Washington adresse un ultimatum à Ankara


Le 31 mai 2019 – Source Oriental Review

Turkey's President Recep Tayyip Erdogan, listens during a joint news statement with Croatia's President Kolinda Grabar-Kitarovic, following their meeting at the Presidential Palace in Ankara, Turkey, Tuesday, Jan. 9, 2018. Grabar-Kitarovic is on an official visit in Turkey. (AP Photo/Burhan Ozbilici)

Recep Tayyip Erdogan


Les USA ont laissé deux semaines à la Turquie pour qu’elle revienne sur son contrat d’achat de systèmes de défense russes S-400. Si la Turquie ne se soumet pas à ces exigences, elle peut s’attendre à un éventail de conséquences désagréables.

Les tentatives étasuniennes de dissuader la Turquie d’acheter à la Russie des missiles de défense Triumpf S-400 ressemblent de plus en plus à une longue série télévisée. Depuis plusieurs mois déjà, les étasuniens s’escriment à faire revenir la Turquie sur sa décision, cependant que les Turcs s’y refusent avec la même obstination. Semblant réaliser le caractère absurde de son positionnement, Washington a fini par adresser à Ankara ce dernier avertissement. Mais comme l’a souligné le Département d’État des USA, il s’agit bel un bien d’un ultimatum.

Malgré le fait qu’il n’y a pas grand chose à discuter – la Turquie a réaffirmé plusieurs fois, jusqu’au plus haut niveau de l’État, que l’acquisition de ces systèmes S-400 est actée et qu’elle n’a pas l’intention d’y renoncer (la dernière en date de ces affirmations en revient au président de la Turquie et à son ministre des affaires étrangères pas plus tard que la semaine dernière) – Washington n’en a pas moins accordé à la Turquie deux semaines et demie pour abandonner ce projet. D’ici la fin de la première semaine de juin, Ankara doit annoncer qu’elle résilie son contrat de missiles avec Moscou, qui prévoit que les premiers missiles doivent être livrés dès le mois de juillet, et remplacer ces S-400 par les équivalents étasuniens, les missiles Patriot (pourtant plus chers et moins performants). Les USA menacent la Turquie, si elle persiste sur sa décision première, de conséquences sévères, si l’on en croit CNBC. En premier lieu, la participation de la Turquie au programme de fabrication de chasseurs F-35 de cinquième génération [vous savez, les fers à repasser volants, NdT], et le contrat d’acquisition de cent de ces appareils F-35 par la Turquie sera annulé. Les USA menacent également la Turquie de sanctions, et même d’une expulsion du pays de l’OTAN.

Au demeurant, la stratégie de la Maison-Blanche quant à ces S-400 est basée sur l’appartenance [de la Turquie] à l’Organisation du Traité Atlantique Nord. Les étasuniens estiment que les membres de l’OTAN devraient acheter des technologies militaires compatibles avec les autres systèmes de l’OTAN. Bien entendu, le système de défense Patriot étasunien, fabriqué par Raytheon, répond à ces conditions, alors que tel n’est pas le cas des systèmes S-400. Ce n’est pas du tout la première fois que les étasuniens essaient d’imposer leur système Patriot à la Turquie, mais celle-ci s’y est toujours refusée. Et la raison de ce refus ne concerne pas tant le prix élevé des systèmes de missiles étasuniens, même si la différence de coût avec les systèmes S-400 est patente : à la différence de Moscou, Washington refuse de livrer la documentation du systèmes Patriot à Ankara.

L’accord signé par Ankara et portant sur l’acquisition de quatre divisions de S-400 fut signé en septembre 2017. Le contrat en question porte sur un montant de 2,5 milliards de dollars, mais la Russie va accorder à Ankara un prêt à hauteur de la moitié de cet investissement.

Si Ankara refuse à nouveau de plier face à Washington, Lockheed Martin, le fabricant du F-35, se verra forcé de modifier le processus d’assemblage de l’aéronef, la Turquie se retrouvant exclue du programme.

En l’état actuel des choses, il y a toutes raisons de penser que la position d’Ankara restera ferme, et que les USA vont subir un nouveau refus embarrassant. La Turquie se prépare depuis l’an dernier à voir arriver les systèmes de défense S-400 Triumpf, et procède à la construction de sites pour héberger ces missiles. Les images satellite montrent clairement des infrastructures de lancement et des bunkers.

« Ankara est prête à accepter la livraison des systèmes de missiles S-400 aussitôt que la Russie sera en mesure de nous les envoyer », a déclaré le ministre des Affaires étrangères de la Turquie, Mevlüt Çavuşoğlu, la semaine dernière, en réponse à une question de journalistes désireux de savoir si les livraisons commenceraient au mois de juillet.

Si le calendrier se déroule comme prévu, les missiles russes deviendront actifs et prêts à opérer l’année prochaine. Un groupe d’environ 100 spécialistes Turcs de missiles doivent se rendre en Russie fin mai pour apprendre à opérer le système de défense aérien S-400.

Et ce n’est pas tout : après avoir confirmé la fermeté de la position d’Ankara la semaine dernière, le président turc, Recep Tayyip Erdoğan, a de nouveau provoqué l’enthousiasme aux USA, en annonçant que la Turquie allait participer aux côtés de la Russie à la production des systèmes de défense S-500.

Et face au plus gros problème énoncé par Washington – à savoir que l’armement russe n’est pas compatible avec les autres systèmes de l’OTAN, Ankara a des choses à dire. La Turquie a affirmé qu’elle n’intégrerait pas les S-400 avec les systèmes de défense aériennes de l’OTAN, tout en déclarant qu’elle considérait qu’il s’agissait d’un problème artificiel. Erdoğan a également proposé la constitution d’une commission mixte composée d’experts de Turquie, des USA et de l’OTAN, pour déterminer si les S-400 constituent une menace envers les équipements militaires de l’OTAN, y compris le F-35. Washington s’est montrée fortement hostile à cette idée.

Traduit par Vincent pour le Saker Francophone

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