Le retour fatal du passé


Par James Howard Kunstler − Le 18 octobre − Source kunstler.com

James Howard KunstlerVoici l’une des principales raisons pour lesquelles les États-Unis deviennent timbrés : l’explosion de dossiers informatisés, de courriels, de mémos inter-bureaux, de traces Twitter, de souvenirs Facebook, de vidéos iPhone, de YouTube, de conversations enregistrées et du vaste univers alternatif de capacité de stockage pour tous ces trucs, ne permettent plus de revenir constamment en arrière et de reconstruire la réalité. Tout ce que cela a réellement fait, c’est amplifier le potentiel de méfaits politiques jusqu’au suicide.

C’est une conséquence majeure et imprévue de la «révolution» numérique. Cela nous a poussé à regarder les événements passés, à les rejouer de manière obsessionnelle, tout en faisant des heures supplémentaires pour les orienter en faveur d’une équipe ou d’une autre, aux dépens de la vie dans le moment présent et de l’accord avec la réalité comme elle se présente à nous. Si la vie était un match de base-ball, nous ne regarderions que les rediffusions sur écran géant sans faire attention à l’action sur le terrain.

Avant tout cela, l’histoire était laissée en grande partie aux historiens, qui s’en occupaient avec une variété de points de vue pour une intégration réfléchie dans le courant de la culture humaine et qui ont géré le processus à un rythme qui permettait à un système politique de s’acquitter de ses tâches au jour le jour, ici et maintenant – au lieu de passer en revue incessamment et de manière récursive les événements qui se sont déjà produits 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Plus les médias électroniques évoluaient, plus ils se prêtaient à la manipulation, à la propagande et à la falsification de ce qui s’est passé il y a cinq minutes, cinq heures ou cinq semaines.

Cela explique exactement la motivation, la procédure, et l’acharnement de l’équipe perdante, lors de l’élection de 2016, pour changer ce petit morceau de l’Histoire. L’énorme échec de l’enquête Mueller n’a fait que révéler ce qui peut arriver lorsque des actes de mauvaise foi, de malhonnêteté et d’incompétence extraordinaires sont associés à ce projet de réinventer la «vérité» – qui a fait quoi et pourquoi – tout en provoquant une contre-activité à grande échelle pour démasquer les falsifications grossières.

Cette dynamique a longtemps été systématiquement analysée et appliquée par des institutions telles que la soi-disant “communauté du renseignement”, qui a été tellement dépassée que sa mission principale semble être aujourd’hui d’enfumer au maximum la nation – pour son auto-défense désespérée. L’épisode du “lanceur d’alerte” est le dernier en date dans les manipulations malhonnêtes, mais la caractéristique la plus intéressante est que la publication de la transcription de l’appel téléphonique Trump-Zelensky n’a pas affecté le “récit” prédigéré entre la CIA et Adam Schiff, président de la commission des Renseignements à la Chambre des représentants. Ils se sont juste emmêlés les pinceaux en racontant l’histoire et, alors que l’essentiel de celle-ci ne collait pas avec l’enregistrement de la conversation, ils se sont retirés pour des séances secrètes dans le sous-sol du Capitole à Washington.

Vous pouvez peut-être comprendre pourquoi le fait que M. Obama et ses acolytes ont déchaîné la CIA, la NSA et le FBI contre leurs ennemis politiques est devenu un tel désastre. Lorsque ce stratagème a explosé, la communauté du renseignement est descendue aux abris, comme le dit le dicton dans la légende et les traditions de la mafia. L’ «Honorable société» s’est retrouvée face à un risque existentiel. Bien entendu, la CIA a longtemps été accusée de suivre son propre programme simplement parce qu’elle en avait les moyens. Elle disposait de la main-d’œuvre, de l’argent et de l’équipement nécessaires pour mener à bien toutes les opérations à sa guise, et avait l’habitude de se sortir sans accrocs de son arrogance institutionnelle et d’en connaître plus que les pirates et les clowns élus par la populace. Le secret inhérent à sa charte était un feu vert pour des méfaits illimités et certains des directeurs de la CIA manifestaient un mépris flagrant pour les occupants de la Maison-Blanche. Pensez à Allen Dulles et William Casey. Et dernièrement, M. Brennan.

La NSA, récemment créée, a principalement ajouté la capacité de transformer tout ce qui se passe en matériel transmissible, puisqu’elle est soupçonnée d’enregistrer chaque appel téléphonique, chaque email, chaque transaction financière, chaque vidéo en circuit fermé et tout ce que ses ordinateurs peuvent piéger, pour le stockage dans ses serveurs de l’Utah. Vous savez maintenant pourquoi les actions d’Edward Snowden ont été si significatives. Il a fait ce qu’il a fait parce qu’il était assez moral pour reconnaître le visage de la malveillance quand il l’a vu. Qu’il survive en exil est un miracle.

Pour ce qui est du FBI, seule une catégorie exceptionnelle d’ineptie explique les difficultés qu’ils ont eues avec le fiasco du RussiaGate. L’incroyable défaite électorale de Mme Clinton les a bousillés, et les actes désespérés qui ont suivi n’ont fait qu’aggraver les choses. L’incompétence et les mensonges affichés ne sont comparables qu’à ceux de M. Mueller et de ses avocats, censés faire partie de l’équipe de nettoyage du FBI, mais qui ont laissé un bordel encore plus important, le tout catalogué dans des archives numériques.

Maintenant, des personnes dans toutes ces agences attendent que le marteau du juge tombe. S’ils font l’objet de poursuites, le processus impliquera une autre  excursion monumentale dans l’analyse de ces enregistrements numériques. Cela pourrait durer des années. Ainsi, l’acte final de l’effondrement des États-Unis sera que le gouvernement s’étouffe à mort face aux récits rejoués par ses propres batteries de serveurs. Dans l’intervalle, les événements iront dans une direction qui, finalement, privera la nation des moyens de poursuivre la plupart de ses activités habituelles, notamment des élections crédibles, la distribution de produits alimentaires, un réseau électrique fiable et peut-être même sa propre défense.

Too much magic : L'Amérique désenchantéeJames Howard Kunstler

Pour lui, les choses sont claires, le monde actuel se termine et un nouveau arrive. Il ne dépend que de nous de le construire ou de le subir mais il faut d’abord faire notre deuil de ces pensées magiques qui font monter les statistiques jusqu’au ciel.

Traduit par jj, relu par Kira pour le Saker Francophone

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