Par James Howard Kunstler – Le 1er janvier 2017 – Source kunstler.com
Il n’y a pas d’autre effort dans lequel les hommes et les femmes d’un niveau intellectuel supérieur aient montré autant de mépris total pour le raisonnement complexe qu’au sujet de la politique monétaire. – David Collum
La situation américaine
En dehors de tous les mauvais sentiments au sujet de l’élection, une constante visible depuis le 8 novembre est l’enthousiasme Ayn Randienne qui infecte la scène monétaire. Wall Street et les grandes entreprises croient que le pays a traversé un portail magique vers une nouvelle ère de guerriers héroïques-hommes d’affaires (Trump, Rex T, Mnuchin, Wilbur Ross, et al.), qui vont créer des richesses incalculables avec des affaires super avisées et défaire l’esprit incohérent et auto défaitiste du régime détesté de régulation technocratique de l’État profond de ces dernières années. Les principaux signes dans le ciel, disent-ils, sont la pénétration presque virile du Dow Jones, le navire amiral de la Bourse, au dessus des 20 000 points et la montée en flèche du Roi Dollar pour conforter sa suprématie dans l’espace monétaire mondial.
Je déteste participer au lynchage de cette parade maniaque, mais, pour le dire gentiment, la psychologie de la foule dépasse l’expérience et la réalité. Nous allons proposer quelques hypothèses concernant ce nirvana trompeur prétendument à venir.
Le récit actuel tisse l’espoir que l’industrie manufacturière reviendra aux États-Unis avec tous les avantages sociaux des années 1960, ses emplois très bien payés pour les cols bleus ainsi qu’une orgie d’infrastructures. Je pense que les deux idées sont viciées, même en supposant que les intentions soient bonnes. D’abord la plupart des usines sont soit encore debout mais dans un champ de ruines soit ont disparu du paysage. Donc, ce n’est pas comme si nous allions réactiver le géant endormi de nos capacité de production. De nouvelles usines à la fine pointe de la technologie exigeraient un Everest d’investissement de capital privé qui est tout simplement impossible à mobiliser dans un système déjà optimisé jusqu’à la glotte. Même si nous devions essayer d’y parvenir par le biais d’une sorte de force volontariste de la planification et de financement centralisé au niveau du gouvernement – en mode soviétique – il n’y a pas de moyen concevable de lever l’argent sans détruire la valeur de notre argent. Et le système bancaire avec lui.
Si, par magie, de toutes nouvelles capacités industrielles étaient construites, la majeure partie du travail serait assurée par la robotique, pas par des hommes musculeux en chemises bleues, et certainement pas pour l’équivalent de l’ancien salaire de 35$ de l’heure dans une chaîne d’assemblage, négocié par l’ancien syndicat United Auto Workers. Nous n’avons pas accepté le fait que la fête manufacturière fondée sur les combustibles fossiles était une situation ponctuelle due à des circonstances historiques spéciales et qu’elle ne sera pas répétée. L’avenir de la production aux États-Unis est effroyablement modeste. Nous serons réellement chanceux si nous pouvons produire quelques nécessités vitales au moyen de l’énergie hydro-électrique ou indirectement liée à l’eau. Ce sera à peu près tout ce qu’on pourra faire. Certains d’entre vous peuvent reconnaître le scénario de World Made By Hand. J’en suis malade.
