Poutine interviewé par Bloomberg [3/4]


Avenir de l’euro – Politique de change – Politique budgétaire – Élections US – Relations avec la Grande-Bretagne


Russia’s President Vladimir Putin Interview to Bloomberg. Parts I, II, and III


Saker US

Le 3 septembre 2016 – Source bloomberg

Le 1er Septembre, Vladimir Poutine a donné, à Vladivostok, une interview au rédacteur en chef de la société internationale de médias Bloomberg. [Imaginez une seconde Obama acceptant une interview de Russia Today, NdT]

Cet entretien est publié en quatre parties :

  • Première partie : développement de l’Extrême-Orient russe – litiges territoriaux avec le Japon
  • Deuxième partie : relations avec la Chine – politique énergétique – cyberguerre
  • Troisième partie : avenir de l’euro – politique de change – politique budgétaire – élections US – relations avec la Grande-Bretagne
  • Quatrième partie : relations avec la Turquie – état des lieux en Syrie – confiance Est-Ouest – guerre en Tchétchénie – politique étrangère – héritage et réflexions sur le système politique – succession et réflexions sur les difficultés du pouvoir

John Micklethwait :

Vous venez de parler de l’économie russe, nous y reviendrons et je vous questionne au sujet des réserves dans une seconde. Mais cela a frappé lorsque que vous avez parlé en détail de toutes les façons dont la Russie est devenue plus forte. Vous êtes sur le point d’aller au G-20 et vous avez souvent étudié et surveillé l’Ouest. Vous avez, pour le moment, été au G-20 plus que tout autre dirigeant. Avez-vous déjà été à un G-20 où l’Ouest est vu, comme aujourd’hui, plus divisé, plus dubitatif, et plus méfiant de lui-même ? Regardez toutes ces choses qui se passent en Europe – la migration, le Brexit –, regardez l’Amérique avec les élections et tous les problèmes associés. Est-ce que l’Occident vous semble particulièrement désuni en ce moment ? Comment expliquez-vous cela ?

Vladimir Poutine :

– Il y a beaucoup de problèmes dans l’économie mondiale en général et dans l’économie de l’Ouest aussi : le vieillissement de la population, la baisse des taux de croissance et de la productivité du travail. Cela est évident. La situation démographique globale est très compliquée.

Ensuite, les spécialistes eux-mêmes, et vous êtes l’un des meilleurs spécialistes dans ce domaine, croient probablement que dans le cadre de l’expansion de l’UE, par exemple, des éléments concernant l’état de préparation de certaines économies pour entrer dans la zone euro n’ont pas été pris en compte.

Il est très difficile d’entrer dans une zone de monnaie unique ayant des paramètres économiques assez faibles et de maintenir un état favorable de l’économie, pour ne pas mentionner les taux de croissance positifs. Nous en avons été témoins non seulement en Europe, mais aussi, par exemple, en Argentine – il y a près de dix ans ou plus – quand ils ont attaché la monnaie nationale au dollar et ensuite n’ont pas su quoi faire à ce sujet. Il en est de même pour l’entrée dans la zone euro…

Vous attendez-vous à voir l’euro survivre ?

Je l’espère, parce que nous croyons dans les principes fondamentaux de l’économie européenne. Nous voyons que les dirigeants de l’Europe occidentale – il y a des débats bien sûr, nous voyons et analysons aussi cela – collent à des approches très pragmatiques pour résoudre les problèmes économiques, dont je ne peux pas dire si elles sont bonnes ou mauvaises, cela dépend toujours de l’avis de chacun.

Ils ne détournent pas les instruments financiers, les injections financières, mais tentent, tout d’abord, d’obtenir un changement structurel. Ceci est urgent pour notre économie aussi bien, et peut-être même plus urgent si on garde à l’esprit les problèmes que nous ne pouvons pas encore traiter [seuls, NdT], à savoir la prédominance du secteur du pétrole et du gaz dans la Fédération de Russie et, en conséquence, la dépendance aux revenus du pétrole et du gaz.

Cela se manifeste également en Europe, non pas la dépendance au pétrole et au gaz, mais le fait que les réformes structurelles sont attendues depuis longtemps, et je pense que les principales économies sont très pragmatiques et efficaces pour faire face aux enjeux de l’économie européenne. Voilà pourquoi nous continuons à conserver environ 40% de nos devises de réserve en euros et en or.

