Par Indian Punchline
– Le 10 juin 2016 – SourceUne déclaration du ministère chinois des Affaires étrangères jeudi, a ostensiblement appelé la communauté internationale à respecter la souveraineté et l’intégrité territoriale du Pakistan. Elle a salué la contribution de ce dernier à la guerre contre le terrorisme et a souligné que le processus de réconciliation en Afghanistan, dans le cadre du Groupe de coordination Quadrilatère, ne devrait pas être compromis. (MFA)
La déclaration peut être considérée comme un reproche à Washington, pour le meurtre par drone du chef taliban. Il a fallu 17 jours à Pékin pour briser son silence.
Cette déclaration intervient alors même qu’une délégation de hauts responsables américains se dirigeait vers Islamabad – Richard Olson, représentant spécial des États-Unis pour l’Afghanistan et le Pakistan, Peter Lavoy, Conseiller principal et Directeur pour les affaires d’Asie du Sud au sein du Conseil de Sécurité Nationale, et le général John Nicholson, commandant des forces américaines en Afghanistan.
Les comptes-rendus pakistanais donnent l’impression que, lors des réunions aujourd’hui, les responsables américains ont entendu de leur leadership à Islamabad et Rawalpindi, une forte dénonciation des frappes de drones américains sur le territoire pakistanais et d’acerbes critiques à propos de l’inclinaison des politiques américaines vers l’Inde. (Une réaction pakistanaise correspondant également à la récente visite du Premier ministre Narendra Modi aux États-Unis.) De toute évidence, les relations américano-pakistanaises piquent du nez. (Un rapport dans le journal pakistanais Tribune Express, ici, le montre bien.)
La déclaration chinoise aurait gardé en vue la forte nécessité d’exprimer sa solidarité avec le Pakistan dans la conjoncture actuelle. Surtout, Pékin aurait pris en compte le contexte géopolitique. Bref, les conséquences du rééquilibrage des États-Unis se font enfin sentir en Asie centrale et sud-ouest.
Les États-Unis cooptent l’Inde comme un partenaire à part entière, dans une stratégie de rééquilibrage qui évidemment oppose l’Inde à la Chine et au Pakistan. Les Américains comptent que l’Inde se joigne à leur effort pour perturber le corridor économique Chine-Pakistan (CPEC) et contrecarrer la stratégie de la Chine et de la Russie pour créer un bloc économique eurasien.
La guerre en Afghanistan devient le parfait alibi pour renforcer la présence militaire américaine dans la région, le but du jeu étant d’intimider le Pakistan et de briser son axe avec la Chine. Cette poussée de la politique américaine correspond aussi aux intérêts de l’Inde.
Ainsi, le président Barack Obama a non seulement abandonné son plan initial de retrait des troupes d’Afghanistan, mais les derniers rapports suggèrent qu’il est même enclin à permettre aux troupes américaines d’entreprendre des missions de combat contre les talibans. (Washington Post)
Sur le plan géopolitique, le mouvement d’Obama vise à reprendre la main sur la fin de partie en Afghanistan. Fait intéressant, il coïncide avec l’introduction de l’Inde et du Pakistan, en tant que membres à part entière de l’Organisation de coopération de Shanghai, un développement régional que Washington voit avec inquiétude. (TASS)
Logiquement, à un moment donné, dans un avenir proche, les États-Unis vont exiger un rôle militaire indien direct en Afghanistan (qui devrait également compenser la baisse d’intérêt dans cette guerre des pays de l’OTAN.) Il se peut que l’Inde se positionne déjà pour assumer un tel rôle en Afghanistan, en tant que partenaire clé des États-Unis.
Sans aucun doute, le port de Chabahar et les liens de communication via l’Iran deviennent vitaux pour l’Inde, dans le but d’accéder à l’Afghanistan et de jouer un rôle efficace dans la stratégie régionale des États-Unis.
