplement impossible que la destruction massive du bâtiment ait pu être provoquée par un véhicule et une bombe du type énoncé ; et un autre expert en explosifs, affilié en haut lieu au gouvernement, est parvenu à la même conclusion : des explosions ont dû se produire à l’intérieur du bâtiment pour produire de tels dégâts.

Comme bien souvent, il est bien plus facile d’établir une chose négative plutôt que positive, et démontrer que le récit officiel est très probablement faux est bien plus facile que déterminer ce qui s’est réellement produit, et pourquoi cela s’est produit.

Malgré cela, je pense qu’il est utile de mentionner le scénario par feu Michael Collins Piper, un chercheur réputé en matière de conspiration. En 2013, il a publié False Flags, l’un de ses derniers ouvrages, et bien que le cœur de son travail fût consacré à d’autres sujets, plusieurs chapitres courts, couvrant environ 30 pages, traitent de l’attentat d’Oklahoma City et livrent son analyse sur cette affaire, sur la base des rapports originaux produits par Evans-Pritchard.

Piper indique qu’il existe des éléments forts établissant que l’ADL avait eu connaissance de l’attaque à l’avance, et que l’un des principaux personnages probablement impliqués, un ressortissant allemand travaillant apparemment comme informateur pour le gouvernement, présentait des liens importants avec Israël et son armée. En outre, juste après l’attentat, les médias ont massivement accusé les Arabes en général d’avoir commis l’action terroriste atroce, et l’Irak de Saddam Hussein en particulier, chose qui m’avait sauté aux yeux à l’époque. Selon le scénario imaginé par Piper, le Mossad israélien et ses collaborateurs étasuniens auraient orchestré l’attaque sous faux drapeau dans l’objectif d’impliquer leurs rivaux du Moyen-Orient et de provoquer des représailles de grande ampleur de la part des États-Unis, largement dans l’esprit de ce qui s’est produit à l’issue du 11 septembre. Cependant, Clinton et ses conseillers auraient rapidement compris le jeu qui se déroulait et ne se seraient pas laissés emporter dans une guerre injustifiée dans le Moyen-Orient, si bien qu’ils auraient ordonné au FBI et à d’autres agences de supprimer totalement toute trace d’un complot organisé que les conspirateurs avaient précédemment mis en place, et de faire passer McVeigh pour un dingo isolé, sans lien avec aucune puissance étrangère, tout en dissimulant également les pistes remontant à Israël.

Ce scénario apparaît comme au moins aussi plausible qu’un autre, et comme l’ouvrage de Piper est disponible sur notre site au format HTML, quiconque s’y intéresse peut lire la discussion qu’il mène au sujet des éléments de preuve, et se faire sa propre opinion.

False Flags
Yes, the Mossad Was Behind the Oklahoma City Bombing
Michael Collins Piper • 2013 • 136,000 Mots

Pour équilibrer tous ces récits qui proviennent de sources très différentes, j’ai également décidé de lire A Force Upon the Plain, publié en 1996 par Kenneth S. Stern, et dont le sous-titre est « Le mouvement de milice étasunien et la politique de la haine ». On peut décrire Stern comme le principal expert de l’American Jewish Committee au sujet des groupes de haine, et son ouvrage plutôt court — tout juste 250 pages de texte — est centré sur les histoires et les idéologies des groupes de droite qu’il prend pour cibles, tout en s’en tenant de très près au récit standard qui est fait des événements. Malheureusement, au lieu de réfuter de manière efficace les éléments perturbants présentés par l’autre partie, il les ignore pour la plupart et ses tentatives de réfutations apparaissent comme assez faibles, si bien que je n’ai pas été convaincu par ses arguments.

Cette poignée d’ouvrages ne constitue pas du tout un traitement complet de ce sujet complexe, mais constitue une introduction à certains sujets importants que les personnes intéressées pourront utiliser comme base pour aller plus loin.

