La culpabilité allemande pour la guerre et l’avenir de l’Europe
Par le capitaine Russell Grenfell − Publié en 1953 − Source Unz Review
Au fil du temps, on nous a répété et insinué que les aventures, les anxiétés et les austérités du demi-siècle écoulé avaient amené notre pays, en 1940, à son heure de gloire ; et peut-être que tel est bien le cas, mais alors il faut bien insister sur le fait qu’il ne s’agit pas de l’heure de gloire des hommes politiques qui, pour dire la vérité, ont fait preuve d’incompétence crasse, et ont de par leurs imbécillités amené la Grande Bretagne au bord de la catastrophe. Non, il faut bien préciser alors que l’on parle de l’heure de gloire des soldats.
Citation de Cecil Algernon dans La Reine Victoria et Ses Premiers Ministres – p. 338
Chapitre 11 – Les erreurs commises par les politiciens en temps de guerre
Choisir un objet approprié et judicieux est d’une importance capitale dans le domaine de la guerre. Il s’agit du point de départ essentiel, à partir duquel se déroule l’ensemble de la course des plans de batailles, des opérations, et de l’utilisation de la force en général. L’objet devrait donc s’assimiler à un phare, construit solidement sur des fondations stables après avoir été pensé soigneusement et défini comme étant le mieux placé, le mieux orienté, afin de guider la sécurité de l’État jusqu’à l’abri défini pour elle. Mais s’il s’apparente à un feu-follet, l’État a toutes les chances de finir sur les brisants. Les guerres de notre siècle ont démontré la faiblesse de jugement des hommes politiques britanniques quant à la définition de l’objet national en temps de guerre ; le résultat, que chacun peut constater, est que le navire Britannia est battu sur les récifs. Les mâts sont déjà tombés, la moitié des provisions ont été larguées par-dessus bord pour alléger le navire, et l’équipage inquiet en est réduit à vivre sur des demi-rations, en se demandant chaque jour si le bateau va pouvoir être ramené en eau navigable, ou s’il ne va pas plutôt finir de se disloquer sous ses pieds. Ce regrettable état des affaires résulte en très grande partie des erreurs de gouvernance au cours des deux dernières guerres, résultant des échecs d’hommes politiques incompétents, depuis Sir Edward Grey, à comprendre ce qu’ils visaient, et auto-obnubilés par le mot “victoire”. Leurs erreurs de jugement sont illustrées avec concision par une remarque de M. Churchill à la Chambre des Communes, le 18 juin 1940 :
Au cours des quatre années que dura la dernière guerre, les alliés ne connurent rien d’autre que désastre et déceptions — nous nous répétions sans cesse la question : “Comment allons-nous gagner?”, et personne n’était en mesure d’y répondre avec précision.
Voici tout le problème évoqué en peu de mots. Il n’est pas surprenant que personne ne pût répondre à cette question “Comment allons-nous gagner?” avec précision, le mot “gagner” dans ce contexte manquant singulièrement de précision. Que voulait dire “gagner”? S’agissait-il de détruire la flotte allemande? Ou de s’emparer des colonies allemandes? Ou de bouter les allemands hors de Belgique? Ou de briser l’Empire autrichien, ou quoi d’autre? Dans la bouche de M. Churchill, il s’agissait probablement de gagner sur le champ de bataille. Nous avons noté plus tôt, dans le présent ouvrage, que de toute évidence il considérait la guerre de 1939-1945 d’un point de vue uniquement militaire, et la remarque de sa part que nous venons de citer semble indiquer que le Cabinet de 1914-1918 en faisait autant. Mais la victoire militaire, comme nous l’avons expliqué, ne constitue pas ou ne devrait pas constituer une fin en soi, mais un moyen de parvenir à une fin. Donc, si les hommes politiques des deux guerres mondiales n’avaient pas dépassé un objectif de victoire militaire face à l’ennemi, ils n’avaient pu réaliser que leur fonction propre était de se poser la question éminemment plus importante : “Quel est notre objet politique?” L’étape qui suit dans notre recherche va donc constituer à rechercher ce que cet objet aurait dû être.
La meilleure approche pour répondre à ce point est peut-être de commencer par définir ce que l’objet politique n’aurait pas dû être. Il existe certains objets, vers lesquels les hommes politiques peuvent être fortement inclinés, que l’on peut classifier comme mauvais, à éviter en toutes circonstances. Ils comptent les abstractions politiques, telle que la liberté, la justice et la démocratie ; ou pour l’exprimer différemment, la suppression de la tyrannie, de l’injustice et de l’autocratie.
C’est une chose pour les nations de se battre pour leur propre liberté, leur propre système de justice ou leur propre forme de gouvernement démocratique. Dans ce cas là, la meilleure description de leur objet politique ce faisant est le mot sécurité ; la sécurité d’ordonner leur vie nationale comme ils l’entendent. Les “croisades” pour amener la liberté, la justice ou la démocratie dans la vie d’autres nations constituent une toute autre affaire. De telles croisades présentent un historique déplorable. La guerre de 1914-1918 pour “fabriquer un monde sûr pour la démocratie” ne fut pas un succès. En Russie, la Douma, c’est à dire le Parlement, s’est vue supprimée, et une dictature brutale a été instaurée, alors même que la guerre pour la démocratie était en cours. En Italie, la dictature envoya la démocratie se rhabiller dans les quatre années suivant la fin de la croisade pour la démocratie, et l’Allemagne suivit sans beaucoup tarder, et la Portugal et l’Espagne rejoignirent également les rangs des régimes autoritaires.
Il n’y a pas qu’en matière individuelle que le bonheur de l’un fait le malheur de l’autre, même si les hommes politiques sont très réticents à admettre ce fait. Après avoir échoué dans les grandes longueurs à tirer les enseignements de l’entre-deux-guerres, que l’accident de la victoire ne constituait pas une raison valable pour forcer les vaincus à adopter un système politique conforme à celui du vainqueur, les homme politiques britanniques de la seconde guerre mondiale déclarèrent leur intention de détruire la dictature allemande et de “ré-éduquer” les allemands aux manières de la démocratie parlementaire ; qui, si elle peut fonctionner convenablement pour les britanniques et les américains, n’a jamais beaucoup mis l’eau à la bouche des allemands, qui s’apparente à une mauvaise blague en France, et qui est à présent totalement bannie de toute l’Europe de l’Est, Grèce mise à part. Même en Angleterre, des voix professorales se font entendre, prédisant la fin du gouvernement parlementaire. Pour autant, comme nous l’avons vu au cours du chapitre précédent, la tentative d’imposer par la force un système politique à un ennemi vaincu suffit amplement en soi à ce que l’ennemi renverse ce système à la première occasion.
L’autre dimension de croisade de la guerre 1914-1918, “la guerre qui mettrait fin à la guerre”, connut un échec pire encore que la dimension démocratique. L’armistice de 1918 n’avait pas encore fêté son premier anniversaire que les britanniques et les français s’opposaient déjà par les armes aux Bolcheviques en Russie, dans une vaine tentative d’étouffer le régime communiste naissant. L’année qui suivit (en 1920), les Bolcheviques envahissaient la Pologne. En 1921, britanniques et irlandais s’enfermaient dans un conflit amer. En 1922 survint la guerre gréco-turque, et en 1923 les français envahirent la Ruhr. 1924 fut l’année qui démarra les longues et pénibles luttes entre seigneurs de guerre en Chine ; en 1931, les japonais occupèrent la Mandchourie et, en 1932, s’attaquèrent aux chinois à Shanghai. En 1935, les italiens étaient en guerre avec l’Éthiopie; en 1936, la guerre civile espagnole éclatait; en 1937, les japonais entamèrent leur guerre contre la Chine ; et en 1938, les allemands marchaient sur l’Autriche, en 1938, sur la Tchécoslovaquie, et la même année sur la Pologne. Mais la seconde guerre mondiale, qui commença sur ce dernier événement, avait à peine commencé que les hommes politiques britanniques déjà recommencèrent à parler d’espoirs de paix permanente, si seulement leurs compatriotes se battaient assez dur pour vaincre l’ennemi allemand — chose qu’ils avaient déjà dite à l’occurrence précédente.
Il y a fort peu d’espoir à ce que des croisades rendent le monde plus vertueux, et strictement aucun espoir si ces croisades sont conduites par l’usage de force sans limite et par l’abandon de toute retenue civilisée. L’oblitération et le bombardement nucléaire de villes ouvertes, ainsi que l’armement et l’encouragement de coupe-jarrets clandestins sous le nom de “ mouvements de résistance ” ne sont pas de nature à inculquer la droiture chrétienne à l’humanité. Le monde connaît à présent son état de désordre et d’illégalité le plus important depuis des siècles, peut-être même depuis toujours. L’Europe connaît la guerre froide, la Corée la guerre chaude, le Perse et l’Égypte sont secouées, la Malaisie connaît le brigandage, l’Indochine l’insurrection, l’Afrique de l’Est le terrorisme Mau-Mau, l’Afrique du Sud les émeutes raciales, et l’anxiété règne partout. En Grande Bretagne, les crimes violents ont monté de manière alarmante après 1945, et ne sont toujours pas sous contrôle huit ans plus tard ; et les prisons du pays sont surpeuplées d’un facteur 2 à 3 par rapport à leur capacité. En France, M. Jean Giono, l’auteur célèbre, a dit à M. Warwick Charlton, qui enquêtait sur les horribles meurtres de Drummond pour le compte du “ Picture Post ” :
Pendant la guerre et au cours de la libération, les habitants de ce pays, connus en temps normal comme respectueux des lois et pacifiques, sont devenus des bêtes : des femmes ont de leurs propres mains déchiré en morceaux des jeunes garçons qui auraient pu être leurs fils. Et je connais un jeune homme, d’apparence tout à fait inoffensive, qui, après avoir violé une femme, lui a crevé les yeux, coupé les oreilles, et l’a mutilée avec un couteau de cuisine. Son excuse était qu’elle s’exprimait avec un accent allemand. En fait, il s’agissait d’une française, une alsacienne.1
La fanfaronnade de guerre du gouvernement britannique, déclarant son intention d’apporter la liberté au peuple allemand esclave, s’est terminée sur un échec total. Un gouvernement arbitraire, assuré par le parti nazi, a été remplacé par un gouvernement arbitraire assuré par des Commissaires étrangers, sous lequel des journaux politiques incorrects sont purement et simplement fermés, des individus suspects politiquement se voient sommairement arrêtés et mis sous les verrous, comme tel était le cas entre 1933 et 1939. Et si les armées d’occupation étrangères étaient retirées de ce pays, rien ne s’opposerait à l’instauration immédiate d’une nouvelle forme de despotisme, pourvu que les allemands le désirent ; et l’état de leur pays partitionné, dépouillé et affaibli par suite de Yalta et de Potsdam, pourrait bien leur inspirer un tel souhait.