Plus important encore, l’accord logistique avec les États-Unis deviendra très pratique si les forces indiennes s’impliquent dans un rôle militaire en Afghanistan. Les USA ont des bases militaires en Afghanistan, qui peuvent fournir des secours pour toute expédition militaire indienne. En termes de réciprocité, les bases militaires indiennes deviendraient également accessibles aux forces américaines, ce qui, d’une part, permettrait de réduire la dépendance du Pentagone envers le Pakistan pour tout soutien logistique, et d’autre part, donnerait plus de poids à Washington pour faire pression sur le Pakistan à travers d’intenses attaques de drones et ainsi de suite.
Si l’Inde s’implique militairement en Afghanistan, cela reviendrait à tuer deux oiseaux d’un seul coup, dans la mesure où, d’abord, cela ferait reculer l’influence croissante de la Chine en Afghanistan et, ensuite, un rôle militaire en Afghanistan aiderait l’Inde à exercer une pression maximale sur le Pakistan. En termes stratégiques, en effet, l’Afghanistan est un haut plateau qui domine le corridor économique Chine-Pakistan.
L’estimation US-Indienne semble être que, par une politique de décapitation systématique des talibans, il serait possible de fragmenter le mouvement et d’affaiblir l’insurrection à un point où le gouvernement afghan, soutenu par Washington et New Delhi, prendrait progressivement le dessus et serait en mesure de dicter les conditions d’un règlement.
L’appareil de sécurité indien a toujours été ancré dans la croyance d’une possibilité d’extermination des talibans par la force, par l’intermédiaire d’une stratégie globale d’intimidation du Pakistan, et en rendant le prix de l’interférence continue en Afghanistan trop élevé pour Islamabad, tout en menant une guerre contre-insurrectionnelle efficace.
Les tsars de la sécurité indienne peuvent trouver une âme sœur en ce général un peu trop zélé qu’est le général Nicholson. L’autorisation donnée par Obama pour la frappe de drone au Baloutchistan montre que les États-Unis n’hésiteront pas à porter la guerre sur le territoire pakistanais – et elle porte le cachet de Nicholson. C’est précisément le genre d’approche dure envers le Pakistan, que l’Inde a toujours voulu qu’Obama adopte.
De toute évidence, Nicholson pousse Washington de tout son poids, et il est soutenu par des gens puissants dans l’establishment américain, ainsi qu’il ressort de la lettre ouverte publiée le 3 juin dans le magazine National Interest, adressée à la Maison Blanche par un groupe de 13 généraux et ambassadeurs américains retraités, y compris des noms bien connus comme les généraux Stanley McChrystal et David Petraeus. Ces messieurs ont écrit :
À moins que des conditions d’urgence n’exigent l’examen d’une augmentation modeste, nous sommes fortement en faveur d’un gel au niveau d’une dizaine de milliers de soldats américains jusqu’au 20 janvier. Cette approche permettrait également à votre successeur d’évaluer la situation par elle-même ou lui-même et faire d’autres ajustements en conséquence.
Ce qui nous attend ? En un mot, les chiens de guerre sont lâchés dans l’Hindou Kouch, et, ironiquement, ce sera la dernière décision politique majeure sur l’Afghanistan adoptée par Obama, un prix Nobel qui avait notamment promis un jour, au début de sa présidence, qu’il enterrerait cette guerre une fois pour toutes.
Il est sûr que le Pakistan ne cédera pas, car c’est pour lui une question existentielle. De même, la Chine ne peut que considérer avec inquiétude l’émergence d’un axe US-indien dans la politique régionale, qui ressemble fort à un modèle du rééquilibrage des États-Unis en Asie. Pékin va comprendre que le changement dans la politique américaine en Afghanistan – et vers le Pakistan – et l’alliance retrouvée avec l’Inde est en réalité destinée à encercler la Chine et à préparer la guerre contre elle.
De toute évidence, les tensions politiques montent dans toute l’Asie, et l’ordre politique de la région sud-asiatique, qui a réussi en grande partie à échapper aux ravages de la guerre froide, n’aura peut-être pas cette chance à nouveau. Le danger que les grandes puissances régionales se dirigent vers une guerre générale est réel.
Traduit par Claude, vérifié par Wayan, relu par nadine pour le Saker Francophone
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