Vous attendez-vous à ce que l’Europe ne garde pas les membres existants, et qu’elle en perde d’autres, comme elle a perdu la Grande-Bretagne ?

Vous savez, je ne veux pas répondre à votre question provocatrice, même si je comprends qu’elle puisse être intéressante.

Allons donc ! Vous avez très souvent critiqué l’Europe…

Eh bien, oui, je l’ai critiquée, mais je le répète : nous gardons 40% de nos devises de réserve en euros, nous ne sommes pas intéressés par l’effondrement de la zone euro, mais je ne peux pas exclure la possibilité de décisions qui regrouperaient des pays égaux dans leur développement économique, ce qui, à mon avis, conduirait à une consolidation de l’euro. Mais il peut aussi y avoir des décisions provisoires afin de maintenir le nombre actuel de membres de la zone euro inchangé. Cela n’est pas notre travail, mais nous suivons toujours étroitement les actions de nos partenaires européens et nous leur souhaitons bonne chance.

Maintenant, en ce qui concerne ces critiques dont vous avez parlé. J’ai critiqué la politique étrangère, mais cela ne veut pas dire que nous devrions être d’accord sur tout. En effet, nous critiquons beaucoup de choses, nous pensons que nos partenaires font beaucoup d’erreurs – nous pouvons aussi faire des erreurs, personne n’est à l’abri de faire des erreurs –, mais en ce qui concerne l’économie, je le répète, à mon avis, la Commission européenne et les principales économies européennes agissent de manière très pragmatique et sont sur la bonne voie.

Peut-on parler de l’économie russe ? Je sais que vous allez dire que le taux de change dépend beaucoup de la Banque centrale et qu’il est fixé par le marché. J’ai regardé en juillet, le 19, lorsque le rouble était à 62,9 pour un dollar, vous avez dit qu’il était trop fort, vous avez critiqué cela. Et le rouble est maintenant descendu à 65 pour un dollar. Est-il assez affaibli pour vous rendre heureux ? Ou voulez-vous le voir faiblir davantage ?

Je n’ai pas critiqué la position de la Banque centrale. J’ai toujours pensé et je pense toujours que la Banque centrale doit agir de façon indépendante. En effet, c’est vrai, vous pouvez me croire sur parole. Je ne me mêle pas des décisions de la Banque centrale et je ne donne pas d’instruction à la direction de la Banque ou à sa présidente.

La Banque centrale observe la situation économique et, bien sûr, je reste en contact aussi bien avec la direction qu’avec la présidente de la Banque centrale, mais je ne donne jamais d’instructions. Si j’ai dit que le rouble était devenu trop fort, je ne dis pas que la position de la Banque centrale était erronée, je dis que cela a mis la pression sur les secteurs de l’économie orientés vers l’exportation. Nous comprenons tous que cela est vrai. Lorsque le rouble est plus faible, il est plus facile de vendre, de produire ici pour un rouble pas cher et de vendre pour un dollar coûteux, obtenir des entrées en dollars puis les échanger contre des roubles et obtenir un revenu plus élevé. C’est simple.

Mais si nous parlons de choses fondamentales, la régulation du taux est en fait la fonction du régulateur principal, à savoir la Banque centrale. Et elle devrait penser à la façon dont l’économie et l’industrie réagissent, mais aussi à sa tâche fondamentale d’assurer la stabilité du taux. La stabilité du taux est la question principale et la Banque centrale agit pour l’assurer d’une façon ou d’une autre. Cela a finalement été atteint après que la Banque centrale est passée à un taux de change flottant pour la monnaie nationale.

La Banque centrale devrait prendre en compte d’autres choses aussi : la stabilité du système bancaire dans le pays, l’augmentation ou la diminution de la masse monétaire dans l’économie, son influence sur l’inflation. La Banque centrale a beaucoup à gérer et il est préférable de ne pas interférer avec sa compétence.

Vous personnellement, aimeriez-vous voir rouble un peu plus faible encore, avec leur aide ? Je sais que ce n’est pas votre travail mais vous aviez fait un commentaire avant. Que dites-vous maintenant ?

