Par Andrew Korybko – Le 10 avril 2019 – Source orientalreview.org
Les factions que l’on nomme « pouvoirs en place » au Royaume-Uni sont en train de trahir le Brexit, en employant un mélange d’ingénierie sociale et d’élections simulées, afin de fabriquer les fausses narrations qui déclament que la « décision du peuple » est de rester dans l’Union européenne.
Il est désormais flagrant que Theresa May, premier ministre, représente les intérêts des « puissances en place » au Royaume Uni : elle est en train de trahir le Brexit et de faire tout son possible pour empêcher la sortie de son pays de l’UE. Ses tentatives ratées d’établir un accord avec le bloc pour un soi-disant « Brexit doux » apparaissent désormais clairement pour ce qu’elles étaient : rien de plus qu’une ruse. La volonté du peuple, exprimée lors du référendum de 2016, a ainsi été renommée en « Hard Brexit », afin de faire croire à un simple report du Brexit. Et maintenant, après qu’elle a mondialement humilié son pays sur la scène internationale et rendu très compliqué artificiellement ce qui aurait pu être un divorce assez simple, elle profite de ce que cette séquence a soulevé l’opposition contre elle de son parlement pour caresser l’idée d’un second référendum, et se poser la question de purement et simplement renier l’esprit du Brexit.
On fait tranquillement croire au grand public, pendant ce temps, qu’il ne s’agit que du dernier rebondissement de son Brexit chaotique, mais il est très probable que toute la séquence de rebondissements officiels a été préparée bien à l’avance, et avant que le Royaume Uni ait dépassé la date limite de sortie de l’UE, le 29 mars 2019. La seule raison pour laquelle le peuple n’entre pas en révolte réside dans le lent pré-conditionnement qu’il a subi à accepter ce scénario, au travers des techniques d’ingénierie sociale que son propre État lui a fait subir au cours des trois dernières années. On a ainsi non seulement décrédibilisé le Brexit avant même le référendum de 2016, en le dépeignant comme un « fantasme » rêvé par des « racistes, des fascistes et des suprémacistes blancs », mais on a continué de le qualifier ainsi après le vote pour instiller le doute quant à la « moralité » de son résultat. Et cela n’a pas marché, si bien qu’on s’est mis, dans les plus hautes sphères de l’État, à activement organiser le sabotage du processus, et c’est de là que sont sorties les pitreries loufoques exécutées par madame May.
L’État s’est engagé dans une campagne soutenue d’alarmisme, semant la peur quant aux conséquences socio-économiques du Brexit, si bien que certains sondages se sont mis à suggérer que la majorité des électeurs seraient dorénavant partisans d’un « Remain » si on devait voter à nouveau, un scénario qui avait au départ été présenté comme un « fantasme » mais qui est en train de devenir réalité dans les derniers développements. L’électorat n’aurait pas atteint ces « conclusions » par lui-même, alors on l’a bien guidé sur le chemin, par des techniques d’ingénierie sociale mises en oeuvre depuis le référendum. Aucun sondage ne porte le poids politique suffisant dans une « démocratie » tant qu’il n’a pas été sanctionné par une élection en bonne et due forme, si bien que l’on parle à présent d’organiser un second référendum pour « légitimer » une fois pour toute les efforts incessants menés depuis trois ans en vue de trahir le Brexit. Et les « esprits brillants » à l’oeuvre derrière ce complot [il faut bien appeler les choses par leur nom, NdT], se moquent bien des conséquences intérieures d’aller à rebours de la volonté originelle du peuple : tout ce qui les intéresse est de bloquer le Brexit dans l’immédiateté.
La seule chance qui reste d’enrayer ce scénario serait que des membres responsables des administrations militaires, de renseignement, et diplomatiques du Royaume Uni (l’« État profond ») travaillent d’arrache-pied dans l’ombre à mettre en œuvre le Brexit, selon la volonté exprimée par la majorité des électeurs. On ne peut qu’imaginer comment cela pourrait être mis en pratique, mais cela pourrait indéniablement fonctionner, vu comme le gouvernement est manifestement divisé sur le sujet. Les forces mondialistes sont alignées avec les intérêts financiers de la City de Londres, et ne veulent pas du tout de Brexit, mais les forces patriotes, qui ont derrière elles une grande partie du pays, comprennent que la démocratie doit suivre son chemin sans prendre en compte les « regrets des électeurs », fabriqués par un processus d’ingénierie sociale. Mais les fractures géopolitiques qui fissurent le pays ont été tellement exacerbées (en particulier le sujet des « Bremainers » en Écosse) par ce sujet que l’unité même du pays se pose à présent, et ce quels que soient les prochains événements. Et peut-être bien que cela aussi répond aux souhaits des mondialistes.
Andrew Korybko est le commentateur politique américain qui travaille actuellement pour l’agence Sputnik. Il est en troisième cycle de l’Université MGIMO et auteur de la monographie Guerres hybrides : l’approche adaptative indirecte pour un changement de régime (2015). Le livre est disponible en PDF gratuitement et à télécharger ici.
Traduit par Vincent pour le Saker Francophone