De même pour les dépenses d’« infrastructure » vantées par les équipes de Trump comme la panacée à venir pour le malaise économique. Je soupçonne que la plupart des gens supposent que cela signifie un stimulus de milliers de milliards de dollars dépensés sur les routes et leurs accessoires. Eh bien, cela suppose également que nous nous attendions à une autre cinquantaine d’années de Happy Motoring et de vie de banlieue. On peut rêver. Nous sommes au crépuscule de l’automobile quelle que soit la façon dont vous tournez le problème, malgré tout le bavardage sur les voitures électriques « sans conducteur ». Nous n’aurons pas la capacité électrique de nous passer de la flotte de voiture du Happy Motoring roulant à l’essence. L’industrie pétrolière elle-même se dirige déjà vers l’effondrement de son EROEI. Et nos problèmes avec l’argent et la dette sont tellement graves que le paradigme automobile est plus enclin à échouer sur la base de la pénurie de prêts automobiles et d’emprunts indésirables avant même que les questions de ravitaillement pétroliers ne frappent. Chaque année, moins d’Américains peuvent se permettre d’acheter un quelconque type de voiture – de la façon dont ils sont habitués à les acheter, sur des prêts échelonnés. L’industrie a atteint la limite pour les aider – il existe des prêts de sept ans pour des voitures d’occasion ! – mais ils n’ont plus de marge de manœuvre. Le système de financement automobile est brisé. Gardez à l’esprit que la suburbanisation originale de l’Amérique au XXe siècle – avec ses accessoires automobiles – doit être considérée comme la plus grande affectation des ressources dans l’histoire du monde. Ainsi, une reconstitution de toutes ces choses représenterait un plus gros effort et serait peut-être même un investissement encore plus mauvais. Nous aurions pu dédier notre trésor après la Seconde Guerre mondiale à la construction de belles villes adaptées à la marche avec une certaine capacité de réutilisation adaptative, mais nous avons balayé ce choix pour profiter de la vie dans un tourbillon unique de démolition. La vie est tragique. Les sociétés font parfois de mauvais choix, puis doivent en payer les conséquences.
Nous aurions peut-être aussi été en meilleure forme si, il y a vingt ans, nous avions entrepris une reconstruction majeure de notre infrastructure ferroviaire. Mais nous avons balayé cela aussi, et bientôt il sera très difficile de traverser ce pays géographiquement grand par tout moyen mécanique. Il est peut-être trop tard maintenant pour faire quelque chose à ce sujet pour les raisons de financement déjà abordées – et que je vais développer plus loin. Le résultat final est que le président Donald Trump sera submergé par un océan de problèmes financiers dès le départ, et voici pourquoi.
Bouc émissaire désigné
Le peuple américain a été maltraité par son propre gouvernement et sa banque centrale, la Réserve fédérale, pendant des années, et le piège est maintenant en place. En 2017, tous deux perdront leur autorité et leur légitimité, une question très grave pour la survie de cette république.
Les initiés ont certainement vu cela venir depuis longtemps. Les gens qui dirigent ce soi-disant État profond avec ses institutions trop nombreuses et surdimensionnées ont probablement agi d’abord avec les bonnes intentions de maintenir le mode de vie national à flot. Mais à la fin (qui s’approche maintenant), ils se sont abaissés à trop de duplicité et de tromperie dans la tentative désespérée non seulement de préserver le système, mais de protéger leur propre réputation et leurs avantages personnels. Et maintenant, avec l’élection de 2016, on devrait se poser la question de savoir s’ils ont conçu toute cette fragilité du système pour la faire sauter au nez de M. Trump, pour l’accuser de cela. Il aurait explosé quand même. Mais si Hillary Clinton avait remporté l’élection, au moins le gang responsable aurait dû en prendre le blâme – les responsables de ces vingt dernières années. Au lieu de cela, c’est Donald Trump qui a été élu bouc émissaire.
À propos de cette « bonne grosse horrible bulle » et de ses conséquences
Partie 1 : Leçon d’histoire
Les États-Unis ont manqué de capacité de croissance vers le tournant du millénaire parce que nous étions à court d’énergie pas chère pour gérer notre économie techno-industrielle. C’était difficile à voir avec cette apparence d’abondance de pétrole disponible. Et, bien sûr, la fête de la technologie était en plein essor, mais pour attirer les capitaux réels décroissants dans le but de financer ces technologies, d’autres choses plus anciennes ont dû être arrêtées et l’ont été. Et quand tout a été organisé et fait, on s’est rendu compte que les ordinateurs ne généraient pas beaucoup de richesses ou de valeurs sociales. En fait, les rendements décroissants et les effets de la technologie informatique sont sans doute plus dommageables que bénéfiques pour la société et son économie. Regardez où la classe moyenne en est aujourd’hui. La technologie de l’informatique a donné une apparence magique de croissance tout en sapant l’économie.
