Par Pepe Escobar – Le 4 août 2016 – Source sputniknews
Tout commence par un festival Peace and Love wahhabito-sioniste.
Le ministère saoudien des Affaires étrangères a été forcé à un non-déni de déni en mode turbo suite à une visite en Israël, le 22 juillet, d’une délégation conduite par le général à la retraite Anwar Eshki.
Il se trouve qu’Eshki est proche de la superstar des services de renseignement de l’Arabie saoudite qui fut elle-même, en son temps, pote de Oussama ben Laden, à savoir le prince Turki bin Faisal, qu’il a récemment rencontré au grand jour avec les anciens généraux des Forces de défense israéliennes (FDI) Yaakov Amidror et Amos Yadlin.
En Israël, Eshki rencontra le ministre des Affaires étrangères, le Directeur général Dore Gold, et le Maj. Gen. Yoav Mordechai, le grand manitou des Forces de Défense d’Israël (IDF) en Cisjordanie.
Il est absolument impossible d’imaginer que la Maison des Saoud n’ait pas donné le feu vert pour une telle visite – et des réunions à ce haut niveau. Par ailleurs, le ministère de l’Intérieur d’Arabie saoudite interdit tout voyage en Israël – ainsi qu’en Iran et en Irak.
Alors, quel est le problème ? Les Israéliens échafaudent que les Saoudiens – façade pour la Ligue arabe – offrent une normalisation des relations avec le monde arabe sans qu’Israël n’abdique quoi que ce soit sur le front palestinien. La seule chose que Tel Aviv aurait à faire, beaucoup plus tard, est d’adopter l’initiative de paix arabe proposée par les Saoudiens en 2002.
C’est n’importe quoi. Pour commencer, les ultra sionistes d’extrême-droite au pouvoir à Tel-Aviv n’accepteront jamais le retour aux frontières d’avant 1967, ni la reconnaissance de l’État palestinien. Ce qui a été discuté était un non-accord, même si Tel Aviv jubile : «des États arabes importants sont prêts à nous étreindre ouvertement, même si nous n’avons pas renoncé à un pouce de la Cisjordanie et même si nous continuons à contrôler la Mosquée Al-Aqsa».
Si jamais la Ligue arabe s’embarquait dans un tel non-accord flagrant, jetant les Palestiniens sous des myriades de bulldozers, il y a de fortes chances pour que tout le spectre des oligarchies-pétromonarchique doive commencer à réserver un billet aller-simple pour Londres.
L’alliance Moscou-Téhéran-Ankara
Alors de quoi parlent-il, vraiment ? On pouvait s’y attendre, de la perspective imminente que la Dominatrice Tous Azimuts prenne le contrôle de la Maison Blanche.
Bibi Netanyahou à Tel-Aviv, et le maître de facto de la maison des Saoud, le Prince de la Guerre Mohammad bin Salman à Riyad, ont été réduits tous les deux, sous l’administration Obama, au statut euphémique proverbial d’«alliés aliénés». Ce sont des alliés de fait – même s’ils ne peuvent pas l’admettre devant la rue arabe. Les deux sont bien sûr cuits sous le règne de la Reine de la Guerre, il y aura – quoi d’autre, sinon la guerre ? La question est contre qui.
La spéculation informée pointe vers l’ennemi commun de l’Arabie et d’Israël : l’Iran. C’est compliqué. En effet, la stratégie combinée Arabie / Israël à travers le Moyen-Orient est en lambeaux. Téhéran n’est pas tombé dans le piège des bourbiers en Syrie et en Irak. ISIS / ISIL / Daesh et divers rebelles modérés – secrètement soutenus par l’axe Arabie / Israël – sont en cavale, même s’ils insistent sur le fait qu’ils ne sont plus al-Qaïda. Le Prince de la Guerre bin Salman est lui-même pris au piège dans une guerre perdue d’avance au Yémen.
Et puis, à la suite du coup d’État contre lui, il y a la spectaculaire volte-face du sultan Erdogan en Turquie – abandonnant à toutes fins utiles ses rêves emberlificotés de zone d’exclusion aérienne et d’annexion d’une Syrie post-Assad à son empire néo-ottoman.
La Maison des Saoud est devenue livide, lorsqu’elle a vu des diplomates turcs commencer à répandre cette nouvelle super-production : Erdogan a proposé à Rouhani, le dirigeant iranien, une alliance globale avec le président Poutine pour finalement résoudre l’énigme du Moyen-Orient.
Aussi erratique que soit l’ordre du jour d’Erdogan, un possible nouvel accord pour briser la glace entre Moscou et Ankara sera discuté de facto, en face-à-face, à la prochaine réunion Poutine-Erdogan. Tous les signes géopolitiques à ce stade – bien que provisoires – pointent vers une alliance Russie / Iran / Turquie relancée, même si une Maison des Saoud horrifiée va, sans vergogne, tenter de gagner la confiance de Moscou en offrant «des richesses inestimables» et un accès privilégié au marché des pays du Golfe.
Comme l’a confirmé une source haut placée du renseignement occidental, «les Saoudiens vont certainement garder tous les contacts ouverts avec le Kremlin. Le roi saoudien est à Tanger maintenant. Il a rencontré des émissaires russes là-bas. Ils pensent ce qu’ils disent. Mais Poutine ne va pas abandonner Assad. Il doit y avoir un compromis. Les deux en ont besoin».
