La chute tragique d’Afrine après l’intervention de la Turquie


Par Roger Annis – le 24 mars 2018 – Source A Socialist In Canada

Les milices syriennes de droite et l’armée turque profanent la statue de Kawa, le héros mythique de la libération kurde, le 18 mars 2018 à Afrine

La ville d’Afrine, dans la région à majorité kurde du même nom au nord-ouest de la Syrie, est tombée lors d’une invasion turque qui avait débuté le 20 janvier 2018. La ville (35 000 habitants avant 2011) est tombée après l’encerclement des forces défensives des YPG qui ont décidé de se retirer. Leur retrait avait été facilité par les forces armées syriennes et leurs alliés russes.

Carte des districts suburbains à l’est de Damas, Syrie, mars 2018

Des dizaines de milliers de civils ont aussi évacué la ville et la région environnante de manière ordonnée. La plupart d’entre eux se retrouvent dans la région d’Alep, au sud et à l’est d’Afrine (voir la carte ci-contre).

En même temps, le contrôle de la Ghouta orientale, une banlieue à l’est de la capitale syrienne, par des milices de droite soutenues par l’étranger s’achève, alors que les forces gouvernementales syriennes reprennent le contrôle souverain de la région.

Ces deux événements, l’un tragique et l’autre bienvenu, ont mis en lumière la trajectoire des courants autrefois de gauche et anti-guerre actuels en Occident, qui ont soutenu les tentatives de l’impérialisme et de ses mandataires de renverser le gouvernement syrien par la violence.

Obscurcir la dynamique impérialiste de changement de régime en Syrie

Une grande partie de cette ancienne gauche occidentale – trotskystes, membres de l’Internationale socialistes, anarchistes et social-démocrates – a été complice de la guerre impérialiste et de la campagne pour un changement de régime en Syrie. Pour eux, un changement de régime impérialiste est préférable à une Syrie souveraine dirigée par son président Bachar al-Assad.

Carte de la Syrie, la surface orange est la ville et la région d’Afrine, la ligne sombre est la frontière nationale.

Ces gauchistes ont absurdement prétendu qu’il n’existe aucun projet impérialiste de renversement du gouvernement syrien. Ou ils s’en moquent. Ils ont faussement fait valoir qu’une « révolution populaire » contre le gouvernement syrien est en cours et qu’elle a été « trahie » par les puissances occidentales qui ne l’ont pas soutenue, comme si c’était l’affaire des gouvernements occidentaux de soutenir les révolutions populaires.

En réalité, les protestations sociales et politiques contre la politique du gouvernement syrien, qui ont éclaté en 2011, sont mortes dès leurs premiers balbutiements. Elles ont été évincées par des milices de droite, armées et financées par l’étranger. Bon nombre de ces protestations concernaient des préoccupations sincères. Le gouvernement syrien l’a reconnu à l’époque et a adopté des réformes tentant de répondre à certaines préoccupations. Cela, comme beaucoup d’autres choses est documenté dans l’ouvrage de 2017 du professeur Tim Anderson, de l’Université de Sydney, The Dirty War On Syria : Washington, Regime Change and Resistance (La sale guerre de Syrie : Washington, changement de régime et résistance). 1

Les gauchistes ont plutôt accusé un « impérialisme russe » fictif de faire la guerre au peuple syrien afin de soutenir un gouvernement prétendûment impopulaire et dictatorial, celui dirigé par le président al-Assad. À cela s’ajoute l’affirmation selon laquelle les États-Unis n’ont pas de plan déterminé pour renverser le gouvernement syrien. Les partisans de ce scénario vont jusqu’à prétendre que les États-Unis soutiennent en fait le gouvernement syrien contre les milices antigouvernementales. Ils déplorent le fait que les Américains ne puissent fournir encore plus de fonds et d’armes aux milices. Dans ce scénario imaginaire, toutes sortes de crimes sont attribués au gouvernement russe.