Par l’énergie abordable, je veux dire une énergie avec un EROEI de plus de 30 pour un, qui est le ratio dont vous avez besoin pour le genre de vie que nous menons. C’est ce que l’histoire ridiculisée du PeakOil était vraiment : pas une question de manque de pétrole, mais un manque de dollars pour tirer le reste du pétrole de la terre afin de maintenir notre niveau de vie. Je reviendrai sur ce point plus en détail plus tard. Mais c’est ce qui a provoqué le malaise économique de l’Amérique en ce début de XXIe siècle. Tout ce que nous avons fait en finance depuis lors a été une tentative pour compenser notre problème fondamental de dette – emprunter sur l’avenir pour maintenir notre niveau de vie actuel (inabordable). Notre dette est de plus en plus grande chaque année et nos méthodes de gestion sont devenues plus désespérées et malhonnêtes.
La banque centrale de l’Amérique, la Réserve fédérale, qui n’est pas une agence gouvernementale comme elle en à l’air, mais un consortium des plus grandes banques privées du pays, connu dernièrement sous le nom de Too-Big-To-Fail. La Fed a été créée en 1913, lorsque les complexités du financement des capitaux se sont multiplié parallèlement aux complexités de la production industrielle qui, rappelons-le, était un phénomène nouveau et en évolution de l’histoire humaine. L’humanité n’avait aucune expérience antérieure de la production industrielle. Nous avons découvert vers la fin du XIXe siècle – des décennies de croissance industrielle sans précédent – que la dynamique du système produisait des booms accompagnés d’effondrements très destructeurs. Les opérations des banques dépassaient habituellement les cycles du commerce, de l’industrie et de la guerre qui coloraient l’évolution de la modernité. La Fed a donc été créée pour lisser ces cycles. Elle avait deux mandats fondamentaux pour cela : agir en tant que prêteur de dernier recours entre les banques pendant les paniques financières afin que l’argent soit toujours disponible en cas d’urgence ; et stabiliser la masse monétaire et des prix dans le système. La Fed a échoué de manière spectaculaire pour lisser les cycles des booms et des baisses et maintenir la valeur du dollar au fil du temps.
Seize ans après la création de la Fed, l’Amérique est entrée dans son pire ralentissement économique jamais vu, la Grande Dépression, qui n’a été atténué que par l’anomalie colossale de la Deuxième Guerre mondiale. L’Amérique a émergé de cet épisode comme la dernière société industrielle au milieu des ruines brûlantes du monde. Cela nous a donné un avantage extraordinaire dans le commerce mondial qui a duré environ trente ans. Cette marée haute de l’ère de la « normalité » apparente – les années 1950 et 1960, dont les esprits trumpiens pourraient se rappeler comme « grande » – a commencé à se défaire dans les années 1970, qui n’étaient pas par hasard le moment du pic de la production pétrolière américaine.
En 1977, la Fed a reçu une troisième mission consistant à promouvoir le maximum d’emplois avec un kit d’outils pour manipuler la masse monétaire et la création de crédits, qui se sont révélés mortellement perfides. Cette nouvelle tâche a élevé les fonctionnaires de la Fed, et surtout son président, au statut de vizirs – magiciens utilisant des modèles et des formules mathématiques occultes – pour lancer des sorts capables de contrôler la macroéconomie comme on pense que les sorciers contrôlent la réalité extérieure. Leurs prétentions ont semblé fonctionner pour des raisons sans rapport avec les sorts qu’ils apprenaient à jeter.
