Les origines de l’État profond en Amérique du nord – 1/6


La montée en puissance du Round table et le cas douloureux du Canada (1864-1945)


Par Matthew Ehret – Le 3 mai 2019 – Source The Duran

Avec l’élection de Donald Trump en Novembre 2016, il est devenu évident que l’Amérique n’est pas ce que beaucoup pensaient qu’elle était.

Soudainement, pour la première fois depuis l’assassinat de John F. Kennedy en 1963, il n’y avait plus une Amérique, mais plutôt deux forces opposées au sein même de l’Amérique, et la question suivante fut soulevée : « quelle est la véritable Amérique, et qu’est-ce que Trump a donc réactivé ? »

« Le monde connaît deux systèmes : l’un, dont les objectifs, pour être atteints, demandent l’accroissement de la proportion de personnes et de capital engagés dans le commerce, ainsi que le transport et la diminution consécutive des retours vers les travailleurs ; l’autre, qui vise à accroître la proportion engagée dans la production, à diminuer celle engagée dans le commerce et le transport, et entraîne des retours pour tous, assurant de bons salaires aux travailleurs et de bons profits à l’investisseur. L’un tend vers la guerre universelle, l’autre vers la paix universelle. L’un est le système anglais, et nous pouvons être fiers d’appeler l’autre système “américain”, car il est le seul jamais conçu dont la tendance est d’élever la condition de l’homme tout en l’équilibrant à travers le monde. »

Henry C. Carey, Conseiller de Lincoln, Harmony of Interests, 1856

Une main britannique derrière l’État profond actuel

Avec l’élection de Donald Trump en Novembre 2016, il est devenu évident que l’Amérique n’est pas ce que beaucoup pensaient qu’elle était.

Soudainement, pour la première fois depuis l’assassinat de John F. Kennedy en 1963, il n’y avait plus une Amérique mais plutôt deux forces opposées au sein même de l’Amérique, et la question suivante fut soulevée : « quelle est la véritable Amérique, et qu’est-ce que Trump a donc réactivé ? »

Voici un homme politique qui n’appartenait pas à l’entre-soi technocratique, et qui a fait campagne pour travailler avec la Russie et la Chine, mettre fin aux guerres de changement de régime, inverser les effets destructeurs de l’ALENA sur la nation, relancer la mission spatiale de l’ère JFK, et qui a même envisagé de restaurer la loi Glass-Steagall.

Un indice de ce qu’il a choisi de représenter peut être aperçu dans sa défense du « Système américain » quand il déclare : « C’est le système voulu par nos Fondateurs. Nos plus grands dirigeants américains – y compris George Washington, Hamilton, Jackson et Lincoln; tous ont convenu que, pour que l’Amérique soit une nation forte, elle doit aussi être une grande nation industrielle. »

Il est bientôt devenu évident que la structure de l’État profond mobilisée pour stopper la réémergence du Système américain n’était même pas américaine, comme beaucoup le supposaient, mais plutôt d’une ascendance impériale purement britannique. Elle fut même prise à travailler contre les nationalistes britanniques tels que Jeremy Corbyn. On finit par découvrir que l’Empire britannique n’avait jamais disparu depuis la Deuxième Guerre mondiale, mais qu’il s’était transformé par un étonnant tour de passe-passe après la mort prématurée de Franklin Delano Roosevelt en 1945.

Comment cela s’est-il déroulé ? Par quels moyens et pour quels motifs cet État profond est-il né ? A-t-il toujours été présent, ou y eut-il des moments clés de l’histoire pour nous éclairer sur ses origines et sur la façon dont il a pris le contrôle de l’Amérique et des autres nations ?

On peut trouver une importante clé de lecture pour percer les secrets de la prise de contrôle de l’Amérique (et de l’Europe) en abordant l’Histoire dans la perspective d’une bataille entre les systèmes sociaux britanniques et américains (qui représentent beaucoup plus que les nations britanniques ou américaines en elles-mêmes). Pour cela, nous explorerons l’étrange cas du Canada.

Qu’est-ce que le Canada, cette « étrange monarchie d’Amérique, en partie britannique et en partie américaine » ? Dans le meilleur des cas, le pays a été relevé par les meilleures traditions constitutionnelles de l’Amérique (citées par Donald Trump ci-dessus), et dans le pire des cas, il a servi de plate-forme pour répandre des intrigues britanniques à l’échelle mondiale, comme l’illustrent les assassinats  (commandés depuis Montréal) des dirigeants du Système américain Abraham Lincoln en 1865, et John F. Kennedy en 1963. Aujourd’hui, ces intrigues sont menées par des boursiers de la Fondation Rhodes tels Chrystia Freeland et le la forme moderne du Round table de Ben Rowswell, qui ont ensemble joué des rôles de premier plan dans la situation au Venezuela, la protection des fascistes en Ukraine, et l’avancée de l’OTAN contre la Russie et la Chine.