Cette falsification de la situation en Syrie fait écho aux précédentes représentations erronées par les gauchistes du coup d’État militaire de juillet 2013 en Égypte, qui a renversé le président élu Mohammed Morsi et son gouvernement dirigé par les Frères musulmans et du coup d’État du « Maïdan » en Ukraine de février 2014, qui a renversé le président élu Victor Ianoukovitch. Les deux coups d’État ont conduit à ce que des gouvernements d’extrême-droite soient imposés à chaque pays. Mais cette réalité est niée ou minimisée.

Alors que les groupes ou les courants mentionnés sont faibles en nombre ( je laisse de côté les grands partis social-démocrates en Occident, dont beaucoup sont dans les gouvernements, et qui ont abandonné depuis longtemps toute prétention d’être anti-guerre) leurs représentations erronées de la situation en Syrie sont un obstacle considérable à la construction d’un mouvement anti-guerre authentique qui pourrait arrêter le massacre et la destruction qui ont lieu en Syrie, en Afghanistan, au Yémen et ailleurs au Moyen-Orient. Auparavant, ils occupaient des postes influents dans les groupes et les coalitions anti-guerre qui s’opposaient à la guerre en Irak de 2003 et cette influence perdure encore dans une certaine mesure. Mais le mouvement anti-guerre qui a mobilisé des millions de personnes pour s’opposer à la guerre d’Irak et qui a organisé des mobilisations impressionnantes contre la guerre d’Afghanistan, a beaucoup décliné précisément en raison de la confusion et la trahison de beaucoup de ses composantes au moment des interventions impérialistes en Libye (2011), au Mali (2013), en Syrie et en Ukraine, déjà citées.

Les vues de cette gauche coïncident et sont amplifiées par un barrage de propagande incessant et toxique en faveur de la guerre, diffusé par les médias occidentaux à propos de la Syrie et de l’Ukraine. Les deux genres de points de vue paraissent semblables dans leur essence. En même temps, une culture de gauche nocive, consistant à s’abstenir de débattre des performances, bonnes ou mauvaises, de la gauche, est apparue, souvent au nom du « non-sectarisme ».

La complicité de la gauche dans l’effort de guerre impérialiste en Syrie est d’autant plus révélée par les événements tragiques d’Afrine. Green Left Weekly écrit dans un article daté du 16 mars : « Avec le soutien de la Russie et des États-Unis, l’invasion de la Turquie ferait une forte progression à Afrine, au nord de la Syrie, qui abrite des centaines de milliers de réfugiés d’autres parties de la Syrie… ».

Le journal a fait suivre ce papier d’un article vraiment alambiqué le 23 mars,  soutenant que l’occupation d’Afrine par la Turquie est en fait la faute du gouvernement syrien mais que c’est néanmoins une « victoire » pour les forces turques.

Écrivant dans Socialist Worker.org il y a cinq semaines, le trotskyste suisse Joseph Daher a déclaré : « Malgré une déclaration du ministère russe des Affaires étrangères exprimant sa ‘préoccupation’ et appelant les parties à ‘faire preuve de retenue mutuelle’, Moscou, qui contrôlait de grandes parties de l’espace aérien syrien a donné le feu vert à la Turquie pour son invasion et a retiré ses forces armées des zones visées par les forces turques… ».

Des arguments similaires, accusant la Russie de « trahison » sont avancés par Martin Chulov, de The Guardian, qui écrit le 19 mars : « Les YPG ont fait appel à la Russie pour les défendre à Afrine. Cependant Moscou a refusé, autorisant les chasseurs turcs à pénétrer dans l’espace aérien qu’elle contrôle au-dessus du nord de la Syrie pour mener leurs attaques. La Russie et les États-Unis soutenaient auparavant les YPG – pour des raisons différentes – mais aucun des deux n’a participé aux affrontements dans le but de protéger leurs liens avec Ankara. » Ni preuve ni contexte ne viennent étayer les accusations antirusses.