Il est encore largement méconnu que l’Amérique s’est remise du désordre financier des années 1970 non pas à cause des charmes des « Reaganomics », mais grâce aux dernières découvertes géantes de pétrole, avec un EROEI de plus de 30 pour un, qui ont été mis en production dans les années 1980 : le versant nord de l’Alaska, la Grande-Bretagne et les champs de la mer du Nord, la Norvège et la Sibérie. Cela a permis aux États-Unis et à l’Occident de rallonger largement la fête techno-industrielle vingt ans de plus. Lorsque cette corne d’abondance s’est effritée vers l’an 2000, le système a de nouveau vacillé et les vizirs de la Fed ont accéléré leurs opérations magiques, dirigées par le Grand Vizir (ou « Maestro ») Alan Greenspan, qui a travaillé les barres de contrôle des taux d’intérêt comme si le système financier était un grand orgue avec des tubes actionnés par l’énergie nucléaire qui pouvait être remontés et abaissés grâce au merveilleux panneau de contrôle de la Fed. Cette période de féerie a été caractérisée par un système financier toujours plus complexe, par une fragilité systémique croissante, par une fraude comptable systématique et par des bulles et des baisses toujours plus importantes. La déréglementation, en particulier l’abrogation de 1998 de la loi Glass-Steagall de 1932, a scellé le destin financier de l’Amérique.
La dette était la viande et les pommes de terre de la magie de la Fed, mais sa « sauce secrète » était la fraude sous forme d’interventions sur le marché, de manipulations, de négligence réglementaire et de mensonges systématiques sur les chiffres qui définissaient l’économie. Il s’agissait d’un racket financier nationalisé. Sous la direction des Grands Vizirs qui se sont succédé de Greenspan à Ben Bernanke, la fraude aux contrôles (employant l’autorité officielle pour cacher l’inconduite) a été perfectionnée par des cadres bancaires, dégénérant dans le fiasco des titres hypothécaires de 2008 qui a abattu le marché de l’immobilier et l’économie. (Le marché de l’immobilier, en passant, était composé principalement de maisons de banlieue, condition sine qua non de la plus grande affectation de ressources dans l’histoire du monde.)
Bien sûr, personne n’a payé de peines de prisons toute cette inconduite, à part l’artiste fou du Ponzi, Bernie Madoff, et quelques autres petits poissons. Les régulateurs ont regardé de l’autre côté, sur les ordres de leurs patrons. Contrairement à la précédente crise des banques d’épargne et de prêt de la fin des années 1980, aucun des principaux agents bancaires n’a été mis en prison. Les dégâts de l’accident de 2008 ont été épiques et jamais réparés, seulement cachés par plus de dettes, plus de tromperies, et plus de rackets.
Le remède supposé, la Loi Dodd-Frank de 2010, était une couverture pour la fraude continue et omniprésente et la « capture » institutionnelle du gouvernement par le secteur bancaire et ses servants, véritable fusion fasciste des banques et du gouvernement, machine à escroquer où tout est permis et rien ne compte. Les fraudes n’ont été réorientées depuis 2008 que vers des prêts étudiants, des prêts automobiles, des contrats de rachat d’actions, des rachats d’arbitrage sur devises, des dépôts d’actifs de capital-investissement et la gigantesque boîte noire d’échange/négociation de produits dérivés.
Partie 2 : 2017, l’année de la vie dans l’anxiété
Sous la houlette du successeur de Bernanke, la professeure Janet Yellen de l’Université Berkeley de Californie, l’accent a été mis sur la politique de la Fed avec un jeu élaboré de « dépendance aux données » en traînant les pieds – beaucoup de discours sans action – avec des données elles-mêmes en grande partie frauduleuses sur l’emploi et le PIB, le tout censé déterminer la hausse ou la baisse de la politique des taux d’intérêt. En bref, le racket continue tandis que les autorités tremblent devant les dilemmes accumulés et maintenant inéluctables de cette dette qui mène de plus en plus certainement à l’effondrement systémique.
Pensez-y : la Fed est complètement le nez dans son caca. Elle est terrifiée par les conditions qu’elle a mises en place et elle n’a aucune idée de ce qu’il faut faire ensuite. Les « données » dont elle prétend tellement dépendre sont artificiellement fausses. Le chiffre officiel du chômage annoncé par le gouvernement à Noël 2016 était de 4,6%. C’est un mensonge habillé. Les 4,6% ne comprennent pas les 95 millions de personnes hors de la population active, la plupart d’entre elles sont valides et sont tout simplement en fin de droits ou ont abandonné la recherche d’un travail. Cela ne tient pas non plus compte du fait que près de 90% des nouveaux emplois créés sont des emplois à temps partiel, dont beaucoup sont détenus par des personnes qui travaillent sur plusieurs emplois (parce qu’elles doivent payer les factures). Cela ne décrit pas non plus la qualité des emplois créés (salaire minimum).