Le Système américain de Lincoln se mondialise

La lutte du Canada pour exister en tant que nation souveraine est prise entre deux visions opposées de l’humanité, à savoir les systèmes d’organisation sociale britannique et américain. Comme l’expliquait le grand économiste Henry C. Carey lorsqu’il officiait comme conseiller politique d’Abraham Lincoln, le Système américain a été conçu pour devenir un système mondial opérant entre des nations souveraines pour le progrès et le bénéfice mutuel de chacune. A la fin du XIXème siècle, la pensée du Système américain résonnait parmi les hommes d’État et les patriotes du monde entier, dégoûtés par l’ancien système impérial britannique de libre-échange qui avait toujours cherché à maintenir un monde divisé et sous monopole. Cette vision d’un monde post-colonial fut illustrée par le premier gouverneur du Colorado William Gilpin, allié de Lincoln, qui imaginait un monde relié par des chemins de fer traversant tous les continents, et organisés autour de la liaison ferroviaire du détroit de Bering. C’est ce qu’on peut lire en 1890 dans son ouvrage à grand tirage The Cosmopolitan Railway.

Bien que les propagandistes britanniques aient tout fait pour garder vivante dans les esprits de ses sujets l’illusion du caractère sacré du système britannique, l’amélioration indéniable de la qualité de la vie et la créativité exprimée par le Système américain partout où il était appliqué devinrent difficiles à ignorer… surtout dans des colonies comme le Canada, qui avaient longtemps souffert d’une identité fragmentée et sous-développée comme prix de leur loyauté à l’Empire britannique.

En Allemagne, le Zollverein (union douanière) d’inspiration américaine avait permis non seulement d’unifier une nation divisée, mais de l’élever à un niveau de puissance productive et de souveraineté qui dépassait le pouvoir monopolistique de la Compagnie britannique des Indes orientales. Au Japon, des ingénieurs américains aidaient à l’assemblage de trains financés par le système bancaire national et par une taxe d’importation pendant l’ère Meiji.

En Russie, Sergei Witte, adepte du Système américain, ministre des Transports, et proche conseiller du tsar Alexandre II révolutionna l’économie russe grâce aux trains américains parcourant les voies du Transsibérien. Sous l’influence de Witte et d’autres alliés du système américain, le tsar Nicholas II approuva la liaison ferroviaire du détroit de Béring en 1905. Malheureusement, un caprice tragique du destin en empêcha la réalisation.

Même l’Empire ottoman fut inspiré par le progrès : le chantier de la ligne de chemin de fer entre Berlin et Bagdad avait été démarré dans le but de lancer un audacieux programme de modernisation du sud-ouest asiatique.

Le système américain gagne l’esprit canadien

Au Canada, les admirateurs de Lincoln et Henry C. Carey trouvèrent leur porte-parole en la personne d’Isaac Buchanan, grand homme d’État porteur du Système américain 1. Buchanan atteignit les plus hautes fonctions politiques du dominion canadien lorsque, en avril 1864, le nouveau ministère MacDonald-Taché le nomma président du Conseil exécutif de la République du Canada. Il s’opposa fermement au programme impérial de George Brown et, plus tard, du premier ministre John A. MacDonald, qu’il considérait, avec tous les autres patriotes, comme d’âpres ennemis de l’indépendance et du progrès du Canada. La politique que Buchanan préconisa alors qu’il avait pris une grande importance est décrite dans son discours de décembre 1863 :

« L’adoption par l’Angleterre de ce principe transcendantal [le libre-échange] pour elle-même eut pour seul résultat de lui perdre les colonies, et sa tentative insensée d’en faire le principe de l’Empire britannique achèverait d’aliéner ces mêmes colonies. Même si elle prétend avoir une intelligence exceptionnelle, l’École de Manchester est, en tant que classe, aussi dépourvue de connaissance du monde que de principes patriotiques. […] Comme conséquence nécessaire de la législation anglaise, le Canada exigera que l’Angleterre consente à deux choses : 1. Un Zollverein américain, et 2. que le Canada devienne un territoire neutre en cas de guerre entre l’Angleterre et les États-Unis. » 2

Alors que l’union douanière – inspirée du Zollverein de Friedrich List, économiste allemand adepte du Système américain, et élaborée par Buchanan – fut temporairement défaite à l’occasion de l’opération connue sous le nom d’Articles de la Confédération en 1867, on évoqua son retour en 1896 avec l’élection de Wilfrid Laurier, nouveau Premier ministre du Canada. En 1911, la politique d’union douanière de Laurier, un fervent admirateur d’Abraham Lincoln, se concrétisa enfin. Laurier savait depuis longtemps que les intérêts du Canada ne seraient pas défendus par le programme anti-américain de MacDonald, qui augmentait  simplement la dépendance du Canada à la mère patrie, mais qu’ils étaient plutôt liés aux intérêts de son voisin du sud. Son Programme de réciprocité proposait d’abaisser les droits de douane avec les États-Unis, principalement dans le domaine de l’agriculture, mais avec l’intention d’électrifier et d’industrialiser un Canada que Laurier voyait devoir assurer la subsistance de 60 millions de personnes dans deux décennies. Avec la collaboration de ses proches conseillers Adam Shortt, Oscar Skelton et, plus tard, William Lyon Mackenzie King, Laurier manœuvra à travers le champ de mines de ses ennemis britanniques, actifs dans le paysage canadien via la loge maçonnique orangiste d’Ontario et, plus tard, via l’insidieux Round table.

