Par Pepe Escobar – Le 25 janvier 2016 – Source Russia Today
Il est assurément justifié d’avancer que pour Moscou, ce serait un énorme gaspillage de devises durement gagnées que de s’employer en vain à déjouer le stratagème monté contre le rouble par l’ensemble du pouvoir financier des USA.
La Banque centrale de Russie aurait dû à ce moment-ci avoir échangé tous ses roubles contre de l’or et augmenté les réserves d’or de la Russie.
C’est en fait ce qui se passe, d’une certaine façon. La semaine dernière, les réserves d’or de la Banque centrale de Russie étaient estimées à 1 415 tonnes métriques pour 2015, soit 17 % de plus qu’en 2014, pour une valeur de presque 48,6 milliards de dollars. La part d’or monétaire dans les réserves en devises de la Russie est passée de 11,96 % à 13,18 %.
Mais ce n’était pas suffisant. Pourquoi ? Une réponse lapidaire serait que la Banque centrale de Russie et le ministère des Finances, comme certains analystes le soutiennent, dont le Saker, sont en fait dirigés par des saboteurs et des vassaux de l’élite financière des USA, autrement dit, des Maîtres de l’Univers.
N’empêche que la Banque centrale de Russie n’est pas intervenue pour soutenir sa devise. Elle ne devrait d’ailleurs pas le faire. Le mieux, c’est de laisser flotter le rouble en mettant fin à pratiquement toutes les importations, contraignant ainsi le pays à l’autosuffisance. Ou encore d’introduire des contrôles des capitaux, en limitant les transactions libellées en devises étrangères à celles qui sont autorisées. Cela a bien servi la Malaisie après la crise financière ayant frappé l’Asie en 1997.
Quel krach chinois ?
On pourrait fort bien avancer que la Russie n’a pas vraiment besoin d’investissements occidentaux. C’était surtout encouragé par la Banque centrale, qui a maintenu ses taux d’intérêt plus élevés qu’aux USA et que dans l’UE, ce qui a amené les sociétés russes à emprunter à l’étranger en dollars US ou en euros.
La responsabilité qui incombe à la Banque centrale de Russie, c’est d’instaurer un crédit intérieur pour affermir les industries ce qui a été arrêté en Russie en raison de la dégringolade du rouble. Il ne s’agit pas d’une mesure inflationniste. La hausse de la production que favoriseraient ces investissements invaliderait les conséquences inflationnistes du crédit nouvellement instauré.
La Banque centrale de Russie a préféré une politique de rigueur monétaire pour combattre l’inflation. Il aurait été beaucoup plus rentable pour la Russie de lutter contre l’inflation en instaurant un crédit à des taux d’intérêt modestes pour financer le développement des industries qui s’emploieraient à remplacer les importations de produits étrangers.
Jetons maintenant un coup d’œil au partenariat stratégique russo-chinois. La Russie est peut-être groggy, mais pas la Chine. Sa croissance est estimée à 6,5% cette année, comparativement à 7% en 2015. Empêtrées dans un écheveau complexe de restructurations économiques et de stratégies de désendettement, les multinationales des USA comme Apple et GM n’ont sûrement aucun intérêt à ce qu’un krach chinois se produise.
Un indicateur décisif à surveiller est la croissance de la demande de pétrole par la Chine. Le bâtiment a ralenti, mais pas la construction automobile, avec une production de 25 millions de véhicules par an.
Avec la Chine, les Maîtres de l’Univers ont employé une stratégie différente. Ils ont essayé d’empêcher que la croissance économique de la Chine alimente la hausse du prix du pétrole. D’où l’offensive menée par les suspects habituels à Wall Street pour faire plonger les marchés financiers chinois à coups de règlements en espèces des actions de catégorie A. Mais cela n’a pas fonctionné.
Aujourd’hui, les Maîtres de l’Univers, qui commandent à distance les Saoudiens, tentent essentiellement de tirer le tapis sous les pieds des marchés boursiers mondiaux. On pourrait appeler cela le jeu de l’instrument dérivé donnant droit à un règlement en espèces de mille milliards de dollars. Mais rien n’indique que cela suffira pour détruire la Russie.