Ce chiffre de 4,6% de chômage est le principal pilier des « données » de la Fed. Elle l’interprète comme signifiant que l’économie est rugissante et en pleine confiance. Ils mentent à ce sujet, bien sûr. Ils sont en train de racoler en permanence sur la « reprise » (depuis le crash de 2008) et annonçent un programme de « normalisation » des taux d’intérêt à la hausse de deux ans. En 2015, ils n’ont rien fait jusqu’à la dernière réunion de la Fed de l’année où ils ont soulevé le taux des fonds fédéraux de 25 points de base (c’est un maigre quart de point). Ils l’ont relevé, ont-ils dit, parce qu’ils étaient « confiants » dans l’économie. Non, ce n’est pas la raison. Ils l’ont fait parce qu’ils en ont parlé toute l’année sans rien faire et que leur crédibilité était en cause. Ils ont également promis quatre hausses de taux en 2016, qu’ils ont ensuite évité de réaliser.
Après cette hausse des taux de décembre 2015, les marchés boursiers ont fléchi de 10%. Au printemps, les marchés ont semblé rebondir, donc la Fed a recommencé à parler de nouvelles hausses de taux. Ils en ont parlé toute l’année sans agir, un acte impressionnant de fausse nouvelle. Le vote surprise du Brexit leur a donné des sueurs froides. Ils se sont couchés. Pendant ce temps, la saison électorale américaine était en cours. La Fed le nie, mais ils n’ont pas relevé les taux d’intérêt pendant onze mois en 2016 uniquement parce qu’ils voulaient faire en sorte que l’administration démocrate s’en sorte bien et en tête du vote de novembre car ils savaient que l’économie était fragile. Une fois Hillary élue, ils étaient déterminés à l’introduire à la Maison Blanche sur une marée montante de bonnes nouvelles économiques… fausses.
Quand elle a perdu l’élection, les marchés boursiers ont surpris tout le monde en entrant dans le rallye haussier de la Trumpxuberance. C’est une belle histoire pour le bavardage des médias, absurdement simple, basée sur l’espoir que les Trumponomics vont relancer les affaires. Plus d’informations ci-dessous.
Les marchés boursiers fous étaient un pilier secondaire de la vision économique mondiale de la Fed. La poussée post-électorale du Dow Jones de 2000 points, ainsi que le taux de chômage historiquement bas de 4.6%, a donné à la Fed, le 15 décembre, un prétexte pour faire la même chose qu’ils avaient faite l’année précédente : couvrir leurs fesses et préserver une certaine crédibilité en montant le taux de base de la Fed d’un quart de point. On pourrait penser que s’ils étaient vraiment confiants dans l’économie – surtout compte tenu du rallye de fin d’année – ils se seraient risqués à l’augmenter d’un demi point ou plus. Ils ne sont pas confiants. Ils mentent en croisant les doigts.
Le taux de base de la Fed est une chose. La Fed ne contrôle pas directement les taux d’intérêt sur les obligations du Trésor des États-Unis, et ces derniers ont connu une hausse spectaculaire au cours de la deuxième moitié de 2016. Le taux crucial des bons du Trésor à dix ans a doublé depuis l’été. Parce que les valeurs obligataires se déplacent inversement aux taux des obligations, le prix des bons du Trésor a coulé, induisant des milliards de dollars de pertes pour les détenteurs d’obligations dans le monde entier. Le marché obligataire est beaucoup plus grand que les marchés boursiers. Les obligations sont dans un marché haussier depuis le début des années 1980 et cette bulle s’est retournée à la mi-2016. Un marché baissier est maintenant en place, ce qui signifie que les détenteurs d’obligations vont se débarrasser des leurs. La Chine et l’Arabie saoudite sont parmi les principaux vendeurs de ces bons du Trésor américain et elles ont besoin de leur argent pour une raison ou une autre. Elles vont en vendre davantage en 2017 parce que les deux pays sont dans de graves difficultés économiques. Trop de vendeurs d’obligations et pas assez d’acheteurs sur le marché entraînent des taux d’intérêt en hausse. Les prix de ces obligations ont beaucoup de place pour monter, car les prix sont partis presque de zéro. En conséquence, leur valeur a un long chemin potentiel de baisse.
