Le « XXVIe Congrès du parti de l’OTAN » à Varsovie (un point de vue)


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Par The Saker – Le 10 juillet 2016 – Source thesaker.is

Le sommet de l’OTAN annoncé en grande pompe a finalement eu lieu à Varsovie. Ce fut un succès retentissant, du moins si le critère était que les résultats répondent aux attentes.

  • Porochenko et Nadia Savtchenko ont été conviés et traités comme d’illustres invités ;
  • la Russie a été condamnée pour ses agressions en Géorgie, en Crimée et en Ukraine ;
  • les Polonais ont tapissé Varsovie d’affiches scandant « ACHTUNG RUϟϟIA » ;
  • les pays baltes ont eu chacun droit à un bataillon de l’OTAN pour dissuader l’ours russe ;
  • la Russie a été condamnée pour ne pas avoir respecté l’accord Minsk 2 ;
  • la quantité de paroles en l’air était telle, que le réchauffement climatique pourrait avoir augmenté d’au moins dix degrés.

Franchement, je n’ai pas tellement le goût de commenter pareilles inepties. D’autant plus que toutes ces pseudo décisions ne constituaient même pas le véritable objectif de ce sommet. Le sommet poursuivait un objectif totalement différent, qui a été pleinement atteint lui aussi.

L’objet réel du sommet était d’amener chaque chef politique occidental à choisir entre la réalité et l’idéologie. Tous ont fait évidemment le bon choix. Ils ont catégoriquement rejeté la réalité et accueilli avec enthousiasme l’idéologie.

Voilà pourquoi on a accusé la Russie de ne pas se conformer à un accord qui ne la concerne même pas.

Voilà pourquoi on a accusé la Russie d’agression contre la Géorgie, même si l’UE a conclu que c’est la Géorgie qui avait déclenché la guerre.

Voilà pourquoi on a dénoncé une menace russe inexistante.

Voilà pourquoi on a déclaré que quelques bataillons de l’OTAN avaient un effet dissuasif sur les forces armées russes.

Voilà pourquoi on a dénoncé l’invasion du Donbass par la Russie.

Voilà pourquoi on a fait fi des résultats d’un référendum cent pour cent légitime en Crimée.

La détermination unanime de tous les chefs d’État occidentaux d’ignorer la réalité et de proclamer haut et fort, publiquement, que cette absurdité idéologique constitue la vérité était, en réalité, l’objectif attendu du sommet.

Les Anglo-sionistes adorent envoyer des messages et ils en ont exprimés plusieurs de façon claire et nette :

Message à la Russie  –  Vous avez osé vous opposer à nous, en pensant que vous étiez dans votre bon droit. Nous avons une petite nouvelle pour vous : nous n’en avons rien à foutre de la Russie et de la réalité ! Soit vous êtes avec nous (c.-à-d. sous notre domination), soit vous serez traités en parias.

Message à la population européenne – Si quiconque songe à nous défier, vous avez affaire à un front uni. Le front uni de la superstructure parasitaire qui dirige l’UE au nom du 1 % formant les élites locales qui ont dépouillé la Russie et au nom de l’empire anglo-sioniste. Ne songez même pas à l’indépendance, à la liberté et à d’autres non-sens du genre. Nous dirigeons la planète et vous obéissez.

Message au reste de la planète – Gare à vous, si vous songez à joindre la Russie ou même à la soutenir, car si vous passez aux actes, nous vous écraserons comme un insecte. Nous dirigeons la planète et nous soutenons et détruisons qui nous voulons.

Dernier message, mais pas le moindre :

Message à eux-mêmes – Nous exerçons le contrôle, nous l’emporterons, les Russes devront fléchir, nous sommes invulnérables.

Je dirais que ce dernier message est le plus important d’entre tous. Parce qu’il est évident que les dirigeants anglo-sionistes ont peur. Ils ont surtout peur de la Russie bien sûr, mais craignent encore plus ce que la Russie représente. Ils ont peur d’un dollar que rien ne soutient, pas même le pétrole et les porte-avions de l’US Navy. Ils ont peur parce qu’ils ont une conscience grandissante que de moins en moins de gens les craignent. Ils ont peur que des pays comme la Russie, l’Iran ou la Chine déclarent ouvertement qu’il adopteront un autre système économique et modèle de civilisation. Mais ce qui les terrorise plus que tout, c’est de se rendre compte que leurs propres citoyens (en théorie du moins) les haïssent et les méprisent.