L’assassin et la cinquième colonne
La névrose obsessionnelle dont font preuve les Maîtres de l’Univers dans leur volonté de se débarrasser du président Poutine (et remettre en selle des oligarques vassaux) par tous les moyens possibles a atteint le stade de la poussée de fièvre. Leur dernière invention : Poutine l’assassin, scénario monté avec l’aide cruciale des services secrets britanniques.
Il ne fait aucun doute que les agents des Maîtres de l’Univers sont derrière la chute des cours du rouble et du pétrole. Il s’agit en quelque sorte d’une répétition du scénario du milieu de 2014, lorsque le cours du pétrole a dégringolé sans augmentation apparente de la production. C’est qu’on s’était débarrassé alors, en catimini, de sept millions de barils de pétrole du Golfe par jour sur ordre des Maîtres de l’Univers, d’après des sources sûres du milieu bancaire (des USA).
La Réserve fédérale des USA (la Fed) a contribué largement à la tourmente actuelle en augmentant les taux d’intérêt au moment où l’économie des USA va mal, ce que les manipulateurs des règlements en espèces de Wall Street n’ont pas manqué d’utiliser comme levier dans leur tentative de faire couler les marchés. Il va sans dire que les suspects habituels vont soutirer des centaines de milliards de dollars de la débâcle actuelle sur les marchés. Ce qui se trame du côté de BlackRock en donne un aperçu.
Dans ce sombre tableau, nous voyons toutefois surgir nul autre que l’aspirant Maître du Nouvel Univers, le président chinois Xi Jinping, qui poursuit sa tournée à haute visibilité au Moyen-Orient. L’offensive de charme commerciale de Xi en Arabie saoudite, en Iran et en Égypte devrait être interprétée comme un effort de Pékin en vue de rapprocher l’Asie du Sud-Ouest de l’Organisation de coopération de Shanghai (SCO).
Comme tout le monde, Xi sait fort bien que toute l’économie américaine, qui repose sur une monnaie de réserve mondiale sans valeur, est alimentée par un lourd tribut à peine déguisé imposé par l’Empire du Chaos à chaque pays du monde. Xi sait aussi que l’escroquerie de ce tribut est en train de sombrer.
À Riyad, Xi a même laissé entendre, d’une façon très nuancée, à la chinoise, que la maison des Saoud ferait vraiment une bonne affaire si elle finissait par laisser tomber Washington, qui assure sa protection selon le style de la mafia, ainsi que le pétrodollar comme canal privilégié pour recycler la rente pétrolière saoudienne. Pourquoi pas des obligations libellées en yuans et des prix de référence du pétrole en yuans ?
Il va sans dire que si la maison des Saoud venait même à envisager pareille initiative, il y aurait aussitôt un coup d’État à Riyad fomenté par la CIA, et tous les avoirs de la maison des Saoud seraient confisqués, une possibilité que bien des laquais des Maîtres de l’Univers à l’intérieur du périmètre à Washington prônent déjà officieusement.
Nous nous retrouvons donc avec les Saoudiens qui, sous les ordres des Maîtres de l’Univers, larguent à qui mieux mieux des titres sur les marchés, tandis que la Banque centrale de Russie hésite sur la suite des choses.
Mais même si les Saoudiens arrivaient à liquider tous leurs actifs estimés à 8 milles milliards de dollars, la Russie, en adoptant la bonne stratégie, peut parvenir à une autosuffisance inimaginable aux USA et dans l’UE. Elle profiterait aussi du plein emploi que cela procurerait pendant que l’Occident croulerait en même temps que la désintégration de ses marchés.
La balle (et elle est brûlante !) est donc dans le camp de la Banque centrale et du ministère des Finances de la Russie.
Pepe Escobar est l’auteur de Globalistan: How the Globalized World is Dissolving into Liquid War (Nimble Books, 2007), Red Zone Blues: a snapshot of Baghdad during the surge (Nimble Books, 2007), Obama does Globalistan (Nimble Books, 2009) Empire of Chaos (Nimble Books, 2014) et le petit dernier, 2030 (Nimble Books, 2015).
Traduit par Daniel, relu par Diane pour le Saker francophone
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