Washington vient de déclarer la guerre à la Russie.


Par Martin Berger – Le 29 septembre 2016 – New Eastern Outlook

Lauréat du prix Nobel de la paix, le président américain Barack Obama n’en poursuit pas moins fermement une politique d’interventions armées et de conflits à travers le monde, plus longues et plus intenses que sous tout autre président de l’histoire récente des États-Unis. Et maintenant, il lance un ballon d’essai contre la Russie, sans prêter attention au fait que cela pourrait entraîner une guerre mondiale suivie rapidement d’un anéantissement nucléaire mutuel.

Comment comprendre autrement la déclaration faite par le porte-parole du département d’État américain, le contre-amiral John F. Kirby, si ce n’est comme une déclaration de guerre directe. La déclaration dit ceci :

Les conséquences seront que la guerre civile se poursuivra en Syrie, que les extrémistes et les groupes extrémistes continueront à exploiter les vides qui sont là, en Syrie, pour étendre leurs activités, qui comprendront, sans aucun doute, des attaques contre les intérêts russes, peut-être même les villes russes, et la Russie continuera à renvoyer ses troupes à la maison dans des sacs mortuaires, et elle continuera à perdre ses ressources – et même, peut-être, perdre encore plus d’avions…

Le même mode opératoire a été utilisé pendant un quart de siècle pour abattre l’Union soviétique. À la fin des années 1980, les États-Unis ont décidé qu’ils étaient en bonne position pour prendre l’empire du mal dans le piège afghan grâce à l’appui qu’eux-mêmes fournissaient aux terroristes armés qui se sont maintenant transformés en terroristes modérés, y compris al-Qaïda. Dans les années 1980, Washington a profité de la richesse saoudienne et des services secrets pakistanais. Voilà comment la soi-disant résistance afghane est née, bénéficiant du soutien logistique pakistanais et du flux de nouvelles recrues venant de tout le Moyen-Orient.

L’ancienne secrétaire d’État américaine et maintenant candidate à la présidentielle, Hillary Clinton, a ouvertement déclaré, en 2012, que de son point de vue c’était une bonne idée :

Lorsque l’Union soviétique a envahi l’Afghanistan, nous avons eu cette brillante idée d’aller au Pakistan et de créer une force de moudjahidines, de les équiper de missiles Stinger et tout le reste, pour aller se battre contre les Soviétiques en Afghanistan. Et nous avons réussi, les Soviétiques ont quitté l’Afghanistan, puis nous avons dit « Great ! Goodbye», laissant ces gens formés et fanatiques en Afghanistan et au Pakistan, les laissant bien armés, à créer du désordre…

Ce qu’Hillary a oublié de mentionner, cependant, est le fait que le mouvement moudjahidin en Afghanistan était un terrain fertile pour les actifs d’al-Qaïda. Al-Qaïda était et est toujours contrôlée directement par la Central Intelligence Agency (CIA) afin d’entretenir un processus de déstabilisation du Moyen-Orient, fournissant aux entrepreneurs militaires étasuniens un prétexte pour envahir les États, les uns après les autres.

C’est ce même scénario que la Maison Blanche veut répéter maintenant en Syrie. Il n’est pas étonnant qu’elle ait permis le violent bombardement des soldats syriens le 17 septembre, car il a été fait dans le but d’épargner la vie des militants de Jabhat al-Nusra qui auraient eu du mal autrement à garder leurs positions. Il convient de rappeler qu’en septembre 2015, l’ancien chef de la CIA, David Petraeus, l’un des parrains de la guérilla étasunienne, a exhorté la Maison Blanche à combattre État islamique côte à côte avec Jabhat al-Nusra.

Après six années de guerre perpétuelle, le conflit en Syrie est loin d’être aussi civil que l’on veut nous le faire croire, c’est un conflit entièrement mené de l’extérieur, et non pas de l’intérieur. La Syrie est devenue une sorte de nœud gordien, un endroit où les intérêts de la Russie, de la Chine, de l’UE, de la Turquie, de l’Iran, de l’Arabie saoudite et des États-Unis ont été incroyablement embrouillés.

À ce stade, Washington est totalement incapable de discuter de tout règlement politique sérieux en Syrie, car il considère tout processus de paix dans ce pays déchiré par la guerre comme le signe avant-coureur de la présence permanente de Moscou, de Pékin et de Téhéran dans la région et de la mise en place de plusieurs routes de l’énergie qui donnerait à ces États l’influence et la richesse dans la région, pour l’avenir, et signifiera qu’il n’y aura pas de place à table pour les avides défenseurs de démocratie occidentaux.

Voilà pourquoi les États-Unis se sont opposés si vigoureusement à la publication des détails de l’accord de cessez-le-feu russo-américain et ont gardé la discussion sur l’accord aussi loin que possible de l’ONU, de peur qu’il puisse y avoir une résolution de l’ONU adoptée qui rendrait obligatoire de s’y conformer.

Voilà aussi pourquoi, tout en gardant à l’esprit son plan d’ensemble, Washington a utilisé le territoire syrien pour commencer la plus grande guerre indirecte de l’Histoire moderne, si elle continue sa transformation actuelle en une confrontation armée directe avec la Russie. Un total de 80 États se battent à la fois directement et indirectement en Syrie. Ce n’est pas un hasard si le 23 mai 2003, au lieu de rassembler les forces irakiennes en une seule grande unité, l’administration d’occupation américaine a dissous l’armée irakienne, créant ainsi les conditions préalables à la montée d’EI. En janvier 2012, au milieu de la guerre civile syrienne, la CIA a créé une branche d’sl-Qaïda en Syrie – le fameux Jabhat al-Nusra. Ce n’est plus un secret que les militants de ce groupe terroriste, à différents moments, ont été soignés dans les hôpitaux turcs et israéliens – deux États satellites fidèles à Washington. Ces étapes ont été suivies par l’approbation de l’invasion de la Syrie par l’armée turque, qui a été lancée le 20 août dernier.

Pour créer les conditions préalables à un conflit armé ouvert avec la Russie, Washington a lancé une campagne massive de propagande, visant à discréditer Moscou sans arrêt. Il suffit de se rappeler le soi-disant scandale de dopage et des révélations que le président ukrainien Petro Porochenko a fait de la présence présumée de plus de 30 000 soldats et des centaines de chars russes dans l’est de l’Ukraine. Et même si ces allégations sont ridicules et sans fondement, Washington les répète, comme s’il n’avait aucun moyen de suivre quelques centaines de tanks partout sur la surface de la Terre et de fournir des preuves irréfutables au public. Et encore, nous entendons ces accusations au sujet de l’implication présumée de Moscou dans la chute du Boeing de la Malaysian Airlines sur le Donbass et bien d’autres accusations. La liste continue. En regardant toutes ces étapes, on ne peut s’empêcher de penser au génie de la propagande nazie – Joseph Goebbels – qui conquit la perception du public par la répétition continue de mensonges pourtant transparents, même le jour de l’invasion de la Russie par les nazis.

Martin Berger

Article original publié sur New Eastern Outlook

Traduit par Wayan, relu par Cat pour le Saker Francophone

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