Les obligations, bien sûr, représentent la dette. La dette totale des États-Unis a doublé sous le président Obama de l’ordre de dix à vingt mille milliards de dollars (comme elle avait doublée sous Bush de cinq à dix mille milliards de dollars). La raison, comme nous l’avons dit plus haut, est que nous ne produisons pas suffisamment de richesse pour couvrir le coût de notre mode de vie national, donc nous devons emprunter continuellement un volume toujours plus grand. Chaque année, le Trésor doit payer des intérêts sur toute cette dette. C’est beaucoup d’argent. Cette année, avec des taux d’intérêt commençant à des niveaux historiquement bas (jamais vus dans l’histoire connue), le Trésor a payé plus de mille milliards de dollars d’intérêts. Soit dit en passant, le gouvernement emprunte aussi de l’argent pour effectuer ces paiements d’intérêts. Une hausse des taux d’intérêt de 1%, conduirait la dette américaine annuelle à grandir de 190 milliards de dollars. Comme le regrettait le grand sénateur Everett Dirkson (R-Ill) : « … mille milliards ici, mille milliards là, tôt ou tard vous parlez d’argent réel ».
Une forte hausse du taux d’intérêt sur les bons du Trésor à dix ans sera un coup de tonnerre dans le système. Beaucoup d’autres taux d’intérêt de base sont rattachés au taux des obligations à dix ans, en particulier ceux des prêts hypothécaires dans l’immobilier, des locations d’appartements (les propriétaires ont des hypothèques) et des paiements de voitures. Lorsque le taux des obligations à dix ans augmente, il en va de même pour les paiements hypothécaires. Lorsque les taux hypothécaires augmentent, les prix des maisons baissent, parce que moins de gens sont en mesure d’acheter une maison à des taux hypothécaires plus élevés et les loyers augmentent (plus de concurrence entre les gens qui ne peuvent pas acheter une maison). La politique des taux d’intérêt à zéro (ZIRP), en vigueur depuis dix ans, a amené les prix des logements à des niveaux stratosphériques. Ils sont maintenant prêts à tomber, peut-être sévèrement, laissant de nombreux propriétaires « sous l’eau », avec des maisons valant beaucoup moins sur le marché que le montant de l’hypothèque qui leur reste à payer. Le marché du refinancement est mort. Les mises en chantier ont déjà baissé de 19% en novembre. Les ventes d’automobiles se délitent. Le nombre de fabricants et de détaillants est en baisse à la fin de l’exercice. Quoi de neuf : du stock, du stock, du stock.
Pourtant, les investisseurs n’ont pas pris leur profit habituel de fin d’année dans l’espoir que Trump réduirait les impôts sur les gains sur le capital en 2017, alors pourquoi vendre maintenant ? Vous pouvez attendre jusqu’au 3 Janvier 2017 pour vendre, et ainsi ne pas avoir à payer l’impôt sur vos bénéfices avant avril 2018. Les investisseurs commenceront-ils à vendre lors des premiers jours de Bourse de 2017 ? Je le pense. Et cette vente engendrera-t-elle une ruée vers la sortie ? Et que se passera-t-il si le taux d’intérêt sur les obligations à dix ans atteint 3% (ce n’est pas si loin) ? Ou peut-être même 4% ? Ce qui va arriver, c’est que les marchés boursiers vont baisser au premier trimestre de 2017. Ma prévision est 20% de moins sur le S&P. Ce sera seulement un aperçu des attractions à venir une fois que Trump aura mis ses mitaines sur les leviers de pouvoir. Un accident encore plus important plus tard dans l’année ?