Vous savez, ma position est que le taux devrait s’aligner sur le niveau du développement économique. Parce que ce taux résulte toujours d’un équilibre, un équilibre des intérêts, et il devrait refléter cet équilibre. Un équilibre entre ceux qui exportent et qui bénéficient d’un taux faible, et ceux qui achètent, qui ont besoin d’un taux plus élevé. Un équilibre entre les producteurs nationaux, par exemple les producteurs agricoles, qui sont intéressés. Ici, nous avons 40 millions de citoyens russes impliqués dans le domaine de l’agriculture d’une manière ou d’une autre. C’est très important. Il ne faut pas oublier non plus les intérêts des consommateurs ordinaires qui ont besoin de prix un peu plus bas dans les supermarchés.

Par conséquent, permettez-moi de rappeler que le taux ne devrait pas répondre aux intérêts d’un groupe spécifique ou deux, il doit répondre aux intérêts fondamentaux du développement de l’économie elle-même.

Donc, vous ne vous plaignez plus. Je suppose que vous n’êtes pas trop malheureux avec le taux où il est ?

Je n’ai pas exprimé de désaccord, je ne me plaignais pas. J’ai simplement noté que l’un des groupes, en particulier les exportateurs, préférerait voir un affaiblissement du rouble.

Vous avez mentionné précédemment que la Russie a normalement $500 milliards [de réserves, NdT]. Maintenant, c’est $400 milliards. Avez-vous l’objectif de revenir à $500 milliards. Pensez-vous cette cible réaliste ? Quelle est votre opinion : la Banque centrale devrait-elle acheter plus de dollars dans le but de remonter vers $500 milliards ?

La Banque centrale achète et vend constamment – c’est son travail. Je crois qu’au cours des six derniers mois les réserves en or et en devises ont augmenté de 14%.

Les réserves ont remonté un peu, mais les achats de dollars n’ont pas été aussi systématiques qu’auparavant.

– Vous et moi connaissons très bien le niveau nécessaire des réserves de la Banque centrale, ainsi que leur but. Nous pouvons dire au grand public que l’or et les réserves de change en devises de la Banque centrale ne sont pas conçus pour financer l’économie, mais plutôt pour assurer le chiffre d’affaires du commerce extérieur. Par conséquent, nous avons besoin de ce niveau pour atteindre le montant du commerce extérieur nécessaire à une économie telle que celle de la Russie pour une période d’au moins trois mois. Si tout s’arrête, ce niveau sera en mesure d’assurer notre chiffre d’affaires du commerce extérieur en utilisant les réserves d’or et de devises étrangères pendant au moins six mois ou plus, ce qui est largement suffisant.

Par conséquent, nous avons aujourd’hui un niveau absolument correct de réserves en or et en devises étrangères afin d’assurer durablement la stabilité économique et le niveau du commerce extérieur. Toutes les autres questions – achat et vente de devises – sont liées à la régulation du marché de la monnaie nationale. Cependant, il est encore difficile de dire quelle sera la réaction de la Banque centrale et si elle conduira à augmenter les réserves. Il ne faut pas oublier que nous avons deux fonds de réserves gouvernementaux: le Fonds de réserve et le Fonds national de bien-être qui représentent ensemble $100 milliards.

Je veux revenir en arrière – toutes ces choses affectent le budget. Vous avez un déficit budgétaire, vous venez de donner plus d’argent que précédemment prévu pour les retraités. Vous devrez emprunter depuis quelque temps. Vous êtes susceptible de le faire cette année ? Et irez-vous sur le marché intérieur ou sur le marché international pour emprunter de l’argent ?

Il n’y a pas de besoin pour le moment. Nous ne devons pas emprunter sur le marché extérieur, mais nous avons utilisé et utilisons toujours  cet instrument traditionnel dans les relations financières internationales. Nous avons émis des instruments financiers dans le passé, et il y a une forte demande pour eux, c’est tout simplement inutile maintenant. Compte tenu du coût des emprunts et des $100 milliards de réserves du gouvernement, il n’y a aucune raison pour que nous empruntions. Nous devrions examiner la situation attentivement. En outre, les emprunts sont possibles, mais nous devons comprendre ce qui est le plus rentable à ce stade. C’est un premier point.