Une caractéristique peu agréable des croisades est que les croisés semblent enclins à adopter pour eux-mêmes les mêmes abus que ceux pratiqués par leurs adversaires et constituant la raison-même du lancement de ces croisades. Ainsi, la croisade voulant restaurer la liberté en Allemagne a amené les libertés britanniques à se voir suspendues à droite comme à gauche. La liberté d’expression s’est vue traficotée pour “empêcher que ne soient répandues l’alarme et le découragement”, et la liberté des Sujets s’est vue enfreinte par la Régulation 18B2, permettant de mettre en prison tout homme ou toute femme sans motif, sans procès, et de l’y maintenir au bon vouloir du Secrétaire de l’intérieur, sans droit à aucune assistance légale. Il suffit que le ministre “ait une bonne raison de croire” que la détention relève de l’intérêt public. Ainsi donc ont été créés en Grande Bretagne l’équivalent de ces camps de concentration allemands, tant décriés par les hommes politiques et les journalistes britanniques. Ces deux formes de tyrannies eurent des interactions, et il est devenu assez fréquent de voir des membres du Parlement, s’exprimant sous la protection de leur privilège, exiger l’incarcération sommaire de quiconque avait osé exprimer des vues qui leur déplaisaient et qui pouvaient être considérées d’une manière ou d’une autre comme anti-patriotiques, ou qui pouvaient être considérées comme de nature à gêner l’effort de guerre.
Six années de suppression des “pensées dangereuses” ont laissé leur marque sur le peuple britannique, qui fait de nos jours preuve d’une timidité perceptible à exprimer ses opinions sur un mode d’expression libre sur les affaires courantes, en particulier sur les sujets internationaux, selon des modalités qui auraient été considérées comme des acquis au début du siècle. “La liberté est en péril”, disaient les affiches officielles placardées en 1939, “défendez la de toute votre force”. Ces affiches disaient la vérité, mais pas toute la vérité. La liberté était en péril du fait de forces étrangères au pays, mais également de le part de forces intérieures.
De fait, la conduite de la guerre par les démocraties elle-mêmes ne constitua pas en pratique un exemple flagrant de démocratie. Les deux principaux dirigeants démocratiques, le président Roosevelt et M. Churchill, commencèrent à mener des conférences mondiales de haut niveau, où ils prenaient des décisions olympiennes sur la manière dont la guerre devait être menée, et comment le monde devait être refaçonné après celle-ci, combien de centaines de milliers de kilomètres carrés de territoire devaient être pris à tel pays et offerts à tel autre, et combien de millions de réfugiés misérables devraient quitter leur foyer en conséquence.
La guerre devait se poursuivre, et il était tout à fait inenvisageable que les conférences de haut niveau, qui impliquaient de grands déplacements de la part du président des USA et du premier ministre anglais, dussent être réunies de nouveau, peut-être plusieurs fois de suite, parce que des objections auraient été soulevées au Parlement ou au Congrès. Mais l’on aurait pu user d’autres méthodes. Si l’on avait laissé les discussions être menées à un niveau inférieur, les ambassadeurs, ou même les secrétaires aux affaires étrangères, les Cabinets et les Parlements auraient pu exercer quelque contrôle sur les accords qui étaient noués. Telles qu’elles furent prises, les décisions convenues entre les autorités suprêmes de ces pays durent clairement être ensuite passées au forceps, véritables faits accomplis3 au beau milieu des législatures démocratiques. Nous trouvons ainsi M. Churchill, après Yalta, se débarrassant brusquement de la critique parlementaire en affirmant que les dirigeants soviétiques constituaient “des hommes honorables et dignes de confiance” et qu’il “refusait absolument de s’embarquer ici dans une discussion quant à la bonne foi russe4”.
On ne saurait qualifier une procédure aussi arbitraire de démocratique. Et l’argument selon lequel le premier ministre saurait mieux que personne, et que son estimation de la situation était forcément la bonne, ne saurait être retenu. Nous savons, au contraire, qu’il se trompait de manière désastreuse. “L’impression que j’ai amenée en revenant de Crimée”, déclara M. Churchill à la chambre des Communes, “ainsi que sur la base de tous les contacts que j’ai pu avoir, est que le Maréchal Staline et les dirigeants soviétiques désirent vivre en amitié honorable et à égalité avec les démocraties occidentales. Je ne connais aucun gouvernement qui ne se tienne mieux à ses obligations, même s’il doit lui en coûter, que le gouvernement soviétique de Russie”. Voilà qui doit sans doute figurer au classement des jugements politiques les plus erronés de toute l’histoire.
Le danger inhérent aux participations des Trois Grands ne fut pas négligé en Amérique, où M. W. R. Burgess, s’exprimant au nom de l’Association des banquiers américains, déclara au Comité des affaires bancaires et monétaires de la Chambre des représentants étasunienne, le 21 mars 1945, que :
La négociation d’accords internationaux est une tâche à deux niveaux. Ces accords doivent être négociés avec les représentants de pays étrangers ; ils doivent également être négociés avec les peuples. Il est trop facile d’oublier cette deuxième étape… d’établir un accord à l’étranger et d’ensuite espérer le vendre à domicile. Le vendre n’est pas le négocier.
La liberté, la justice, la conduite civilisée et l’auto-gouvernement démocratique constituent des plantes extrêmement fragiles, qui ne poussent correctement que dans des conditions de paix et d’ordre. La guerre, fort loin de les simuler, provoque leur flétrissement et leur dépérissement. “Nul ne devrait s’attendre à voir la démocratie parlementaire”, disait le London Times du 31 mai 1952, “fleurir au milieu des horreurs, du chaos et de la dévastation de la guerre (en Corée) démarrée il y a deux ans”.
La folie radicale d’aller se battre au nom de principes abstraits est soulignée par les résultats totalement négatifs de l’“ heure de gloire ” de 1940. Car si telle fut, comme le prétend M. Churchill, une période de gloire sans égale pour la Grande Bretagne, au cours de laquelle elle se fit moralement créditrice du reste du monde hors de l’Axe, le paiement de cette dette est bien long à venir. Loin de se voir traitée avec honneur et respect par les autres nations pour sa posture vaillante de 1940, la Grande Bretagne a fait l’objet d’une suite sans précédent d’offenses, de refus et de dommages depuis 1945. Les albanais ont miné des vaisseaux de guerre britanniques. Les argentins ont envoyé des canonnières pour s’emparer des îles Falklands britanniques. Les États-Unis d’Amérique ont lessivé le statut mondial britannique et exigé et obtenu les commandements suprêmes des Nations Unies et de l’OTAN. Même l’ancienne fierté britannique, sa Navy, prend désormais ses ordres auprès d’amiraux étasuniens ; au point que l’amiral britannique veillant sur la côte écossaise (britannique) est nommé depuis l’autre rive de l’Atlantique. Les indiens ont si bien oublié l’“heure de gloire” qu’ils ont saisi la première opportunité après guerre pour se débarrasser des britanniques qui avaient gouverné leur pays depuis deux siècles. Au Moyen-Orient, les héros de 1940 ont reçu les coups l’un après l’autre ; d’abord de la part des juifs en Palestine ; puis de la part des perses, suivis peu après des égyptiens, et ensuite de la part des irakiens. En Perse, les héros de l“heure de gloire” se sont vus brutalement expulser de leurs propres immenses propriétés pétrolières, sous les menaces et les imprécations, en prenant une perte de 300 millions de livres sterling.
Mais si tant de raisons d’aller en guerre apparaissent comme déplacées, quelles en sont les bonnes ? De nouveau, le Field Service Regulations nous vient en aide. Une nation va en guerre, disent-ils, “afin de protéger ses intérêts vitaux”. Non pas, que ce soit dûment noté, pour protéger les intérêts vitaux d’une autre nation. Je ne saurai trop insister sur l’importance de ce point, car les hommes politiques démocrates ont fréquemment tendance à l’éluder. Si l’on juge de leurs propos des années récentes, nombre d’homme politiques britanniques estiment que les armées britanniques devraient sillonner le monde pour libérer d’autres peuples de leurs oppresseurs violents — les tchèques (1938) et les polonais (1939) opprimés par les méchants allemands, les finnois (1940) opprimés par les méchants russes, les grecs (1941) opprimés par les méchants allemands, les méchants allemands eux-mêmes (1940-1945) opprimés par le super-méchant régime nazi, les espagnols (depuis 1945) opprimés par le méchant Franco, et les coréens du sud (1950) opprimés par leurs anciens compatriotes qui traversent la frontière artificielle constituée par le 38ème parallèle.