Pourquoi Trump ne peut pas devenir Reagan
Quand Reagan est entré en fonction en 1981, l’inflation était en grande partie due aux effets des crises pétrolières de 1973 et 1979, qui avaient produit la « stagflation » qui a pris de court les modèles des économistes régnants (ils ne savaient rien sur la relation entre la dynamique énergétique et la formation du capital). Le taux de la Fed était presque de 20% en 1981. Il y avait beaucoup de place pour aller vers le bas. La dette nationale était inférieure à mille milliards (Reagan finit par atteindre un record de 2800 milliards de dollars). Reagan a été en mesure de supporter une forte récession au début de son premier mandat – et l’économie vaudou lui a fait passer tout le reste de son mandat au chaud, avec une « normalisation » de l’inflation et des intérêts – comme mentionné précédemment, il a pu profiter du boom des dernières grandes découvertes de pétrole non-OPEP qui sont venues égailler ses deux mandats, ce qui a accéléré l’activité économique et la croissance.
Aujourd’hui, les États-Unis sont dans le trou et Trump arrive sur scène sans marge de manœuvre. Trop de dettes ne peuvent être gérées que si les taux d’intérêt sont maintenus faibles. Tout le monde, dans le monde entier, se met à vendre des bons du Trésor américain. Avec un marché des obligations baissier, la Fed en tant qu’acheteur de dernier recours devra absorber tout ce qui vient sur le marché pour empêcher la hausse des taux d’intérêt sur dix ans au delà des 3%, mais même cela pourrait ne pas l’empêcher. Le plan de relance de l’infrastructure triomphante de Trump sera impossible à réaliser sans que la Fed ne monétise la dette nécessaire. Donc, le stimulus implique des déficits plus importants, ce qui signifie plus de dette ajoutée que personne ne veut acheter. Le résultat en sera l’inflation et donc une nouvelle pression à la hausse sur les taux d’intérêt. Des taux d’intérêt plus élevés, à leur tour, auront un impact négatif sur l’activité économique, réduisant les recettes fiscales, induisant des déséquilibres budgétaires plus importants et une instabilité accrue.
Trump peut même ne jamais obtenir le stimulus qu’il cherche. Le Congrès contrôlé par les Républicains a promis de ne pas augmenter la dette nationale. Comment Trump peut-il remplir sa promesse de réduire les impôts et de stimuler sans accroître énormément la dette ? S’il y a une guerre sur les dépenses entre Trump et le Congrès, le Congrès est susceptible de gagner, car il contrôle les cordons budgétaires. Bien sûr, Donald Trump ne peut pas imaginer de ne pas gagner. Les hostilités entre eux peuvent devenir permanentes au début de son règne et entraîner une paralysie encore plus dangereuse de la gouvernance.
Aussi au début de 2017, la Fed va abandonner sa phraséologie sur « le pointillisme » des nouvelles hausses des taux d’intérêt. Elle peut également perdre sa crédibilité dans le processus. Le système ne peut pas supporter la pression de trois hausses de taux d’intérêt en 2017. Il se peut que Janet Yellen ne relève le taux de la fed que de 0,5% au total sur deux ans uniquement pour être en mesure de l’abaisser à nouveau lorsque l’économie réelle finira par couler sous cette pression incessante des chicaneries de la banque centrale. Au deuxième trimestre de 2017, après un plongeon de 20%, la Fed va commencer à faire des bruits autour d’un Quantitative Easing 4 (QE), ou fera cuire un autre programme qui accomplira la même chose sous un nouveau label culinaire. Plus de QE (ou quelque chose comme ça) va conduire le dollar vers le bas et le retour de l’or. Le marché du logement « va finir dans les toilettes » et le reste de l’économie le suivra dans la chasse d’eau. À la fin de la première année d’activité de Trump, il y aura une autre plus grande décompression sur les marchés boursiers après la baisse initiale de 20% au premier trimestre. L’Amérique redeviendra grande à nouveau, tout va bien : nous allons entrer dans une dépression plus grande que la Grande Dépression des années 1930.
À suivre…
James Howard Kunstler
Traduit par Hervé, vérifié par Wayan, relu par Catherine pour le Saker Francophone
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