Très bien, que Trump déplace les armées étasuniennes d’Allemagne en Pologne


Par Andrew Korybko − Le 16 août 2019 − Source orientalreview.org

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La suggestion, émise par les ambassadeurs étasuniens en Pologne et en Allemagne, que les USA pourraient déplacer certains de leurs soldats de la seconde vers la première est à saluer : elle fait plus de sens pour l’ensemble des parties impliquées.

La chancelière allemande, Angela Merkel, serre la main de l’ambassadeur des USA en Allemagne, Richard Grenell, à Meseberg, en Allemagne, le 6 juillet 2018

Les ambassadeurs étasuniens en Pologne et en Allemagne ont suggéré, début août 2019, que les USA pourraient repositionner certains de leurs soldats, actuellement en Allemagne, vers la Pologne, du fait que Berlin ne souscrit pas à son obligation institutionnelle de dépenser 2% de son PIB en défense et en évitant ses responsabilités d’“allié” du Pentagone, en ne rejoignant pas la coalition navale naissante dans le Golfe Persique. Leur propositions ont été critiquées, mais aucune des objections n’était basée sur des réalités : en vérité, ce changement aurait du sens au vu de l’ensemble des parties impliquées. Les USA ont indirectement subventionné le “miracle économique” allemand d’après-guerre tout en assurant la défense du pays au cours de l’ancienne Guerre Froide, et la rapide expansion économique qui en a découlé a permis au pays d’Europe central de devenir la superpuissance incontestée de l’Union Européenne, tout particulièrement depuis sa réunification. Les USA n’ont plus besoin de subventionner les besoins en défense (qu’ils soient réels, imaginés, ou exagérés) de leur rivale économique au vu des nouvelles conditions, d’autant moins que l’Allemagne refuse de rester l’État vassal dont les USA veulent disposer.

La Pologne, cependant, est plus que désireuse d’héberger le plus grand nombre possible de soldats étasuniens sur son territoire, et ce aussi vite que possible, du fait de sa perception (ici aussi, qu’elle soit réelle, imaginée, ou exagérée) de la menace existentielle russe à sa sécurité. La Pologne est si enthousiaste à l’idée de devenir le possible premier partenaire de choix des USA sur le continent qu’elle a même proposé de payer 2 milliards de dollars pour construire les infrastructures nécessaires à héberger ce déploiement [De toutes façons, les transferts européens feront que ce sera le contribuable français et … allemand qui payera, NdT], sous l’égide d’un projet dénommé “Fort Trump”. Il ne s’agit pas non plus que de russophobie : la Pologne estime qu’elle peut tirer des dividendes économiques tangibles en se positionnement comme remplaçante de l’Allemagne dans la Nouvelle Guerre Froide, d’autant plus que les soldats étasuniens dépensent souvent beaucoup d’argent dans les pays où ils sont hébergés. En complément, Trump — étant l’homme d’affaire multi-milliardaire que l’on connaît — est plus incliné à encourager des investissements étasuniens envers le pays dirigeant l’initiative géostratégique des “Trois Mers”, en récompense à sa fidélité.

Il ne s’agit pas ici d’argumenter en faveur de la présence militaire étasunienne en Europe, ni en faveur de la participation de l’Allemagne à la coalition navale naissante dans le Golfe Persique. Il fait tout simplement plus de sens que les USA déplacent leurs armées en Pologne depuis l’Allemagne, si Berlin continue d’éluder ses responsabilités fiscales et “alliées” envers les USA. Les relations internationales sont actuellement menées par le paradigme néo-réaliste de pensée qui enseigne que les intérêts propres prédominent sur l’établissement des politiques des États. Sur cette toile de fond stratégique, l’Allemagne n’estime pas que ses intérêts soient servis au mieux en dépensant immédiatement 2% de son PIB en défense, ni en envoyant ses ressources navales dans le Golfe dans le cadre d’une opération multilatérale. De son coté, la Pologne estime que ses propres intérêts seraient bien servis en s’employant à prendre la place allemande de partenaire préféré des USA en Europe, chose que les USA souhaitent accompagner, las qu’ils sont de subventionner les besoins militaires de leur principal rival économique. En d’autres termes, il s’agirait d’un changement gagnant-gagnant pour tous.

Andrew Korybko

Traduit par Vincent pour le Saker Francophone

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