Il faut clairement intégrer M. Churchill à cet ensemble oratoire. M. Stettinius relate ainsi ses propos tenus au président Roosevelt à Yalta :
Il y avait de nombreux pays sur la face du globe au moment présent, où les populations vivaient sous la crainte de leur propre gouvernement. Les gens devaient être libérés de ces craintes, et lui (M. Churchill) concluait ce point de manière dramatique en disant : “Tant que le sang coulera de (sic) mes veines, je défendrai ceci”5
On entendait fréquemment le mot “devoir” sortir de la bouche de M. Churchill, et presque à chaque fois, il faisait par là référence au devoir britannique de venir en aide à quelqu’un d’autre. En réalité, je n’ai pu trouver aucune instance, et certainement pas après la chute de la France, où M. Churchill affirmait que le devoir de quelque autre nation aurait été de venir à l’aide de la Grande Bretagne. Si un tel acte d’assistance se produisait, il était qualifié comme une “démonstration de générosité magnifique” ou comme “l’acte le plus humanitaire de l’histoire” quand il était concédé par quelque autre nation. Mais à croire ses discours, la générosité ou le désintéressement n’entraient pas en compte, après 1940, dans le soutien que les britanniques accordaient à d’autres. Il ne relevait là que du devoir de la nation britannique.
Considérons l’exemple de l’extrême-orient en 1942. Dans un discours du 27 janvier, M. Churchill déclara :
Notre devoir est d’envoyer des renforts de toutes sortes, surtout aériens, dans la nouvelle zone de guerre, de partout et par tous les moyens, avec la plus grande célérité.
La “nouvelle zone de guerre” était le commandement interallié d’Asie du Sud-Est, après la chute de Singapour, et donc après que les principaux intérêts britanniques de cette région soient passés aux mains de l’ennemi. Mais dans ce même discours, M. Churchill avait énoncé qu’il relevait également du devoir britannique de n’avoir pas pris de précautions à l’avance pour s’assurer que Singapour et la Malaisie ne passeraient pas aux mains des japonais:
Il aurait évidemment relevé d’une très mauvaise allocation de nos ressources limitées, si nous avions conservé des garnisons et des équipements en grands nombres disséminés dans les immenses zones du Pacifique ou en Inde, en Birmanie et dans la péninsule malaise, l’arme au pied, mois après mois, année après année, sans qu’aucune guerre ne se présente6. En agissant ainsi, nous aurions manqué à nos engagements envers la Russie…
Ces mots ne peuvent signifier qu’une chose : selon M. Churchill, il était mal d’utiliser nos forces armées pour préserver les intérêts britanniques au sein du territoire britannique, et il était judicieux de les employer au bénéfice de la Russie. M. Churchill, bien entendu, prenait les choses à l’envers. La Grande Bretagne n’avait aucune obligation, aucun traité ne l’obligeait envers la Russie et n’aurait donc pu manquer à aucun engagement envers ce pays. Une question beaucoup plus pertinente est de savoir si elle a rompu ses engagements envers l’Empire britannique.
Quand un homme politique britannique promet l’assistance de l’armée britannique à un autre pays, il offre les vies d’un nombre indéterminé de ses concitoyens à ce pays, une offre qu’il n’a aucun droit de réaliser sauf si l’action relève d’intérêts nettement et solidement définis de la communauté à laquelle appartiennent ces citoyens. Il n’a aucun droit de formuler une telle promesse de par son désaccord du nazisme, du communisme, ou de quelque autre mot en “isme” venant de quelque endroit du monde, ou parce qu’il déteste les allemands ou les japonais, ou parce qu’il aime bien les français ou les chinois, ou maintient quelque combinaison de préjudices ou de préférences ; ou même du fait que qu’une section influente de ses soutiens politiques partagent ses goûts et dégoûts. La seule raison valable pour laquelle une offre mettant en jeu le sacrifice possible de vies britanniques ne se présente que si des intérêts purement britanniques sont en jeu, ou risquent probablement d’être en jeu. La Reine Victoria avait ce principe fermement ancré à l’esprit. “Jamais, si elle peut l’empêcher”, écrivit-elle, “n’autorisera-t-elle [la Grande Bretagne] à se voir impliquée dans une guerre n’impliquant pas d’intérêts britanniques” ; et elle mit en échec une tentative de Lord Palmerston d’agir autrement.
Les hommes politiques et les simples citoyens britanniques restent, bien entendu, parfaitement libres d’héberger en leur cœur tout avis ou toute passion qui leur plaît vis à vis de l’étranger. Mais à moins que les intérêts vitaux de leur pays ne soient affectés sans équivoque par la situation dans une autre région, le seul chemin honorable qu’ils puissent emprunter, s’ils désirent frapper le fascisme en Italie ou le soviétisme en Russie, ou quoi que ce soit d’autre, c’est d’y aller en personne et de frapper leur cible par eux-mêmes.
En réalité, le devoir principal d’un pays existe envers lui-même. Et le devoir d’un homme politique ne répond qu’à son propre pays, le pays qui lui paye son salaire. Il s’agit là d’une proposition que les politiciens semblent avoir du mal à garder à l’esprit. Nous avons vu au chapitre 1 comment Sir Edward Grey avait été influencé de manière considérable à engager la Grande Bretagne en guerre à cause de ses craintes de ce que des étrangers pourraient penser de sa personne s’il ne le faisait pas. En réalité, les hommes politiques britanniques du XXème siècle semblent bizarrement sujets à une inversion du sens de la loyauté, qui les rend plus soucieux de faire plaisir aux étrangers qu’à leur propre peuple. Lors de la première guerre mondiale, M. Lloyd George avait intrigué de manière constante et avait finalement réussi à faire amener les armées britanniques en France, sous commandement français. Lors de la seconde guerre mondiale, les soldats britanniques furent placés sous commandement français, puis américain. M. Chamberlain avait remis aux polonais la déclaration de guerre britannique contre l’Allemagne ; M. Churchill remit aux américains la déclaration de guerre britannique contre le Japon (“dans l’heure”). M. Aneurin Bevan était même allé jusqu’à proposer que les généraux britanniques, commandant les armées britanniques, fussent remplacés par des officiers réfugiés polonais, tchèques, et d’autres pays. Et, une fois la guerre terminée, M. Attlee accepta de mettre le plus gros de la Navy britannique sous commandement étasunien, malgré les protestations publiques des plus distingués des amiraux britanniques vivants.
M. Churchill manifesta une vision très cosmopolite de ses responsabilités au cours de la guerre. Son avènement au poste de premier ministre en 1940 fut dans l’ensemble approuvé dans le pays, car les gens croyaient qu’il comprenait la guerre et qu’il constituait le meilleur politicien en mesure de leur venir en aide dans l’état de détresse qu’ils connaissaient. Mais il ne fait aucun doute que la première chose que le peuple britannique attendait de lui était qu’il préservât l’indépendance britannique de toute ingérence de l’ennemi. Je dis l’ennemi, parce qu’il ne serait jamais venu à l’esprit des gens que leur indépendance puisse se voir menacée par d’autres parties, et encore moins par M. Churchill lui-même. Ils n’auraient pas pu imaginer qu’il essayerait d’anéantir une souveraineté des îles britanniques remontant à 900 ans, en faisant aux français une proposition de citoyenneté commune.
Il ne fait pas l’ombre d’un doute qu’en formulant cette proposition, M. Churchill débordait de son devoir et de son mandat. Ses propres commentaires sur cet épisode dans son propre livre sont tout à fait instructifs7. Le projet semble n’être sorti ni du Cabinet, ni du Parlement, ni de l’État-Major, mais d’un groupe d’individus parmi lesquels Sir Robert Vansittart, le Major Morton8 alors assistant personnel du premier ministre, deux français membres d’une mission économique à Londres, et du Général de Gaulle ; aucun de ces individus ne possédait aucune autorité politique. Quand le sujet en vint à être examiné par le Cabinet, M. Churchill indique sa surprise de “voir les hommes politiques placides, solides et expérimentés de tous les partis s’engager si passionnément dans un dessein considérable, dont les implications et les conséquences n’étaient prévues en aucune manière. Je ne pus m’empêcher de succomber à ce déferlement généreux, qui porta nos résolutions à un degré très élevé d’action désintéressée et résolue”. Ce passage charmant ne doit pas occulter le fait que les déferlements généreux, ainsi que les degrés très élevés d’action désintéressée étaient totalement hors de propos en ce moment vital. Le seul et unique critère qui aurait dû gouverner les délibérations de ces hommes politiques placides, solides et expérimentés était les intérêts de leur propre pays. Ceux-là, et aucun autre. Et si quelque déferlement généreux devait sortir de leurs battements de cœur pour la France blessée, au point de devoir leur dicter leur attitude à l’égard de l’union anglo-française en question, c’est qu’ils oubliaient totalement que leur principal devoir était de s’occuper de la nation britannique.
Ils semblent avoir souffert du même “trouble de fonctionnement” quant au message contemporain de M. Churchill au président Roosevelt au sujet de la flotte britannique. “Le présent gouvernement et moi-même”, signalait-il le 15 juin 1940, “ne manquerions en aucun cas d’envoyer la flotte outre-Atlantique si notre résistance ici devait être vaincue…” Cette assurance envoyée par le premier ministre anglais au chef d’État d’un pays neutre révèle par trop évidemment que son Cabinet ne comprenait pas sa position et ses responsabilités. Il constituait le mandataire de la nation pour en gérer au mieux les forces armées en vue de défaire l’ennemi. S’il ne pouvait pas défaire l’ennemi, il aurait échoué dans sa tâche de mandataire et son mandat voulait implicitement qu’il reconnaisse son échec et consulte la nation sur les actions à prendre par suite. La flotte ne constituait pas la propriété privée du Cabinet, et il n’avait pas à en disposer en cas de défaite. La flotte appartenait à la nation qui l’avait payée ; et si la nation pouvait améliorer son destin en négociant auprès d’un hypothétique conquérant allemand la reddition de sa flotte à l’ennemi, elle avait tous les droits de pratiquer cette reddition, nonobstant les opinions du Cabinet en la matière.