Le président Poutine est dans une position privilégiée. Même sans accepter l’offre saoudienne – qui n’est qu’une promesse, sans aucune garantie à toute épreuve – la Russie détient les meilleures cartes, comme dans une alliance Moscou-Téhéran-Ankara assez problématique, mais finalement réalisable, qui concerne essentiellement l’intégration eurasienne – et un siège à venir pour la Turquie, aux côtés de l’Iran, à la table de l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS).
Une alliance Arabie-Moscou, pour sa part, entraînerait inévitablement la Reine de la Guerre vers – quoi d’autre ? – un changement de régime à Riyad, déguisé en R2P – Responsabilité de Protéger – la populace saoudienne [déjà testé en Libye, en Syrie et en Ukraine, NdT]. On peut compter sur la copine d’Hillary, Samantha Power, pour défendre le projet avec véhémence à l’ONU.
Encore et toujours Les Trois Harpies
Pourtant, compte tenu des instincts de la Reine de la Guerre, tous les signes pointent vers l’Iran.
La feuille de route pour les guerres d’Hillary est sans doute ici, dans une connivence très dangereuse entre les néocons et les neolibérauxcons aux États-Unis.
Le think tank CNAS est dirigé par l’une des Trois Harpies, Michele Flournoy, les deux autres étant Hillary Clinton et – les mots les plus terrifiants de la langue anglaise – Victoria Nuland, le possible trio mortel en charge de la politique étrangère sous une administration Clinton Trois.
Ceci est en fait un PNAC – Projet pour un Nouveau siècle américain – dopé aux stéroïdes, avec des échos du document guerrier de 1992 Defense Planning Guidance, déguisés sous la rhétorique lénifiante de l’hégémonie bienveillante et de l’ordre international fondé sur des règles. Si, dans sa campagne, Trump arrivait à contenir ses instincts de grand gueulard et de tweeteur maniaque et à se concentrer sur ce que signifie ce monument de bellicisme que sont les États-Unis, pour eux-mêmes et le monde en général, il entraînerait l’adhésion de millions d’électeurs américains indécis.
Malgré toutes ses fanfaronnades, et cela va s’élever vers des niveaux hystériques inouïs, la Dominatrice tous azimuts ne sera pas assez folle pour lancer une guerre – qui sera inévitablement nucléaire – soit contre la Russie, avec les Pays Baltes comme prétexte, ou la Chine, avec la mer de Chine méridionale comme prétexte, les deux principales menaces existentielles du Pentagone.
D’autre part, en Syrie, d’ici à janvier 2017, les cinglés, al-Qaïda ou pas al-Qaïda, anciennement connus sous le nom de rebelles modérés, seront pour la plupart d’entre eux six pieds sous terre.
Erdogan peut rendre la vie de l’OTAN en Turquie insupportable. Alors que la Reine de la Guerre est dans la poche de l’AIPAC, et considérant que la Fondation Clinton a des liens confortables, maintenant légendaires, avec la Maison des Saoud, la cible de guerre privilégiée devrait être celle de l’Arabie et d’Israël, une cible pro-Damas en étroite liaison à la fois avec Ankara et Moscou : l’Iran.
Mais, comment y arriver ? Une route, déjà explorée, est de bombarder par tous les moyens – et pas au sens figuré – l’accord nucléaire avec l’Iran. Une campagne concertée dans les médias grand public des États-Unis est déjà en train d’enterrer l’affaire. Même le guide suprême l’ayatollah Khamenei – comme on le raconte aux États-Unis – déclare officiellement qu’on ne peut pas faire confiance à Washington : «Ils nous disent ‘Parlons aussi des questions régionales’. Mais l’expérience de l’accord nucléaire suggère que ceci est un poison mortel et qu’en aucun cas on ne peut faire confiance aux Américains.»
Attendez-vous donc de la part de l’équipe Clinton à un barrage médiatique proverbial aux relents douteux, des accusations sans fondement et de faux drapeaux occasionnels, parfaitement positionnés pour attirer Téhéran dans un piège, comme, par exemple, le vœu pieux neolibéralcon : l’Iran relance son programme nucléaire. Bien sûr, cela ne se produira pas, mais un barrage infernal de désinformation sera mis en œuvre par le puissant lobby anti-iranien au Congrès américain, pour que cela se produise malgré tout, d’une façon ou d’une autre, même sous la forme d’une illusion.
Et tout cela alors que l’Iran, entre autres développements, est en train de planifier un nouveau corridor de transport du golfe Persique à la mer Noire, connectant l’Arménie, la Géorgie et la Bulgarie, positionnant le pays comme une plaque tournante majeure du commerce, reliant le monde arabe au sud et à l’ouest, l’Asie centrale au nord, l’Afghanistan et le Pakistan à l’est, jusque vers l’Europe. Encore une fois, l’intégration eurasienne est en marche.
Téhéran a une myriade de raisons d’être en alerte rouge si la Dominatrice Tous Azimuts pose ses griffes sur les codes nucléaires – n’est-ce pas plus effrayant que si c’est Trump ? Elle agira comme un fidèle serviteur infaillible de l’alliance israëlo-saoudienne. La feuille de route est prête. Les néocons et neolibérauxcons, de concert, peuvent à peine contenir leur excitation de voir en action «une force qui peut agir dans plusieurs missions différentes et l’emporter».
Pepe Escobar est l’auteur de Globalistan : How the Globalized World is Dissolving into Liquid War (Nimble Books, 2007), Red Zone Blues : a snapshot of Baghdad during the surge (Nimble Books, 2007), Obama does Globalistan (Nimble Books, 2009), Empire of Chaos (Nimble Books) et le petit dernier, 2030, traduit en français.
Traduit et édité par jj, relu par nadine pour le Saker Francophone
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