Garder le silence ou faire entendre sa voix

Peu après les attentats du 11 septembre 2001, j’ai été déconcerté par la facilité avec laquelle une grande partie des États-Unis s’est laissée convaincre que l’Irak de Saddam Hussein avait joué un rôle derrière ces attaques, et s’est par conséquent ruée dans une guerre désastreuse. Les aspects extrêmement douteux des attaques à l’anthrax m’avaient également amené à poser de premières questions sur la version des événements qui était rapportée par nos médias dominants. Et dans le même temps, j’ai commencé à travailler sur mon projet d’archivage de contenus, consistant à numériser les 150 dernières années des principaux périodiques des États-Unis ; je remarquais peu à peu que les récits contemporains qu’ils livraient étaient parfois très différents de l’histoire que j’en avais toujours connue.

Lorsque se produit une fissure majeure dans le mur d’incrédulité sceptique entretenu par une personne, il est naturel qu’elle se mette à reconsidérer une grande partie du passé, et plus de dix ans plus tard, j’ai publié mon premier article de la Pravda Américaine pour expliquer la transformation qui s’était opérée dans ma compréhension des événements :

Comprendre que le monde est souvent très différent de ce que présentent nos journaux et magazines dominants ne constitue pas une conclusion aisée pour la plupart des Étasuniens instruits, en tous cas, tel a été mon cas. Des décennies durant, j’ai lu de près chaque matin le New York Times, le Wall Street Journal, ainsi qu’un ou deux autres journaux importants en plus d’une grande variété de magazines d’opinion hebdomadaires ou mensuels. J’avais toujours perçu leur parti pris sur certains sujets. Mais j’avais confiance en le fait qu’en comparant et en mettant en contraste les affirmations de ces différentes publications, et en y appliquant du bon sens, je pourrais en dégager une version relativement fidèle de la réalité. Je me trompais.

Outre les éléments que nous pouvons obtenir en usant de nos cinq sens, presque tout ce que nous savons du passé ou des actualités nous vient de papier imprimé ou de pixels colorés sur un écran, et heureusement, depuis dix à vingt ans, la croissance de l’Internet a considérablement élargi la gamme d’informations disponible dans cette dernière catégorie. Même si l’écrasante majorité des affirmations peu orthodoxes que l’on trouve au sein de ces sources non traditionnelles du web est incorrecte, il existe du moins désormais la possibilité d’extraire des fragments vitaux de vérité de vastes montagnes de supercheries. Sans doute les événements des quelque douze années écoulées m’ont-ils contraint à recalibrer totalement mon propre appareil de détection de réalité.

Ce processus a eu pour résultat final la production de ma série la Pravda Américaine, qui s’approche désormais du demi-million de mots, et qui présente des ramifications dans les controverses des années 1990 qui m’avaient si aisément échappées à l’époque :

La série la Pravda Américaine
Ron Unz • The Unz Review • 467,000 Mots

[Le Saker francophone a traduit un nombre considérable de ces articles, NdSF]

Dans le même temps, au cours des douze à vingt-quatre mois qui ont suivi le 11 septembre 2001, j’ai découvert Counterpunch, le magazine électronique très connu publié sur Internet par Alexander Cockburn, et j’ai été très impressionné par la couverture qu’il apporte sur des événements ignorés ou mal traités par les publications dominantes. J’ai fini par nouer une amitié avec Alex, et il lui est arrivé de venir déjeuner à Palo Alto, si bien que j’ai pleuré sa mort en 2012, et j’ai expliqué dans mon éloge funèbre les éléments qui avaient fondé mon admiration :

Étant donné ma propre formation scientifique en physique théorique, j’ai tendance à suivre une règle simple pour essayer de découvrir la réalité du monde. Lorsque des gens affirment une chose qui est largement dénoncée par toute l’opinion établie, et que cette chose finit par s’avérer véridique, je leur accorde un point. Et lorsque des gens supposément bien informés, soutenus par des ressources massives, disent une chose qui m’apparaît comme absurde et que cette chose finit par s’avérer totalement fausse, je leur retire un point. Au moment où le gigantesque canular des Armes de Destruction Massive détenues par Saddam a explosé dans le plus grand ridicule international et le plus grand désastre national, Counterpunch, publié par Alex, ou la Gray Lady des Sulzberger, avaient largement obtenu des positions de crédibilité dans mon esprit, au moins sur une vaste gamme de sujets. Au cours des années qui ont suivi, nombreux ont été les matins où je me suis retrouvé à lire des quantités interminables d’absurdités malhonnêtes dans les pages consacrées aux actualités du New York Times et du Wall Street Journal, non sans découvrir une discussion nettement plus plausible et précise des événements du monde au sein des pages de Counterpunch.

