Syrie : la Turquie envahit Idleb, c’est du bluff, mais son défi sera relevé


2015-05-21_11h17_05Par Moon of Alabama − Le 10 février 2020

Depuis notre  publication de la semaine dernière sur la campagne syrienne à Idleb, l’armée syrienne a fait des progrès importants.

Gouvernorat d’Idleb le 3 février 2020 Agrandir

Saraqib, Al Eis et des dizaines d’autres villes et villages ont été libérés. De grandes parties de l’autoroute M5 à Idleb sont désormais sous le contrôle du gouvernement syrien.

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L’objectif de la campagne actuelle est de reprendre le contrôle de l’autoroute M5 entre Damas et la ville d’Alep et l’autoroute M4 entre Lattaquié et Alep. Ces autoroutes sont importantes pour la relance de l’économie syrienne.

C’était à l’origine la tâche de la Turquie de garantir la libre circulation civile sur les deux autoroutes. Le protocole d’accord de Sotchi entre la Turquie et la Russie, signé le 17 septembre 2018, prévoit :

3. Une zone démilitarisée d’une profondeur de 15 à 20 km sera créée dans la zone de désescalade.

4. Le passage spécifique des lignes délimitant la zone démilitarisée sera convenu lors de nouvelles consultations.

5. Tous les groupes terroristes radicaux seront retirés de la zone démilitarisée d’ici le 15 octobre 2018.

6. Tous les chars, artillerie, lance-roquettes multiples, et mortiers des parties au conflit seront retirés de la zone démilitarisée d’ici le 10 octobre 2018.

7. Les forces armées de la République de Turquie et la police militaire des forces armées de la Fédération de Russie effectueront des patrouilles et des contrôles coordonnés à l’aide de véhicules aériens sans pilote dans la zone démilitarisée.

8. Afin d’assurer la libre circulation des habitants et des marchandises, ainsi que le rétablissement des liens commerciaux et économiques, le trafic de transit le long des routes M4 (Alep-Lattaquié) et M5 (Alep-Hama) sera rétabli avant la fin de 2018.

Aucun de ces points n’a jamais été rempli par la Turquie.

Idleb est toujours sous le contrôle de Hayat Tahrir al Shams (HTS), aligné sur Al-Qaïda, qui a continué d’attaquer les positions du gouvernement syrien ainsi que des cibles civiles. HTS est internationalement reconnue comme une organisation terroriste, y compris par la Turquie. Mais la Turquie n’a rien fait pour l’éradiquer. Elle fournit plutôt à l’organisation des armes et d’autres fournitures.

La réaction du soi-disant Sultan turc Erdogan à la campagne de l’armée syrienne a été hystérique. Il a menacé à plusieurs reprises d’intervenir militairement si l’opération de l’armée syrienne ne s’arrêtait pas. Au cours des derniers jours, plus de 1 450 véhicules militaires turcs, dont des chars, de l’artillerie lourde et des véhicules blindés d’infanterie, ont envahi la zone d’Idleb détenue par les terroristes.

La Turquie dit que ce ne sont que des renforts pour ses «postes d’observateurs». Mais en réalité, ces forces sont configurées pour attaquer l’armée syrienne. Un groupe d’artillerie turc a tenté de prendre position sur l’ancienne base aérienne militaire syrienne Taftanaz, au nord de Saraqib. Plus tôt dans la journée, il a subi des tirs d’artillerie syrienne. Au moins six soldats turcs ont été tués et plusieurs blessés. Un hélicoptère turc a été autorisé à entrer pour évacuer les victimes.

Source : ISWnewsAgrandir«Points d’observation» turcs et russes

L’armée turque a affirmé avoir riposté à l’attaque :

L'armée turque a répondu aux cibles fixées dans la région, selon le communiqué.
 
«La réponse nécessaire a été donnée, les cibles ont été détruites et le sang de nos martyrs n'a pas été laissé sur le terrain. Les développements sont suivis de près et les mesures nécessaires sont prises», a indiqué le communiqué.

Rien ne prouve que de telles représailles aient eu lieu.

La Turquie exige que l’armée syrienne se replie sur les lignes où sa campagne actuelle a commencé il y a des mois.

Ça n’arrivera pas.

Aujourd’hui, alors que l’armée turque s’est installée parmi les terroristes, HTS a envoyé deux véhicules suicides contre les lignes syriennes. On ne sait pas encore s’ils ont fait des victimes. Si l’armée turque veut être garde du corps de tels terroristes, elle sera traitée de manière appropriée.

Les forces aériennes russes et syriennes contrôlent l’espace aérien au-dessus d’Idleb. Des navires de guerre russes sont déployés près des côtes de la Syrie et sont prêts à lancer leurs missiles de croisière. La Russie peut renforcer sa force aérienne en Syrie dans les 24 heures. L’armée de l’air turque n’est pas en mesure de modifier cette situation.

Après la tentative de coup d’État de 2016 contre Erdogan, près des trois quarts des pilotes de l’armée de l’air turque ont été licenciés. L’état de maintenance des 240 avions de combat turcs F-16 est douteux. On estime que moins d’un quart d’entre eux sont prêts à voler. Les F-16 ne sont pas à la hauteur des avions Su-34 russes qui couvrent la Syrie. Ils n’ont pas non plus les capacités nécessaires pour surmonter les défenses aériennes russes. Ensuite, il y a aussi l’influence économique de la Russie sur la Turquie.

Au cours des derniers jours, des discussions intenses ont eu lieu entre la partie russe et la partie turque. Les Russes ne bougent pas. La Syrie libérera les deux autoroutes que la Turquie a promis d’ouvrir dans le cadre du protocole d’accord de Sotchi. Si l’armée turque essaie d’empêcher cela, elle sera bombardée jusqu’au paradis.

Erdogan ne peut pas risquer une guerre avec la Russie en Syrie. Il bluffe et son défi sera relevé.

Moon of Alabama

Traduit par jj, relu par Wayan pour le Saker Francophone

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