Les tentatives de Laurier pour mettre en œuvre le Traité de réciprocité de 1911 impliquant le libre-échange entre les économies nord-américaines unies contre le dumping britannique de produits bon marché par une taxe douanière, allaient échouer. En effet, de l’Ordre orange au Round table, toutes les ressources dont disposaient les Britanniques furent activées pour en assurer la défaite finale, et entraîner la chute du gouvernement libéral de Laurier, puis son remplacement par le gouvernement conservateur de Sir Robert Borden.3
Laurier décrivit la situation canadienne après cet événement :

« Le Canada est maintenant gouverné par une junte siégeant à Londres, connue sous le nom de « Round table », et ayant des ramifications à Toronto, Winnipeg et Victoria. Les conservateurs et les libéraux reçoivent leurs idées de Londres, et les imposent sournoisement à leurs partis respectifs. »4

Deux ans avant que Laurier lance cet avertissement, le fondateur du Round table, Lord Milner écrivait à l’un de ses co-conspirateurs pour exposer le danger stratégique qu’allait rencontrer le programme de Buchanan et Laurier avec l’Amérique :

« Des trois futures possibilités : 1. Union impériale plus étroite, 2. Union avec les États-Unis, et 3. Indépendance, je crois fermement que le danger réside dans la deuxième. Je ne pense pas que les Canadiens eux-mêmes en aient conscience. […] Ils sont incroyablement immatures en matière de réflexion politique sur les grandes questions, et réalisent à peine la puissance du jeu d’influences… » 5

Sans comprendre ni la lutte existentielle entre les deux systèmes présentés ci-dessus, ni la création du Round table par une nouvelle génération d’impérialistes britanniques en réponse à la victoire internationale de Lincoln au moment de la faillite de l’Empire britannique, aucun Canadien ne pourrait honnêtement appréhender ce qui façonne son paysage culturel et politique. Le présent exposé a donc pour objet de mettre en lumière certains des principaux acteurs de ce chapitre de l’histoire universelle. J’espère que le jugement du lecteur en sortira renforcé, de sorte que le pouvoir critique, nécessaire pour aider le Canada et le monde à sortir de la sombre époque actuelle, puisse à nouveau produire ses effets.

Le Round table : plus le racisme change, plus il demeure

Le Round table a servi de plate-forme intellectuelle aux opérations internationales de restauration du contrôle de l’Empire britannique, et pris plusieurs avatars au cours du XXe siècle. Il travailla en tandem avec le Coefficients club, la Fabian society, et la Fondation Rhodes, qui ont tous vus leurs membres passer de l’un à l’autre. De cette cabale, l’historien Carrol Quigley de l’Université de Georgetown écrivait dans sa publication posthume « Anglo-American Establishment » [pdf] 6 :

« Cette organisation a bien réussi à cacher son existence, et bon nombre de ses membres les plus influents, satisfaits de posséder le pouvoir réel plutôt que son apparence, sont même inconnus des intimes de l’histoire britannique. C’est d’autant plus surprenant lorsque l’on sait que l’une des principales méthodes de travail de ce groupe fut la propagande. On lui doit le Raid Jameson de 1895, la guerre des Boers de 1899-1902, la création de la Fondation Rhodes qu’il contrôle toujours, l’Union sud-africaine en 1906-1910, l’orchestration du périodique sud-africain The State en 1908, la fondation du périodique de l’Empire britannique The round table en 1910 – qui demeure l’organe porte-parole du groupe, une exclusive et puissante influence sur les collèges All Souls, Balliol, et New College d’Oxford pendant plus d’une génération, le contrôle du Times pendant plus de 50 ans – à l’exception de la période 1919-1922, la diffusion de l’idée et du nom « Commonwealth britannique des nations » de 1908 à 1918, une influence majeure sur l’administration de guerre de Lloyd George de 1917 à 1919, une domination sur la délégation britannique lors de la Conférence de paix de 1919, une profonde implication dans la formation et la gestion de la Société des nations et le système de mandats, la fondation de l’Institut royal des affaires internationales en 1919 – toujours sous contrôle, une influence prédominante sur la politique britannique envers l’Irlande, la Palestine et l’Inde de 1917 à 1945, une profonde influence sur la politique d’apaisement à l’égard de l’Allemagne durant les années 1920-1940, le contrôle très large des sources et écrits sur l’histoire de l’Empire britannique et de la politique étrangère depuis la guerre des Boers. » 7

En 1910, le Round table fut « officiellement » reconnu comme artisan idéologique des politiques et du paradigme de la nouvelle « classe dirigeante » impérialiste vouée au salut de l’Empire britannique sous les aspects d’une « Fédération impériale ». Pour comprendre sa genèse il faudra remonter quelques décennies en arrière, en 1873-1874. Cette année-là, un jeune Canadien du nom de George Parkin donne à Oxford une conférence sur l’union impériale en tant que devoir sacré de tous les Anglo-saxons. Pour les historiens d’Oxford, Parkin est généralement décrit comme « l’homme qui a changé l’esprit de l’Angleterre ».