Un point de cette nature dépasse largement l’intérêt académique, car il implique des questions fondamentales et un principe irrésistiblement important. Si la flotte britannique s’était rendue au Canada ou aux États-Unis, le peuple britannique restant en Grande Bretagne aurait perdu tout contrôle sur ses utilisations futures. Elle aurait pu se voir employée de toutes sortes de manières qu’il n’aurait pas approuvées. Elle aurait pu être employée pour pratiquer un blocus et affamer une Grande Bretagne occupée par l’Allemagne. Elle aurait même pu contribuer à bombarder les côtes britanniques en soutien d’un débarquement étasunien, comme elle fut employée pour bombarder les côtés de l’ancien ami français en soutien des débarquement en Normandie et sur la Riviera en 1944.
Le peuple britannique devrait se décider pendant qu’il en a le temps quant à savoir s’il désire que ses propres armes soient retournées contre lui dans les manières ainsi envisagées. L’auteur avait trouvé très inquiétant le fait de se voir indiquer, il y a peu de temps, par un homme haut placé au service du pays, qu’il pourrait, dans certaines circonstances, relever du devoir de la Grande Bretagne de se faire bombarder, affamer et dévaster “pour le bien collectif de l’humanité”. Pour ce qui concerne l’auteur, l’humanité doit pouvoir trouver son bien collectif par d’autres moyens. L’auteur ne trouverait aucun réconfort à savoir que les tibétains, les texans, les perses ou les péruviens vivent en meilleure sécurité du fait que Londres aurait été réduite en poussière par des bombes atomiques lâchées par un avion fabriqué par des britanniques, et peut-être même piloté par des britanniques. Les mots devoir, loyauté, et responsabilité, dans leur contexte politique, semblent s’être fait recouvrir presque intégralement par les sables de l’ambiguïté, peut-être intentionnellement. Lorsqu’un homme comme Chiang Kaishek, s’affirmant patriote, demande que son pays se fasse bombarder par les Nations Unies pour attiser des révoltes contre ses opposants politiques, une personne normale, de quelque pays qu’elle provienne, peut se sentir gravement préoccupée quant à la texture du patriotisme de l’homme politique contemporain9.
Si, donc, nous pouvons éliminer les intérêts vitaux des autres nations comme raison de demander à nos concitoyens de verser leur sang sur le champ de bataille, et si nous convenons que ce sacrifice ne peut être appelé que pour protéger les intérêts vitaux de notre propre pays et de lui seul, une question perdure : quels sont ces intérêts vitaux. Il n’existe pas de réponse précise à cette question, une définition exacte dépendant dans une certaine mesure des circonstances particulières. Mais voici la réponse formulée par Sir Edward Grigg, devenu Lord Altrincham, dans un ouvrage qu’il publia juste avant la guerre10, à une période où les gens se posaient la question de savoir pourquoi nous devrions entrer en guerre contre les allemands, à supposer que nous le fassions. Les principaux intérêts matériels britanniques, écrit-il alors, “comptent, bien entendu, la défense du territoire britannique, l’expansion du commerce britannique, et la sécurité des investissements britanniques”.
La défense du territoire britannique apparaît, en effet, comme une raison évidente pour entrer en guerre. Les nations qui se respectent ne se laissent pas spolier leur propriété sans combattre — si elles estiment en avoir la capacité. Les hollandais acceptèrent l’évidence qu’il eût été désespéré de se battre pour conserver leurs possessions indonésiennes au vu du soutien à peine dissimulé que les États-Unis accordaient aux rebelles. Le gouvernement britannique se considéra également incapable de combattre pour conserver la propriété immensément rentable de la Compagnie anglo-iranienne d’Abadan, ce qui provoqua la stupéfaction de nombre de citoyens britanniques. On ne sait pas encore dans la sphère publique si la décision du gouvernement de saborder cette position sans combattre fut prise par crainte de la Russie, ou par l’embarras qu’aurait causé un gouvernement socialiste anglais pratiquant des nationalisations en réponse à la nationalisation de l’industrie pétrolière britannique par les perses, ou à quelque autre raison. Ces épisodes récents continuent cependant de constituer des exceptions à la règle historique, qui veut que les nations souveraines ne se laissent pas déposséder sans essayer, parfois même de manière désespérée, de s’opposer à l’action ; et c’est sans aucune doute une bizarrerie que, bien que le gouvernement britannique fût si peu préparé à combattre pour conserver l’industrie pétrolière britannique de Perse, il fut prêt à envoyer des soldats britanniques à la mort en Corée pour défendre les coréens du sud de l’agression de leurs frères du nord.
Mais quand leur soumission est à la clé, on peut en général compter sur les nations pour se défendre, même en ces temps étranges. On applaudit la “Vaillante Petite Belgique11” de s’être ainsi défendue en 1914, ainsi que la Finlande qui résista à la Russie en 194012. Il serait superflu de se poser la question de savoir si une telle décision mérite stratégiquement d’être adoptée par un pays ou un autre, car il est communément accepté que face à une telle urgence, ce sont la fierté et l’honneur qui constituent les considérations essentielles.
Dans le cas où un pays compte prendre les armes pour se défendre face à la menace d’une attaque de l’étranger, il a deux moyens pour ce faire. Il peut attendre que l’attaque soit lancée, ou atteigne un niveau où son lancement est évidemment éminent, et prendre des contre-mesures ; qui ne doivent pas, bien entendu, se limiter à des actions défensives. Ou bien il peut anticiper l’éventuelle attaque en réalisant lui-même les premières actions, ce à quoi on donne le nom de guerre préventive. L’argument support en faveur du lancement d’une guerre de cette nature est qu’elle permet à un pays de choisir son moment pour remplir un défi qui lui sera posé tôt ou tard, au lieu de laisser l’opposant choisir son heure.
Mais l’histoire récente semble indiquer que l’avantage tiré d’une guerre préventive est illusoire. La déclaration de guerre autrichienne contre la Serbie en 1914, et la déclaration de guerre britannique contre l’Allemagne en 1939 étaient deux actions de nature préventive. L’Autriche espérait frustrer les ambitions serbes envers l’Empire autrichien en frappant la première. Mais cette action préventive ne sauva pas son Empire. De même, la Grande Bretagne craignait une attaque allemande au moment choisi par Hitler, après qu’il eût confronté ses autres victimes “l’une après l’autre”. La guerre préventive britannique au nom de la Pologne n’empêcha pour autant pas l’attaque allemande, et malgré le fait que la Grande Bretagne ait pu en sortir gagnante, elle aurait été encore mieux équipée stratégiquement pour ce faire si elle avait patienté sans hâter les hostilités. Et les mêmes considérations s’appliquent de manière encore plus flagrante, comme nous l’avons vu au chapitre 1, aux conditions de 1914.
Une guerre préventive présente en outre un immense désavantage moral, car elle donne à celui qui la lance l’apparence de prendre le rôle d’agresseur. L’Autriche, et avec elle l’Allemagne, en subirent fortement les conséquences dans l’opinion mondiale pour cette raison en 1914. Et bien qu’il ait été souvent proclamé que l’Allemagne avait démarré la guerre de 1939, de nombreux britanniques restent peu confortables avec l’idée que leur pays a déclaré la guerre contre l’Allemagne avant l’éclosion de tout acte hostile visant distinctement les intérêts britanniques, et que cette déclaration de guerre ne constituait donc pas une action défensive sans équivoque. Les français s’en sortirent avec beaucoup de talent en 1914, quand, tout en poussant volontairement la Russie sur le chemin menant tout droit à la guerre, ils réussirent par dessus le marché à se présenter au monde comme un modèle défensif d’hésitation à ouvrir le feu.
Une guerre préventive implique également une sorte de reconnaissance de la défaite. Cela revient à reconnaître que vous n’avez pas le tempérament assez bien trempé pour supporter la pression de la guerre froide plus longtemps. La garantie britannique accordée à la Pologne constitua une reconnaissance ouverte de cette défaite, visant principalement à apaiser les palpitations de la population intérieure ; ou peut-être devrait-on dire de la Chambre des Communes. On a vu d’autres manifestations semblables de névrose avec la guerre de Corée, des personnages publics ayant fait preuve d’agitations périodiques aux États-Unis et en Grande Bretagne en vue d’amener les résolutions anti-communistes jusqu’à lâcher des bombes atomiques sur Pékin et même sur Moscou.