La deuxième. Le déficit. L’an dernier, le déficit du budget fédéral a été de 2,6%. Je pense que vous conviendrez que c’est un niveau assez acceptable. Cette année, nous nous attendons à un déficit légèrement plus élevé d’environ 3%, peut-être un peu plus. C’est toujours un niveau tout à fait acceptable. Mais que cherchons nous à atteindre ? Nous cherchons à optimiser les dépenses du budget. Je crois que même en ces temps difficiles, nous employons une approche très pragmatique envers les questions économiques et sociales. Nous traitons les problèmes sociaux majeurs et tenons les promesses faites à notre peuple.

Le gouvernement vient d’annoncer une indexation des pensions de 4%. Il n’y a eu aucune indexation dans la seconde moitié de l’année, mais l’année prochaine, nous allons faire un paiement unique de 5 000 roubles pour chaque retraité, qui est en fait comparable à une indexation. Nous agissons de manière pragmatique et prudente. Nous réduisons les dépenses sur les postes budgétaires qui ne constituent pas une priorité. On ne va pas gaspiller nos réserves et les brûler pour toutes les ambitions politiques. Nous allons agir très soigneusement.

J’espère qu’il n’y aura pas de besoin particulier nécessitant des financements extérieurs. Il est intéressant de noter que, malgré le fait que le PIB soit plus petit maintenant, nous maintenons toujours un excédent commercial. Je crois que nous avons maintenant un excédent commercial de $45 milliards pour la première moitié de l’année. En terme annuel, l’inflation a baissé plusieurs fois. Plusieurs fois ! D’une année sur l’autre, elle était d’environ 10% par rapport à août dernier, mais maintenant elle est seulement un peu plus de 3%. Le taux de 5,7% pour le chômage est également acceptable. Nos indicateurs microéconomiques sont stables et ils me donnent des raisons de croire que nous allons calmement et régulièrement passer cette période difficile de notre économie, qui s’est sans doute déjà adaptée à la situation actuelle.

Ce G-20 sera le dernier où vous verrez Barack Obama. Et comme vous le savez il y a l’élection américaine et, comme vous le savez aussi, il y a un choix entre Hillary Clinton et Donald Trump. Qui préféreriez-vous avoir à l’autre bout du téléphone s’il y a situation géopolitique – Donald Trump ou Hillary Clinton ? Avez-vous seulement un sentiment ?

Je voudrais faire face à une personne qui est en mesure de prendre des décisions responsables et de mettre en œuvre les accords conclus. Son nom n’a pas d’importance. Bien sûr, cette personne doit avoir la confiance du peuple américain, puis il ou elle ne devra pas seulement en avoir le désir mais aussi disposer d’un soutien politique ayant la volonté de mettre en œuvre les accords.

Nous n’avons jamais interféré dans les affaires intérieures d’un État et nous ne le ferons jamais. Nous gardons un œil sur ce qui se passe et attendons le résultat des élections et après cela nous serons prêts à travailler avec toute administration qui voudra travailler avec nous.

Puis-je vous pousser, juste sur ce sujet ? En 2011 vous avez accusé Hillary Clinton de soutenir les protestations auxquelles vous avez été confronté en Russie à l’époque [tentative de coup d’État, NdT]. Et par contraste, je regarde certaines des choses que Donald Trump a dites à votre sujet en 2007, que Poutine faisait un excellent travail, en 2011 il a loué votre chemin raisonnable, l’année suivante, il a dit que vous étiez son nouveau meilleur ami, l’année d’après, il a dit que vous êtes meilleur que les Américains, il a dit que vous méritez de bonnes notes… Et je peux continuer comme ça. Et vous pouvez vraiment me dire que si vous avez le choix entre une femme, dont vous pensez qu’elle peut avoir tenté de se débarrasser de vous, et un homme, qui semble avoir cette sorte de grande affection pour vous, presque à la limité de l’homoérotisme, vous n’allez pas choisir entre les deux, parce que l’un d’entre eux semble être plus favorable envers vous ?

Vous savez, en fait j’ai déjà répondu à votre question, mais je peux le dire autrement, le dire en d’autres termes : nous sommes prêts à faire face à un président, mais bien sûr, et je l’ai mentionné, cela dépend de l’état de préparation de l’administration à venir. Nous accueillons toujours quelqu’un qui se dit prêt à travailler avec la Russie. Mais si quelqu’un, comme vous l’avez dit, veut se débarrasser de nous, alors il s’agit d’une approche différente. Cependant, nous allons passer au-dessus de ça, vous ne savez jamais qui va perdre le plus avec une telle approche.