1873-1902, l’Empire au bord de l’effondrement : se réorganiser ou périr

Au cours de cette même période, un groupe d’intellectuels impériaux connu sous le nom de « X Club » fondé en 1865 autour des personnes de Thomas Huxley, Matthew Arnold, Herbert Spencer et Joseph Hooker, fut chargé de réviser les structures idéologiques de contrôle de l’Empire britannique qui s’avéraient dépassées. Chacun se spécialiserait dans diverses disciplines des sciences, et favoriserait les interprétations gradualistes du changement pour contrecarrer les explications nécessitant des sauts créatifs. Ce programme fut appliqué dans un double but : 1) sauver l’empire qui s’effondrait, et 2) jeter les bases d’une nouvelle religion scientifique inspirée du modèle profondément matérialiste proposé par Charles Darwin, et postulant que la sélection naturelle est à l’origine de l’évolution et de la différenciation des espèces.

Lorsque Herbert Spencer, le cofondateur du X Club, théorisa le « darwinisme social » comme le résultat logique du système Darwin sur les affaires humaines, ce n’était pas avec l’intention de diffuser un « libéralisme lumineux en guerre contre les dogmes ignorants de la religion », comme le racontent si souvent les plus populaires historiens de la science. Au contraire, la « révolution scientifique » initiée par le X Club ne faisait que recycler une idée aussi ancienne que Babylone : le contrôle des masses par un régime oligarchique, mais sous couvert d’un nouveau type de « dictature scientifique ». Toutefois, si la raison créatrice est manifestement capable d’élever les conditions de vie de l’humanité en encourageant les nouvelles découvertes et les technologies appliquées, tel que le promeut le système d’économie politique américain, comment le monde accepterait-il encore les conditions d’asservissement mental et politique imposées par les impérialistes dans le cadre d’une lutte contre des rendements décroissants ?

Tel était le défi auquel les jeunes gens d’Oxford allaient consacrer leurs énergies créatives, utilisant le raisonnement « scientifique » établi par le X Club de Thomas Huxley au service des familles oligarchiques dirigeantes de l’Europe. Comme tous les jeunes hommes d’Oxford à cette époque, George Parkin fut fortement influencé par les idées de ce réseau, qu’il mit en avant pour justifier la domination « inéluctablement et scientifiquement naturelle » du fort sur le faible, dans ce cas, la domination de la race des maîtres anglo-saxons sur les peuples inférieurs de la terre. C’est le message qu’on peut lire dans son ouvrage Fédération impériale de 1892 :

« Les nations mettent du temps à grandir, mais il est des périodes où, comme quand la floraison de certaines plantes est retardée depuis longtemps, ou comme quand une solution chimique se cristallise, de nouvelles formes se créent avec une extrême rapidité. Il y a de bonnes raisons de croire que la nation britannique traverse aujourd’hui une période de ce type. C’est pourquoi il est urgent de créer un corpus d’opinion publique stable sur les relations mutuelles entre les diverses parties de l’Empire. » 8

En théorisant le danger de l’effondrement du système britannique à la lumière des mouvements nationalistes adeptes du Système américain, Parkin poursuivait en demandant :

« Notre capacité d’organisation politique a-t-elle atteint sa limite maximale ? Pour l’Empire britannique c’est la plus importante des questions. Dans toute la gamme des variations politiques possibles à l’avenir, il n’est pas de question plus importante, non seulement pour notre propre peuple, mais pour le monde en général, que de savoir si l’Empire britannique restera une entité politique […] ou si, cédant aux forces de désintégration, il acceptera de diviser le fleuve de notre vie nationale en plusieurs canaux distincts. » 9

Alfred Milner, l’un des contemporains de Parkin à Oxford, joue dans notre pièce le rôle de méchant et de catalyseur du Round table. Il reconnut à Parkin le mérite d’avoir donné un sens à sa vie à ce moment10. C’est en 1876 que Cecil Rhodes, un autre contemporain de Milner et Parkin, quitta Oxford pour faire fortune sur une plantation de coton en Afrique du Sud. Les trois personnages étaient également fortement influencés par John Ruskin, chef de la branche « artistique » du renseignement britannique dirigée par la « Pre-Raphaelite society ».

La fortune amassée par Rhodes dans le coton fut multipliée par diverses entreprises dans l’industrie du diamant d’Afrique du Sud qui lui permirent de gagner un pouvoir politique et une richesse colossaux, entraînant sa nomination comme Premier ministre du Cap et fondateur de la Rhodésie. Les cartels de minéraux pilleurs de l’Afrique basés à Londres (Rio Tinto, De Beers et Lonrho), et l’héritage de l’Apartheid qui entacha un si grande pan de l’histoire de l’Afrique du Sud sont les deux aspects de l’héritage douloureux que Rhodes a transmis à notre génération.