Se jeter dans une guerre préventive n’implique pas seulement le risque de se voir accusé d’agression, comme pour l’Autriche en 1914. C’est préjuger d’un sujet qui n’a encore pas été soulevé, et qui, si on le laisse tranquille, ne le sera peut-être jamais. Le plus nous en savons quant à Hitler, le moins certain il est avéré qu’il comptait jamais attaquer l’Angleterre ou qu’il ne l’aurait fait sans s’y voir provoqué. De fait, le Capitaine Liddell Hart a révélé des preuves d’une importance cruciale étayant l’idée que Hitler n’aurait sans doute jamais attaqué la Grande Bretagne si celle-ci s’était retenue de lui déclarer la guerre. Dans le relevé de ses conversations avec les généraux allemands, au moment où ils étaient tenus captifs en Grande Bretagne, qu’il publia sous le titre L’autre côté de la colline13 , Liddell Hart relate que Blumentritt lui a dit que Hitler n’intervenait à l’époque des opérations de Dunkerque que pour s’assurer que l’armée britannique puisse rentrer en Angleterre. Les généraux allemands en poste étaient sidérés et outragés par l’attitude de Hitler, qui les empêchait ainsi de tirer parti de la situation, alors même qu’ils pensaient pouvoir capturer l’ensemble de l’armée expéditionnaire britannique. Mais Hitler fut inflexible dans son refus, et donna les ordres les plus catégoriques pour que les forces blindées allemandes restassent à distance pendant que les embarcations britanniques prenaient la mer. Et il justifia les raisons de sa conduite apparemment lunatique. Citons Blumentritt :
Il nous sidéra alors en parlant de son admiration pour l’Empire britannique, de la nécessité de son existence et de celle de la civilisation que la Grande Bretagne avait apportée au monde… Il compara l’Empire britannique et l’Église Catholique — affirmant qu’ils constituaient tous deux des éléments essentiels de la stabilité du monde. Il affirma que tout ce qu’il attendait de la Grande Bretagne était qu’elle reconnût la position de l’Allemagne sur le Continent. Le retour des colonies allemandes perdues serait désirable mais non essentiel, et il se montrait même disposé à soutenir militairement la Grande Bretagne, si elle devait se retrouver en difficulté en quelque lieu du monde. Il conclut en disant que son objectif était de faire la paix avec la Grande Bretagne, sur une base qu’elle considérerait comme compatible avec son propre honneur.14
Cette révélation incroyable des vues de Hitler quant à la Grande Bretagne ne peut pas être classée dans la catégorie de la propagande visant à tromper l’ennemi. Il s’agissait de toute évidence, non pas de propagande du tout, mais de l’expression politique, formulée dans un cercle privé, aux propres généraux de Hitler ; et son authenticité est massivement étayée par les ordres opérationnels qui l’accompagnèrent et ne durent vraiment pas enchanter les officiers qui les reçurent. Il faut donc considérer comme une réelle possibilité, pour ne pas dire comme probable, que Hitler n’aurait en aucun cas attaqué une Grande Bretagne neutre, et que l’expression de crainte fréquemment exprimée par divers personnages publics britanniques, voulant que Hitler eût les îles britanniques sur sa liste de victimes planifiées, était sans fondement. Donc, à moins que le témoignage de Blumentritt ne soit réfuté, nous devons faire face à la conclusion confondante que la déclaration de guerre britannique de 1939 a pu être faite sur la base d’une supposition erronée de la pire espèce. Et si Hitler ne voulait pas vraiment soumettre la Grande Bretagne, les accusations plus étendues proférées à son encontre en vue de la domination du monde apparaissent comme plus improbables encore.
L’expansion du commerce et de la sécurité des investissements réalisés au delà des mers constitue une catégorie différente. S’agissant de facteurs matériels, leur statut comme objet de guerre se voient logiquement gouvernés par des considérations matérielles. L’expansion du commerce a souvent été l’une des raisons pour laquelle la Grande Bretagne s’est engagée dans une guerre, une occasion en ayant été la seconde guerre de Hollande au XVIIème siècle, Monck déclarant au Conseil de l’État alors assemblé, et qui débattait de cette situation : “Qu’importe cette raison-ci ou celle-là. Ce que nous voulons, c’est nous emparer pour nous-mêmes des activités de commerce actuellement tenues par les hollandais”.
L’expansion du commerce constituant principalement un sujet d’affaires, la possibilité d’une guerre à cette fin demande à être considérée d’un point de vue purement affairiste. Si l’avantage économique à tirer des augmentations de volumes commerciaux résultant de la guerre considérée est plus important que le coût estimé du conflit, alors la guerre en vaudra le coût ; faute de quoi, ce sera le contraire. Je ne saurais dire dans quelle mesure les matières commerciales ont pu entrer en jeu dans les raisons britanniques d’entrer en guerre contre l’Allemagne en 1914 ni en 1939. Il y en a qui estiment que des craintes vis à vis de la compétition commerciale allemande, en ces deux occasions, dans ces deux occurrences, contribuèrent grandement à amener la Grande Bretagne à la guerre contre sa plus grande rivale commerciale. Si tel était le cas, les décisions en furent toutes les deux commercialement ineptes. Les dépenses occasionnées à la Grande Bretagne pour chacune de ces guerres furent si considérables qu’il est bien peu probable que l’amoindrissement du commerce occasionné par l’Allemagne aurait pu en causer de semblables.
Des arguments semblables s’appliquent aux investissements portés outre-mer. On a estimé qu’avant la première guerre mondiale, les possessions de la Grande Bretagne outre-mer s’établissaient à une valeur de 80 000 millions de livres sterling, ce qui en faisait la nation la plus riche du monde. Si la sécurité de ces investissements constitua la raison des deux guerres anti-allemandes, on aurait tout aussi bien pu ne pas les démarrer, car le coût pour la Grande Bretagne des deux victoires sur l’Allemagne fut tel que le total immense de ses investissements passés en fut totalement dissipé.
Les deux guerres mondiales mirent au jour des questions quant à la sagesse de vouloir briser des rivaux importants en usant de la guerre. Les redditions sans conditions de l’Allemagne et du Japon en 1945 donnèrent aux vainqueurs des opportunités exceptionnelles de retarder la récupération de leurs ennemis, du fait du démantèlement des usines compétitives et du fait d’autres actions administratives. Pourtant, à ce jour, après huit années, la récupération économique des deux pays vaincus est si avancée qu’elle constitue la cause de graves appréhensions dans les cercles d’affaires et du gouvernement britanniques. Par ailleurs, le processus de mise à bas des rivaux commerciaux allemand et japonais par la guerre a amené d’autres rivaux commerciaux à récolter une riche moisson aux dépens de la Grande Bretagne.
La guerre peut, en réalité, constituer un remède pauvre et inintelligent à la compétition commerciale menée par une autre nation. En règle générale, le danger d’une telle compétition réside principalement dans le fait que la nation compétitrice en question travaille plus dur que la vôtre. La vraie solution est donc que vous redoubliez d’effort afin de travailler à votre tour plus dur qu’elle ; ou bien, comme alternative, de mener quelque accord de cartel avec elle. Faire usage de la guerre pour freiner son entreprise a le défaut inhérent qu’en cas de défaite, votre rival disposera de puissantes incitations psychologiques à travailler plus dur encore pour remettre son pays ruiné et assujetti sur ses pieds, cependant que votre propre peuple, dans son rôle de vainqueur, s’assiéra sur ses lauriers et profitera des fruits de la victoire en se reposant.
Il est vrai que des occasions ont pu exister en lesquelles la Grande Bretagne a tiré profit de son entrée en guerre pour des raisons économiques. Sa position commerciale du XIXème siècle constituait le résultat de deux siècles de guerre pour des marchés outre-mer, face aux tentatives des espagnols et des hollandais de garder ces marchés comme des prés carrés exclusifs, ainsi que pour le contrôle du continent Nord-américain et de l’Inde face aux ambitions similaires des français.
Mais si ces guerres britanniques furent commercialement justifiables, le plus important est de noter qu’elles se distinguèrent toutes par la caractéristique commune d’avoir été menées avec des préoccupations de rentabilité. Elle furent conduites comme des guerres impliquant un effort limité, et un objet spécifique, et furent terminées comme les guerres de Bismarck contre le Danemark et l’Autriche, dès lors que cet objet fut obtenu. Aux XVIIème et XVIIIème siècles, la Grande Bretagne mena ses guerres en usant de sa puissance maritime en excluant tout effort terrestre d’importance. Elle gagna l’Inde, le Canada et l’Afrique du Sud par les océans, et donc à peu de frais. Même si à cette époque elle ne se refusa pas totalement à la guerre terrestre, ses efforts sur ce tableau furent réalisés principalement pour faire diversion à ses poussées amphibies et se virent conduits surtout en faisant appel à des alliés, et par l’emploi de soldats étrangers, principalement allemands, plutôt que d’armées britanniques qui, lorsqu’elles furent employées, le furent en nombres assez réduits. Même dans la grande lutte contre la Révolution française et contre Napoléon, la Grande Bretagne s’appuyait principalement sur sa puissance maritime et resta spectatrice des événements plus souvent qu’à son tour pendant que les armées françaises marchèrent victorieusement sur le continent européen. Comme G. M. Trevelyan l’a dit :
Après notre expulsion des Pays-Bas en 1794, il est vrai que nous restâmes en état de guerre pendant que d’autres se soumettaient à la France, mais nous gardâmes nos armées hors d’Europe pendant douze années, à l’abri derrière le bouclier que constituait la Navy. Nous ne prîmes aucune part importante, hormis en matières maritime et financière, dans les guerres perdues par les deux coalitions à Marengo et à Austerlitz. Et, jusqu’à la guerre d’Espagne en 1808, nous n’allâmes jamais au combat terrestre comme combat principal, et même alors, nous n’y envoyâmes pas d’armée dépassant les 30 000 britanniques à la fois.15
Même à Waterloo, comme nous l’avons noté au chapitre 2, à peine plus de 20 000 soldats britanniques se virent engagés dans les combats.
Ce n’est qu’au XXème siècle que, principalement à cause de Sir Edward Grey, nous jetâmes notre pratique bien établie de mener nos guerres selon le principe commercial raisonnable constituant à retirer le plus grand profit possible de la dépense la plus faible qui se puisse, et plongeâmes dans la guerre sans limite, visant à la victoire totale sans compter les coûts. Nous fîmes la même chose avec la guerre de 1939, dont le slogan fut “la guerre totale”.