Mais quelques années plus tard, j’ai compris qu’Alex avait travaillé en suivant des contraintes importantes qu’il s’était fixé, refusant de publier l’une ou l’autre des affirmations controversées au sujet des attaques du 11 septembre 2001, dont j’ai pourtant découvert et conclu par la suite que celles-ci étaient sans doute véridiques. L’un de ses auteurs les plus expérimentés sur les sujets du renseignement était Bill Christison, qui avait travaillé des décennies durant pour la CIA, et y avait atteint un poste de direction dans la division dédiée aux analyses, mais l’essai produit en 2006 par Christison en soutien au 9/11 Truth Movement avait dû être publié hors des pages de Counterpunch, si bien que je ne suis tombé dessus que de nombreuses années plus tard. Au cours des années 1970, Alex avait été l’un des journalistes les plus influents du Village Voice, mais il s’était fait purger de son poste en 1982, et je soupçonne qu’il était préoccupé par le fait que se trouver associé à des opinions conspirationnistes risquait de lui coûter ce qui lui restait d’ancrage dans les cercles médiatiques dominants.

À un certain stade, il m’avait envoyé une copie de Washington Babylon, un ouvrage dénonçant des scandales, paru en 1996, dont il avait été co-auteur, au sujet de la face sombre des politiques étasuniennes menées au début de l’administration Clinton, et lorsque j’ai commencé à explorer les éléments cachés des années 1990, j’ai finalement décidé de lire cet ouvrage. Bien que ses anciens collègues de Village Voice en aient fait les louanges en le qualifiant de « découverte de scandales bas et sales », et bien qu’il couvrît largement des sujets dissimulés de finances de campagnes et de lobbying corrupteur, l’ouvrage ne fait qu’à peine apparaître un mot sceptique au sujet de la mort de Vince Foster, de l’attentat d’Oklahoma City, ou d’autres événements majeurs de cette période que j’ai mentionnés ci-avant, ce qui m’a déçu, mais sans constituer une grande surprise. Je me plais à croire que s’il avait vécu quelques années de plus, et qu’il s’était laissé renforcer par le changement radical d’influences entre les médias dominants et alternatifs, il serait devenu bien plus virulent au niveau de ses prises de positions publiques.

Prenons, par exemple, la trajectoire récente adoptée par le professeur Jeffrey Sachs, de l’université de Columbia. Des décennies durant, il est resté l’un des piliers de l’establishment académique d’élite, sans la moindre indication que son opinion au sujet des événements historiques ait pu dévier par rapport au récit officiel. Mais il y a un an ou deux, il a été désigné président de la Commission Covid du Lancet, et a peu à peu pris conscience en tenant ce poste que les faits autour des origines de la maladie qui a tué des millions et des millions de gens dans le monde restaient dissimulés, et que les tentatives de les faire éclater au grand jour étaient bloquées par les efforts concertés du gouvernement et des médias. Puis, début 2022, la guerre dévastatrice lancée par la Russie contre l’Ukraine a éclaté, et une fois de plus, de nombreux faits centraux au sujet des causes de ce désastre ont été dissimulés au grand public. Dans une colonne récente, je l’ai félicité, en le comparant à un « éléphant juste et incontrôlable« , et ses interviews, ainsi que d’autres déclarations publiques de sa part, ont atteint des niveaux d’audience qui se chiffrent en millions.

En conséquence de ces développements, l’homme semble être devenu nettement plus précautionneux sur un grand nombre de sujets historiques dont il avait jusqu’alors pris la version officielle pour argent comptant, parmi lesquelles notablement les circonstances de l’assassinat du président Kennedy. Dans une remarquable interview récemment réalisée en podcast, il avait énoncé des sentiments qui ressemblaient à s’y méprendre aux miens, affirmant avoir découvert que, sur de nombreux sujets différents et d’une grande importance, nous vivons tous dans une mer de mensonges. »

Traduit par José Martí, relu par Wayan, pour le Saker Francophone

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