De 1876 et 1897, date de sa nomination au poste de Haut-commissaire en Afrique du Sud, Milner se distancia légèrement de Rhodes. Il fut recruté par William T. Stead, le rédacteur en chef du Pall Mall Gazette, dont il devint éditeur associé peu après. La fonction de la Gazette était exposée dans l’Évangile de Pall Mall, un bref ordre de mission auquel Stead priait tous ses employés de se soumettre : « La Fédération de l’Empire britannique est la condition de sa survie. […] En tant qu’Empire il nous faut survivre ou périr. » L’Évangile argumentait aussi  que les États-Unis et la Grande-Bretagne devaient « se coaliser » dans un « destin inéluctable »11. Le rôle joué par Pall Mall dans la coordination fut de défendre une vision cohésive de l’Empire, et de servir de modèle à Milner et ses subalternes lorsqu’ils prirent la direction des périodiques du groupe du Round table. Stead fut officiellement recruté pour le grand dessein lancé en 1889 par Rhodes et son parrain Lord Rothschild. Alors que Stead sortait de prison – où il était entré pour promotion de la « débauche organisée » dans sa Gazette, pour retrouver son journal en grave difficulté financière, il fut appelé pour la première fois par Cecil Rhodes, un admirateur de longue date de son journal en Afrique du Sud. Stead écrivit à sa femme avec extase :

«  M. Rhodes est mon genre d’homme ! Je viens d’avoir une conversation de trois heures avec lui. Concernant le journal, il est imprégné d’une idée bien plus belle que celles que j’ai jamais eues. Je ne peux pas vous expliquer le projet, car il est absolument secret. Mais il s’agit de millions. Il ne savait pas qu’il en coûterait 250.000 livres pour lancer un journal, mais il me fit d’abord cadeau de 20.000 livres pour acheter une action de la P.M. Gazette. Ses idées parlent de fédération, d’expansion et de consolidation de l’Empire. […] Je lui ai plu. Il m’a dit des choses qu’il n’avait dites à personne – sauf à Lord Rothschild, et m’a pressé d’accepter les 20.000 livres sans rien demander en retour, sans reçu; juste pour me donner plus de libertés sur la Gazette. Tout ça ressemble à un conte de fées… » 12

Quigley démontre que Milner et Stead devinrent des membres actifs du programme établi par Cecil Rhodes. Mais quel programme ? Dans une série de sept testaments rédigés entre 1879 et 1901, Rhodes – un raciste sans vergogne – expose ses projets pour la reconquête du monde et l’endoctrinement des jeunes élites :

« Formons le même genre de société, une Église pour l’expansion de l’Empire britannique. Une société dont les membres répartis aux quatre coins de l’Empire britannique travailleraient à un seul objectif et une seule idée. Il faudrait que ces membres soient placés dans nos universités et nos écoles, et que nous observions la jeunesse anglaise passer par leurs mains. Peut-être seul un sur mille aurait les capacités et les sentiments pour un tel objectif. Il faudrait le tester de toutes les manières possibles, évaluer sa ténacité, son éloquence, son mépris des détails matériels; et s’il se trouve être tel, le choisir et le lier par le serment de servir son pays pour le reste de sa vie. En l’absence de moyens, il devrait alors être soutenu financièrement par la Société, puis envoyé dans la partie de l’Empire où on le jugerait utile. »

Dans un autre testament, Rhodes donne plus de détails :

« Pour et vers la création, la promotion et le développement d’une société secrète, dont le véritable but et l’objet seront l’extension de la règle britannique à travers le monde, la colonisation par des sujets britanniques de toutes les terres où les moyens de subsistance sont accessibles par l’énergie, le travail et l’entreprise, et surtout l’occupation par les colons britanniques de tout le continent africain, la Terre sainte, la vallée de l’Euphrate, les îles de Chypre et de Candia, toute l’Amérique du Sud, les îles du Pacifique non encore détenues par la Grande-Bretagne, tout l’Archipel malais, les îles proches de la Chine et du Japon; [et] le retour définitif des États-Unis d’Amérique dans l’Empire britannique. »13

La Fondation Rhodes fut créée en 1902, à la mort de son fondateur, dans le but d’endoctriner de jeunes disciples talentueux pour voler le monde et reconquérir l’Amérique. Certains historiens ont soutenu que, si Rhodes n’a pas littéralement évoqué son vœux de créer une société secrète dans ses deux derniers testaments, c’est qu’il avait du « laisser mûrir », puis abandonner ces idées. Pourtant, le Pr Quigley souligne que l’interprétation faite par ces historiens « autorisés » n’est qu’une farce, comme en témoigne la remarque révélatrice faite par George Parkin dans son livre The Rhodes Scholarship publié en 1912 : « Il est essentiel de se rappeler que cette dernière volonté est conforme à celles qui l’ont précédée, qu’il ne s’agissait pas d’une expiation tardive de ces fautes, comme certains l’ont supposé, mais que la réalisation des rêves de toute une vie fut poursuivie de façon persistante. » 14

À la mort de Rhodes, George Parkin devint le premier directeur de la Fondation Rhodes en 1902, quittant son poste de directeur de l’Upper Canada College (1895-1902) pour accomplir son devoir. C’est à ce poste que Parkin recruta Edward Peacock, professeur à l’Upper Canada College, qui le rejoignit au titre d’administrateur et de promoteur de ce qui devinrent les branches canadiennes du Round table. Tout en préparant l’éviction du premier ministre Wilfrid Laurier, et la défaite du Traité de réciprocité de 1911, ce groupe recruta progressivement de jeunes disciples talentueux via ses liens universitaires. Le modèle du Round table impliquait un organe central de coordination situé à Londres, et des sections stratégiquement placées dans tout le Commonwealth pour offrir une vision et une voix à la jeune et talentueuse « classe dirigeante supérieure » d’un Empire britannique réformé. Parkin et Peacock furent rejoints par Lord Alfred Milner, Sir Arthur Glazebrook, W.T. Stead, Arthur Balfour et Lord Nathan Rothschild aux postes de co-administrateurs.