Voilà l’important : j’ai vu à plusieurs reprises que la carte anti-russe est jouée lors des campagnes nationales aux États-Unis. Je trouve cette approche de très courte vue.

Dans le même temps, nous recevons des signaux différents tout autour de nous montrant que, en fait, tout va bien. La même situation se produit avec les administrations précédentes pendant les campagnes électorales, elles affirment que tout sera rétabli plus tard. Je ne pense pas que cette attitude corresponde au niveau de responsabilité qui pèse sur les États-Unis. Je suppose que cela devrait être plus sain, calme et équilibré.

Quant aux critiques que nous recevons, vous savez, même l’équipe de M. Trump nous critique. Par exemple, l’un des participants ou des membres de son équipe a affirmé que la Russie donne de l’argent aux Clinton par certains fonds et que, en fait, la Russie contrôle la famille Clinton. Ça n’a pas de sens. Je ne sais même pas où Bill Clinton a prononcé son discours et je ne sais rien à propos de tous ces fonds. Les deux parties utilisent cela simplement comme un outil dans leur affirmation politique interne, et je suis sûr que c’est une mauvaise chose. Mais encore une fois, nous nous félicitons du fait que quelqu’un se déclare prêt à travailler avec la Russie quel que soit le nom de cette personne.

Puis-je poser une dernière question sur Donald Trump ? Certaines personnes disent qu’il est trop imprévisible pour être un président américain. Seriez-vous heureux avec lui comme président américain de la même manière que vous seriez heureux avec Hillary Clinton dans ce rôle ?

Nous ne pouvons pas décider pour le peuple américain. Après tout, malgré le comportement scandaleux de l’un et, en passant, de l’autre candidat – chacun est scandaleux à sa manière –, ils sont intelligents, ils sont vraiment intelligents et ils sont conscients des leviers qu’ils doivent utiliser pour se faire comprendre par les électeurs des États-Unis, les sentir et les entendre. Donald Trump vise les électeurs républicains traditionnels, la personne moyenne avec un revenu moyen, la classe ouvrière, un certain groupe d’entrepreneurs et ceux qui embrassent les valeurs traditionnelles. Mme Clinton se concentre sur une autre partie des électeurs et tente aussi de les influencer à sa manière. Alors ils s’attaquent l’un l’autre et, en tout état de cause, je ne voudrais pas que nous suivions leur modèle. Je ne crois pas qu’ils donnent le meilleur exemple. Mais ceci est la culture politique des États-Unis, que l’on doit prendre comme elle est. Les États-Unis sont un grand pays et ils ne méritent pas l’ingérence ou les commentaire des tiers.

Répondant à votre question pour la troisième fois, je peux vous dire que nous travaillerons avec toute administration et tout président qui a la confiance du peuple américain. Ceci dit, bien sûr, s’ils souhaitent coopérer avec la Russie.

Permettez-moi de vous poser des questions sur d’autres pays. Une autre personne que vous allez rencontrer au G-20 est Theresa May. La Grande-Bretagne a fini dans la même situation que la Russie, elle est en Europe, mais non membre de l’Union européenne après le Brexit. Voulez-vous les aborder avec un accord de libre-échange ?

Eh bien, je voudrais terminer ma réponse à la question précédente. Vous avez travaillé comme journaliste pendant une longue période. Vous êtes tout à fait compétent et vous comprenez toutes les menaces qui peuvent surgir d’un environnement international tendu, n’est-ce-pas ? Surtout s’il y a des tensions entre les grandes puissances nucléaires du monde. Nous comprenons tous cela.

Bien sûr, vous êtes celui qui me pose des questions. Vous êtes l’intervieweur, pas moi. Toutefois, permettez-moi de vous poser une question : voulez-vous une autre crise des missiles de Cuba ? Ou non ?

Non, personne n’en veut.

Bien sûr, personne n’en veut.

John Micklethwait :

Mais c’était l’une des raisons de la question que j’ai posée à propos de Donald Trump, qui est considéré comme une force plus imprévisible que Hillary Clinton.