L’International Socialist Review, publiée aux États-Unis, a exprimé son opinion de longue date sur la Syrie dans une interview avec un journaliste et écrivain syrien, publiée en octobre 2017 : « C’est une insulte aux Syriens de penser que notre révolution est un aspect du prétendu plan de l’Amérique pour un changement de régime. Je ne peux trouver les mots pour exprimer mon indignation. Si on peut attribuer un projet à l’administration Obama, c’était la préservation du régime et non son changement. Les Américains ont opposé leur véto à tout armement significatif de l’Armée syrienne libre à tous les moments cruciaux… ».

Il a ajouté que la Russie et les États-Unis avaient « conclu un accord chimique » avec le gouvernement syrien pour permettre à celui-ci d’utiliser des armes chimiques comme la chlorine et le gaz sarin. Aucune date ni aucune autre preuve n’est fournie. Les allégations sans preuves et farfelues d’utilisation d’armes chimiques par le gouvernement syrien sont bien sûr une composante permanente de la propagande accompagnant la campagne américano-saoudo-israélienne de changement de régime en Syrie.

Six mois plus tôt, dans la même publication, une interview semblable affirmait : « Bien que les États-Unis n’aiment pas Assad et aimeraient le voir s’en aller, ils préfèrent la continuité du régime d’Assad à toute alternative révolutionnaire potentielle venant d’en bas. » En regrettant que les États-Unis n’aient pas fourni un soutien suffisant à ceux qui cherchent à renverser le gouvernement syrien, l’interviewé poursuivait : « C’est pourquoi Obama a refusé de frapper Assad et de donner à l’opposition syrienne les moyens adéquats pour se défendre du régime. Au lieu de quoi, les États-Unis ont manipulé le flux d’armes, coupant sélectivement l’aide aux groupes qui se concentraient sur la lutte contre Assad et pas seulement sur ISIS. » (L’analyse du véritable bilan du régime d’Obama en Syrie et pourquoi est un thème pour un autre jour).

Le groupe de gauche Counterfire en Grande-Bretagne évite d’associer ouvertement d’autres gens de gauche avec le renversement du gouvernement syrien. Mais il laisse ses partisans dans le noir en ce qui concerne la situation en Syrie dans une analyse d’un de ses membres dirigeants le 23 mars : « L’implication dans des guerres sans fin ne conduit qu’à davantage d’implication et contribue à exacerber les rivalités interétatiques. C’est particulièrement vrai de la guerre en Syrie où une pléthore de pays interviennent, tous réticents à céder du terrain ou à voir la fin de la guerre de peur de donner un avantage à leurs concurrents. » Et plus loin : « Il y a tous les signes que nous ferons face à un conflit plus grave au Moyen-Orient. Déjà, les lignes de bataille sont dessinées en Syrie, avec la Russie, l’Iran et le Hezbollah du Liban d’un côté et l’Arabie saoudite, les États-Unis, la Grande-Bretagne et Israël de l’autre. »

Apparemment, il n’y a pas de question de souveraineté nationale syrienne ou de chaos de changement de régime impérialiste pour expliquer pourquoi le gouvernement syrien est dans la ligne de mire de l’impérialisme, ni pourquoi la Russie a choisi de le défendre. Non, tout cela est un fouillis dans lequel tout et tout le monde doit être blâmé. Comment une stratégie anti-guerre peut-elle être forgée au milieu d’un telle confusion ?

Ce que les gauchistes et leurs anciens collègues des médias occidentaux falsifient et couvrent, c’est ce qui suit.