Œuvrant de concert avec les eugénistes de la Fabian Society de Sidney et Beatrice Webb, Balfour avait fondé la première Conférence internationale d’eugénisme en 1912, entouré de recrues enthousiastes comme le jeune membre du Round table Winston Churchill. Sir Francis Galton, cousin de Charles Darwin et fondateur de l’eugénisme, mourut quelques semaines à peine avant de pouvoir prononcer le discours inaugural de la conférence. La Fabian society et son organisation jumelle The Coefficients club présentèrent d’autres éminents eugénistes comme Bertrand Russell, Halford Mackinder, H.G. Wells et George Bernard Shaw, puis Harold Laski et John Maynard Keynes (voir l’annexe sur la branche eugéniste de la Fabian Society). Les listes de membres de l’une ou l’autre organisation se chevauchaient fréquemment. 15

Une grande partie du sale boulot effectué par le mouvement original du Round table fut l’œuvre principale d’un groupe de jeunes oxfordiens qui avaient fait un début de carrière dans la gestion des affaires impériales avec Milner, pendant la répression du soulèvement des Boers du Transvaal de 1899 à 1902. Philip Kerr et Lionel Curtis furent chargés de coordonner les sections canadiennes de cette pépinière depuis Londres (avec Parkin et Peacock dirigeant depuis le Canada). Bien qu’Oxford servit à l’endoctrinement des jeunes élites durant des siècles, le programme de la Fondation Rhodes permit de franchir un cap dans les ambitions en fournissant des bourses à de jeunes talents principalement recrutés parmi les nations anglo-saxonnes que Rhodes désirait voir ralliées sous un même panache aryen. La Fabian society créa la London School of Economics (LSE) avec les mêmes objectifs. Tant la LSE qu’Oxford travaillèrent main dans la main à former des agents du renouveau impérial tout au long du XXème siècle.16

Suivant ses désirs, chaque étudiant sélectionné se voyait fournir une bourse à l’Université d’Oxford ainsi qu’une généreuse allocation, et se voyait dérouler le tapis rouge pour accéder aux échelons supérieurs des réseaux oligarchiques. Chaque élève retournait dans son pays natal, brûlant du désir ardent d’atteindre les objectifs de l’Empire britannique et de faire progresser la « gestion scientifique de la société ». Ses talents allaient s’exprimer soit dans des fonctions électives, la fonction publique, les médias, le droit, le secteur privé, ou dans le milieu universitaire. Dans la plupart des cas, ces étudiants appliquèrent la théorie fabienne de la « perméation » : ils infiltrèrent patiemment tous les niveaux des structures de contrôle social, leur permettant de façonner la perception et de déformer les structures symboliques, afin d’éloigner les masses du progrès et de l’amour de la vérité, mais pour les convaincre de la lutte matérialiste pour la survie. Chaque année, une bourse a été accordée à chacune des provinces canadiennes (à l’exception de l’Île-du-Prince-Édouard) et 32 aux États-Unis. À ce jour, environ 7.000 bourses ont été attribuées avec une ouverture croissante aux pays non-aryens de manière à servir l’agenda impérial.

Le milnerien Vincent Massey et la renaissance de l’oligarchie canadienne

Bien que l’expérience canadienne ait été longtemps freinée par ses tendances loyalistes anti-républicaines, alimentées par des systèmes oligarchiques comme le Family compact 17, le Canada n’a jamais eu de classe dirigeante autonome comme en Grande-Bretagne. Jusqu’à aujourd’hui, l’oligarchie londonienne donne le ton par ses traditions babyloniennes, et s’exprime à travers la couronne impériale perçue comme « source de tous les honneurs », et dont émane toute autorité légale et réelle à travers le Commonwealth. Voici le modèle sur lequel les générations de l’oligarchie canadienne ont été modelées. L’oligarchie américaine eut tendance à adopter un modèle d’organisation similaire mis en avant par des familles telles que les Rockefeller, Morgan, Harriman et Dupont, toutes recrutées par les agents de la Couronne, et qui calquèrent tout simplement leurs valeurs et coutumes sur celles de la Couronne britannique, ne représentant rien de spécifiquement américain. Ainsi, toute tentative d’expliquer l’histoire à partir du postulat d’une « conspiration internationale des banquiers » ou même d’un « impérialisme américain », et sans un niveau d’analyse impliquant l’Empire britannique, est vouée à l’échec.

L’une des figures centrales du réseau Rhodes pour la formation du caractère et de la structure de l’oligarchie canadienne, ainsi que de la culture de masse du Canada est un homme nommé Vincent Massey. Gendre de George Parkin qui, suivant la règle darwinienne d‘« alliance parmi les meilleurs », maria ses quatre filles à des dirigeants du Round table et d’Oxford, Massey est un membre de la riche dynastie Hart-Massey. Il devint l’un des premiers participants du Round table, travaillant aux côtés du cofondateur de la branche canadienne Arthur Glazebrook à établir une succursale en Ontario en 1911. Glazebrook admirait tellement Parkin qu’il nomma son fils George Parkin de Twenebroker. Lui-même boursier de la Fondation Rhodes au collège Balliol, Glazebrook aida à diriger ce groupe aux côtés de Massey vers la fin des années 1930, et allait prendre la tête des services secrets canadiens durant la Seconde Guerre mondiale. Le 11 août 1911, quand Massey partit étudier à Balliol, Arthur Glazebrook écrivit une chaleureuse lettre de recommandation à Milner :