Chapitre 12 – L’objet britannique en 1915 et en 1945
J’ignore qui a inventé le terme “guerre totale”. Dans mes souvenirs, il est entré en vogue après la montée au pouvoir de Hitler en Allemagne, et s’est vu accepté sans discussion par la majorité des britanniques, avec comme sens que les guerres du XXème siècle constitueraient (pour des raisons inexpliquées) une période totalement nouvelle, et qu’il faudrait les mener par une lutte à mort de l’ensemble des ressources réquisitionnées du pays, humaines et matérielles. M. Churchill a sans aucun doute adhéré à l’idée et a mis en œuvre tous les moyens à sa portée pour la décliner en actions. Pour reprendre ses mots : “dans nos actions, aucun sacrifice ne sera trop grand, ni aucune violence exagérée”. Et il ne s’agissait pas là de vaines paroles. La conduite de la guerre menée par M. Churchill a montré son positionnement stratégique totalitaire, ne cherchant que la conquête totale à tout prix, au lieu de poursuivre quelque avantage national soigneusement pensé et calculé, pour citer une autre phrase du Field Service Regulations, en prenant soin d’“économiser sa force”. Nous savons également que le président Roosevelt avait adopté les mêmes dispositions d’esprit. À son retour d’une visite auprès du président étasunien début 1942, M. Churchill déclara devant la Chambre des Communes :
En nous séparant, il me tordit la main en disant : “Battez-vous jusqu’au bout, quel qu’en puisse être le coût.”
Il reste mystérieux de comprendre pourquoi la guerre de 1939 devait être plus “totale” que la guerre contre Napoléon, contre Louis XIV ou contre Philippe II d’Espagne. Les habitants de la Grande Bretagne à l’époque de Hitler n’avaient pas de raison de penser que leur sécurité nationale était plus précieuse que celle de leurs prédécesseurs, au temps de Pitt, de Marlborough ou de Drake, ou que leur peau avait plus de valeur. Pourquoi donc cette soi-disant guerre totale devait-elle être considérée comme essentielle au XXème siècle, alors que sa nécessité ne s’était jamais fait jour aux yeux des britanniques au XVIIIème, au XVIIème, ni au XVIème siècles?
Dans les faits, la guerre de 1939 ne démarra pas de manière totale. M. Chamberlain, premier ministre au moment où elle éclata, avait défini une limite au niveau de violence. Quelles que soient les extrémités, avait-il dit, où les autres belligérants pourraient en arriver, le gouvernement britannique ne se résoudrait jamais à envoyer des avions bombarder délibérément des cibles civiles. Des limites très semblables existaient en matière d’artillerie, et les instructions fournies au général Mackesy pour la campagne de Norvège comprenaient l’injonction, documentée par M. Churchill dans son premier volume, qu’“il est tout à fait interdit de bombarder une zone habitée dans l’espoir de frapper une cible légitime, dont on saurait qu’elle se situe dans la zone, mais sans pouvoir la localiser ou l’identifier plus précisément16” ; une déclaration qui, s’il faut l’en croire, rend la plus grande partie des bombardements ultérieurs sur l’Allemagne également illégaux.
Mais la vision “a-totale” de la guerre de M. Chamberlain ne survécut pas au mandat de premier ministre de son auteur. À peine M. Churchill fut-il en poste que ces limites furent écartées. Estimant que “seuls les bombardiers peuvent nous accorder la victoire17”, M. Churchill instaura la pratique de bombardement de cibles civiles sans réserve, non sans camoufler pour un temps ce changement complet de politique. Mais en 1942, on ne faisait plus sérieusement semblant d’épargner les civils. Le Maréchal en chef de l’Air Sir Arthur Harris, dirigeant de la force de bombardement, énonça aux allemands sur les ondes qu’il bombardait leurs maisons ; et le nouveau terme “bombardement de zone18” fut à ce moment introduit pour décrire la politique de bombardement britannique, au mépris patent de l’esprit des instructions qu’avait reçues le général Mackesy, dont nous venons de parler. M Churchill en personne ne laisse place à aucun doute quant à son rejet absolu de l’attitude de son prédécesseur quant aux bombardements de civils. “Je peux dire”, dit-il, “qu’au fil des ans, les villes allemandes, les ports, et les centres de production seront soumis à un supplice tel qu’aucun pays n’en a jamais connu en continuité, en sévérité, ni en magnitude19”. La guerre était devenue totale.
Toutefois, l’attaque par les voies aériennes concentrée et dévastatrice que M. Churchill dirigea contre les villes et le peuple allemands ne lui apportèrent pas la victoire en laquelle il avait mis sa foi. Malgré le caractère terrible de la punition infligée à la population allemande, et les dégâts et destructions considérables subies par les cités et les villes allemandes, représentant un coup immense porté à la civilisation européenne, l’Allemagne continua de se battre.
Non seulement continua-t-elle de se battre, mais ses moyens militaires pour ce faire ne semblèrent pas sérieusement perturbés. La production de guerre allemande crût au lieu de fléchir. Selon les sondages stratégiques de bombardements des États-Unis, on comptait plus d’avions, de tanks, et de toutes autres formes de matériel de guerre allemands en 1943 qu’en 1942. Et en 1944, on en comptait encore plus ; et cette croissance se poursuivit au cours de l’année 1944. Quand l’Allemagne finit par tomber, ce fut parce qu’elle était envahie par des armées hostiles.
L’emploi de bombardiers stratégiques pour apporter la victoire constitue un échec remarquable, et ce de deux manières. Non seulement n’eurent-ils pas l’effet que M. Churchill en escomptait, mais le niveau de priorité très élevé qui était accordé à ces équipements dans le schéma de production de guerre britannique rendait inévitables les pénuries sur les productions d’autres armes et matériels de guerre, qui se firent de plus en plus rares cependant qu’un immense effort national se faisait pour que la production de milliers et de milliers de bombardiers ne fût jamais interrompue20. L’effet s’en fit particulièrement ressentir sur la production des aéronefs servant à garder nos côtes, très importants dans la guerre contre les sous-marins, ainsi qu’aux barges de débarquement et aux équipements amphibies, essentiels pour le déploiement d’une force militaire face à l’ennemi. En laissant négliger ces éléments et la plupart des autres composants d’un effort de guerre équilibré au bénéfice exclusif d’une seule arme servant à attaquer directement la population civile ennemie, M. Churchill commit une erreur stratégique de la plus haute importance, dont de bons juges estiment qu’elle prolongea la guerre d’une durée allant jusqu’à une année.
Historiquement, l’attaque directe d’objectifs civils sans défaite préalable des forces armées ennemies a toujours été pratiquée21. Une attaque directe de cette sorte constitue la forme de guerre la plus simple, et nous pouvons être certains sans prendre de grands risques, l’humanité étant ce qu’elle est, que si cette méthode était la plus efficace, on n’en connaîtrait pas d’autre. Il est donc raisonnable de supposer que le massacre de femmes et d’enfants finit par être mal considéré par les nations occidentales du fait qu’il fut reconnu au fil des âges que le renversement des forces armées organisées de l’ennemi était plus efficace que la conduite de tels massacres. La guerre “civilisée” était non seulement plus civilisée, mais donnait de meilleurs résultats. La dernière guerre constitua pour nous une parfaite opportunité de combiner vertu et bonne stratégie, mais nous l’avons rejetée. Cela vaut la peine de réfléchir un moment à savoir si les partisans de l’utilisation de l’arme atomique comme moyen de massacre de masse devraient se voir permis d’en rejeter la possibilité à la prochaine occurrence.
La conception de guerre totale de M. Churchill — et du président Roosevelt — ne s’arrêtait pas à la stratégie : elle s’étendait au traitement de l’ennemi au moment de la victoire et après celle-ci. La victoire devait être complète : reddition sans condition. De même, il ne fallait pas uniquement vaincre l’ennemi. Il fallait détruire son gouvernement, abolir ses forces armées, et occuper son pays pendant une génération ou plus. Là aussi, on a connu déceptions et désillusions. La reddition sans conditions, une fois obtenue, s’est vue condamnée de partout comme une grave erreur, et la sujétion totale de l’ennemi allemand doit à présent être levée en hâte pour répondre à une nouvelle urgence, amenée par cette sujétion même.
Il est très significatif que les chefs de guerre d’il y a un siècle et demi ne se trouvassent pas inclinés à embrasser les concepts de guerre totale, de victoire totale, ni de sujétion totale de l’ennemi. En ces temps passés, les hommes qui décidaient de telle choses étaient principalement des aristocrates ; en Angleterre des Membres du Parlement par droit personnel et n’ayant pas (la représentation parlementaire constituait à l’époque un privilège réservé aux classes sociales les plus élevées) à s’arrêter aux préjudices et aux émotions des masses électorales, qui brilleront toujours plus par leur ignorance des affaires étrangères et des tenants et aboutissants de guerre et de paix que par ce qu’elles en comprennent.
Les hommes d’État britanniques qui conduisirent la guerre contre Napoléon adoptèrent une vision remarquablement modérée de la guerre. Ils ne parlèrent pas d’un ennemi “se vidant de son sang et en proie aux flammes” ; ils n’acclamèrent pas le projet de “tuer du français” comme désirable en soi ; et ils ne menacèrent pas ouvertement la population civile ennemie d’annihilation, comme tel fut le cas en lien avec les “bombardements d’oblitérations”. Nelson admit détester les français. Toutefois, sa dernière prière, rédigée alors que l’ennemi était en vue, décrivait l’espoir que “l’humanité constitue la caractéristique prédominante de la flotte britannique à l’issue de la victoire”.