Le Parti kurde PYD (Parti de l’union démocratique) en Syrie, un parti frère du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), hors la loi en Turquie, s’est allié avec l’armée américaine depuis quelques années, se vantant que cette alliance est scellée et garantie par l’efficacité de sa force militaire dans sa guerre contre ISIS. Mais le versant US/OTAN de la lutte contre ISIS a servi en même temps à faire avancer des interventions illégales de l’OTAN (américaines et turques) en Syrie et au nord de l’Irak. La guerre menée par les États-Unis et l’OTAN a eu des effets dévastateurs pour la population de Mossoul, en Irak et a fortement endommagé les villes syriennes de Deir ez-Zor (dans le centre) et Kobane (au nord) ainsi que d’innombrables villes et villages dans le pays.

Le soutien des États-Unis, de l’OTAN et de l’Arabie saoudite aux milices de droite en Syrie a dévasté des villes et des villages syriens qui n’ont pas été directement attaqués par les États-Unis et la Turquie, notamment Alep et Homs ainsi que le site historique de Palmyre.

Les médias occidentaux ont toujours passé sous silence que l’essor d’ISIS lui-même est une conséquence de l’invasion catastrophique de l’Irak en 2003 et d’autres interventions au Moyen-Orient par les États-Unis et leurs alliés de l’OTAN.

Les propositions russes à la Syrie

Depuis un an et demi, la Russie a exhorté le gouvernement syrien à modifier la Constitution du pays afin, entre autres propositions, d’accorder des droits nationaux autonomes à la population kurde de Syrie (environ deux millions de personnes sur une population syrienne de 18 millions). Il y a beaucoup de preuves que la proposition russe a fait l’objet d’une grande attention dans les allées du pouvoir à Damas. La proposition a été un élément de la coopération militaire discrète ou de non-agression entre les forces kurdes et les forces gouvernementales ces dernières années. Mais formellement, les Kurdes ont accordé peu d’attention en public à l’initiative de la Russie. En Occident, pendant ce temps, les médias dominants ainsi que notre gauche mentionnée plus haut ont gardé un silence délibéré, trop obscurcis par leurs préjugés anti-russes pour comprendre la proposition de la Russie, pour la traiter ou en faire des reportages.

Alors que la Turquie préparait en janvier 2018 son invasion de la région d’Afrine (où les Kurdes constituent la majorité de la population) les gouvernements syrien et russe ont proposé aux Kurdes d’accepter une réaffirmation du contrôle souverain sur le territoire par le gouvernement syrien. Cela irait de pair avec les discussions en cours sur la Constitution et, surtout, empêcherait l’intervention turque prévue, y compris avec l’importante protection aérienne et navale de la Russie. Mais la direction kurde a rejeté la proposition. Elle a plutôt opté pour le pari téméraire que les Kurdes résisteraient à l’intervention turque par leurs propres moyens.

Dans quelle mesure le pari kurde reposait-il sur la croyance que les États-Unis retiendraient, d’une façon ou d’une autre, la main de la Turquie ? Ou que le gouvernement russe entrerait stupidement en conflit avec le membre de l’OTAN qu’est la Turquie afin de protéger une entité politique kurde déclarant sa loyauté à une alliance avec les États-Unis ? On ne peut que deviner.

Le journaliste moyen-oriental Elijah Magnier explique dans un article du 20 mars : « Les Kurdes syriens voulaient croire – comme les Kurdes irakiens (en 2017) – que la communauté internationale jouerait un rôle positif pour protéger Afrine et ne les laisserait donc pas tomber. »

L’auteur poursuit : « La Russie et Damas ont compris, d’après les contacts entre Afrine et al-Hasaka (siège de la région autonome kurde au nord-est de la Syrie) que les dirigeants de l’YPG préféraient abandonner Afrine à la Turquie plutôt que de la livrer à Damas. » De plus, « il est possible que les Kurdes de Syrie croient que perdre une enclave (Afrine) en vaut la peine si c’est en échange d’un État et de nouvelles terres au nord-est de la Syrie. Mais les plans kurdes ne semblent jamais réussir… » 2.