« J’ai remis une lettre de présentation à votre intention à un jeune homme du nom de Vincent Massey. Il est âgé de 23 ou 24 ans, très bien nanti, et très enclin à fournir une aide des plus précieuses au Round table dans le cadre des groupes de jeunes. […] Déjà titulaire d’un diplôme de l’Université de Toronto, il s’installe à Balliol pour un cours d’histoire d’une durée de deux ans. Après cette période, il pense revenir au Canada et entreprendre quelque travail sérieux, soit comme professeur d’université, soit dans une autre activité non lucrative. Je lui suis vraiment très attaché, et j’espère que vous lui accorderez un entretien à l’occasion. Je trouve tellement important de mettre la main sur ces jeunes Canadiens de premier ordre, et je sais l’ascendant vous avez sur ces jeunes gens. J’aimerais qu’il acquière les connaissances pour devenir un milnerien convaincu. »18

À son retour au Canada, Massey gravit rapidement les échelons du Round table. En 1925, il devint le Conseiller privé de la Couronne. En 1926, il dirigea une délégation lors de la Conférence impériale qui vit son compagnon de Round table, Lord Balfour, faire adopter la Déclaration Balfour destinée à calmer les velléités nationalistes qui agitaient de nombreuses colonies luttant pour leur indépendance. De 1926 à 1930, Massey devint ensuite Premier représentant du Canada (c’est-à-dire ambassadeur) aux États-Unis, d’où il coordonna la politique de contrôle des institutions de renseignement dépendant du Council on Foreign Relations. Claude Bissel, biographe officiel de Massey (et président de l’Université de Toronto de 1958 à 1971), souligne que pendant son séjour à Washington Massey fut souvent invité à la « Maison de la vérité », un bastion des idées du Round table aux États-Unis qui comptait quelques sommités telles que Walter Lipmann, Felix Frankfurter, Loring Christie, Eustace Percy, et conviait souvent d’autres personnalités de premier plan comme McGeorge Bundy et le juge de la Cour suprême Oliver Wendell Holmes. La plupart de ces personnages étaient des eugénistes endurcis affiliés au Council on Foreign Relations (branche américaine de l’Institut royal des affaires internationales) et faisant ainsi avancer le programme d’un « Empire anglo-américain » dirigé par les Britanniques. Les Oxfordiens Loring Christie et Hume Wrong furent tous deux recrutés pour le compte de Massey pendant cette période, et jouèrent un rôle important dans la prise de contrôle sur la politique étrangère du Canada après la guerre. Le père de Hume, George Wrong, était lui aussi un membre influent de l’exécutif du Round table canadien et un appui de Massey.

Avant d’être affecté à Washington, Massey fut un temps Président de la Fédération libérale du Canada (1932-1935), puis Haut-commissaire du Canada à Londres (1935-1946). Peu après cette expérience, il fut chargé de lancer le deuxième volet d’une série de Commissions royales (1949-1951) consacrées à détruire tout sentiment pro-américain persistant dans les cœurs, les esprits, les structures politico-artistico-scientifiques, ou dans les activités économiques du Canada, et à reconstruire l’identité canadienne à partir d’une image déformée. Cette opération eut un autre effet : libérer les fondations Rockefeller et Carnegie de leur responsabilité financière dans l’élaboration de l’identité canadienne 19. En récompense du travail accompli, Massey devint par la suite le premier Gouverneur général né au Canada (1952-1959). Au cours de sa carrière, il fut aussi gouverneur de l’Upper Canada College et de l’Université de Toronto, et fonda en 1962 une université inspirée du modèle All Souls, le Massey College. Comme All Souls, le Massey College sert de plate-forme de coordination pour diverses opérations menées dans les grandes universités du Canada.

Au travers de ses diverses fonctions politiques, Massey fit de son mieux pour introduire le plus grand nombre d’agents des réseaux Round table et Fondation Rhodes à des postes de premier plan, que ce soit au sein de la fonction publique canadienne, au contrôle culturel ou à l’université. Au cours de cette même période, aux États-Unis, les boursiers de la Fondation Rhodes avaient infiltré divers postes d’autorité influents, avec un intérêt tout particulier pour le Département d’État. Il s’agissait de se préparer à reprendre le New Deal rooseveltien à la première occasion, et d’en faire un cauchemar keynésien. Ces opérations aboutirent à une troisième tentative de l’Empire britannique de réaliser un programme qui avait largement échoué dans ses deux premiers essais entre 1902 et 1933 20. Il est intéressant de passer brièvement les deux premières en revue avant de poursuivre l’exposé.

À suivre

Matthew J.L. Ehret est journaliste, conférencier et fondateur du Canadian Patriot Review. Il écrit pour The Duran, Strategic Culture Foundation et Fort Russ. Ses recherches furent publiées dans Zero Hedge, Executive Intelligence Review, Global Times, Asia Times, L.A. Review of Books, et Sott.net. Il est aussi l’auteur de The Time has Come for Canada to Join the New Silk Road et trois volumes de l’Histoire secrète du Canada (disponible sur untoldhistory.canadianpatriot.org).