Ce qui est le plus pathétique dans tout cela, c’est la façon dont les Anglo-sionistes interprètent mal les Russes. Du point de vue de la culture russe, tout ce que l’Occident et l’OTAN font, est perçu comme un signe de faiblesse. Pourquoi une alliance forte perd-elle son temps à proférer des menaces qui n’ont aucun sens (présence de bataillons de l’OTAN ou de boucliers antimissiles) ? Pourquoi une alliance forte cherche-t-elle refuge dans la force du nombre ? Pourquoi une alliance forte agit-elle comme si la réalité n’existait pas ? Du point de vue des Russes, toutes ces démonstrations de force et de démagogie constituent un immense aveu de faiblesse, qui ne les impressionne pas du tout. Ils ne craignent pas non plus d’exprimer leur mépris envers ce qu’ils considèrent comme un étalage pathétique d’incompétence par des dirigeants occidentaux complètement paumés.

Ce qui ne veut pas dire que les Russes ne sont pas inquiets. Ils le sont. Énormément. Parce qu’ils comprennent aussi que, malgré leur manque de vision politique pathétique et même de professionnalisme élémentaire, les Anglo-sionistes sont encore très dangereux. Il n’est pas nécessaire d’être très intelligent pour déclencher une guerre nucléaire. Les Russes ont beau considérer maintenant ouvertement l’Empire avec mépris, ils savent fort bien que c’est cette absence de compétence même, en Occident, qui nécessitera une dose immense de prudence et de patience de la part des dirigeants russes, pour que l’Empire atterrisse en douceur sans déclencher une guerre nucléaire à l’échelle planétaire.

On pourrait dire que la Russie craint beaucoup plus la faiblesse des USA, de l’OTAN et de l’UE, que la force des USA, de l’OTAN et de l’UE.

Enfin, bien des Russes réalisent que la civilisation occidentale est tout autant discréditée, moralement défaillante et pratiquement morte, que la civilisation soviétique à la fin des années 1980. Il n’y a plus de valeurs occidentales comme telles, qui ne font pas l’objet de blagues ou de sarcasmes méprisants. Personne n’y croit plus, mais tous font comme si. Tous ces grands fondements conceptuels formés de notions comme la démocratie, les droits de la personne, la liberté et la justice se sont effondrés de manière irréparable. La bonne nouvelle, c’est que cette chute n’est pas définitive. À l’instar de la Russie qui s’est redéfinie après 2000, l’Occident fera de même, tant aux USA qu’en Europe. Je n’ai aucune peine à m’imaginer l’Occident revenir à ses racines historiques, mais d’une façon toute moderne. Tout comme la Russie de 2000 à 2016 n’est pas la Russie d’avant 1917, le nouvel Occident se renouvellera, mais en ayant des racines toujours ancrées dans un lointain passé. Pour en arriver là, l’Occident devra passer par un processus de désintégration douloureux et extrêmement dangereux, semblable à ce qui s’est produit en Union soviétique entre 1980 et 2000.

Dmitry Orlov a parfaitement raison. La chute de l’Occident est inévitable et l’étude de la chute de l’Union soviétique nous permet de tirer bien des leçons intéressantes.

Mais pour le moment, nous sommes coincés dans la réalité actuelle. Le monde est divisé en deux. D’un côté, un Empire faible, déconnecté, mourant. De l’autre, pratiquement tout le reste de l’humanité. À l’intérieur de ce monde mourant et instable, le sommet de l’OTAN à Varsovie a joué le même rôle que le XXVIe Congrès du Parti communiste de l’Union soviétique en 1981 : une démonstration d’unité touchante, face à une chute inévitable.

En nous remémorant ce qui s’est passé en URSS et en Russie au cours des deux décennies qui ont suivi, une conclusion s’impose : nous sommes sur le point d’entrer dans une des périodes les plus difficiles et dangereuses de l’Histoire.

The Saker

Traduit par Daniel, relu par Catherine pour le Saker Francophone

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