Pas plus Wellington ne parla-t-il d’“écraser le militarisme français pour toujours”, alors qu’il avait une excuse tout aussi bonne à faire montre d’un tel sentiment que M. Churchill vis à vis des allemands au XXème siècle. Au contraire, il fit toutes les pressions possibles pour éviter que le militarisme français ne soit écrasé. Il insista sur l’importance que ce fût précisément le contraire qui se produisit ; qu’il fallait traiter les français avec la plus grande clémence, afin qu’ils conservent leur respect d’eux-mêmes et que leur reste étranger tout désir de revanche. Et la raison que le Duc de Fer employa pour justifier ce conseil dans ses dépêches à Castlereagh, le Secrétaire d’État, reste très pertinente vis à vis des problèmes d’établissement de la paix en 1918, ainsi qu’à ce jour. Accorder la clémence aux vaincus, affirme-t-il, est essentiel à la paix et à la tranquillité en Europe. Des hommes à l’époque voulaient que la France soit traitée comme l’Allemagne le fut un siècle plus tard. Mais le soldat qui en avait fait le plus pour vaincre la France refusa qu’une fois vaincue, on lui appliquât ce traitement. La France était vaincue, sans défense, et les vainqueurs auraient pu disposer d’elle et l’affaiblir à volonté : et s’ils l’avaient fait, nul doute que des motifs de paix et de sécurité eussent été invoqués. Mais Wellington était tout à fait opposé à un tel démembrement de l’ennemi vaincu. Cela ne construirait, déclara-t-il, aucune paix.
Il n’est pas d’homme d’État qui… sachant que le degré de justice de l’exigence d’une cession importante de la part de la France, sous les circonstances présentes, est pour le moins douteux ; et sachant qu’une telle cession se ferait contre l’inclinaison du Souverain et contre toute volonté du peuple, se hasarderait à recommander au Souverain de se considérer ensuite comme en paix et de placer ses armées dans un statut pacifique. Nous devons, au contraire, si nous procédons à cette large cession, considérer les opérations de guerre comme suspendues jusqu’à ce que la France aura trouvé quelque opportunité de reprendre ce qu’elle aura perdu ; et après avoir gaspillé nos ressources dans le maintien d’établissements militaires sur-développés en temps de paix, nous découvrirons le peu d’utilité que ces cessions auront apporté face à un effort national constitué en vue de les reprendre. À mon avis, nous devrions garder à l’esprit notre grand objet, la paix et la tranquillité réelles du monde, et façonner notre accord de façon à y parvenir. … Si la politique des puissances unifiées d’Europe est d’affaiblir la France, qu’ils le fassent en réalité.
Mais si la paix et la tranquillité pour quelques années constitue leur objet, elles doivent établir un accord qui répondra aux intérêts de toutes ses parties, dont la justice et la décence seront si évidentes que chacun tendra à le mettre à exécution.22
À la lumière de l’attitude très différente adoptée à l’égard de l’ennemi allemand de nos jours, ces vues du Duc méritent que nous les examinions de près. Il est à observer qu’il ne fait aucun appel à l’abolition de la guerre, ou au désarmement de la nation ennemie, et n’exprime aucun espoir ni aucune attente d’une paix éternelle, un slogan politique si populaire au cours du XXème siècle depuis 1918. L’aspiration prudente à “la paix pour quelques années” est la plus élevée que se permette le soldat-homme d’État. Et pour parvenir à cet objectif, aussi limité soit-il, il condamne le principe tentant des confiscations réalisées par les vainqueurs. Il réalise que pour la paix et la tranquillité réelles du monde, qu’il considère non seulement comme le “grand objet” de son pays, mais également comme le principal besoin de l’Europe, il ne suffit pas de faire obéir l’ancien fauteur de troubles. La coopération française doit être obtenue ; et c’est chose qui ne peut être sécurisée que par une paix “adaptée aux intérêts de toutes ses parties”, et que les français vaincus autant que les britanniques, les autrichiens, les prussiens et les russes considéreront comme juste et raisonnable.
C’est à cette coopération avec l’ancien ennemi, à ce dorlotage (nul doute que c’est ainsi qu’on l’appellerait de nos jours), qu’œuvrèrent Wellington et Castlereagh au Congrès de Vienne, chacun d’eux déclarant que leur travail était “non pas de collectionner les trophées, mais de ramener la paix en Europe” ; un objectif pour lequel ils avaient reçu le soutien plein et entier du Comte Metternich, le Chancelier autrichien. Le résultat en fut un accord provisoire où le dorlotage était prédominant et les punitions presque entièrement absentes. Et les vainqueurs n’avaient pas prévu de “libération”. La France se voyait non seulement laissée intacte, mais récupéra même certaines de ses conquêtes européennes. La plupart de ses territoires coloniaux lui furent restitués. Les trésors artistiques qu’elle avait “récupérés” pendant ses années de conquêtes resteraient en sa possession. Et on ne prévoyait aucune indemnité de guerre. Il ne peut faire aucun doute que les hommes d’État assemblés à Vienne travaillaient, dirigés qu’ils étaient par les britanniques et les autrichiens, sous la domination d’un désir de “paix et [de] tranquillité” avant toute autre chose.
Sans nul doute, la présence d’un représentant français à la table de conférence, sous termes d’égalité, contribua à cette attitude. Talleyrand était un adroit négociateur et prit le chemin, évident pour lui, de tenter, non sans succès, de faire jouer telle section des puissances victorieuses contre telle autre. Mais qu’il pût jouer ce jeu ne fut pas forcément dommageable aux intérêts réels de ces puissances d’Europe. On peut arguer, au contraire, que la participation de Talleyrand à la conférence, en vue d’en tirer les meilleurs termes possibles pour la France, constitua une retenue puissante et bénéfique sur les tentations rapaces auxquelles les vainqueurs ne manquent jamais d’être soumis.
Il faut également noter que si Castlereagh fut, en tant que Secrétaire aux Affaires Étrangères, en charge des négociations du côté britannique, son principal conseiller n’était pas un autre homme politique ni même un dirigeant civil, mais un militaire. Aujourd’hui, le Duc de Wellington se serait vu refuser une telle position. On lui aurait dit que son rôle était achevé avec la cessation des hostilités, et que le travail de bâtir la paix devait être pris en charge par des politiciens, qui comprennent des choses inaccessibles à l’esprit obtus des soldats.
Napoléon fit de son mieux pour ruiner l’accord de paix du côté français, en s’évadant de l’île d’Elbe. Les cent jours et Waterloo jouèrent le jeu des avocats de la “dureté” parmi les alliés, qui firent pression pour une révision drastique des termes précédemment établis, exigeant que Napoléon fût fusillé, et que des protections strictes fussent montées contre de nouvelles violations de la paix par les français. C’est contre cette montée d’extrémisme que Wellington écrivit l’extrait cité ci-dessus à Castlereagh, par lequel il insistait sur le manque de sagesse de mesures répressives qui pourraient, quelle que fût la provocation, probablement engendrer une violente réaction de la part des français aussitôt qu’ils se sentiraient assez forts pour arracher leurs chaînes.
Il était inévitable que les propositions originelles fussent révisées, mais une fois de plus, l’influence modératrice des plénipotentiaires britannique et autrichien réussit à contenir les voix qui exigeaient des mesures punitives. Dans l’accord finalisé, la France continuait de bénéficier de termes plutôt généreux. Elle allait devoir céder des territoires en Europe, mais il ne s’agissait que de rétablir ses frontières de 1789, avant le début de la Révolution française ; et elle récupérait ses colonies. Les principales clauses punitives étaient une indemnité de 700 millions de francs, et une force d’occupation de 150 000 hommes. Mais ces derniers devaient rester cantonnés dans certaines forteresses, et ne restèrent au final en France que pendant 3 ans. En 1818, les soldats occupants furent retirés, et la France se vit de nouveau admise à termes égaux dans le concert des grandes puissances européennes. Il n’avait jamais été question d’un désarmement français.
L’attitude de Castlereagh, Wellington et Metternich envers un “agresseur” soumis et le traitement que reçut la France en résultante de cette attitude démontrent un contraste violent face au traitement qu’a reçu l’Allemagne, en des circonstances pratiquement équivalentes, en 1919. En cette dernière occasion, on fit preuve de sévérité à la place de clémence, de spoliation à la place de tolérance, d’un total mépris de la fierté, de respect de soi, et du sentiment national allemands au lieu de prendre en compte soigneusement ces facteurs psychologiques. L’Allemagne perdit, au bénéfice de la France, l’Alsace et la Lorraine de manière permanente, et la Sarre de manière temporaire, et les parties les plus riches de la Haute-Silésie furent cédées à la Pologne. la Rhénanie allemande fut séparée du reste du pays, et devint une zone démilitarisée. L’Allemagne fut dépouillée de ses colonies, qui furent partagées entre ses anciens ennemis, la Grande Bretagne se taillant la part du lion en dépit de la déclaration de son premier ministre au déclenchement de la guerre, qui avait déclaré qu’elle ne désirait “aucun agrandissement territorial”. Des indemnités colossales furent exigées, que les experts économiques des pays victorieux eux-mêmes décrivirent comme insoutenables. Et des armées d’occupation, comportant des soldats noirs, furent mises en garnison en Allemagne pour des périodes annoncées comme pouvant atteindre les 15 ans. En outre, ces promulgations sévères furent arrangées dans des conférences entre vainqueurs, desquelles tout représentant allemand était exclu. On ne faisait entrer ces derniers, tels des criminels condamnés, que pour apposer leur signature sous la contrainte des vainqueurs, et aux termes choisis par eux. Le degré de contrainte qu’ils subirent est démontré par le fait que les termes qu’ils signèrent intégraient l’admission très humiliante et totalement fausse que l’Allemagne était seule responsable de la guerre.