Traduit par Stünzi pour le Saker Francophone

Notes

  1. Robert D. Ainsworth, The American System in Canada, The Canadian Patriot, Special Edition, 2012, p.32
  2. Isaac Buchanan, Relations of the Industry of Canada with the Mother Country and the United States, 1864, p.22
  3. Robert D. Ainsworth, The End of an Era: Laurier and the Election of 1911, Université d’Ottawa, 2009
  4. O.D. Skelton, The Life of Sir Wilfrid Laurier, p. 510
  5. Milner à J.S. Sanders, 2 janvier 1909 cité dans « The Round Table Movement and Imperial Union » de John Kendle, Presses de Université de Toronto, 1975, p.55
  6. Carroll Quigley, The Anglo-American Establishment, New York, Books in Focus, 1981 www.archive.org/details/TheAnglo-americanEstablishment
  7. Carroll Quigley, The Anglo-American Establishment, p. 5
  8. George Parkin, Imperial Federation: The Problem of National Unity, Macmillan and Co., London, 1892, preface VIII
  9. Ibid, p.7
  10. Après avoir pris ses fonctions de Gouverneur en Afrique du Sud, Milner écrivit à Parkin: « Ma vie a été largement influencée par vos idées, et dans mon nouveau poste, j’aurai plus que jamais besoin de votre enthousiasme et de vos grandes visions pleines d’espoir sur l’avenir de l’Empire », Milner à Parkin, 28 avril, Headlam, The Milner Papers, I, 42
  11. W.T.Stead by E.T Cook, The Contemporary Review, June 1912, réimprimé dans Frederick Whyte, The Life of W.T. Stead, London, 1925, vol. 2, p.353-356
  12. Quigley, Anglo-American Establishment, p. 32
  13. Rotberg, The Founder, pp. 101, 102. & Niall Ferguson, The House of Rothschild : The World’s Banker, 1848–1998, Penguin Books, 2000
  14. Quigley, ibid, p.31
  15. Coefficients notables qui étaient également des Fabiens : Lord Alfred Milner, Sir Arthur Balfour, Lord Robert Cecil, Lord Bertrand Russell, H.G. Wells (protégé de Thomas Huxley), Leo S. Amery et Sir Edward Grey.
  16. Alors qu’Oxford et la LSE avaient tendance à plutôt produire les « exécutifs », Cambridge formait les hommes responsables des idées stratégiques de l’Empire.
  17. La première incarnation de l’« oligarchie locale » canadienne, dont les courants se ressentent encore à travers les structures oligarchiques du Canada, fut nommée le « Family compact» (Pacte des familles), élaboré officiellement pendant la guerre de 1812 par des cliques loyalistes ayant quitté les États-Unis; soit d’anciens loyalistes de la guerre de 1776, soit des aristocrates britanniques nouvellement débarqués au Canada. Son héritage consista en la création d’instruments d’endoctrinement des jeunes élites comme le King’s College (1827), l’Upper Canada College (1829) ou encore la Banque du Haut-Canada, tous dirigés par le chef du Pacte et évêque de l’Église d’Angleterre au Canada, John Strachan. L’UCC fut expressément conçu pour être « l’école secondaire » du King’s College (qui devait prendre le contrôle complet de l’UCC en 1837. L’ensemble fut par la suite renommé « Université de Toronto »). Le Pacte sera forcé de se réorganiser après les rébellions du Haut et du Bas-Canada de 1837 menées par William Lyon Mackenzie et Louis-Joseph Papineau. Le petit-fils de Mackenzie devint le Premier ministre William Lyon Mackenzie King. La réorganisation du Pacte des familles allait entraîner l’union frauduleuse du Haut et du Bas-Canada en 1840, et la promotion de la croyance servile en un « gouvernement responsable » au lieu d’une véritable indépendance. C’est de ce courant que venait George Parkin.
  18. Carrol Quigley, Roundtable Group in Canada, Canadian Historical Review sept 1962, p.213
  19. Rockefeller, Carnegie and Canada: American Philanthropy and the Arts and Letters in Canada, 2005 de Jeffrey Brison décrit en détail le rôle ironique joué par les fondations philanthropiques « américaines » dans la culture d’une identité largement antiaméricaine chez les Canadiens. Dès 1957, la responsabilité de financer les arts et les sciences humaines revint entièrement au gouvernement canadien, avec la création du Conseil des arts du Canada, un centre de contrôle culturel centralisé et catalysé par la Commission royale d’enquête sur le développement national des arts, des lettres et des sciences (1949-1951), présidé par Vincent Massey. La première commission du CIIA fut la Commission royale Newton-Sirois de 1935-1937, dirigée par son président Newton. Elle s’avéra un échec complet.
  20. Il est à noter que ce délai s’explique par la mort du dernier Président du Système américain et disciple de Lincoln, William McKinley, ainsi que par l’arrivée au pouvoir du Système américain de Franklin Delano Roosevelt. Dans cet intervalle de trois décennies, il a été démontré que tous les Présidents, à l’exception du Président Harding qui mourut en poste d’une mystérieuse intoxication alimentaire, étaient des marionnettes anglophiles.
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