Dans une interview, le 20 mars, dans Loud and Clear, l’émission de radio de Sputnik International, l’ancien ambassadeur britannique en Syrie, Peter Ford, fait des commentaires tout aussi critiques sur les décisions stratégiques de la direction kurde (ou écoutez ici, à 30’).

Au-delà des motivations kurdes, il est illusoire de croire que les États-Unis ou la Turquie toléreraient l’existence d’une « Rojava » kurde progressiste au nord-est de la Syrie ou à Afrine au nord-ouest. Au nord de l’Irak, le gouvernement de Bagdad subordonné aux États-Unis a atteint un accord politique avec le Gouvernement régional du Kurdistan qui permet à ce dernier de garder un certain degré de pouvoir autonome (article du 22 mars dans le New York Times). Mais les gouvernements kurdes syriens autonomes sont beaucoup plus radicaux que le Gouvernement régional du Kurdistan et ne peuvent pas s’attendre à un traitement de faveur de la part des États-Unis à moins d’abandonner leurs programmes radicaux.

Le résultat final à Afrine a été un cruel revers pour les Kurdes. C’est aussi un coup pour les Syriens dans leur ensemble parce que maintenant un pays de l’OTAN (la Turquie) occupe une zone beaucoup plus grande au centre-nord et au nord-ouest de la Syrie. De plus, les Syriens sont aujourd’hui menacés d’une intervention turque dans la région kurde le long de la frontière syro-turque à l’est de l’Euphrate.

Malgré l’échec désastreux à Afrine, le dirigeant du PYD, Saleh Muslim a assuré : « La lutte va continuer et le peuple kurde continuera à se défendre contre le génocide prévu contre lui ». Dans une allocution diffusée sur ANF News, le dirigeant kurde a annoncé que les forces des YPG entameraient une « guerre de guérilla » sur le territoire occupé par les Turcs.

Mais qui ferait une telle guerre ? Les YPG ont retiré leurs forces armées d’Afrine (avec l’aide, pas moins, des soldats syriens et russes). Et d’où le PYD tire-t-il le droit et l’autorité pour menacer d’une telle guerre sur le territoire syrien ? Une guerre de guérilla d’un an dans les régions kurdes fortement urbanisées de l’est de la Turquie a subi des coups sévères portés par une armée turque impitoyable.

La Syrie accuse la Turquie d’avoir commis des crimes de guerre dans son intervention à Afrine et l’a appelée à « se retirer immédiatement ». Selon Al-Monitor, cette demande est contenue dans deux lettres que le ministre des Affaires étrangères a envoyées aux Nations unies. « Le comportement et les attaques de la Turquie non seulement menacent les citoyens et l’unité du territoire du peuple syrien, ils prolongent aussi la guerre en Syrie » a déclaré le ministre.

Le déclin de la gauche

Plutôt que d’affronter la situation en Syrie dans toute sa complexité et de reconnaître au moins dans une certaine mesure le principe et l’importance de la souveraineté syrienne, beaucoup sinon la plupart des gauchistes occidentaux ont choisi de calomnier la Russie en l’accusant de « trahison » tout en ignorant béatement leur propre complicité dans la débâcle d’Afrine. La véritable trahison à Afrine est celle commise par l’impérialisme américain. Il se fait passer avec duplicité pour un défenseur du peuple kurde et s’en sert pour attaquer la souveraineté syrienne.

Les espoirs et les attentes d’un État kurde autonome au nord-est de la Syrie sont liés aux représentations erronées de la gauche concernant la situation en Syrie. Le gouvernement de gauche de la Rojava, le nom kurde de la région, a en effet introduit des politiques sociales impressionnantes en ce qui concerne les droits des femmes et d’autres droits économiques et sociaux. Les affirmations selon lesquelles le gouvernement de la Rojava dirigé par le PYD conduirait à un « nettoyage ethnique » des populations arabes sous sa gouvernance se sont révélées fausses. Mais imaginer que les puissances de l’OTAN comme les États-Unis et la Turquie soutiendront et permettront l’existence d’une expérience socialement radicale dans la Rojava et que la région pourrait résister aux pressions pour l’affaiblir et la faire tomber est naïf.