Et vous aussi, vous préféreriez que la Russie maintienne de bonnes relations tant avec le Royaume-Uni qu’avec les États-Unis, non ? Je préférerais aussi. Si quelqu’un aux États-Unis ou au Royaume-Uni dit : «Je voudrais établir de bonnes relations de partenariat avec la Russie», tous les deux, vous et moi, nous nous en féliciterions. Et les gens comme vous et les gens comme moi également. Cependant, nous ne savons pas encore ce qui arrivera vraiment après les élections. Voilà pourquoi je vous dis que nous allons travailler avec un président désigné comme tel par le public américain.

Quant au Royaume-Uni, nous avons une réunion prévue avec le Premier ministre en Chine en marge du G-20. Nous avons eu une conversation téléphonique. Malheureusement, les relations entre le Royaume-Uni et la Russie ne se sont pas développées de la meilleure façon possible. Mais cela n’a jamais été de notre faute. Ce n’est pas nous qui avons décidé de mettre fin aux relations avec le Royaume-Uni ; c’est lui qui a préféré geler nos contacts bilatéraux dans divers domaines. Si le Royaume-Uni estime qu’il est nécessaire d’entamer un dialogue sur certaines questions, nous sommes prêts pour cela, on ne va pas faire la moue ou bouder. Nous adoptons une approche très pragmatique de la coopération avec nos partenaires et nous pensons que ce serait bénéfique pour nos deux pays.

Nous parlions de notre plus grande compagnie pétrolière Rosneft, et j’ai rappelé au début que près de 20% de celui-ci (19,7) appartient à BP. Qui est cette entreprise ? British Petroleum, n’est-ce pas ? Je suppose que ce n’est pas mal. Je dois vous dire que le capital de British Petroleum est significativement lié au fait qu’il possède plus de 19% de Rosneft, qui possède de vastes réserves de pétrole en Russie et à l’étranger. Cela a aussi un impact sur la stabilité de l’entreprise.

Ainsi, BP se trouvait dans une situation difficile après les événements tragiques dans le Golfe du Mexique. Nous avons fait tout notre possible pour la soutenir. La Grande-Bretagne est intéressée par cela, non ? Je pense qu’elle l’est. La même chose est vraie pour d’autres domaines.

Nous célébrons l’anniversaire des convois arctiques. Vous connaissez ce sujet, non ? Nous considérons vraiment les membres du convoi Arctique comme des héros. C’est vrai. Je ne dis pas cela comme une façon de parler. En effet, c’est exactement ce qu’ils étaient. Nous savons que les conditions dans lesquelles ils ont combattu étaient épouvantables. Maintes et maintes fois, face à la mort au nom d’une victoire commune et nous nous en souvenons.

Pensez-vous que la Grande-Bretagne pourrait être plus conforme ou plus susceptible de faire un accord avec la Russie maintenant qu’elle est à l’extérieur ou va quitter l’Union européenne ?

– La Grande-Bretagne quitte – et a de facto quitté – l’Union européenne ; cependant, elle n’a pas changé sa relation spéciale avec les États-Unis, et je crois que les relations du Royaume-Uni avec la Russie dépendent de la relation particulière de la Grande-Bretagne avec les États-Unis plutôt que de sa présence ou non dans l’Union européenne. Si la Grande-Bretagne poursuivait une politique étrangère plus indépendante, ce serait alors possible. Et si elle est guidée par des engagements envers ses alliés et qu’elle considère que c’est meilleur pour son intérêt national que sa coopération avec la Russie, ainsi soit-il.

Après tout, ce n’est pas notre choix ; c’est le choix de nos partenaires britanniques, le choix des priorités. Quoi qu’il en soit, nous comprenons évidemment que, étant l’allié des États-Unis et ayant une relation spéciale avec eux, le Royaume-Uni dans ses relations avec la Russie doit tenir compte de l’avis de son partenaire – les États-Unis. Nous prenons cette réalité comme un fait, mais permettez-moi de souligner encore une fois que nous serons prêts à faire autant que la Grande-Bretagne sera prête à faire pour reprendre notre coopération mutuelle. Cela ne dépend pas de nous.

Suite…

Traduit et édité par jj, relu par Catherine pour le Saker Francophone

 

   Envoyer l'article en PDF