La notion de ce qui doit constituer un accord de paix entre chefs d’États a donc subi un changement radical dans les 104 années qui suivirent 1815. En 1919, aucun des “Cinq Grands” n’exprima la moindre inquiétude quand aux sentiments allemands, ou n’émit aucune pensée, à l’image de celles du Duc de Wellington, voulant qu”un bon accord de paix doit “répondre aux intérêts de toutes ses parties”, vaincus comme vainqueurs, et que les vaincus auront d’autant plus de chance d’observer loyalement les provisions d’un tel accord s’ils le ressentent comme raisonnable envers eux. En 1919, la modération et la générosité de 1815 s’étaient transformées en répression, en une détermination proclamée d’“écraser l’Allemagne jusqu’à ce que les pépins éclatent”.
Exemple notable et triste d’ingratitude humaine, les français étaient les premiers à exiger le traitement le plus sévère pour l’Allemagne ; qu’elle fût désarmée et gardée comme telle ; qu’elle fût financièrement handicapée par des montagnes d’indemnités ; que la région du Rhin fût neutralisée. Ces exigences françaises étaient bien entendu pétries d’une logique superficielle. Cette superficialité aurait dû sauter aux yeux de quiconque était accoutumé à l’histoire des relations internationales entre États, une branche de savoir qui ne figurait pas en bonne place dans les connaissances des figures signataires de la Conférence de paix de Versailles. Mais, logique ou non, le fait reste que les punitions exemplaires et les humiliations exigées pour l’Allemagne par Clemenceau et les français constituèrent un contraste attristant à la clémence que la nation française avait reçue de ses conquérants, prussiens y compris, après avoir tenu, en 1815, la même position qu’était devenue celle de la nation allemande en 1919. De toutes les nations, ce furent les français qui s’en prirent avec véhémence à exiger les répressions les plus extrêmes pour les allemands.
Mais la question vitale ici n’est pas affaire de bienséance, mais de sagesse. Les accords de paix de 1815 et de 1919, faisant chacun suite à une grande guerre, font montre de doctrines opposées. La première doctrine, proposée et mise en pratique par des aristocrates du XIXème siècle, voulait qu’il fût dangereux de la part de conquérants d’abuser de leur pouvoir, et que le plus juste un accord pouvait apparaître à une nation battue, le plus longtemps la paix qui s’ensuivrait pourrait durer. La seconde doctrine, engendrée par la démocratie du XXème siècle, voulait qu’une paix perpétuelle puisse être obtenue en entravant le dernier “agresseur” à jamais.
Quel est le verdict de l’histoire sur ces doctrines rivales? L’accord de paix modéré et généreux de 1815 constitua une nette réussite. À l’exception de l’interlude mineur de la guerre de Crimée, la France ne montra plus de symptômes agressifs pendant plus d’un demi-siècle. Entre 1815 et 1859, quand des clameurs de guerre se faisaient entendre à l’égard de l’Autriche, la France restait tranquille. Il est vrai que les britanniques prirent crainte d’une invasion française vers 1859 ; mais cette crainte s’évanouit ensuite. Et cela se produisit 40 ans après Waterloo.
D’un autre côté, la paix par la répression de 1919 eut exactement les conséquences que le Duc de Wellington avait prévues quand, comme nous l’avons vu, il fit savoir à Castlereagh que handicaper la France ne ferait que reporter la poursuite de la guerre à une période où “la France aura trouvé quelque opportunité de reprendre ce qu’elle aura perdu”. C’est exactement ce qui arriva en Allemagne. Écrasée et frustrée, elle rongea son frein jusqu’à, seize années après Versailles, amener volontairement Hitler au pouvoir dans l’espoir, quelles que fussent ses méthodes, qu’il secoure au moins le pays de la sujétion continue et l’aide à regagner ce qu’on lui avait retiré. Et il le fit, dans la poursuite des opérations de guerre, telle que Wellington l’avait appréhendée, jusqu’à la plus grande misère et le plus grand désastre pour l’Europe. La vision développée en 1815 par ce soldat apaisant fit preuve d’une efficacité autrement plus grande que celle du journaliste/politicien de 1919. Et pourtant, ce fut ce même Clemenceau en personne qui déclara sarcastiquement que “la guerre est une affaire trop sérieuse pour qu’on la laisse aux généraux”.
Le débouché vantistarttiste de la guerre de 1939 — il serait inexact d’appeler cela un accord de paix — dépassa même Versailles en matière de répression et de châtiment. Non seulement les armées allemandes furent-elles totalement dissoutes, mais les dirigeants allemands furent pendus ou emprisonnés. Le gouvernement allemand fut détruit et remplacé par des commissaires du contrôle allié, dont les membres s’attendaient, ils vous le diront eux-mêmes, à y rester pour vingt ans. Cette destruction du gouvernement central a débouché sur la division du pays en deux moitiés, une moitié communiste, et une autre supposément démocratique ; tout à fait comme l’on pourrait imaginer une Grande Bretagne divisée en un Nord communiste à partir de Humber, et un Sud démocratique — ou l’inverse.
La division de l’Allemagne est le fruit de la politique churchillienne d’extirpation, par opposition à la doctrine wellingtonienne prônant la clémence et la conciliation ; et il s’agit là d’un fruit bien peu désirable. Nous n’avons aucune raison de penser que les allemands toléreront une telle division de leur pays un moment de plus qu’ils n’y seront forcés. D’ailleurs, le Dr Adenauer a solennellement promis, le 23 juin 1953, face à une foule de 500 000 personnes, que l’Allemagne de l’Ouest ne “trouverait de repos ni de cesse tant que des allemands derrière le rideau de fer ne seront pas libres et unis avec nous dans la liberté et la paix”. Mais l’exemple meurtri de Corée nous enseigne qu’il est bien plus facile de diviser un pays que de le réunifier. Il est tout à fait certain qu’un vote libre de l’ensemble du peuple allemand déboucherait sur une Allemagne de l’Est rejetant le communisme et fusionnant avec l’Allemagne de l’Ouest. Il est également certain que les autorités de la zone soviétique résisteront à ce vote libre jusqu’au bout, puisque cela sonnerait pour eux le glas du pouvoir, l’exil probable, et peut-être l’heure d’un jugement.
Mais si la pression allemande pour l’union devenait trop forte pour être contenue, alors quoi? Les gouvernements britannique et français poursuivraient-ils leur attitude permettant à l’Allemagne d’acquérir quelques armes, mais seulement à échelle limitée, pour l’empêcher de devenir une “menace”? Dans un tel cas, nous verrions de nouveau rassemblées les conditions des années 1920 et du début des années 1930, et l’émergence d’un nouvel Hitler serait inévitable. Si les allemands réussissent un jour à se débarrasser du joug des russes, qui les vainquirent par la guerre, il est difficile de penser qu’ils se contenteront de vivre selon des règles énoncées par les français, qu’ils battirent sévèrement.
Voir les chapitres précédents : chapitres 1 et 2 chapitres 3 et 4 chapitres 5 et 6 chapitres 7 et 8 chapitres 9 et 10
Notes
- … alsacienne1
- Picture Post — 11 Octobre 1952. Le bruit que cela aurait fait à Nuremberg si les faits avaient été commis par un allemand
… 18B2La loi de défense 18B, adoptée en 1939, permettait l’internement des personnes suspectées de sympathies nazies, et avait pour effet de suspendre leurs droits à l’ habeas corpus
… accomplis3en français dans le texte, NdT
… russe4 The Times , 28 février 1945
…”5 Roosevelt and the Russians — Edward R. Stettinius, p. 72
… présente6Et pourtant, onze mois plus tôt, en février 1941, M. Churchill signalait dans une lettre au général Wavekk “l’attitude de plus en plus menaçante du Japon et la possibilité évidente que ce pays ne nous attaque dans un avenir proche”
… instructifs7 Second World War , Vol. II, page 180
… Morton8devenu depuis Sir Desmond Morton
… contemporain9 Daily Telegraph du 1er juillet 1952
… guerre10 Britain Looks at Germany p. 35.
… Belgique11 Gallant Little Belgium , voir https://www.youtube.com/watch?v=E5yp1CzU1FQ,NdT
… 194012Les tchèques constituèrent l’exception
… colline13 The Other Side of the Hill, NdT
… honneur14Reporté tel quel par Liddell Hart. Voir l’appendice IV pour de plus amples informations
… fois15 History of England -— G. M. Trevelyan, p. 572
… précisément16Churchill, Vol. I, p. 482
… victoire17Churchill, Vol. II, p. 405
… zone18“ Area bombing ”, NdT
… magnitude19Hansard, pour le 2 juin 1942
… interrompue20Dans le débat estimatif de l’armée en 1944, le secrétaire d’État à la guerre déclara que la quantité de travail employée à la production de bombardiers lourds était plus importante que sur tous les autres équipements de l’armée. Hansard, 2 mars 1944
… pratiquée21Les forces armées japonaises avaient déjà été vaincues quand la bombe atomique fut lâchée
… exécution22 Wellington’s Despatches , XII, p. 596
Note du Saker Francophone Nous publions notre traduction du livre de Russell Grenfell, en 1953, sous le titre "Haine Inconditionnelle". L'ouvrage traite de géopolitique de l'Europe du XIXème - XXème siècle, et (surtout) analyse les grossières erreurs politiques britanniques ayant entraîné le Royaume-Uni dans les guerres mondiales. Ce livre est décapant, rafraîchissant, et très instructif. Le livre en anglais est proposé par Ron Unz à la lecture ici. Quand nous l'aurons finalisé, l'ouvrage au format PDF sera mis en ligne ici.
Traduit par Vincent, relu par San pour le Saker Francophone