Les gauchistes ont fermé les yeux sur les souffrances du peuple syrien pendant les cinq dernières années. Les meurtres de Syriens par les soi-disant « rebelles »  comme l’horrible tir de roquettes sur un marché dans la banlieue de Damas de la Ghouta orientale le 20 mars, qui a tué près de 50 civils, ne sont pas enregistrés. Leur refus de reconnaître la guerre pour un changement de régime en Syrie devrait être mis en cause et dénoncé. L’aveuglement à l’égard de la voie destructrice de l’impérialisme au Moyen-Orient est le signe d’une gauche occidentale en grave déclin. Il ne pourra y avoir de renaissance sans reconnaissance et discussion franches.

Depuis quelques temps, j’ai écrit et décrit le déclin du marxisme occidental qui a émergé de la Seconde Guerre mondiale. Une grande partie a évolué vers un « socialisme de droite ». Une grande partie de la pensée politique et de l’organisation anarchiste a suivi une dérive similaire vers la droite.

Dans le cas présent de la Syrie, il serait très instructif d’obtenir des évaluations précises de la récente campagne militaire du gouvernement syrien dans la Ghouta orientale. Quelle a été l’ampleur des pertes parmi les non-combattants et quelles mesures ont-elles été prises pour les éviter ? Dans quelle mesure les résidents non combattants ont-ils été retenus en otage par les milices de droite ? 3.

Que peut-on attendre du gouvernement syrien qui réussit à reprendre des mains des milices le contrôle de larges portions du pays ? Dans quelle mesure les plaintes de nombreux Syriens au sujet des inégalités économiques et des limites à la démocratie politique sont-elles légitimes ? Quelle aide un mouvement international de solidarité peut-il apporter aux Syriens pour reconstruire leur pays et en faire une société plus équitable ?

L’environnement politique en Occident à propos de la Syrie est si toxique que nous ne pouvons pas nous attendre à une information fiable ou à une analyse éclairée de la voie à suivre pour reconstruire la Syrie. D’autant plus importantes et nécessaires sont les voix anti-guerre de gauche qui peuvent apporter une solidarité efficace avec le peuple syrien alors qu’il repousse l’intervention impérialiste et entreprend les tâches extraordinairement difficiles de la reconstruction.

Roger Annis est un militant socialiste et syndical de longue date. Il a commencé son activisme politique avec les Jeunes socialistes de l’époque en Nouvelle-Écosse alors qu’il était à l’université. Depuis lors, il a vécu dans la plupart des régions du Canada, y compris à Montréal, où il a appris à parler couramment le français. Il est retraité de l’aérospatiale et vit à Vancouver. Il écrit régulièrement sur des sujets relatifs à la justice sociale et à la paix.

Note du Saker Francophone

Il est difficile de comprendre à qui fait référence l'auteur quand il parle de milice de droite, right-wing ?

Traduit par Diane, vérifié par Wayan, relu par Cat pour le Saker francophone

  1. Le livre (en anglais) peut être téléchargé pour un prix modeste ici ou acheté sur le site de Global Research.
  2. L’auteur a également écrit : « Lorsque les négociations entre l’YPG et les Russes ont échoué, la Russie a retiré ses points d’observation et ses points statiques de la police militaire dans l’enclave et les rares positions de l’Armée syrienne dans la zone ont été abandonnées. Cela a donné le feu vert à Erdogan pour entamer ses opérations militaires, le 20 janvier de cette année, pour occuper plus de territoire syrien. » Le choix du terme « feu vert » est trompeur parce qu’il suggère que la Russie est satisfaite de l’intervention turque. Il n’y a aucune preuve à l’appui d’une telle affirmation
  3. Voir le reportage du 21 mars sur la Ghouta orientale par la journaliste indépendante Eva Bartlett
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